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A-683-79
Tadeusz Jakubowski (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Urie et le juge suppléant Kerr—Vancouver, 14 et 15 février 1980.
Examen judiciaire Immigration Demande d'examen et d'annulation de la décision qu'a prise l'arbitre de reprendre l'enquête et de donner l'avis d'interdiction de séjour Après un long ajournement, l'arbitre avait reçu une note de service l'informant que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention La note de service était signée par un agent d'immigration supérieur La lettre informant le requérant de la décision du Ministre était signée «pour» le registraire du comité consultatif sur le statut de réfugié Il échet d'exami- ner si la notification faite par le Ministre au requérant était régulière Il échet d'examiner si le registraire du comité était habilité à exercer les fonctions du Ministre Rien dans le dossier ne va à l'encontre de l'ordonnance destinée à l'arbitre ni ne prouve que celui-ci était incompétent Présomption de compétence L'ordonnance ou instruction est un fondement suffisant pour permettre à l'arbitre de reprendre l'enquête Demande rejetée Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 45(5), 46(1), 118(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
Arrêt appliqué: Ali c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1976] 1 C.F. 185.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
D. J. Rosenbloom pour le requérant. A. D. Louie pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rosenbloom, McCrea & Leggatt, Vancouver, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: M. Louie, il n'est pas nécessaire de vous entendre.
Nous ne sommes pas convaincus que l'arbitre n'était pas habilité à reprendre l'enquête et à
donner l'avis d'interdiction de séjour attaqué dans
la présente demande. Suivant le dossier, après un ajournement de quelques treize mois conformé- ment au paragraphe 45(1) de la Loi sur l'immi- gration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, l'arbitre a reçu une note de service datée du 20 novembre 1979 et signée par un agent d'immigration supé- rieur qui, dans les termes du paragraphe 46(1), l'informait conformément au paragraphe 45(5) que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention et demandait une reprise de l'en- quête. Selon le paragraphe 118(1), cette ordon- nance ou instruction fait foi de son contenu et ne peut être contestée que par le Ministre ou par une personne agissant en son nom ou au nom de Sa Majesté. Ni le Ministre ni une personne agissant en son nom n'ont contesté l'authenticité du docu ment ou son contenu. En elle-même l'ordonnance ou instruction est un fondement suffisant pour permettre à l'arbitre de reprendre l'enquête.
Rien dans le dossier ou dans la preuve produite devant cette Cour ne va à l'encontre de la validité et la régularité de cette ordonnance ou ne prouve que l'arbitre était incompétent. L'avocat du re- quérant a insisté sur la forme de la signature dans une lettre adressée à ce dernier pour l'informer de la décision du Ministre, conformément au paragra- phe 45(5). Il a allégué que, compte tenu de ce que le terme [TRADUCTION] «pour» précède l'expres- sion [TRADUCTION] «le registraire», expression qui suit la signature de G. P. Garvin et est elle-même suivie de la mention [TRADUCTION] «comité con- sultatif sur le statut de réfugié», la lettre ne consti- tue pas un avis écrit conforme au paragraphe 45(5). L'avocat soutient cette thèse nonobstant le fait que le requérant lui-même s'est fondé sur cet avis pour demander à la Commission d'appel de l'immigration d'exercer sa compétence conformé- ment au paragraphe 70(1) de la Loi. A notre avis, pour conférer compétence en vertu du paragraphe 46(1), la forme de la lettre adressée au requérant importe moins que le point de savoir si l'avis informant l'agent d'immigration supérieur de la décision du Ministre est conforme au paragraphe 45(5). A supposer même que cet agent ait été informé par une copie de la lettre concernée (voir pièce 6), nous ne voyons rien qui permette de contester la régularité de cette notification. Le
dossier montre que le registraire du comité avait l'autorité pour exercer les obligations, pouvoirs et fonctions que confère au Ministre le paragraphe 45(5). Selon toute apparence la lettre dactylogra- phiée a été écrite par G. P. Garvin, registraire du comité consultatif sur le statut de réfugié, et signée par lui-même à titre de registraire.
Dans un mémoire supplémentaire déposé hier, il a pour la première fois été allégué que l'arbitre n'était pas compétent parce que le dossier n'établit pas que la Commission d'appel de l'immigration a notifié sa décision au Ministre antérieurement à la reprise de l'enquête.
A défaut de mention, dans le dossier, de cet avis, et compte tenu de la présomption de régularité et du fait que la décision de la Commission a été prise le 4 octobre 1979 alors que l'ordre de repren- dre l'enquête n'a pas été donné avant le 20 novem- bre 1979, il y a lieu de considérer que l'avis a été effectivement donné.
En conséquence, la demande sera rejetée.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE URIE: Après avoir entendu les motifs rendus par le juge en chef, je souscris entièrement à son raisonnement et à sa décision sur cette demande. Je voudrais simplement ajouter qu'à mon avis, le rejet peut être fondé sur un autre motif n'ayant aucune relation avec la qualité de M. Garvin.
Dans Ali c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1976] 1 C.F. 185, cette Cour a examiné un document considéré comme un ordre d'ouvrir une enquête conformément à l'article 25 de la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2. Le document portait la signature suivante:
D. Lalonde
Directeur général adjoint (Opérations de l'immigration),
Région de l'Ontario
Au nom du directeur de la Division de l'Immigration Minis-
tère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration
On a prétendu que la directive était invalide en raison de l'absence de toute preuve
a) que le Ministre avait autorisé une personne à agir au nom du directeur, selon la définition du mot «directeur» dans la Loi;
b) et que le signataire de la directive était cou- vert par cette autorisation.
Le juge en chef Jackett a ainsi répondu à ces allégations la page 189]:
Nous répondrons qu'en premier lieu, il ressort de la directive, que le signataire a l'intention de signer «au nom» du directeur de la Division de l'Immigration. De fait, selon les règles ordi- naires d'administration ministérielle, il est présumé jusqu'à la preuve du contraire, posséder le pouvoir qu'il prétend exercer. Dans la présente affaire, il s'agissait de surcroît d'une enquête ministérielle, d'ordre administratif et il existait donc, à pre- mière vue, au moins une présomption que l'enquêteur spécial savait qui avait ou non l'autorité requise et qu'il n'aurait pas procédé à une enquête sans avoir obtenu une directive appropriée.
Même s'il s'agit de la signature d'un fonction- naire d'un comité ministériel et non d'un fonction- naire ordinaire d'un ministère, j'estime les énon- ciations précitées entièrement pertinentes en l'espèce, et je les fais miennes pour affirmer que le raisonnement du requérant est inadmissible. Je ne souscris pas à la thèse de l'avocat, suivant laquelle une délégation formelle de pouvoir requiert «l'ab- sence» du registraire pour que le délégataire puisse agir à sa place. La présomption que le signataire a l'autorité nécessaire à cet effet prévaut, même sans la mention formelle de la formule «En l'absence de
dans le document.
En outre, conformément au paragraphe 118(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, aucun doute n'est plus possible parce qu'un tel document: «. . . fait foi de son contenu .. sans qu'il soit nécessaire d'établir l'authenticité des signatures ni le carac- tère officiel de la personne l'ayant apparemment signé; cette authenticité et ce caractère officiel ne peuvent être contestés que par le Ministre ...». [C'est moi qui souligne.]
Le «caractère officiel» du signataire est établi par la mention: [TRADUCTION] «G. P. Garvin, pour le registraire, comité consultatif sur le statut de réfugié». Comme le Ministre n'a pas contesté la signature ou le «caractère officiel» de G. P. Garvin, on ne peut contester ce document.
En conséquence, pour ces motifs supplémentai- res, je rejetterais la demande.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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