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T-2803-76
Agence de Sécurité Générale Inc. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Marceau— Québec, 21 et 22 novembre 1979; Ottawa, 17 janvier 1980.
Couronne Contrats Des soumissions relatives à un contrat incluaient certaines sommes au titre des salaires cal- culés selon le taux de salaire minimum à la date du contrat Contrat modifié lors de la première hausse du salaire mini mum pour tenir compte de l'accroissement des coûts de la demanderesse Lors d'une deuxième hausse du salaire mini mum, la défenderesse a refusé de modifier le contrat, souligné qu'elle n'avait pas d'obligation au-delà du contrat initial et réclamé le remboursement du trop-payé La demanderesse a-t-elle droit à une majoration des paiements pour tenir compte de l'accroissement des coûts résultant des hausses du salaire minimum Code civil du Québec, articles 1013, 1234.
Suivant un contrat de trois ans signé en 1973, la demande- resse s'engageait à assurer les services de stationnement à l'aéroport de Québec. La soumission présentée proposait une certaine somme pour les honoraires et pour les salaires calculés au taux du salaire minimum en vigueur à l'époque. Le contrat a été modifié deux fois par des accords complémentaires. La deuxième modification reflétait l'augmentation du coût des salaires résultant d'une hausse du salaire minimum. Quand une deuxième hausse du salaire minimum se produisit, le ministère des Transports procéda à une analyse des termes du contrat: il conclut que la demanderesse n'avait droit à aucun rembourse- ment de salaires au-delà du montant prévu au contrat et demanda le remboursement du trop-payé. La demanderesse poursuivit l'exécution du contrat plutôt que de le résilier comme elle en avait le choix, et elle intenta la présente action, soute- nant que le sous-alinéa (iv) de l'alinéa a) de l'article 22, relatif aux augmentations de "bénéfices marginaux", visait également les hausses du salaire minimum.
Arrêt: l'action est rejetée. L'expression "bénéfices margi- naux" ne comprend pas les hausses de salaire minimum. `Béné- fices marginaux" et "salaire" ne sauraient être pris comme désignant la même réalité, pas plus dans le langage courant, que dans le langage juridique, ou dans celui des affaires d'ailleurs. Pour certaines fins, ces réalités peuvent être traitées sur le même pied, en tant que parties composantes de la rémunération d'un travailleur, mais cela ne permet pas de les confondre. Ces termes ne sont pas synonymes. On ne peut affirmer qu'un contrat doit être interprété de façon à donner effet à la commune intention des parties, et que c'est à cette commune intention qu'il faut s'en remettre. Il ne saurait être question d'interpréter autrement que dans son sens littéral une clause non équivoque d'un contrat; c'est un principe fonda- mental d'interprétation que l'article 1013 du Code civil, ne manque pas justement de confirmer. En outre, on peut s'inter- roger sur la valeur d'une preuve testimoniale qui chercherait à contredire les termes d'un contrat valablement fait. Enfin et surtout, la preuve reposant uniquement sur le témoignage du
président de la demanderesse est difficilement concluante. La demanderesse a également fait valoir que le contrat en question a donné lieu à deux accords complémentaires visant précisé- ment à donner effet aux hausses de salaire minimum, et que, pendant plus d'un an, on a remboursé sans protester les salaires majorés. On ne peut soutenir que les termes du contrat auraient été modifiés au cours de son exécution, car on ne peut dire que les accords supplémentaires ont été passés dans cette intention ou que les remboursements faits sans objection doivent être interprétés en ce sens. A leur face même les accords complé- mentaires confirmaient expressément le maintien intégral de toutes les clauses du contrat. Leur seul et unique but était clairement de corriger, à l'annexe, le chiffre indiqué quant au salaire minimum que l'entrepreneur devait respecter.
ACTION. AVOCATS:
G. Vaillancourt pour la demanderesse. Y. Brisson pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin & Associés, Québec, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE MARCEAU: La demanderesse réclame de la défenderesse une somme de $20,800, qu'elle dit être la balance de la rémunération à laquelle elle avait droit pour des services rendus en vertu d'un contrat. La défenderesse nie être endettée envers la demanderesse aux termes du contrat dont il s'agit; elle prétend même lui avoir versé quelque $11,000 de plus que ce qu'elle lui devait» La mésentente ne porte pas sur une question de calcul, ni non plus sur la manière dont le travail aurait été fait. C'est la portée exacte de certaines clauses de ce contrat qui a lié les parties et partant les conditions dans lesquelles il devait être exécuté qui est en cause. Problème essentiellement d'interpré- tation donc, mais qu'il faut poser et résoudre à partir d'une série de faits sur lesquels je devrai m'attarder.
' La défenderesse réclamait le remboursement de la somme dans une demande reconventionnelle qu'elle avait jointe à sa défense mais dont elle se désista à la fin de l'audience, réservant ses recours.
En juin 1973, la défenderesse, plus précisément son ministre des Transports, fit, par la voix des journaux, des appels d'offres pour la gérance et l'exploitation de son parc de stationnement public à l'aéroport de Québec. Le Ministère voulait con- fier à une entreprise privée le soin de fournir la main-d'oeuvre requise pour tenir en bonne opéra- tion le terrain de stationnement, en assurer la surveillance et collecter des usagers les taxes exigi- bles. Un cahier des charges et spécifications fut envoyé à ceux qui en firent la demande. Le cahier précisait que le contrat serait d'une durée de trois ans, commençant le ou vers le 1" septembre 1973. Il donnait toutes les clauses et conditions du con- trat à être octroyé. Il expliquait notamment que l'entrepreneur devait s'engager à fournir et à rémunérer la main-d'oeuvre requise pour tenir le parc en opération 18 heures par jour, Sa Majesté s'obligeant de son côté à rembourser les salaires effectivement payés et à verser des honoraires de gestion. Les offres des soumissionnaires devaient naturellement porter sur le coût total annuel que représenteraient ces salaires et honoraires. Une réunion d'information était prévue pour répondre aux interrogations possibles des intéressés.
La demanderesse se fit envoyer le cahier des spécifications. Son président assista à la réunion d'information; il reçut, par télégramme, le lende- main, en même temps que les autres participants, quelques précisions relatives à des questions soule- vées la veille et non pleinement élucidées; il solli- cita même personnellement quelques renseigne- ments additionnels auprès d'un préposé du Ministère. Elle était définitivement intéressée; elle présenta sa soumission. L'offre qu'elle y faisait suggérait un coût total pour trois ans de $77,608.92, $17,072.64 par année en salaires et le reste en honoraires. Il convient de remarquer tout de suite que l'offre prévoyait des salaires au taux minimum alors imposé par la Loi sur les justes salaires et les heures de travail, S.R.C. 1970, c. L-3, dont les dispositions étaient nécessairement applicables (articles 3 et suiv. de la Loi), et à laquelle référait d'ailleurs une annexe attachée au cahier des charges. C'était l'offre la plus basse. La demanderesse obtint le contrat.
Le contrat ne fut en fait signé que le 19 décem- bre 1973, longtemps après le début des opérations le 1 °r novembre. Mais il était déjà autorisé depuis
le 29 août précédent (T.B. 72-1768 du 29 août 1973) et ses termes étaient acquis. Il reprenait évidemment en tous points, comme il se devait, les clauses et conditions indiquées dans le cahier des charges, complétées des données et chiffres de la soumission qu'il visait à confirmer. C'était son article 22 qui précisait les obligations de la défen- deresse. II comprenait deux paragraphes. Le pre mier, a), lui-même divisé en quatre sous-paragra- phes, avait trait aux salaires et gages; le second, b), aux honoraires de gestion. II convient de lire le texte introductif de l'article, l'alinéa de présenta- tion du paragraphe a) et le premier sous-paragra- phe (i):
22. En considération de ce qui précède et de l'observation et de l'exécution par la Compagnie de stipulations, clauses condition- nelles et conditions contenues dans le présent accord et qui doivent être observées et exécutées par la Compagnie, Sa Majesté, relativement aux frais et dépenses engagés par la Compagnie pour l'exécution desdits services et à titre de rému- nération totale, paiera à la Compagnie les sommes d'argent ci-après.
a) Les dépenses réelles et raisonnables payées par la Compa- gnie, en salaires et gages, à ses employés pour l'exécution desdits services mais n'excédant pas les montants annuels des années contractuelles conformément à cette soumission.
(i) Une somme en salaires et gages n'excédant pas $17,072.64 pour l'année contractuelle commençant le ler novembre 1973 et se terminant le 31 octobre 1974.
Une somme en salaires et gages n'excédant pas $17,072.64 pour l'année contractuelle commençant le ler novembre 1974 et se terminant le 31 octobre 1975.
Une somme en salaires et gages n'excédant pas $17,072.64 pour l'année contractuelle commençant le ler novembre 1975 et se terminant le 31 octobre 1976.
Au moment était signé ce contrat qui donnait effet en tous points, on l'a noté, à l'appel d'offre et à la soumission, on savait déjà qu'il devrait être quelque peu modifié. Dès avant le début des opéra- tions en novembre, le Ministère avait pensé laisser le parc ouvert sans interruption, plutôt que 18 heures par jour seulement, et la demanderesse avait accepté la proposition, sauf naturellement à ajuster en conséquence les chiffres de sa soumis- sion et ceux du contrat. Il fallait pour cela une nouvelle autorisation du Conseil du Trésor puisque les coûts étaient augmentés. Les formalités furent complétées le 25 avril 1974, et le 10 juin, un accord complémentaire était signé qui venait modifier rétroactivement l'article 22 du contrat, portant notamment de $17,072.64 $22,763.52 les montants maxima annuels payables en salaires et gages.
Tout semblait clair, donc. Mais voici d'où sont venues les difficultés. Le lei avril 1974, le salaire minimum payable aux termes de la Loi sur les justes salaires et les heures de travail fut porté de $1.90 $2.20. La demanderesse devait automati- quement s'y conformer et, de toute façon, le Ministère exigea la signature d'un accord complé- mentaire pour remplacer l'annexe attachée au con- trat qui mentionnait, on s'en souvient, l'ancien taux. Elle commença alors à payer ses employés au nouveau taux et dans ses rapports périodiques réclama intégralement le remboursement des salai- res ainsi majorés. Ses réclamations furent satisfai- tes. Un an plus tard, le 13 juin 1975, le salaire minimum fédéral était de nouveau modifié et porté cette fois à $3.10. Un nouvel accord complémen- taire vint corriger encore une fois l'annexe. Mais les réclamations faites en fonction des nouveaux taux soulevèrent des doutes et suscitèrent une révi- sion de la situation, car les sommes autorisées paraissaient devoir être insuffisantes. Les services financiers du Ministère procédèrent à une analyse des paiements pendant que les services juridiques scrutèrent les termes du contrat. On en vint à la conclusion que la demanderesse n'avait droit à aucun remboursement de salaires au-delà des mon- tants maximums prévus, peu importe les augmen tations dont avait pu être l'objet le salaire mini mum fédéral. Il lui fallait donc rembourser les sommes qui lui avaient été payées en trop depuis l'augmentation du ler avril de l'année précédente et s'en tenir pour l'avenir aux obligations strictes auxquelles elle était tenue, aussi onéreuses qu'elles fussent devenues. La demanderesse protesta évi- demment, mais plutôt que de résilier son contrat, comme on lui en donna le choix, elle préféra en poursuivre l'exécution, tout en réservant ses recours. Et en juillet 1976, elle intenta la présente action.
Voilà les faits de la cause et les circonstances dans lesquelles le litige est né. Reste à préciser les positions respectives des parties.
La position de la défenderesse est toute indi- quée. Comme les officiers du Ministère au moment de leur intervention en juin 1975, elle s'en remet au contrat, et à première vue, avec raison. L'article 22, que j'ai reproduit en partie ci-haut, précisait de façon non équivoque que les dépenses en salaires et
gages ne devaient pas excéder les montants annuels prévus dans la soumission. Il établissait des limites, des «plafonds» pour ainsi dire, qui étaient évidemment de l'essence même du contrat et s'imposaient, car si le Ministère avait pensé contracter pour trois ans et avait lancé, à cette fin, ses appels d'offres, c'était dans le but évident d'être fixé sur les coûts, donc sur les salaires annuels payables pour la main-d'oeuvre, la plus grande partie de ces coûts.
La demanderesse ne conteste pas l'impression initiale que laisse la lecture du contrat. Elle pré- tend cependant qu'une analyse plus serrée de l'en- semble de ses clauses monétaires conduit à la conclusion que les coûts prévus restaient quand même susceptibles d'être augmentés, dans l'éven- tualité d'une augmentation des salaires minimums imposés par la Loi; que c'est, en tout cas, l'inter- prétation qu'elle-même et des officiers du Minis- tère ont donnée aux conditions du cahier des char ges; et que, de toute façon, la défenderesse a consenti, après la signature du contrat, à hausser les «plafonds» en fonction des nouveaux taux mini mums applicables. On retrouve les trois préten- tions alternatives sur lesquelles la demanderesse fonde son action. C'est en en vérifiant la valeur que l'on pourra, oui ou non, lui donner raison.
a) La demanderesse voudrait d'abord qu'une analyse complète de l'article 22 force à conclure que les «plafonds» convenus devaient effectivement être relevés, si les salaires minimums imposés par la Loi étaient augmentés. Elle s'appuie sur un des sous-paragraphes du paragraphe a) de l'article 22 qui se lit comme suit:
Si pendant le terme du présent accord, certaine autorité édicte une loi à l'effet de payer aux employés de la Compagnie des bénéfices marginaux en sus de ceux en vigueur en date du présent accord ou, si un amendement à la présente loi stipule que la Compagnie devra contribuer davantage auxdits bénéfices marginaux, le Ministre pourra augmenter les sommes consen- ties à l'article 22 a) (i) jusqu'à concurrence des coûts additionnels.
La demanderesse suggère que l'expression «bénéfices marginaux» comprend les hausses de salaire minimum, et pour donner du poids à sa suggestion elle cite des décisions qui auraient, pour
certaines fins, assimilé «bénéfices marginaux» et «salaire» 2 . C'est une suggestion qui me semble intenable. «Bénéfices marginaux» et «salaire» ne sauraient être pris comme désignant la même réa- lité, pas plus dans le langage courant, que dans le langage juridique, ou dans celui des affaires d'ail- leurs. Que pour certaines fins, ces réalités soient traitées sur le même pied, en tant que parties composantes de la rémunération d'un travailleur, c'est normal, mais cela ne permet pas de les con- fondre. Les termes ne sont pas synonymes. La portée que la demanderesse prétend attribuer à cette clause 22a)(iv) ne correspond tout simple- ment pas à ce qu'elle exprime. L'interprétation qu'elle suggère n'est pas possible.
b) C'est pourtant, P9ursuit la demanderesse dans sa deuxième proposition, l'interprétation qu'elle avait donnée à la clause, et qu'un officier du Ministère avait confirmée, d'abord, au cours de la séance d'information sur le cahier des charges plusieurs clauses du contrat ont été discutées, puis, le lendemain, lors d'une entrevue sollicitée par son président. Un contrat, dit-elle, doit s'inter- préter de façon à donner effet à la commune intention des parties, et c'est à cette commune intention qu'elle s'en remet.
Cette deuxième proposition n'est pas plus acceptable que la première. D'abord, il ne saurait être question d'interpréter autrement que dans son sens littéral une clause non équivoque d'un contrat; c'est un principe fondamental d'interprétation que l'article du Code civil québécois auquel le procureur de la demanderesse se réfère, l'article 1013, ne manque pas justement de confirmer. Ensuite, on peut s'interroger sur la valeur d'une preuve testimoniale qui chercherait à contredire les termes d'un contrat valablement fait, si on veut aussi s'en tenir au Code civil et aux règles de preuve qu'il édicte (article 1234). Enfin et surtout, la preuve à laquelle on fait état est difficilement concluante, elle qui repose uniquement sur le témoignage du président de la demanderesse, qui nous dit avoir compris, à partir des propos qu'au- rait tenus devant lui un officier du Ministère, que la clause relative aux bénéfices marginaux couvrait
2 Elle cite: C.P.R. Co. c. Fumagalli (1963) 38 D.L.R. (2°) 110; Regina c. Fuller, Ex parte Earles and McKee (1968) 70 D.L.R. (2') 108; Re Whonnock Lumber Co. Ltd. and Minister of Finance (1970) 12 D.L.R. (3e) 298; Menhennet c. Schoen- holz (1971) 20 D.L.R. (3 0 ) 395; Balla c. Corporate-Plan Leasing Ltd. (1973) 35 D.L.R. (3 0 ) 360.
les hausses de salaire minimum. Car, indépendam- ment du fait que l'officier en cause ne se rappelle nullement avoir discuté de la clause, je ne vois pas comment un échange comme celui invoqué, au moment il a eu lieu, et par surcroît avec un officier subalterne, puisse fournir la preuve d'une intention chez la défenderesse autre que celle exprimée dans le contrat.
c) La troisième proposition que fait valoir la demanderesse est sans doute plus attirante que les deux premières. Voici un contrat qui a donné lieu à deux accords complémentaires visant précisément à donner effet aux hausses de salaire minimum, et, pendant plus d'un an, on a remboursé sans protêt les salaires majorés. Mais pour déduire de que les termes du contrat auraient été modifiés au cours de son exécution, ce que soutient la proposi tion, il faudrait pouvoir dire que les accords sup- plémentaires ont été passés dans cette intention ou que les remboursements faits sans objection doi- vent être interprétés en ce sens. Or, il ne me paraît pas possible de l'admettre. A leur face même les accords complémentaires confirmaient expressé- ment le maintien intégral de toutes les clauses du contrat. Leur seul et unique but était clairement de corriger, à l'annexe, le chiffre indiqué quant au salaire minimum que l'entrepreneur devait respec- ter. Ils étaient d'ailleurs attendus car l'annexe attachée au cahier des charges et au contrat initial (de même que les deux qui l'ont remplacée par la suite) comportait la note suivante:
L'entrepreneur doit noter:
a) Que pendant la durée de ce contrat, les taux de salaire énumérés dans l'annexe peuvent être revisés en conformité avec la section 29 des conditions de travail,
D'autre part, le seul fait que les services de comp- tabilité du Ministère ont accepté, dans le cours des opérations régulières, les factures bimensuelles telles que présentées, ne comporte certes pas, en lui-même, la preuve d'une acceptation de la défen- deresse à modifier le contrat et à renoncer aux droits qui lui en résultaient. Il est vrai que des officiers du Ministère ont pensé que la hausse pouvait donner lieu aux réclamations faites, mais s'il fallait que les droits des cocontractants de l'État soient déterminés à partir des réactions, des opinions et des gestes de tous les officiers des ministères, la saine administration du trésor public
deviendrait fort précaire. Cette troisième proposi tion me paraît donc, en définitive, aussi inaccep- table que les deux premières.
A mon avis, la position de la défenderesse est en droit inattaquable. Il y a un contrat; ses termes sont clairs et n'ont pas été subséquemment modi- fiés ni expressément ni tacitement. Les clauses et conditions qu'il contient, aussi rigoureuses qu'elles soient, restent «la loi des parties». La demanderesse n'avait pas droit de réclamer le remboursement des coûts de main-d'oeuvre par-delà les montants ma ximums annuels prévus. Son action n'est pas fondée.
Je me permettrai néanmoins une dernière ré- flexion. S'il est un cas qui m'ait été soumis le droit tel que je le voyais ne semblait pas pleine- ment satisfaire l'équité, c'est bien celui-ci. Sans doute faut-il admettre qu'il y a eu de l'imprudence chez la demanderesse qui aurait prévoir— comme doit nécessairement le faire celui qui sou- missionne pour un contrat de services devant cou- vrir une certaine période de temps—les éventuali- tés susceptibles de se présenter afin de se protéger adéquatement. Sans doute faut-il admettre aussi que le respect du principe de la force obligatoire d'un contrat, peu importe les éventualités qui pour- raient survenir après sa conclusion, paraît essentiel dans un système de soumissions publiques. Mais il reste que, dans le cas présent, on ne saurait préten- dre que les faits et gestes des employés du Minis- tère, ont été, eux, très prudents, et il faut bien voir que l'éventualité dont la survenance a faussé les prévisions de la demanderesse en était une, qui dépendait d'une décision de la défenderesse elle- même. Il me semble que ces éléments devraient être considérés avant que ne soit poursuivie la réclamation en remboursement que faisait valoir la demande reconventionnelle finalement retirée.
De toute façon, l'action ici n'est pas fondée et elle sera rejetée.
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