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A-731-79
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Roger Leblanc (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, les juges Urie et Ryan—Ottawa, 16 et 18 avril 1980.
Examen judiciaire Relations du travail Examen et annulation de la décision prise par l'arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique Convention collective entre les postiers et le Conseil du Trésor Nécessité de travail supplémentaire constatée vers la fin du poste et invitation au travail supplémentaire faite moins d'une heure avant la fin du poste Les employés refusèrent de faire le travail supplémentaire dont ils demandent paiement, chacun d'eux alléguant qu'il a été oublié lors de l'application des chances égales en matière d'heures supplémentaires et qu'il n'a pas été informé suffisamment à l'avance de la nécessité de travail supplémentaire Annulation de la décision de l'arbi- tre qui a conclu que les employés en cause ont été «oubliés lors de l'application des chances égales» Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Walter L. Nisbet, c.r. pour le requérant. Thomas McDougall, c.r. pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La question qui se pose en l'espèce est de savoir si l'intimé a été «oublié lors de l'application des chances égales» pour effectuer du travail supplémentaire, au sens de l'article 15.18 de la convention collective con- clue entre le Conseil du Trésor et le Syndicat canadien des postiers, appelée Code 608/75. L'ob- jet du litige et les faits sont les mêmes que dans quatre autres requêtes présentées par Le procureur général du Canada contre Paul Langis (no du greffe: A-732-79), John Horn (no du greffe: A-733-79), Jean-Guy Caissie (no du greffe: A-734-79) et Edouard Williams (no du greffe:
A-735-79) attaquant la même décision prise par un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35. Les cinq requêtes ont été entendues ensem ble, les mêmes arguments des avocats valant pour les cinq.
L'article en question est ainsi rédigé:
15.18 Amende pour avoir oublié un employé
Si un employé prétend avoir été oublié lors de l'application des chances égales et qu'une telle allégation est justifiée, il doit toucher un montant égal à celui qu'il aurait gagné s'il avait accompli le travail supplémentaire qu'il n'a pas eu la chance d'accomplir.
Les faits pertinents sont peu nombreux. Le 31 octobre 1977, l'intimé, Langis, Horn, Caissie et Williams étaient au travail, leur poste devant se terminer à minuit. Vers la fin de leur poste, le surveillant décida qu'il aurait besoin de l'un d'en- tre eux pour effectuer quatre heures de travail supplémentaire à compter de minuit. Vers 23 h 30, le surveillant demanda à chacun d'entre eux, selon l'ordre d'ancienneté, de faire du travail supplémen- taire mais tous refusèrent. En conséquence, per- sonne n'effectua le travail supplémentaire. Par la suite, chacun d'eux présenta un grief, alléguant la violation de l'article 15.03 et l'insuffisance de l'avis et demandant le paiement de quatre heures de travail supplémentaire au motif qu'il aurait été oublié au sens de l'article 15.18.
L'article 15.03 est ainsi rédigé:
15.03 Avis et garantie
Lorsque cela est possible, un employé doit être avisé au moins trois (3) heures à l'avance des heures supplémentaires à effec- tuer et dans tous les cas, au moins une (1) heure à l'avance.
L'arbitre décida, en se fondant sur le raisonne- ment d'un autre arbitre dans une affaire anté- rieure, que les offres de travail supplémentaire étaient défectueuses (article 15.03) et que l'intimé, Langis, Horn, Caissie et Williams ont tous été oubliés [TRADUCTION] «en ce sens qu'ils n'ont pas été avisés des heures supplémentaires à effectuer au moins une heure à l'avance.» Il conclut en ordonnant que chacun reçoive un montant égal à celui qu'il aurait gagné s'il eût accompli le travail supplémentaire qu'il n'a pas eu la chance d'accom- plir, soit quatre heures au taux de salaire majoré de moitié.
L'article 15 comprend en tout dix-neuf paragra- phes, tous relatifs au travail supplémentaire. Ils
prévoient entre autres le taux de rémunération pour les heures supplémentaires effectuées, les pause-repas et autres périodes de repos et un sys- tème régissant les droits des employés entre eux pour ce qui concerne la possibilité d'effectuer du travail supplémentaire. Ces dispositions ne sont pas rédigées dans un langage technique et on peut remarquer qu'elles ne constituent pas un code complet de règles sur l'égalité des chances de faire du travail supplémentaire. En outre, l'article 15.03 précède—il n'en fait donc pas partie—l'ensemble des dispositions composé des articles 15.05 15.18 inclusivement qui traitent de l'égalité des chances. Il'est fort possible que l'article 15.03 puisse s'appli- quer dans des cas particuliers qui relèvent des articles relatifs à l'égalité des chances, mais à mon avis, cet article ne s'applique pas à la question de savoir si l'intimé a été oublié au sens de l'article 15.18.
Selon moi, l'article pose simplement la question de savoir si l'intimé a été oublié lors de l'applica- tion des chances égales. Ce que comprend l'appli- cation des chances égales dans divers cas le problème peut se poser est régi par les articles 15.05 15.17 inclusivement. Ces dispositions sont conçues pour assurer que l'application du système donnera à chaque employé pris individuellement une juste part des possibilités d'effectuer du travail supplémentaire. C'est ce qui ressort, je crois, des articles ci-dessus mentionnés, notamment de l'arti- cle 15.07' . Ce n'est que dans les cas l'em- ployeur commet une erreur dans l'application de l'égalité des chances en conformité avec les règles qu'il est passible de l'amende prévue à l'article 15.18.
' 15.07 Définition d'égalité des chances
L'égalité des chances de faire du travail supplémentaire signifie qu'une fois la liste appropriée établie, les affectations de travail supplémentaire sont offertes aux personnes figu- rant sur la liste qui ont eu un nombre moindre de chances de faire du travail supplémentaire, jusqu'à ce qu'un nombre suffisant d'employés ait été obtenu pour satisfaire aux besoins. Lorsqu'il y a plus d'un employé ayant eu un nombre moindre de chances de faire du travail supplémentaire (comme il est dit ci-dessus), l'affectation de travail supplé- mentaire est offerte à tels employés dans un ordre descendant de la liste appropriée. L'égalité des chances n'oblige nulle- ment l'employeur à répartir également les heures supplémen- taires effectuées.
En l'espèce, on ne s'est pas plaint du fait que l'employeur n'ait pas suivi les dispositions relatives à l'égalité des chances et, d'après les faits et d'après la signification ordinaire des dispositions de l'article 15.18, la question de savoir si l'intimé fut oublié dans l'application de l'égalité des chan ces n'admet qu'une réponse négative.
On soumet au nom de l'intimé que, d'après les faits, il fut oublié parce qu'il perdit une occasion d'effectuer du travail supplémentaire, occasion qu'il aurait eu si on l'avait avisé au moins une heure à l'avance; à mon avis, la perte d'une telle occasion dans ces circonstances ne constitue pas la perte d'une «chance égale» puisque cette possibi- lité, quelle qu'elle ait pu être, lui fut offerte à son tour et étant donné que personne d'autre à qui elle fut offerte par la suite n'accepta, il ne fut pas plus oublié ou lésé qu'il l'aurait été si cette chance n'avait été offerte à personne.
Quel que puisse être l'effet du défaut d'aviser un employé au moins une heure à l'avance en confor- mité de l'article 15.03, cela ne constitue pas en soi un oubli lors de l'application des chances égales au sens de l'article 15.18.
J'annulerais la décision et renverrais l'affaire à l'arbitre pour qu'il statue sur celle-ci en prenant pour acquis que l'intimé n'a pas été «oublié lors de l'application des chances égales» au sens de l'arti- cle 15.18 de la convention collective. Je rendrais la même décision relativement aux autres requêtes.
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LE JUGE URIE: Je souscris.
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LE JUGE RYAN: Je souscris.
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