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A-388-79
Terrick Bullion (Requérant) c.
Le Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 17 et 19 octobre 1979.
Examen judiciaire Fonction publique Demande d'exa- men et d'annulation de la décision du Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique qui a rejeté un appel fondé sur l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique Le requérant avait été exclu d'un concours au motif qu'il occupait un poste dont le maximum de l'échelle de traitement était inférieur au minimum prescrit pour ce con- cours Il échet d'examiner si l'admissibilité à un concours restreint dans la Fonction publique peut être limitée en fonc- tion d'un niveau de salaire minimum, sans tenir compte de la nature des fonctions Il échet d'examiner si le Comité d'appel a commis une erreur en concluant que le requérant occupait un poste dont le maximum de l'échelle de traitement était inférieur au montant prescrit Demande rejetée, le juge Le Dain étant dissident Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 13b) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
M. W. Wright, c.r. pour le requérant. D. T. Sgayias pour l'intimé.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit ici d'une demande au titre de l'article 28 réclamant l'examen et l'annula- tion d'une décision rendue par un Comité d'appel établi en vertu de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, par laquelle fut rejeté un appel interjeté par le requé- rant au titre de l'article 21 de ladite Loi.
Au printemps 1979, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a tenu un concours restreint pour le poste de Chef du génie et des travaux (EG-ESS-9) (anglais). L'avis indiquait que le concours était:
ADMISSIBILITÉ: tous les employés au Canada qui occupent des postes dont le maximum de l'échelle de traitement est au moins de $22,600 par année.
Le requérant a posé sa candidature de la manière prescrite dans l'avis, mais n'a pas été autorisé à participer au concours au motif qu'il occupait un poste, dont le maximum de l'échelle de traitement était inférieur au minimum prescrit de $22,600.
Le requérant prétend qu'il a été exclu du con- cours à tort et que, par suite, aucune nomination ne doit être faite au titre de ce concours. Il fonde sa prétention sur deux motifs, savoir:
(1) que la disposition limitant le droit de parti- ciper au concours aux seuls employés qui occu- pent un poste, dont le maximum de l'échelle de traitement est au moins de $22,600 est inaccep- table et contraire au principe du mérite; et
(2) qu'en tout état de cause, le Comité d'appel a erré en déclarant qu'il occupe un poste dont le maximum de l'échelle de traitement est inférieur à $22,600.
Le premier motif ne soulève qu'une seule vérita- ble question: en l'espèce, le champ du concours a-t-il été déterminé conformément à l'alinéa 13b) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique? Dans l'affirmative, il serait alors sans importance que cette détermination semble entrer en conflit avec le principe du mérite.
L'alinéa 13b) est rédigé dans les termes suivants:
13. Avant de tenir un concours, la Commission doit
b) dans le cas d'un concours restreint, déterminer la partie, s'il en est, de la Fonction publique, ainsi que la nature des fonctions et le niveau des postes, s'il en est, les candidats éventuels doivent obligatoirement être employés afin d'être admissibles à une nomination.
Si je comprends bien le libellé de cet article, la Commission, lorsqu'elle décide de limiter le champ d'un concours restreint, doit prendre les disposi tions voulues à cet égard avant de le tenir et ne peut imposer comme limites que celles autorisées par ledit article. Toutefois, il est clair qu'elle n'est jamais obligée de limiter le champ d'un concours restreint et que, dans tous les cas, elle a entière latitude de fixer les limites (pourvu qu'elles soient autorisées par l'article 13).
En l'espèce, elle a limité le champ du concours en fonction du maximum de l'échelle de traitement pour les postes occupés par les candidats éventuels. A mon sens, il ne s'agit ici que d'une façon som- maire de le limiter aux employés qui occupent des postes d'une nature et d'un niveau tels qu'on y a rattaché un certain salaire maximum, limite que l'article 13 me paraît autoriser. Toutefois, il en serait autrement si elle avait limité le champ du concours en fonction d'un facteur sans rapport avec le niveau des postes occupés par les candidats éventuels comme, par exemple, la période pendant laquelle ils les ont occupés'.
Au cours de son argumentation, l'avocat a reconnu qu'il n'aurait eu aucune raison d'élever des objections contre la façon dont le champ du concours a été limité en l'espèce s'il l'avait été en plus aux personnes occupant des postes compor- tant des fonctions de même nature que celles du poste à combler. Il ressort de cette déclaration que le vrai grief du requérant n'est pas l'illégalité de la limite imposée, mais l'absence d'autres limites. Toutefois, comme je l'ai dit, la Commission n'est nullement obligée de limiter le champ d'un con- cours restreint.
En second lieu, le requérant prétend que le Comité d'appel a estimé à tort que le salaire maximum afférent à son poste était inférieur à $22,600. Je rejette aussi cette prétention. Il est vrai que, d'après le dossier, le salaire réel du requérant, au moment du concours, dépassait le minimum prescrit. Toutefois, le Comité n'avait pas à déterminer le salaire gagné par le requérant, mais le salaire maximum fixé pour son poste. L'avocat n'a rien dit qui indique que le Comité a commis à cet égard une erreur révisable en vertu de l'article 28. II convient de souligner cependant que tous s'accordent à dire que le Comité a erré quand, à la fin de sa décision, il a déclaré que «l'indemnité de formation des détenus» touchée par le requérant et qui a amené son salaire au-dessus du minimum prescrit, lui avait été versée en vertu de l'annexe J de la convention collective. Or, l'an- nexe J ne fait même pas allusion à ce type d'«in- demnité». Toutefois, il ne s'ensuit pas pour autant
Voir Delanoy c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique [1977] 1 C.F. 562.
que le Comité aurait de nouveau erré quand il a statué que «l'indemnité» en question ne faisait pas partie du salaire rattaché au poste occupé par le requérant.
Pour ces raisons, je suis d'avis de rejeter la demande.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE LE DAIN (dissident): En l'espèce, le point litigieux est le suivant: l'admissibilité à un concours restreint dans la Fonction publique peut- elle être limitée en fonction d'un niveau de salaire minimum, sans tenir compte de la nature des fonctions des postes que les candidats occupent?
Le pouvoir de limiter l'admissibilité à un con- cours restreint, dont dispose la Commission de la Fonction publique, lui est conféré par l'article 13 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32. Le voici:
13. Avant de tenir un concours, la Commission doit
a) déterminer la région les postulants sont tenus de résider afin d'être admissibles à une nomination; et
b) dans le cas d'un concours restreint, déterminer la partie, s'il en est, de la Fonction publique, ainsi que la nature des fonctions et le niveau des postes, s'il en est, les candidats éventuels doivent obligatoirement être employés afin d'être admissibles à une nomination.
Cet article enjoint à la Commission, avant de tenir un concours restreint, de déterminer les res trictions, s'il en est, qui doivent être imposées en matière d'admissibilité concernant la région les candidats doivent résider, la partie de la Fonction publique ils doivent être employés ainsi que la nature de leurs fonctions et le niveau de leurs postes. La Commission n'est nullement obligée d'imposer des restrictions, mais l'article 13 indique celles qu'elle peut imposer. A mon sens, lorsqu'il parle du niveau des postes, il envisage nécessaire- ment, en raison du principe du mérite affirmé à l'article 10 de la Loi, le niveau d'un poste par rapport aux postes d'une certaine nature occupa- tionnelle. On a tout lieu de présumer que les restrictions en matière d'admissibilité que l'article 13 autorise doivent avoir quelque rapport avec la
nature du poste à combler, eu égard aux qualifica tions requises et aux fonctions qu'il comporte. Voir: Delanoy c. Le Comité d'appel de la Com mission de la Fonction publique [1977] 1 C.F. 562, aux pp. 568 et 569.
En l'espèce, on prétend qu'en restreignant l'ad- missibilité aux employés «qui occupent des postes dont le maximum de l'échelle de traitement est au moins de $22,600 par année», la Commission a en fait déterminé la nature des fonctions et le niveau des postes que les candidats éventuels doivent occuper pour être admissibles à une nomination. Bien que cette restriction ait pour effet nécessaire ou accessoire d'inclure des postes d'une certaine nature occupationnelle et d'un certain niveau et d'en exclure d'autres, je ne pense pas qu'il s'agisse du genre de détermination que l'article 13 envi sage. La Commission ne s'est pas du tout arrêtée au critère du niveau de poste, tel que celui-ci se rattache à la nature des fonctions. Elle a choisi le critère du niveau de salaire minimum, sans tenir compte de la nature des fonctions des postes. Ce faisant, elle a adopté, à mon avis, un critère de restriction en matière d'admissibilité que la Loi n'autorise pas. C'est pourquoi j'estime que le Comité d'appel a erré en droit lorsqu'il a rejeté l'appel sur ce motif.
Vu cette conclusion, il me parait inutile d'expri- mer une opinion sur le second motif invoqué pour attaquer la décision du Comité d'appel, mais je suis néanmoins d'avis qu'il aurait lui aussi réussir. A l'audition de la demande introduite au titre de l'article 28, tous se sont accordés à dire que l'annexe J de la convention collective, à laquelle le Comité d'appel se réfère dans ses motifs, ne traite ni de près ni de loin de l'indemnité de formation des détenus, dont la nature est en litige. Dans ces circonstances, je suis d'avis que les conclusions du Comité sur ce point reposent sur une erreur de droit et doivent, par conséquent, être infirmées.
J'accueillerais donc la demande, j'annulerais la décision du Comité d'appel et je lui renverrais l'affaire pour décision, au motif que la restriction imposée en matière d'admissibilité par les mots «dont le maximum de l'échelle de traitement est au moins de $22,600 par année», qui figurent dans l'avis de concours, n'est pas autorisée par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
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