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T-4365-77
Mount Robson Motor Inn Limited (Demande- resse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Edmonton, 13 septembre; Ottawa, 7 décembre 1979.
Impôt sur le revenu Allocation du coût en capital Droits dans les bâtiments et améliorations (pavage) sur terrain loué, acquis en vertu d'un bail qui prévoyait pour le locataire (la demanderesse en l'espèce) le droit de démonter et d'enlever bâtiments et améliorations Il échet d'examiner si les droits de la demanderesse dans les bâtiments et les améliorations (pavage) ont été proprement classés comme droits dans des biens constitués par une tenure à bail, tombant dans la catégo- rie 13 des Règlements relatifs aux allocations du coût en capital, ou s'ils auraient être classés dans les catégories 1 et 6 Appel accueilli Règlements de l'impôt sur le revenu, art. 1100(1),(2), I 102 ( 2 ) , ( 4 ),( 5 ).
La demanderesse a acquis des droits dans des bâtiments et améliorations (pavage) en vertu d'un accord qui prévoyait la cession à la demanderesse des droits détenus par Mount Robson Motels Limited à titre de locataire d'un terrain donné à bail par la Couronne, ainsi que les droits du locataire dans les hôtels et améliorations, érigés à ses frais, sur ce terrain. Le bail consenti par la Couronne prévoyait le paiement d'un loyer annuel et stipulait qu'à son expiration, le locataire pouvait démonter et enlever du terrain toutes les structures et améliorations. Il échet d'examiner si les droits de la demanderesse dans les bâtiments et les améliorations ont été régulièrement classés par le Minis- tre comme droits dans des biens constitués par une tenure à bail, tombant dans la catégorie 13 des Règlements relatifs aux allocations à l'égard du coût en capital, ou si le Ministre aurait les classer dans les catégories 1 et 6 comme l'a fait la demanderesse dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années 1974 et 1975. La défenderesse soutient que les bâtiments et améliorations étant fixés au terrain, ils en faisaient partie intégrante, et que les droits de la demanderesse à l'égard de ce terrain comme à l'égard des bâtiments et améliorations étaient des droits dans des biens constitués par une tenure à bail.
Arrêt: l'appel est accueilli avec dépens. Il appert que la catégorie 13 vise essentiellement des biens amortissables, c'est-à-dire des biens autres que les biens-fonds, qui sont donnés en location pendant la durée d'un bail, à l'expiration duquel les droits du locataire prennent fin et les biens amortissables reviennent de plein droit au bailleur. En l'espèce, les bâtiments ont été érigés et les améliorations réalisées aux frais du loca- taire initial, lequel avait le droit de les occuper et d'en jouir pendant toute la durée du bail puis, à l'expiration de ce dernier, de les démonter et de les enlever comme s'ils lui appartenaient. En vertu de l'accord et de la cession, la demanderesse jouissait de ce droit pendant l'époque en cause. La Couronne n'a jamais eu le droit de possession ou de jouissance de ces bâtiments et
améliorations et le bail ne lui reconnaît pas le droit d'exiger, à l'expiration de celui-ci, que les bâtiments et améliorations soient laissés sur place à son profit.
Distinction faite avec l'arrêt: Rudnikoff c. La Reine [1974] 2 C.F. 807. Arrêt suivi: Cohen c. Le ministre du Revenu national [1968] 1 R.C.É. 110. Arrêts mentionnés: Ayre and Sons Ltd. c. Le ministre du Revenu national (1955) 14 Tax A.B.C. 1; Dow Holdings Ltd. c. Le ministre du Revenu national 76 DTC 1199.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
John V. Decore, c.r. pour la demanderesse.
L. P. Chambers, c.r. et L. S. Holland pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Decore & Company, Edmonton, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: On nous demande de déterminer en l'espèce si les droits de la demanderesse dans des bâtiments érigés sur un terrain loué et dans des améliorations (pavage) apportées à ce terrain ont été régulière- ment classés par le Ministre comme des droits dans des biens constitués par une tenure à bail et tombant, en tant que tels, dans la catégorie 13 des Règlements relatifs aux allocations à l'égard du coût en capital, ou si le Ministre aurait les classer dans les catégories 1 et 6 comme l'a fait la demanderesse dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années 1974 et 1975.
Les droits en question ont été acquis par la demanderesse par suite d'un accord conclu avec la Mount Robson Motels Limited le 16 mai 1973 ou vers cette date, en vertu duquel furent cédés à la demanderesse les droits que détenait, à titre de locataire la Mount Robson Motels Limited dans des terrains situés dans le parc national de Jasper et loués pour une période de 42 ans en vertu d'un bail consenti par la Couronne en avril 1959 ainsi que les droits que détenait la Mount Robson Motels Limited dans des hôtels construits à ses frais sur ces terrains et dans des améliorations apportées à ceux-ci également à ses frais. En con-
trepartie, la demanderesse a versé un montant de $1,125,000 ainsi réparti: $70,000 pour le loyer des terrains; $960,000 pour les bâtiments; $14,000 pour les améliorations; et le reste de la somme pour les meubles.
Le bail de la Couronne prévoit le versement d'un loyer annuel de $500 jusqu'à expiration (sa durée est de 42 ans). En voici les dispositions pertinentes:
[TRADUCTION] 1. Pendant la durée du bail, le locataire paiera le loyer précité, de même que toutes les taxes, redevances et cotisations afférentes à ces terrains ou exigées de leur locataire.
2. Au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du présent bail, le locataire soumettra au surintendant, en triple exem- plaire, les plans et les devis descriptifs du bâtiment que l'on prévoit construire sur ces terrains, de même qu'un plan des terrains montrant l'emplacement futur de ce bâtiment.
3. Après approbation par le surintendant de ces plans et de ces devis descriptifs, le locataire aura jusqu'au le' avril 1960 pour compléter la construction du bâtiment décrit dans ces plans et devis.
4. Le locataire utilisera ces terrains dans le seul but d'y exploiter un motel et évitera d'y exercer ou de permettre qu'il y soit exercé des activités que le surintendant juge immorales ou abusives.
6. Sans le consentement écrit du Ministre, le locataire ne peut ni sous-louer les lieux, en tout ou en partie, ni céder ou transférer le présent bail.
10. A l'expiration du présent bail, le locataire pourra, à ses frais, démonter et enlever des terrains toutes les structures, installations et améliorations qui y auront été fixées ou placées.
13. Les droits et obligations issus du présent bail se transmet- tent de plein droit aux héritiers et successeurs de Sa Majesté, et aux successeurs et ayants droit du locataire.
Après l'examen de la preuve, je suis d'avis que les bâtiments en cause constituent des installations et ce, qu'ils aient été ou non rivés à la fondation de béton sur laquelle ils reposaient. Il n'est pas clair si, à l'expiration du bail, ces installations auraient pu, en l'absence de la clause 10, être démontées et enlevées par le locataire en vertu du droit que lui reconnaît la common law d'enlever les installations de caractère commercial. Cependant, comme les cours l'ont maintes fois reconnu, les parties à un bail peuvent énoncer leurs propres règles régissant
l'exercice de leurs droits individuels dans ces ins tallations, et ce sont ces règles qui prévalent lors- que les parties décident d'exercer ces droits'. C'est ce que les parties initiales au bail ont fait en l'espèce en y insérant la clause 10 qui reconnaît au locataire le droit de démonter et d'enlever toutes les structures, installations et améliorations.
A mon avis, il importe peu que ce droit soit accordé au locataire «à l'expiration» du bail. La clause a pour but de protéger les droits du loca- taire dans les constructions érigées à ses frais sur les terrains et d'énoncer clairement que la Cou- ronne n'a pas le droit d'exiger que les constructions et améliorations y soient laissées à l'expiration du bail. Certes, il est possible que l'exercice de ce droit puisse s'avérer ni intéressant ni avantageux, mais il faut néanmoins reconnaître que ce droit confère au locataire une force de négociation à l'égard de la Couronne et de tout autre locataire éventuel qu'autrement il n'aurait pas. En outre, ce droit vient compléter le titre de possession que détient le locataire dans les terrains, les bâtiments et les améliorations pendant la durée du bail, en ce qu'il établit que le locataire jouit d'un droit indé- fini à la possession et à la propriété des bâtiments et des améliorations et ce, bien que pendant la durée du bail, ces bâtiments et ces améliorations fassent partie du terrain à titre d'installations et que le titre de possession et le droit de jouissance que détient le locataire dans ces terrains, bâti- ments et améliorations prennent fin à l'expiration du bail de 42 ans. De plus il m'apparaît qu'à aucune des époques en cause, la Couronne n'a été en mesure d'opposer un titre de possession dans ces bâtiments et améliorations, soit au locataire initial, soit à la demanderesse, ou à tout sous-locataire ou créancier sur mortgage. D'ailleurs, elle n'a jamais revendiqué un tel titre et il appert que le loyer est versé uniquement pour la location des terrains.
Examinons maintenant les Règlements de l'im- pôt sur le revenu en vigueur aux époques pertinen- tes. Des modifications leur ont été apportées depuis, mais elles sont sans importance pour les fins du présent appel.
Conformément au paragraphe 1100(1), un con- tribuable a le droit de demander une déduction pour l'allocation du coût en capital à l'égard de ses
' Voir: Williams' The Canadian Law of Landlord and Tenant, 4e édition, paragraphes 128.2 et 128.3, et la jurispru dence qui y est citée, notamment Gray c. McLennan (1886) 3 Man. Law R. 337.
biens tombant dans les catégories comprises dans l'annexe B. Les parcs de stationnement tombent dans la catégorie 1; les édifices en pans de bois, du genre de ceux visés en l'espèce, dans la catégorie 6. Mais à part certaines exceptions non pertinentes en l'espèce, «Les biens constitués par une tenure à bail» tombent dans la catégorie 13 de l'annexe B. Relativement à ces biens, le paragraphe 1100(2) prévoit que les allocations pour coût en capital ne peuvent dépasser le montant calculé en conformité de l'annexe H.
Voici les dispositions pertinentes de l'article 1102:
1102....
Terrain
(2) Les catégories de biens décrits dans l'Annexe B sont censées ne pas comprendre le terrain sur lequel les biens qui y sont décrits ont été construits ou sont situés.
Amélioration ou modification à des biens loués
(4) Pour l'application de l'alinéa b) du premier paragraphe de l'article 1100, le coût en capital comprend le montant dépensé pour apporter une amélioration ou modification à des biens loués autre que le montant dépensé pour
a) la construction d'un édifice ou autre structure,
b) un rajout à un édifice ou autre structure, ou
c) des modifications apportées à des édifices qui changent sensiblement la nature ou le caractère des biens loués.
Edifices sur terrains loués
(5) Lorsque le contribuable est locataire à bail de biens, la mention dans l'Annexe B de biens prenant la forme d'un édifice ou autre structure est censée comprendre la mention de la partie de la tenure à bail acquise en raison du fait que le contribuable
a) a érigé un édifice ou structure sur un terrain loué,
b) a fait un rajout à un édifice ou structure louée, ou
c) a fait des modifications à des biens loués qui en changent sensiblement la nature ou le caractère.
On remarque que les paragraphes (4) et (5) établissent des régimes différents pour le calcul du coût en capital des bâtiments et autres structures construits sur des terrains loués, suivant que le contribuable ayant érigé ces bâtiments et structu res soit le locataire de ces terrains ou suivant qu'il soit le cessionnaire de ce locataire. Mais en aucun cas les terrains sur lesquels sont érigés ces bâti- ments ou structures ne sont considérés comme des biens tombant dans l'une des catégories décrites à l'annexe B.
Il nous faut déterminer en l'espèce si les droits de la demanderesse dans les bâtiments et améliora- tions en question relèvent de la définition que donne la catégorie 13 de «biens constitués par une tenure à bail». Suivant les allégations de la Cou- ronne, ces bâtiments et améliorations font partie intégrante des terrains parce qu'à toutes les épo- ques en cause, ils étaient fixés aux terrains. Par conséquent, puisque la demanderesse est locataire à bail de ces terrains, il s'ensuit qu'elle est loca- taire à bail de ces bâtiments et améliorations et que ses droits y rattachés ne peuvent être autres que des droits dans des biens constitués par une tenure à bail.
Cette Cour a déjà entendu trois affaires dont les circonstances étaient à peu près semblables à celles en l'espèce.
Dans Rudnikoff c. La Reine 2 , la Cour d'appel a confirmé la décision de la Division de première instance en statuant que le droit des cessionnaires d'un bail emphytéotique dans un immeuble cons- truit, sur le terrain loué, par le locataire anté- rieurement à la cession, était un droit dans un bien constitué par une tenure à bail au sens des Règle- ments. Dans cette affaire-là, ni le locataire ni ses cessionnaires ne s'étaient réservés le droit de démonter et d'enlever l'immeuble à l'expiration du bail si bien qu'à cette date, en vertu du droit civil du Québec, l'immeuble devait revenir au bailleur.
Bien qu'elle en vînt à cette conclusion, la Cour n'a pas infirmé une décision antérieurement rendue par la Division de première instance dans Cohen c. M.R.N. 3 il avait été jugé que le droit du contribuable dans un certain immeuble n'était pas un droit dans un bien constitué par une tenure à bail au sens des Règlements, puisque certaines dispositions du bail emphytéotique alors en cause révélaient que, suivant l'intention véritable des parties, l'immeuble à construire par le locataire devait lui appartenir. En effet, il y était prévu qu'à l'expiration du bail, et à moins que le locateur n'exerce le droit qui lui était accordé d'acheter ledit immeuble, le locataire pouvait enlever l'im- meuble ou exiger une prorogation du bail 4 .
2 [1974] 2 C.F. 807.
3 [1968] 1 R.C.É. 110.
4 Voir aussi Ayre and Sons Limited c. M.R.N. (1955) 14 Tax A.B.C. 1 les circonstances sont semblables à celles de l'affaire Cohen et la décision fut la même.
Bien que dans la troisième affaire, Plan A Lea sing Limited c. La Reine', la Division de première instance ait de nouveau conclu en ce sens, les circonstances de cette affaire sont à ce point diffé- rentes de celles en l'espèce qu'elle ne nous est ici d'aucun recours.
Compte tenu du raisonnement du juge Noël (tel était alors son titre) dans l'affaire Cohen et du fait que les terrains eux-mêmes ne tombent dans aucune des catégories de l'annexe B, je suis d'avis qu'il ne faut pas interpréter l'expression «tenure à bail» utilisée dans les Règlements de façon à ce qu'elle englobe des droits de la nature de ceux que détient la demanderesse dans les bâtiments et les améliorations en cause. Ce qu'il faut considérer, ce sont les droits du contribuable pris indépendam- ment des biens auxquels ils se rattachent car seuls ces biens sont visés par les catégories énumérées à l'annexe B. Quel que soit le caractère juridique attribué aux bâtiments et aux améliorations en question dans le cas d'un conflit de droits mettant en cause des parties autres que le bailleur et le locataire, il m'apparaît que la catégorie 13 vise essentiellement des biens amortissables (c'est-à- dire des biens autres que des terrains) qui sont donnés en location pendant la durée d'un bail, mais à l'expiration duquel les droits du locataire prennent fin et les biens amortissables reviennent de plein droit au bailleur. Or, telle n'est pas la situation en l'espèce. En effet, les bâtiments ont été érigés et les améliorations ont été apportées aux frais du locataire initial; celui-ci avait le droit de les occuper et d'en jouir pendant la durée du bail de 42 ans, puis, à l'expiration de ce dernier, de les démonter et de les enlever comme s'ils lui apparte- naient. En vertu de l'accord et de la cession, la demanderesse jouissait donc de ce droit à toutes les époques en cause. La Couronne n'a jamais détenu aucun titre de possession ni droit de jouissance sur les bâtiments et les améliorations et le bail ne lui reconnaît pas le droit d'exiger, à l'expiration de celui-ci, que ces bâtiments et améliorations soient laissés sur terrains à son profit. A mon avis, cette situation ne constitue pas une «tenure à bail» au sens des Règlements.
Au cours des plaidoiries, on s'est référé à la décision rendue par la Commission de révision de
5 [1977] 1 C.F. 73.
l'impôt dans l'affaire Dow Holdings Ltd. c. M.R.N. 6 celle-ci en vint à des conclusions diffé- rentes. Je ne vois pas pourquoi il faudrait faire une distinction entre les circonstances de cette affaire et celles de la présente, du moins en ce qui con- cerne le bail Kalinowski. En effet, il y était expres- sément prévu que Kalinowski avait le droit de démonter et d'enlever, à l'expiration du bail, toutes les structures qu'il avait érigées. Puisqu'il semble, d'après le recueil, qu'un droit semblable n'était pas prévu dans le bail Wiebe, je n'ai pas à commenter la décision de la Commission relativement à ce bail; toutefois, c'est avec déférence que j'avoue ne pouvoir souscrire aux conclusions du savant membre de cette Commission selon lesquelles Kali- nowski, le locataire initial et le cessionnaire de l'autre bail, n'avait, à l'égard des bâtiments cons- truits par lui sur le terrain, autre chose qu'une simple tenure à bail.
Par conséquent, l'appel sera accueilli, avec dépens. La nouvelle cotisation pour l'année 1975 sera renvoyée au Ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, pour les années d'imposition 1974 et 1975, les droits de la demanderesse dans les bâtiments et les améliorations en cause ne tombent pas dans la catégorie 13 de l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le revenu. Dans la mesure la décla- ration prétend faire appel contre une cotisation néant pour l'année 1974, l'action sera rejetée sans frais.
6 76 DTC 1199.
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