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T-2814-74
R. Gordon Shaw (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Charlottetown, 17, 18, 19 et 20 mars; Ottawa, 28 mars 1980.
Brefs de prérogative Jugement déclaratoire Couronne Expropriation de terre au bénéfice d'un parc national Action en indemnisation ou requête en ordonnance attribuant au demandeur la propriété du bien-fonds en cause Il échet d'examiner si le bien-fonds en cause appartenait au deman- deur ou à la défenderesse Il échet d'examiner si l'expro- priation était valide Il échet d'examiner si la Cour peut rendre un jugement déclaratoire pour ordonner à la Couronne d'observer un engagement antérieur Action rejetée Loi sur les parcs nationaux, S.R.C. 1952, c. 189; S.R.C. 1970, c. N-13, modifiée par S.C. 1974, c. 11 The National Parks Act, S.R.1.-P.-E. 1951, c. 102, art. 3, 4, 5 et 7 The Statute of Limitations, S.R. 1.-P.-E. 1951, c. 87, art. 17.
Le demandeur conclut à une indemnité ou, subsidiairement, à une ordonnance lui attribuant le bien-fonds en cause. Par acte notarié, le demandeur a acquis en 1936 de ses père et mère le titre de propriété de divers fonds. En 1937, la province de l'Ïle-du-Prince-Edouard a exproprié une partie de ces terres qui a été transférée par la suite à la Couronne du chef du Canada (Couronne canadienne) pour servir de parc national. L'expro- priation de 1937 était fondée sur un levé erroné de l'époque. En conséquence, le demandeur revendique la propriété de la partie des terres qui était censée expropriée, et il a affirmé son droit de propriété en s'y livrant à la chasse et aux sports. Au fil des ans, le demandeur a activement affirmé son droit de propriété en écrivant à diverses autorités jusqu'à ce que sa revendication fût généralement reconnue comme valide, en 1954. La province a de nouveau exproprié une partie des terres du demandeur, pour en transférer l'administration et le contrôle à la Couronne canadienne, mais en a expressément exclu la superficie revendi- quée par le demandeur. En 1974, la description du parc a été modifiée dans la Loi sur les parcs nationaux et, à cette occasion non plus, il n'a pas été fait état de la partie revendi- quée par le demandeur. La première question litigieuse porte sur le droit de propriété relatif à la superficie revendiquée par le demandeur, selon lequel une grande partie des terres expro- priées s'était formée par accroissement naturel et appartenait au propriétaire riverain qu'il était; pourtant il n'en a reçu aucune indemnisation. Sa revendication de titre de propriété est encore fondée sur le fait que le décret d'expropriation de 1937 n'a jamais été enregistré. La défenderesse fait valoir que la superficie en cause s'est formée par accroissement et appartient de ce fait à la Couronne. Il échet en second lieu de déterminer le tracé de la limite sud du fonds exproprié en 1937, d'examiner si l'expropriation de 1954 ne constitue qu'une rectification de la limite établie en 1937 ou si elle représente une expropriation supplémentaire. Il échet en dernier lieu d'examiner si la Conr peut rendre un jugement déclaratoire pour ordonner à la Cou- ronne de respecter un engagement antérieur.
Arrêt: l'action est rejetée. L'indemnité était pour l'ensemble de la superficie expropriée, comme l'énonce le décret, et l'ex- propriation de 1937 ne donne au demandeur aucune créance supplémentaire. Avoir attendu de 1937 à 1974 pour réclamer la propriété du fonds exproprié parce que le décret n'a pas été enregistré, en dépit du fait que le fonds ait été subséquemment incorporé au parc national, est manifestement excessif; toute demande portant sur le titre de propriété est prescrite. En l'espèce, après avoir soigneusement décrit le fonds, comme à l'époque il crut qu'il devait l'être, l'arpenteur annexa un plan sur lequel avait été tracée une ligne rouge. La ligne rouge correspond à son interprétation de la description mais n'y ajoute rien; si donc la description est fausse parce qu'on y indiquerait erronément la présence d'une échancrure qui n'exis- te pas, la ligne rouge n'ajoute rien ni n'a pour effet d'élargir la surface expropriée. La superficie en cause a été délibérément exclue par la Couronne provinciale de l'expropriation de 1954, afin qu'on puisse l'aliéner au demandeur, et elle a été exclue de la description modifiée figurant dans la Loi sur les parcs nationaux de 1974. Le titre appartient donc à celui à qui il était dévolu avant l'expropriation de 1954; le fonds est à l'extérieur des limites du parc; donc, apparemment, on n'a ni souhaité ni voulu l'inclure dans le parc. La défenderesse soutient que le fonds était visé par l'expropriation de 1937; elle admet cepen- dant tacitement, sinon expressément, que le bornage Cautley était erroné, de sorte que l'expropriation de 1954, effectuée par la Couronne provinciale, et la modification subséquente appor- tée à la Loi sur les parcs nationaux, étaient nécessaires pour rectifier la limite sud du parc. Indépendamment de l'accord intervenu à l'époque, l'article 7 de The National Parks Act exige que tout fonds exproprié non nécessaire à un parc natio nal soit revendu à l'exproprié au prix de l'indemnité versée. Comme cette surface ne fait pas partie du parc, elle devrait présumément être retournée au demandeur si l'argument de la défenderesse voulant qu'elle ait été régulièrement incluse dans l'expropriation de 1937 devait être accepté. Comme elle n'a pas été régulièrement incluse dans l'expropriation de 1937, la pré- tention de la Couronne à son sujet doit dépendre de l'accroisse- ment. Certaines parties de la superficie en cause seraient donc sous la laisse moyenne de haute mer, mais une grande partie en constitue certainement la terre ferme. La seule conclusion définitive à laquelle on puisse arriver, c'est qu'une partie de la superficie en cause appartient à la Couronne en vertu de sa propriété du sol au-delà de la laisse moyenne de haute mer, mais que la plus grande partie constitue une surface que le demandeur peut légitimement revendiquer. Le sol appartenant à la Couronne irait à la province toutefois, non à la Couronne canadienne. Ce serait un geste de bonne foi, fort équitable de la part de la Couronne canadienne, que d'exécuter les accords intervenus avant l'expropriation de 1954 et, par décret, de retourner le fonds à la Couronne provinciale étant bien entendu que celle-ci le remettrait à son tour au demandeur. Ayant montré ce que devrait faire la Couronne canadienne pour remédier à la situation, la question, fort sérieuse, demeure de savoir si la Cour peut prononcer un jugement déclaratoire en ce sens. La question doit être d'ordre pratique et non théorique, celui qui la soulève doit avoir un intérêt réel à le faire et il doit pouvoir présenter un adversaire valable, c'est-à-dire quelqu'un ayant un intérêt réel à s'opposer à la déclaration sollicitée. Le problème en l'espèce, c'est que la Couronne canadienne n'est probablement pas un adversaire valable. Aucun jugement déclaratoire n'est expressément demandé en l'espèce. Ce qui est
demandé, c'est ou bien $2,000,000 ou bien une ordonnance attribuant au demandeur les fonds expropriés en 1954 et en 1937, pour lesquels aucune indemnité n'a été versée. Semblable ordonnance ne peut être rendue contre la Couronne canadienne et, de toute façon, la superficie revendiquée par le demandeur n'a été régulièrement incluse ni dans l'une ni dans l'autre expropriation. Si cette surface ne fut jamais régulièrement expropriée, le titre en est dévolu à la Couronne provinciale ou au demandeur, mais non à la défenderesse. Bien que la Cour puisse indiquer à la défenderesse la voie à suivre, il s'agit d'une question plutôt politique que judiciaire. La Cour ne peut pas ordonner à la Couronne d'adopter un décret en exécution d'un engagement antérieur. En matière d'exercice par les ministres de la Couronne de leur pouvoir discrétionnaire, aucune cour de justice ne peut intervenir s'il n'y a pas eu violation d'une disposition législative édictée par la législature.
Distinction faite avec l'arrêt: Grasett c. Carter (1885) 10 R.C.S. 105. Arrêts appliqués: Le procureur général de la province de Colombie-Britannique c. Neilson [1956] R.C.S. 819; Le procureur général du Canada c. Higbie [1945] R.C.S. 385; Solosky c. La Reine [1980] 1 R.C.S. 821. Arrêts mentionnés: Affaire de la compétence sur les pêcheries provinciales (1897) 26 R.C.S. 444; Russian Commercial and Industrial Bank c. British Bank for Foreign Trade Ltd. [1921] 2 A.C. 438; Pyx Granite Co. Ltd. c. Ministry of Housing and Local Government [ 1958] 1 Q.B. 554; Cox c. Green [1966] 1 Ch. 216; Thorne Rural District Council c. Bunting [1972] 1 Ch. 470; Theodore c. Duncan [ 1919] A.C. 696.
ACTION. AVOCATS:
N. H. Carruthers et T. Matheson pour le demandeur.
R. P. Hynes et J. MacNutt pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Foster, Carruthers, O'Keefe & Matheson, Charlottetown, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Le litige en l'espèce porte sur le titre de propriété d'un certain bien-fonds sis dans, ou adjacent à, un parc national qui se trouve entre Brackley Beach et la baie Covehead dans l'Île-du-Prince -Edouard et, plus particulièrement, sur le côté sud du fonds. Le 29 avril 1936, par acte notarié, le demandeur a acquis de ses père et mère le titre de propriété de divers fonds dans Brackley
Beach, lesquels appartenaient à sa famille depuis
1793. Par décret du ler mars 1937 la province de l'Île-du-Prince -Edouard expropria une partie de ce terrain, partie qui est décrite comme le lopin 3 par la Partie VII de la Loi sur les parcs nationaux'. Le 4 mai 1953 fut dûment enregistré, en l'Île-du- Prince-Édouard, le plan de ce qui était présenté comme une modification de la limite sud dudit lopin 3 et, par décret de la province du 22 juillet 1954, il était proclamé que ces terrains appartien- draient dorénavant à la Couronne du chef de la province. Subséquemment un décret du 21 octobre 1954 modifia ce décret et transporta l'administra- tion, le contrôle et la jouissance dudit bien-fonds à la Couronne du chef du Canada. Il y eut une autre modification, par le décret du 25 novembre 1954.
Le demandeur obtint $3,000 en 1938 pour, pré- tend-il, approximativement 135 acres de terre, en conséquence de l'expropriation de 1937, mais il ne reçut absolument rien pour les terrains pris en 1954. Il soutient_ qu'une grande partie du fonds exproprié par l'Ile-du-Prince-Edouard se serait formée par accroissement naturel, que par consé- quent il lui appartient et qu'il n'a reçu aucune indemnité à ce titre. Il demanda l'autorisation d'engager une action contre Sa Majesté la Reine du chef de la province de l'Île-du-Prince-Édouard mais se vit refuser le fiat nécessaire à l'époque pour ce faire, par lettre en date du 27 janvier 1972. Il conclut à une indemnité de $2,000,000 ou, subsi- diairement, à une ordonnance lui attribuant les biens-fonds que décrivent les décrets de l'Île-du- Prince-Édouard, modifiés, des 1" mars 1937 et 22 juillet 1954. En un état préliminaire de la cause, la défenderesse demanda la radiation de la déclara- tion du demandeur pour motif qu'on y trouvait aucune cause raisonnable à la demande intentée contre elle. Ce qui fit l'objet de développements assez élaborés dans le jugement du juge Collier du 18 novembre 1974; il y statue que les droits que prétend avoir le demandeur pourraient bien s'avé- rer des droits réels et donc suivre l'immeuble en les mains de la Couronne fédérale qui en a mainte- nant la possession. Il rejeta la requête disant que l'affaire demandait une instruction en bonne et due forme que seul un procès fournirait. Au début de l'instance la défenderesse invoqua à nouveau ce moyen, s'y référant comme à une question de
1 S.R.C. 1952, c. 189.
compétence. Quoique je n'y voie pas une question de compétence, notre juridiction ayant, nul ne saurait en douter, compétence en matière d'action intentée contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, il n'en existe pas moins un doute fort sérieux, vu les faits, sur le droit subjectif de l'ac- tionner en l'espèce. La requête fut prise en délibéré et il y eut alors administration d'une preuve fort exhaustive, comprenant la production de trois volumes incluant quelque 250 pièces, des plans, des photographies aériennes, des dessins, des copies de décret, fédéraux et provinciaux, et des copies d'une correspondance volumineuse échangée entre les autorités du parc, fédérales et provinciales, des députés fédéraux, des ministres, des arpenteurs, etc. D'autres pièces ont été produites à l'audience, dont le rapport d'un expert hautement qualifié, un géomorphologue, professeur à l'Université McMaster, lequel a étudié avec un soin considé- rable le littoral de l'Île-du-Prince-Édouard aux environs des lieux en cause; il a témoigné. Étant donné qu'ont été soulevées plusieurs questions inté- ressantes, fort sérieuses, en dehors de celles, juridi- ques, du droit subjectif du demandeur d'actionner la Couronne du chef du Canada, j'ai décidé d'en traiter même si, à la fin, les conclusions auxquelles j'en arrive à leur égard peuvent se révéler sans conséquence, obiter, vu la décision à rendre sur la question, comme la qualifie la défenderesse, de compétence de la Cour.
Comme Sa Majesté du chef de la province de l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas été, ni ne pouvait être, mise en cause en l'instance devant la Cour, la défenderesse s'est trouvée en une position en quel- que sorte difficile, trouvant nécessaire en défense de faire valoir certains des moyens qui auraient été soulevés si l'action avait été engagée contre Sa Majesté la Reine du chef de la province de l'Ile-du-Prince-Édouard. Pour la commodité on parlera ci-après de la Couronne canadienne et de la Couronne provinciale. L'un des principaux argu ments de la défenderesse, au soutien duquel on a administré une preuve considérable, y compris l'expertise, est que le fonds en litige était un terrain, s'il s'agissait vraiment de terre ferme, qui n'avait jamais appartenu au demandeur, ni à ces auteurs d'après les titres, mais qui s'était formé par accroissement, par suite de l'action combinée de la mer et du vent, et qui ne profita jamais au demandeur, ni à ses auteurs, mais plutôt à la
Couronne. Toutes les parties concèdent que le littoral de l'Île-du-Prince -Edouard, du côté du golfe, s'est modifié substantiellement au cours des ans, des baies se creusant puis disparaissant, des îles surgissant et s'engloutissant, des bras de mer et des golfes se formant puis se refermant. On ne peut guère avoir une idée qu'approximative de la forme qu'avait en 1793 le cordon sableux dont une partie a fini par se développer en ce qu'aujourd'hui on peut considérer comme de la terre ferme, deve- nue partie intégrante du parc national de l'Île-du- Prince-Édouard (un parc fédéral). Le lieu précis de la laisse de haute mer moyenne sur son côté sud, sur la baie Brackley, fait, même maintenant, l'objet d'un litige entre les parties. Il n'est pas mis en doute qu'en droit tout sol en deçà de la laisse de haute mer moyenne sur les rives l'action de la marée se fait sentir appartienne à la Couronne. Il n'est pas non plus mis en doute que l'alluvion profite au propriétaire riverain ni, à l'inverse, qu'il puisse en être privé par le déplacement de la laisse de haute mer consécutivement à l'action de la marée. Ce n'est donc pas sans conséquence juridi- que qu'on cherche à déterminer si l'ensemble du sol apparu postérieurement à 1793, et qui forme maintenant la partie orientale du parc national, appartenait en 1936 au demandeur par accroisse- ment ou si, comme le prétend la défenderesse, les limites du fonds du demandeur, comme les décrit le titre, montrent que le sol qui s'est formé subsé- quemment, et qui fait maintenant partie du parc national, ne lui a pas profité mais constitue plutôt un fonds appartenant à la Couronne, formé imper- ceptiblement au fur et à mesure que le sable et la vase des cordons sableux et des îles du large se sont réunis en cette masse de terre unique. Si cet argument est valable, alors les expropriations de 1937 et de 1954 n'auraient pas été nécessaires; la Couronne provinciale aurait alors exproprié ce qui lui appartenait déjà. Il ne pourrait donc y avoir litige au sujet de la limite sud du fonds exproprié, sur la baie Brackley, source de l'instance présente.
L'acte de vente de 1793 visait 300 acres de terre mais ce ne sont que les 200 acres les plus à l'est qui nous intéressent ici. Elles ont été achetées de con cert par Duncan Shaw et Duncan McCullum. Ce sont les limites est et sud qui sont en cause; voici comment on les décrit:
[TRADUCTION] Au nord et à l'est, par les passes de la pointe Brackley et de la baie Little Rustico; au sud par la baie d'York ou par Cove.
L'acte poursuit:
AVEC tous et chacun des bâtiments, arbres, eaux, cours d'eau, pâturages, prés, servitudes d'inondation, fruits, commodités, avantages, attraits, héritages et appartenances quels qu'ils soient.
Le golfe à l'est fut vendu par le sieur McCullum à M. Shaw. Une esquisse préparée en 1880, sur la foi d'un bornage datant de 1847, montre une pointe de terre beaucoup moins avancée que celle d'aujourd'hui mais, aussi, ce qui paraît être un cordon sableux, au nord, séparé par un petit bras de mer, la pointe orientale du cordon s'avançant bien au-delà de la pointe orientale de terre, dans ce qu'on appelait alors la baie d'York. La défende- resse fait valoir que c'est sans doute ce qu'on désignait comme les «passes de la pointe Brackley et de la baie Little Rustico» et que, subséquem- ment, le cordon sableux aurait rejoint cette terre à l'est. Ce ne peut être bien sûr que spéculation.
Lorsque le demandeur acquéra le fonds en 1936, on en décrivit les limites sud et est comme suit:
[TRADUCTION] Au sud et au sud-est par la rive de la baie de Brackley Point; et à l'est par ladite rive et par la partie orientale d'un cordon sableux enfermant la baie précitée, d'une superficie d'UNE CENTAINE D'ACRES de terre, plus ou moins, étant la ferme et l'hôtel appartenant à l'aliénateur.
Manifestement ni l'aire impliquée, ni sa descrip tion comme ferme et hôtel appartenant à l'aliéna- teur ne révèlent aucune assertion de propriété sur l'est du fonds, l'objet du litige actuel, qui serait apparemment en grande partie formé d'alluvions. Le fait est que personne n'accordait beaucoup d'importance à cette bande de terre à l'époque. Il y avait bien une jolie plage au nord, du côté du golfe, mais le sud était marécageux, subissait dans une certaine mesure l'effet de la marée et n'intéressait à peu près que les chasseurs des canards et des oies qui se nourrissaient là. De bonne foi cependant le demandeur a toujours considéré ce fonds comme le sien.
S'il n'y avait eu aucune expropriation et qu'il faille régler le litige sur le fondement de l'apparte- nance des accroissements, la décision serait en vérité fort difficile à rendre. On ne peut attendre de l'expert, dont le témoignage sera analysé plus en détail plus loin, une détermination précise de la forme qu'avait le fonds en question ni du lieu de la laisse de haute mer moyenne l'entourant en 1793. Tout ce qu'il a pu dire c'est qu'en général, en
conséquence des observations qu'il avait faites trois jours auparavant, en juillet 1978, il lui semblait qu'avec la marée une partie substantielle de l'aire désignée par la lettre C, et probablement une partie de celle désignée par la lettre B 2 , objet du litige, dans la baie de Brackley, était recouverte d'au moins un ou deux pouces d'eau. Le type de végétation montre qu'on classerait cet endroit comme une zone de slikke, devant être inondée quotidiennement. Un type différent de végétation, le schorre, n'a besoin d'être inondé qu'une ou deux fois par mois. Plus haut on trouve des joncs de la Baltique qui ne peuvent résister à l'eau salée. Plus haut encore, dans le parc, on trouve des arbres aujourd'hui. Normalement les îles et les cordons sableux auraient été amenés au rivage; ils auraient été érodés au nord ou du côté du golfe et transpor tés, par des embranchements ou autrement, avec le temps, vers le sud ou du côté de la baie Brackley. Cette évolution normale aurait, suppose-t-on fait que la rive du côté sud aurait graduellement reculé avec le temps, le marécage s'asséchant éventuelle- ment. L'alluvionnement, les indentations, se font et se défont en quelques décennies, non en quelques siècles. La rive sud de la baie Brackley, au lieu de s'accroître, toutefois, a en fait reculé de 1935 à 1960 à une vitesse que j'estime être d'un mètre l'an. C'est dû, dans une certaine mesure, à la construction d'une route tout au long du parc, d'un bout à l'autre, qui a stabilisé le sol et arrêté les déplacements du sable au travers de ce qu'on pourrait peut-être appeler la péninsule.
Les parties s'entendent pour dire que les lieux source du litige sont devenus en quelque sorte de plus en plus marécageux, si l'on peut dire, avec les ans. A une certaine époque, au cours des années 30, le demandeur entretint un petit terrain de golf pour ses invités qui allait de la propriété se trouve son hôtel jusqu'à la surface décrite comme une échancrure dans le rapport d'arpentage Caut- ley de 1937, lequel sera examiné plus tard, et peut-être, en partie, jusqu'à l'aire désignée par la lettre B. Il n'existe plus. Le demandeur et un voisin de toujours, Walter Matheson, maintenant âgé de 92 ans, lequel a témoigné, ont en effet fait creuser certains bassins à l'endroit qu'on désigne comme l'aire C, pour y faire flotter des leurres et y attirer les oiseaux sauvages. On a aussi construit à cet
2 L'emplacement des surfaces ainsi désignées fera l'objet de développements ultérieurs.
endroit que, familièrement, le demandeur et ses invités appelaient la colline 70, un poste d'observa- tion et un affût pour la chasse. Ces actes consti tuent certainement une assertion de propriété sur ledit fonds et montrent aussi qu'au moins certaines de ses parties étaient relativement asséchées au moins à l'époque de la première expropriation.
En tous les cas, savoir à qui appartenait la majeure partie du fonds qu'occupe actuellement le parc national avant l'expropriation ne présente guère d'intérêt pratique puisque la Couronne pro- vinciale décida justement, en 1937, d'effectuer cette expropriation. Font l'objet du présent litige la limite sud du fonds exproprié et le sens de la seconde expropriation, en 1954, simple correction de la limite ou, au contraire, expropriation d'un fonds additionnel, de sorte que si le demandeur a jamais pu profiter de l'alluvion accroissant les fonds expropriés, ils cessèrent de lui appartenir avec l'expropriation, que les expropriations aient été nécessaires ou non pour conférer le droit de propriété à la Couronne provinciale, et le contrôle administratif à la Couronne canadienne. Le mode de création des parcs nationaux au Canada exige d'abord que la province exproprie ou acquière de gré à gré les biens-fonds nécessaires à cette fin, puis les cède à l'État canadien et alors, selon la Loi sur les parcs nationaux du Canada, ils sont consti- tués en parc national. La Loi sur les parcs natio- naux 3 déclare en son article 6(3) que le gouver- neur en conseil peut autoriser le Ministre à acheter, exproprier ou autrement acquérir, tout terrain ou intérêt dans ceux-ci, y compris les terres des indiens ou de toute autre personne, pour les fins d'un parc, mais à l'article 6, paragraphe (4), on dispose que la Loi sur l'expropriation s'appli- que à toute procédure en expropriation prise en exécution de cet article. La Couronne canadienne n'a pas acquis ce fonds pour le parc de cette manière; il a été exproprié par la Couronne provin- ciale le l er mars 1937, comme dit précédemment, ses limites étant décrites et tracées sur le plan annexé au décret. La National Parks Act de l'Île-du-Prince-Édouard, (1936) 1 Edward VIII, c. 17, en vigueur à l'époque, abandonne l'indemnisa- tion du fonds exproprié dans ce but pour ainsi dire au pouvoir discrétionnaire du lieutenant-gouver-
3 S.R.C. 1970, c. N-13.
peur en conseil. L'article 5 de la Loi (aujourd'hui
S.R.Î.-P.-E. 1951, c. 102) prévoit ce qui suit au sujet des fonds qu'un décret qualifie de parc
national:
[TRADUCTION] 5. (1) Si, dans un délai raisonnable après qu'a été pris le décret, aucun accord n'est intervenu en regard du montant et du partage de l'indemnité que devrait verser le gouvernement de la province à titre d'indemnisation pour les fonds et lieux expropriés, le lieutenant-gouverneur en conseil est autorisé à prendre un décret additionnel fixant le montant de cette indemnité et le Trésorier provincial pourra alors déposer ce montant près la Cour de Chancellerie pour partage et remise éventuels aux parties qui y ont droit, sur requête de l'une d'elles. Ce dépôt près la Cour acquitte la créance de tous ceux, quels qu'ils soient, qui réclament indemnisation pour l'expro- priation des fonds.
(2) A défaut de cette requête en paiement extrajudiciaire, par les parties y ayant droit, dans les trois mois du dépôt près la Cour de Chancellerie, par le Trésorier provincial, celui-ci pourra obtenir, de plein droit, par requête présentée à la Cour, une ordonnance obligeant le greffier à tirer un chèque, au nom de la Cour, aux parties bénéficiaires comme paiement extrajudiciaire.
Il est particulièrement significatif que cet article emploie les termes «est autorisé» plutôt que le terme «devra» et ne parle que d'un «montant» à verser comme dédommagement. Un «montant» cela s'entend aussi bien de $0.01 ou $1.00 que d'une somme infinie; ce que l'article dit en fait, c'est qu'à moins de vente de gré à gré, le proprié- taire doit se contenter de l'indemnité qui lui est offerte. Il est intéressant de signaler le libellé de l'article 7:
[TRADUCTION] 7. Au cas quelque fonds exproprié ne se révélerait pas nécessaire au parc national, le lieutenant-gouver- neur en conseil offrira en premier lieu de revendre le fonds à ceux qui en furent expropriés, au prix de l'indemnité versée; si l'offre est refusée, il est alors autorisé à l'aliéner, par vente ou autrement, comme il le jugera opportun.
Ceci a son importance, comme on le verra plus loin, vu que l'aire B fut exclue de la description modifiée du parc dans la Loi sur les parcs natio- naux canadienne. Ces dispositions fort draconien- nes de la Loi de l'Île-du-Prince -Edouard semblent contraires au principe fondamental selon lequel le souverain ne peut contraindre personne à céder sa propriété si ce n'est moyennant juste indemnité; je n'irai pas jusqu'à dire cependant que c'était un excès de pouvoir de la part de l'assemblée législa- tive de l'Ile-du-Prince-Edouard de les adopter, ni qu'elles pourraient en quelque façon être annulées en l'instance, la province n'étant pas en cause et
n'y étant pas représentée. Dans sa demande d'in- demnité du 11 juin 1937, le demandeur réclame $150 l'acre, soit $1,200 pour 8 acres de terre arable, $50 l'acre, soit $1,400, pour 28 acres de terre en bois debout (pouvant être vendues en partie à $10 le chaînon carré) et $30 l'acre, soit $1,260, pour 42 acres de mauvais pâturage, d'her- bes des sables, de champs de canneberges et de plages, pour un total (apparemment mal addi- tionné) de $3,760. Ultérieurement, le 16 juin, son avocat attira l'attention sur le fait qu'il avait oublié 15 acres de marécages en plus de la superfi- cie réclamée, ce qui, à $30 l'acre, ajoutait un autre
$450 la réclamation, pour un total de $4,310. Dans son annexe, du 6 août 1937, jointe au décret du lieutenant-gouverneur en conseil, fixant les indemnités à verser aux diverses parties expro- priées pour cet objet, il lui est alloué $2,098.75. Plus tard, le 28 septembre 1937, le demandeur affirma que le gouvernement lui avait pris, pour le parc, 10 acres de terre déboisées, les 117 acres restant se composant de dunes et de forêts, et qu'il aimerait voir modifier la démarcation de façon à conserver le fonds déboisé, celui-ci ayant de la valeur pour lui mais étant inaccessible pour les fins du parc. C'est ce qui apparaît dans une lettre qu'il envoya à M. Roy Gibson du ministère des Res- sources naturelles à Ottawa. Après bien des enquê- tes et des discussions, et une correspondance suivie entre diverses personnes, dont le premier ministre d'alors de l'Île-du-Prince -Edouard, sa requête fut finalement refusée. En janvier 1938 toutefois une évaluation de la terre en bois debout, dont il avait été exproprié, fut faite; elle donna une valeur totale de $2,206.40 pour le bois. Finalement sa créance pour l'expropriation fut acquittée entière- ment pour un montant de $3,000, qui lui fut versé le 14 avril 1938, un décret approuvant la transac tion ayant été pris. D'après le témoignage du demandeur à l'instruction, il croyait que cette somme était en paiement uniquement de la portion de la propriété expropriée, à laquelle il avait attri- bué une valeur spécifique, et que rien n'était prévu pour ce qui restait du fonds, dont il fut exproprié pour le parc, et dont il prétend qu'il lui appartient par accroissement. Il dit, et il n'y a aucune raison de ne pas le croire, qu'un ingénieur du gouverne- ment lui a dit qu'aucun terrain à l'est du point figurant sur le plan de l'arpenteur la borne XLII ne lui appartenait et que c'était pourquoi il avait évalué son fonds en ne prenant en compte que ce
qui était à l'ouest de celle-ci. C'est fort vraisembla- ble vu que la province prétend qu'il s'agissait de terres de la Couronne. De toute façon il n'y a aucun moyen de séparer la partie du fonds expro- prié pour laquelle il prétend avoir été remboursé de celle pour laquelle il ne l'aurait pas été. L'indem- nité était pour l'ensemble de la superficie expro- priée, comme l'énonce le décret, et l'expropriation de 1937 ne lui donne aucune créance supplémen- taire.
Le demandeur avance un autre argument. Il se prétend propriétaire du fonds exproprié en 1937. L'article 3 de The National Parks Act de l'Île-du- Prince-Édouard déclare que le décret contenant le plan et la description du fonds exproprié sera déposé au bureau d'enregistrement du comté il est situé. L'article 4 oblige à expédier le décret par poste recommandée à tout titulaire d'un droit sur le fonds. Ni l'une ni l'autre de ces formalités n'ont été respectées. M. Shaw a appris pour la première fois qu'il y aurait une expropriation lorsque l'ar- penteur Cautley visita sa propriété et, en fait, habita chez lui pendant que dura le bornage. Qu'il ait ou non été notifié par poste recommandée de l'expropriation, il en a certainement eu connais- sance puisqu'il négocia l'indemnité à verser, indemnité qu'il obtint éventuellement.
Une préposée du bureau d'enregistrement a dit dans son témoignage que ni le décret du ler mars 1937 ni la vente faite par la Couronne provinciale à la Couronne canadienne le 4 mars 1937 ne furent enregistrés. Elle dit qu'il y a eu une époque les décrets n'étaient pas enregistrés mais sim- plement conservés au bureau du Secrétaire de la province. On ne refusait pas l'enregistrement tou- tefois. Depuis les années 50 on enregistre ces décrets; l'expropriation de 1954 fut donc régulière- ment enregistrée comme le veut la Loi.
La Loi sur la prescription de la province, le The Statute of Limitations, c. 87 des Statuts revisés Î.-P. -E. 1951, prescrit, en son article 17, l'action pétitoire par vingt ans à compter de l'époque le droit a pris naissance. Avoir attendu de 1937 à 1974 pour réclamer la propriété du fonds exproprié parce que le décret n'a pas été enregistré, en dépit du fait que le fonds ait été subséquemment incor- poré au parc national, comme il apparaît à la Partie VII de la Loi sur les parcs nationaux,
S.R.C. 1952, c. 189, et que le parc ait depuis été aménagé en ces lieux, est manifestement excessif; toute demande portant sur le titre de propriété du fonds est prescrite. C'est apparemment en s'ap- puyant sur sa prétention à la propriété de cette partie du terrain du parc que furent, fort exagéré- ment, réclamés $2,000,000 sous prétexte que s'il s'avérait que l'expropriation n'avait pas été régu- lièrement faite, alors toute cette partie du parc national, y compris la très belle plage du côté du golfe, lui aurait été illicitement enlevé; on devrait alors l'en dédommager. Cet argument est sans valeur et la Cour l'a fait savoir; aussi, après avoir consulté son avocat, le demandeur retira-t-il sa demande d'indemnité supplémentaire pour l'expro- priation de 1937. Je crois cependant qu'il faut ajouter qu'ayant accepté $3,000 pour 117 acres de la plus belle partie de son fonds, il était déraison- nable de sa part de proposer $2,000,000 comme indemnité pour quelques centaines d'acres de dunes de plages et pour la partie méridionale du marécage. L'avocat justifie ce montant en disant que, comme un tribunal ne peut statuer ultra petits, on cherche toujours à réclamer suffisam- ment afin d'obtenir tout ce à quoi on pourrait avoir droit. Je suis d'avis cependant que les demandes excessives et fort exagérées constituent un abus des voies de droit de la Cour car elles peuvent avoir pour effet de mettre en péril le défendeur au-delà de ce que justifient les faits, avec pour résultat que, dans bien des litiges portés en justice, on fera alors beaucoup plus de frais qu'il ne pourrait être éventuellement recouvré advenant que l'on ait gain de cause. De telles réclamations sont fréquentes notamment dans les instances engagées devant jury aux États-Unis mais, à mon avis, elles doivent être découragées; ne devraient être réclamées que des sommes réalistes. En l'espèce les frais d'arpen- teurs, d'experts, de la reproduction des pièces et le temps qu'ont consacré à l'affaire les hommes de loi, sans parler de celui des hauts fonctionnaires, des ministres, etc., sont cent fois supérieurs à la valeur de tout bien-fonds que pourrait réclamer le demandeur. Comme l'a fait remarquer l'avocat de celui-ci au moment il résuma sa plaidoirie, au cours du litige ont été impliqués plus de dix fonc- tionnaires des parcs nationaux fédéraux, quatre de l'Île-du-Prince -Edouard, huit conseils juridiques de divers ministères du gouvernement fédéral dont celui de la Justice, y compris deux sous-ministres, le sous-procureur général de l'Île-du-Prince-
Édouard, le premier ministre de l'Île, le procureur général et un député de celle-ci, quatre arpenteurs différents et, depuis 1954, quatre représentants du solliciteur général du Canada, cinq ministres fédé- raux, etc.: une histoire absurde et lamentable. Mais comme l'a dit l'avocat de la défenderesse, la Couronne ne saurait transiger lorsqu'elle croit la demande non fondée, même si le coût de la contes- tation dépasse de beaucoup ce qui est en jeu. La Cour a proposé d'exercer son pouvoir discrétion- naire, advenant que le demandeur soit débouté, et de refuser d'allouer à la défenderesse les frais énormes en jeu; son avocat confirma ultérieure- ment qu'il avait reçu instruction de ne pas exiger ces frais, ce qui était approprié, je pense, en l'espèce.
Les limites du fonds exproprié en 1937, limites qu'on a voulu corriger par l'expropriation de 1954, sont cause de confusion et ont conduit au présent litige. Les autorités fédérales engagèrent à l'épo- que M. R. W. Cautley, un arpenteur réputé, pour procéder au bornage; celui-ci écrit à l'arpenteur général du Canada, le 30 octobre 1936, qu'il s'agit [TRADUCTION] «d'un arpentage urgent, fait à la mauvaise saison, pour permettre au gouvernement local de céder son titre au Dominion, pour que la Direction des parcs puisse autoriser l'élargissement des terrains alloués à ce parc. C'est une course contre la montre que de faire tout l'arpentage nécessaire avant que tout le pays ne soit entière- ment gelé». Il ajoute, dans une lettre qu'il envoie au Commissaire-adjoint des parcs nationaux du Canada, le 30 octobre 1936: [TRADUCTION] «Quant à l'instance en expropriation que doit enga- ger la province, je crois que vous admettrez que nous n'avons rien à y voir et qu'il serait fort peu sage d'assumer quelque responsabilité que ce soit à son égard». D'autres lettres, postérieures, mention- nent les conditions hivernales extraordinairement sévères rencontrées.
L'arpenteur général du Canada écrivit au chef du Bureau des parcs nationaux le 15 février 1937 lui disant notamment, au sujet du projet de des cription du fonds, qu'on y trouvait des lacs, des étangs, des ruisseaux et des marais; qu'on voulait les inclure dans le parc; il ajoutait: [TRADUCTION] «Si le fond de ces étendues d'eau n'appartient pas déjà à la Couronne du chef du Dominion, je
propose la description suivante: [TRADUCTION] `Avec toutes les terres, émergées ou non'». Il signale aussi que les bleus n'indiquent pas la limite tracée en rouge sur le plan et il ajoute: [TRADUC- TION] «une description des tenants et aboutissants de ce lopin serait préférable».
Il n'est pas nécessaire d'inclure ici toute la des cription modifiée du fonds exproprié; il suffit de s'en tenir à cette partie qui nous intéresse, laquelle mentionne une borne de fer, marquée XLII, puis poursuit:
De là, continuant sur la même ligne droite d'après un relève- ment de S. 88° 38' 2 E., pour couper la ligne de haute marée moyenne de la baie Brackley; de là, dans une direction orientale le long de la ligne de haute marée moyenne de la baie Brackley et de la baie Covehead, jusqu'à l'entrée de Covehead Harbour; de dans une direction occidentale le long de la ligne de haute marée moyenne du golfe Saint-Laurent jusqu'à l'entrée de la baie Rustico; de là, dans une direction orientale le long de la ligne de haute marée moyenne de la baie Rustico jusqu'au point de départ. Le tout tel qu'indiqué en rouge sur le plan annexé.
Dans un mémorandum du 17 février 1937 on dit que la superficie de l'aire expropriée est de 846 acres. Une fois que l'Île-du-Prince -Edouard eut effectué l'expropriation, un acte de vente fut rédigé, le 4 mars 1937, par lequel la Couronne du chef de la province aliénait à la Couronne du chef du Canada la propriété expropriée pour $1 et, le 6 avril 1937, un décret fédéral proclama que lesdits fonds seraient réservés pour la constitution d'un parc national.
La description et le plan que prépara M. Caut- ley indiquent, et c'est le problème, une baie profonde que les témoins et la correspondance appellent une indentation immédiatement à l'est de la borne XLII, l'extrémité se prolongeant légè- rement au nord d'une ligne droite, tirée dans une direction est, entre la borne XLII et la borne XLIII, laquelle est un peu à la droite de l'échan- crure. Le demandeur a déclaré dans son témoi- gnage, corroboré en cela par le témoin Matheson, un vieux résident de la région, qu'aucune échan- crure semblable n'a jamais existé. En fait un des verts du terrain de golf aurait été situé au milieu même du lieu devrait se trouver l'échancrure. Ils affirment dans la volumineuse correspondance produite, et il semble que d'autres l'admettent, que M. Cautley peut fort bien avoir pris les glaces empilées sur la grève pour la rive et crut qu'elles démarquaient une échancrure. Le témoignage de
l'expert McCann semble montrer que d'après la végétation il est probable qu'il y ait eu une légère échancrure à cet endroit mais je pense que le poids de la preuve administrée montre qu'elle n'était pas, et de loin, aussi profonde que l'indique le levé. La chose importe car, à moins qu'il n'y ait eu une échancrure s'enfonçant dans les terres aussi pro- fondément que le montre le plan d'arpentage, la limite décrite comme une ligne droite tirée dans l'azimut S 88° .38' .2.E ne pourrait intersecter aucune laisse de haute mer moyenne longeant la baie Brackley, mais au contraire se prolongerait sur la terre ferme, plein est, au-delà de la borne XLIII, tout à fait à la droite de l'échancrure, jusqu'à la baie Covehead. En ce cas toutefois, comme il a déjà été dit, il serait difficile d'interpré- ter la description car elle ne couperait jamais la laisse de haute mer moyenne de la baie Brackley; au contraire elle ne s'arrêterait qu'à la baie Cove- head. Si l'échancrure n'existait pas en fait, alors la petite surface à son extrémité, marquée A sur les plans subséquents, ne serait pas visée par les expropriations de 1937. Deux autres surfaces sur ces plans, dont les dimensions exactes sont sans conséquence, sont l'une marquée B, située en partie dans l'échancrure qui apparaît sur le plan et en partie à l'est de celle-ci, 850 pieds à l'est de la borne XLII, descendant jusqu'à la ligne rouge qui serait la laisse moyenne de haute mer, et l'autre, beaucoup plus large, subséquemment appelée l'aire C, s'étendant depuis l'est de l'aire B jusqu'à la baie Covehead. Les limites nord des aires B et C seraient constituées par la ligne droite tirée de la borne XLII à la borne XLIII et prolongée dans la même direction jusqu'à la baie Covehead. Ce sont les surfaces litigieuses.
La description qui fut faite du fonds lors de l'expropriation de 1937 se termine par ces mots: [TRADUCTION] «Le tout tel que souligné en rouge comme l'indique le plan annexé». La défenderesse soutient que cette ligne rouge trace la limite du fonds exproprié et cite de la jurisprudence en ce sens y compris l'arrêt de la Cour suprême Grasett c. Carter 4 . Je ne souscris pas à cette opinion. Dans cette affaire, comme dans d'autres d'ailleurs, il n'y a aucune description en tenants et aboutissants; on ne peut se référer qu'à un plan. En l'espèce, après
4 (1885) 10 R.C.S. 105.
avoir soigneusement décrit le fonds, comme à l'époque il crut qu'il devait être, l'arpenteur annexa ensuite un plan sur lequel avait été tracée une ligne rouge. La ligne rouge correspond à son interprétation de la description mais n'y ajoute rien; aussi, si la description est fausse, parce qu'on y indiquerait erronément la présence d'une échan- crure aucune n'existe, alors la ligne rouge n'ajoute rien ni n'a l'effet d'élargir la surface expropriée. C'est ce qu'avaient pensé la plupart des fonctionnaires impliqués dans le dossier, autrement l'expropriation de 1954 n'aurait pas été nécessaire pour inclure cette partie du fonds.
De 1937 1954 M. Shaw échangea une volumi- neuse correspondance avec plusieurs fonctionnaires pour tenter de faire reconnaître ces droits sur ce terrain. Dans une lettre du 22 mars 1949, qu'il envoie à M. James Smart du ministère des Mines d'Ottawa, il déclare que le sol dont il a parlé, et que M. Smart a marqué sur la carte, lui appar- tient. Il ajoute:
[TRADUCTION] Heureusement l'arpenteur a fait une erreur et en conséquence le tout est faux.
Après il aurait demandé à un ingénieur de revoir le travail et consulté le ministère des Travaux publics. Il écrit:
[TRADUCTION] Il semble que votre propriété doive longer la ligne actuelle jusqu'à la baie Covehead. Toutefois je n'en veux qu'une partie.
Il parle de la construction des voies d'accès au parc et ajoute:
[TRADUCTION] J'espère qu'ils construiront cette route avant que je ne meure de vieillesse.
C'était pour le moins de l'ironie puisqu'en 1980 il était toujours bien portant et fort alerte lorsqu'il témoigna à l'audience. Il incluait un croquis gros- sier intitulé [TRADUCTION] «Surface qu'il est pro- posé de retenir», soit celle qui fut subséquemment désignée comme la surface B et, pour ce qui est de la surface ultérieurement appelée surface C, il écrit: [TRADUCTION] «vous pouvez avoir cette partie». Dans un mémorandum au conseil juridique du ministère des Ressources et du développement économique, M. Smart recommandait d'agir en ce sens pour que les limites du parc soient définitive- ment reconnues. Le conseil répliqua que des pour- parlers avec la province devraient être engagés et que si celle-ci se déclarait prête à fournir un titre pour le fonds additionnel, la limite pourrait être
arpentée et la Loi modifiée. Une correspondance volumineuse s'ensuivit et il semble qu'il ait été généralement admis par toutes les parties qu'en 1937 l'expropriation n'avait pas en fait inclus ces surfaces ou, à tout le moins, on en doutait. A un moment donné on crut que la surface B se prolon- geait sur 500 pieds à l'est de la borne XLII, avant que la ligne ne coupe vers la baie Brackley. M. Shaw voulait 1,000 pieds et le Directeur des parcs en proposait 700. Le 11 février 1952 l'ami de M. Shaw, M. Matheson, écrivit au Directeur des parcs, lui disant:
[TRADUCTION] Bien entendu nous prenons pour attitude que ce fonds n'a jamais appartenu à la province ni au D. du C., que les Shaw en réalité font donation des hautes terres et des dunes au parc national et que la surface conservée ne constitue qu'une petite partie de ce qui leur revient de droit.
Le 16 août 1952 le Directeur des parcs écrivit au Directeur des parcs nationaux lui disant qu'il avait discuté de la limite de la baie Brackley avec M. J. O. C. Campbell, le sous-procureur général de la province, qu'il avait exprimé l'avis que M. Shaw était le propriétaire du terrain litigieux que l'ar- penteur, M. R. W. Cautley, avait considéré comme une échancrure mais qui se révélait maintenant être de la terre ferme, de sorte que toute modifica tion de la limite à cet endroit devrait faire l'objet d'un arrangement entre eux et M. Shaw. M. H. A. Young, Sous-ministre, écrit le 6 octobre 1952 M. Campbell pour lui suggérer que la ligne soit pro- longée vers l'est de 850 pieds à compter de la borne XLII, selon l'azimut 24° 50' E., pour couper la laisse moyenne de haute mer de la baie Brack- ley. Ce serait la surface B. On a fait remarquer que M. Shaw aurait alors à abandonner tous ses droits sur les terrains au nord et à l'est de la nouvelle limite. M. Campbell considéra cette sug gestion comme fort sage. Un nouveau bornage fut proposé. Il fut exécuté par M. V. A. MacDonald, arpenteur chef du Department of Public Highways (le ministère de la Voirie) de l'Île-du-Prince - Edouard. On prépara une description de la limite proposée pour le parc, laquelle exclurait la surface B mais inclurait les surfaces A et C. Entre-temps les fonctionnaires du parc autorisèrent la chasse dans le secteur controversé. Après un autre échange de correspondance, le ministère de la Jus tice, en janvier 1954, désigna comme son agent en cette affaire M. F. A Large, c.r., de Charlottetown (devenu aujourd'hui le juge Large). Dans une lettre que le ministère de la Justice adressa le 6
mai 1954 à M. Large, on suggère, pour éviter tout litige futur en matière de propriété, que la province réacquière les terres incluses dans l'aire C et les transporte à Sa Majesté la Reine du chef du Canada.
En temps requis, le 22 juillet 1954, fut pris un décret de l'Ile-du-Prince-Edouard, comme dit pré- cédemment, modifiant la description de façon à ce que soient incluses les surfaces A et C mais expres- sément exclue la surface B. M. Large écrivit au sous-ministre de la Justice à Ottawa pour dire qu'il avait préparé un acte d'aliénation pour transmettre les deux fonds de terre de la province au Domi nion. A ce moment-là M. W. R. Jackett, Sous- ministre adjoint (qui devint plus tard le juge en chef Jackett) écrivit à M. Large lui proposant l'adoption d'un nouveau procès-verbal du Conseil des ministres de l'Île-du-Prince -Edouard qui trans- porterait [TRADUCTION] «l'administration, le con- trôle et la jouissance" des fonds à la Couronne du chef du Canada; il citait de la jurisprudence, laquelle disait que la Couronne provinciale ne pouvait régulièrement opérer une aliénation en faveur de la Couronne canadienne. Ce décret modificateur fut pris le 21 octobre 1954 et dûment enregistré par le conservateur du bureau d'enregis- trement comme le demande l'article 3 du c. 102 des Lois de l'Île-du-Prince -Edouard. M. Large prescrivit aussi que, conformément à l'article 4, un exemplaire de l'acte soit expédié à M. Shaw par courrier recommandé.
Un décret canadien fut pris le 6 avril 1955; il mentionne la nécessité de réajuster les limites du lopin 3 pour se conformer au plan et au bornage révisés et dit_ qu'il est nécessaire que le Canada obtienne de l'Ile-du-Prince-Edouard le titre de pro- priété de deux lopins de terre et cède à la province un autre lopin adjacent au nord de la baie Brack- ley. 5 La cession de l'administration, du contrôle et de la gérance des deux lopins à la Couronne canadienne était approuvée. Quoique aucune men tion expresse n'ait été faite du motif de la rétroces- sion dudit lopin B à l'Île-du-Prince -Edouard, il est évident qu'on voulait par qu'il soit remis à M. Shaw. La correspondance importante qui suivit établit simplement que les résidents locaux s'inté- ressaient d'abord et avant tout à la chasse. Les
5 Il s'agit du lopin B.
fonctionnaires du parc craignaient de ne pouvoir l'empêcher aussi proposa-t-on de modifier la Loi sur les parcs nationaux pour y inclure la descrip tion révisée des limites du parc. De nouveaux ministres et de nouveaux sous-ministres, tant de l'ordre provincial que fédéral, vinrent en poste, aussi fallut-il expliquer à nouveau, et à nouveau encore, la situation. Apparemment on chercha à faire rouvrir le dossier et à faire exclure du parc une plus grande surface au profit de la chasse. Le 5 septembre 1957 l'honorable Alvin Hamilton, qui était en correspondance avec J. Angus MacLean, le ministre des Pêches de l'Île-du-Prince -Edouard, écrivit à M. Shaw lui disant que: [TRADUCTION] «tout changement qui aurait pour effet de réduire à nouveau le fonds réservé au parc national remet- trait en cause le compromis accepté depuis plu- sieurs années. Un tel changement ne laisserait d'autre choix au Ministère que de revenir à son interprétation initiale du plan de 1937. Toute déci- sion finale à laquelle on arriverait alors pourrait fort bien se révéler moins favorable que l'actuel état de fait. Dans les circonstances je crois que vous reconnaîtrez avec moi qu'il vaut mieux laisser les choses telles qu'elles sont». L'honorable A. Hamilton écrivit aussi à M. H. MacQuarrie, alors député provincial de l'Île, devenu subséquemment sénateur, au sujet d'une pétition d'un groupe de ses électeurs qui voulaient voir agrandir le terrain était autorisée la chasse. Il y répétait qu'il n'était pas souhaitable d'apporter d'autres modifications aux limites du parc. Un échange de correspon- dance subséquent, avec l'honorable W. A. Mathe- son, alors premier ministre de l'Île, en 1957, révèle une certaine hésitation à ce sujet. Le 30 septembre 1958 M. Hamilton écrivit à M. Matheson pour lui dire qu'à la suite d'un nouveau bornage les lopins B et C seraient rétrocédés à la province. La lettre affirme expressément que les lopins B et C [TRA- DUCTION] «ne font pas présentement partie du parc à cause de l'ambiguïté de la description des fonds riverains actuellement donnée à l'annexe de la Loi sur les parcs nationaux».
La plus grande partie de la correspondance qui suit concerne l'endroit en général ainsi que l'em- placement de la laisse de haute mer moyenne. En 1970 le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'alors décida que le Canada devrait conserver les terrains parce qu'il s'agissait d'un lieu important pour les oiseaux migrateurs qui y
trouvaient leur nourriture. Dans une lettre du 22 février 1974, de Pierre Fortin, adjoint spécial du Ministre, adressée à l'avocat du demandeur, on dit que la Couronne canadienne revient à sa position initiale, soit: que les surfaces en question aient toujours fait partie du parc depuis 1937 et que l'expropriation de 1954 ait eu lieu seulement pour faire disparaître les ambiguïtés et non parce qu'on avait reconnu que la surface C se trouvait à l'exté- rieur des limites du parc. En réalité la Loi sur les parcs nationaux canadienne fut modifiée par le S.C. 1974, c. 11 de façon à inclure les surfaces A et C. La surface B dont le demandeur se prétend propriétaire n'existe pour ainsi dire que dans les nuages. Elle a été délibérément exclue par la Cou- ronne provinciale de l'expropriation de 1954, afin qu'on puisse l'aliéner au demandeur, et elle a été exclue de la description modifiée apparaissant dans la Loi sur les parcs nationaux de 1974, qui n'a inclus que la description des surfaces A et C du parc, les seules que la Couronne provinciale ait expropriées pour cette fin. Le titre appartient donc à celui à qui il était dévolu avant l'expropriation de 1954; le fonds est à l'extérieur des limites du parc et donc, apparemment, on n'a ni souhaité ni voulu l'inclure dans le parc. Il suffirait que la Couronne canadienne le cède par décret à la Couronne pro- vinciale et qu'à son tour, celle-ci le remette au demandeur conformément aux accords intervenus à l'époque. La défenderesse soutient quand même que le fonds était visé par l'expropriation de 1937; elle admet cependant tacitement, sinon expressé- ment, que le bornage Cautley était erroné; de sorte que l'expropriation de 1954, effectuée par la Cou- ronne provinciale, et la modification subséquente apportée à la Loi sur les parcs nationaux, étaient nécessaires pour corriger la limite sud du parc. Indépendamment de l'accord intervenu à l'époque, l'article 7 de The National Parks Act (ci-dessus) exige que tout fonds exproprié non nécessaire à un parc national soit revendu à l'exproprié au prix de l'indemnité versée. Comme cette surface ne fait pas partie du parc, elle devrait présumément être retournée à M. Shaw si l'argument de la défende- resse voulant qu'elle ait été régulièrement incluse dans l'expropriation de 1937 devait être accepté.
Comme je vois la chose, la seule aire sur laquelle le demandeur puisse encore prétendre à quelque droit est celle que désigne la lettre B et qui, délibérément, a été exclue du parc national. Vu
que je ne considère pas qu'elle ait été régulière- ment incluse dans l'expropriation de 1937, la pré- tention de la Couronne à son sujet doit dépendre de l'accroissement. De même la prétention de M. Shaw est, elle aussi, fondée sur l'accroissement. Comme je l'ai dit précédemment la preuve admi- nistrée à ce sujet est loin d'être concluante. Le témoin McCann, expert fort bien renseigné et fort utile, n'a pu établir avec quelque certitude l'empla- cement de la laisse moyenne de haute mer même pour l'année 1978; a fortiori cet emplacement est beaucoup plus incertain pour les années 1936 ou 1793. Ces observations, a-t-il reconnu, ont été faites alors que les marées étaient à leur plus haut niveau, la lune étant pleine et à son périgée à cette époque. La marée haute est normalement, a-t-on admis, moins haute aux autres époques de l'année. Parmi la doctrine à laquelle on s'est référé, l'un des ouvrages les plus utiles à ce sujet est le traité sur le droit fluvial de A. S. Wisdom (The Law of Rivers and Watercourses) qui, aux pages 19 et 20, définit l'estran comme: [TRADUCTION] «cette por tion du sol entre la laisse de haute et celle de basse mer, en période de petites marées ou, plus particu- lièrement, le sol entre la laisse de haute et celle de basse mer, apparaissant entre le flux et le reflux ordinaire de la mer. La haute mer ordinaire est mesurée à ce point de la ligne de la haute mer moyenne, entre les marées de printemps et les marées de mortes-eaux, établi par la moyenne des marées normales au cours de l'année, c'est-à-dire le point sur la plage qui, quatre jours par semaine pendant la plus grande partie de l'année, est atteint et recouvert par la marée». On trouve une autre bonne définition dans l'ouvrage de La Forest: Water Law in Canada—The Atlantic Provinces—à la page 240:
[TRADUCTION] Par laisse de haute mer de petite marée, on entend la laisse moyenne de haute mer des petites marées ou marées de mortes-eaux. Plus précisément on notera avec profit que le droit connaît trois genres de marées: (I) les grandes marées de printemps qui se produisent aux deux équinoxes; (2) les marées de printemps qui se produisent lors de la pleine lune ou de la nouvelle lune; (3) les petites marées ou marées de mortes-eaux qui ont lieu entre la pleine lune et la nouvelle lune deux fois toutes les vingt-quatre heures. Les deux premières sont exclues lors de la mesure de la laisse moyenne de haute mer, laquelle se réfère à la petite marée ou marée de mortes- eaux. La petite marée ou marée de mortes-eaux bien entendu varie de jour en jour. Pendant trois jours de la semaine la marée est plus haute que la moyenne et pour trois autres jours plus basse; pour un jour la marée moyenne est atteinte. C'est cette marée moyenne qui a été adoptée comme laisse ordinaire
ou moyenne de haute mer. Dans l'affaire Nielson c. Pacific Great Eastern Ry. ([1918] 1 W.W.R. 597) le juge Macdonald de la Cour suprême de Colombie-Britannique a dit que cette limite ne pouvait être déterminée que par des observations faites au moins tout au long d'une année et, comme il n'y avait aucune archive en Colombie-Britannique, cette affaire fut décidée, il eut recours à l'état de la végétation et aux accumula tions d'épaves et de bois de grève. Mais en des circonstances ordinaires il est douteux que l'état de la végétation puisse servir de guide; dans l'affaire Turnbull c. Saunders ((1921) 48 R.N.-B. 502) en Cour suprême du Nouveau-Brunswick, on a dit que la végétation n'avait rien à voir avec la localisation de la laisse de haute mer.
Certaines formes de végétation qu'a décrites le témoin McCann n'ont besoin de l'eau de mer que quatre ou cinq fois par mois. Ce n'est pas l'ceuvre de la laisse moyenne de haute mer annuelle mais celle de quelque grande marée. Le niveau de la laisse moyenne de haute mer doit être quelque peu en deçà. Il y a un grand banc de sable, apparaissant clairement dans les photographies aériennes, qui constitue la plus grande partie inon- dée. L'inondation se produit avant tout dans l'aire C mais aussi, en partie, dans l'aire B. Certaines parties de l'aire B seraient donc sous la laisse moyenne de haute mer mais une grande partie de l'aire, et en particulier la zone la plus haute au nord-ouest, pousse par exemple une épinette de 45 ans environ, constitue certainement la terre ferme. Dans un plan d'arpenteur daté du 12 octo- bre 1977 (pièce 237), une ligne indiquerait la laisse ordinaire de haute mer à ce moment-là, laquelle est plus haute que celle établie par l'ar- penteur V. A. MacDonald en 1953, mais elle ne touche aucunement la surface indiquée comme une échancrure dans le levé Cautley de 1937. Une partie importante de la surface B doit donc être considérée comme de la terre ferme. S'appuyant largement sur l'arrêt de la Cour suprême Le pro- cureur général de la province de Colombie-Bri- tannique c. Neilson 6 , la défenderesse attache une importance considérable à la théorie de la «forma- tion verticale» que l'on distingue de l'accroisse- ment. L'affaire portait sur les alluvions que for- mait une rivière, ce qui n'est pas le cas ici, mais les mêmes principes s'appliquent. La théorie, que défendent aussi d'autres auteurs, veut qu'il y ait lieu à accroissement proprement dit lorsque la rive se retire graduellement, et presque insensiblement, au cours d'une longue période de temps. Mais si du
6 [1956] R.C.S. 819.
sable ou de la glaise sont apportés en un lieu donné et déposés (en l'espèce aidés par la végétation qui tend à les retenir lorsque l'eau se retire), ils s'amassent verticalement. Les faits de l'espèce colombienne étaient en substance similaires à ceux du présent cas, s'il fut jamais possible de comparer deux fonds de terre; le juge Rand dit à la page 827:
[TRADUCTION] Mais l'accroissement, l'extension lente du sol par le fait du changement insensible de la limite, est traité, dans les deux degrés de juridiction inférieurs, comme incluant le soulèvement graduel généralisé, par le fait de la sédimentation, du lit d'une rivière. En toute déférence je ne puis que penser qu'il s'agit d'une fausse conception. Ce soulèvement graduel ici n'était pas, en cours de formation, un processus d'accroisse- ment; c'était au contraire une émergence généralisée d'un sol appartenant à la Couronne. L'accroissement n'a pas lieu tant que la ligne des hautes eaux n'a pas retraité, ou n'a pas été repoussée par le sol s'élargissant. Lorsque le niveau général de la basse mer en l'espèce a été atteint, la surface que recou- vraient les eaux demeurait la propriété de la Couronne: les sédiments soulevant le fond verticalement n'avaient touché aucune autre propriété. Alors commença la formation de crêtes émergées sur ce sol au même moment qu'il s'en formait aux limites du lot originaire. Sauf en ce dernier point, il s'agissait de bandes émergées de ce qui avait été le lit de la rivière, sans lien aucun avec le lot. Cette formation verticale généralisée ne comportait aucun élément d'annexion progressive et d'extension du sol existant découlant d'un déplacement des eaux: la crête principale à l'extrémité sud subissait le même processus et en était au même degré de soulèvement que l'extrémité nord.
Lorsque les conditions d'application de l'accroissement au profit des personnes privées ne sont pas présentes, la propriété de la Couronne n'est pas atteinte.
De toute évidence un banc de sable ou une île au large n'appartiennent pas au propriétaire riverain à moins de titre exprès contraire; si, avec l'écoule- ment du temps, de la glaise et du sable se déposent dans l'espace les séparant de la rive, cela ne lui donne pas la propriété de cet espace, ni du banc, alors qu'une extension graduelle de la terre vers le large, due à l'action des marées et du vent, consti- tuerait un accroissement proprement dit. Que se passe-t-il lorsque, et si, cet accroissement depuis la rive atteint éventuellement le banc de sable? C'est une question sur laquelle je n'émets aucun avis car rien n'indique que ce soit ce qui est arrivé sur la rive sud, du côté de la baie Brackley.
Je crois que la seule conclusion définitive à laquelle on puisse arriver au sujet de la surface B, c'est qu'une partie de celle-ci appartient à la Cou- ronne en vertu de sa propriété du sol au-delà de la laisse moyenne de haute mer mais que la plus
grande partie constitue une surface que M. Shaw peut légitimement revendiquer. Le sol appartenant à la Couronne irait à la province toutefois, non à la Couronne canadienne. (Voir l'Affaire de la com- pétence sur les pêcheries provinciales (1897) 26 R.C.S. 444 aux pages 514, 515. Voir aussi l'ou- vrage Water Law in Canada (précité) à la p. 463.)
Le refus de la Couronne canadienne de retour- ner à la Couronne provinciale la surface B de façon que celle-ci puisse alors fournir un titre clair à M. Shaw est difficile à comprendre vu que cette surface a été définitivement exclue des limites du parc par la description modifiée que contient la Loi de 1974. Cela éclaircirait le titre sur ce fonds une fois pour toutes, à la satisfaction de toutes les parties, et ne ferait qu'exécuter en toute bonne foi les accords conclus et approuvés, après de longues discussions, par les différents ministres de la Cou- ronne. M. Shaw a avec persistance fait acte de propriétaire sur ledit fonds, en y aménageant un terrain de golf, puis des caches pour la chasse, etc., et même, à une certaine époque, en y plaçant des pancartes avisant qu'il s'agissait d'une propriété privée et que les intrus seraient poursuivis en justice (pièce 211-A). La Couronne canadienne quant à elle ne s'est jamais opposée à cela et a maintenant choisi de ne pas inclure la surface dans son parc. La Couronne canadienne n'a jamais interdit la chasse, même dans l'aire C, au moins jusqu'à l'adoption de la Loi de révision de 1974 qui l'inclut dans les limites du parc. Apparemment on ne savait pas s'il fallait y autoriser la chasse ou au contraire l'inclure dans les limites du parc pour l'interdire; il s'agissait d'une question politique débattue depuis l'expropriation des surfaces A et C en 1954, et qui l'était encore lors de l'adoption de la Loi de 1974. C'est un peu la faute du deman- deur si on n'a pas donné d'effet au règlement de 1954 auquel tous avaient souscrit. Ayant accepté d'abandonner ses prétentions sur la surface C en échange d'un titre clair sur la surface B, lui et ses amis et associés n'en ont pas moins par la suite cherché par tous les moyens à la faire exclure du parc pour que la chasse y soit autorisée. L'affaire devint une question autant politique que juridique de sorte que la Couronne canadienne déclara, pro- bablement à bon droit, que rien de plus ne serait fait pour exécuter l'accord portant sur la partie B tant que la Loi sur les parcs nationaux ne serait pas modifiée pour inclure dans le parc les aires A
et C, et cela a pris 20 ans. Dans l'intervalle M. Shaw conserva l'usage du fonds mais sans obtenir aucun titre clair sur celui-ci. On peut même soute- nir que si l'expropriation de 1937 incluait les sur faces B et C, ou si elles appartenaient à la Cou- ronne par accroissement, alors M. Shaw, en offrant de signer une quittance renonçant à toute prétention future sur la surface C, en contrepartie d'un titre clair sur la surface B, offrait en réalité d'aliéner la propriété du fonds d'autrui. La défen- deresse fait valoir des arguments subsidiaires l'un à l'autre et dans un sens mutuellement incompati bles. Le premier est une assertion de propriété en vertu de l'expropriation de 1937, fondée sur la description qu'en a donnée M. Cautley à l'époque, dont tout le monde admet maintenant qu'elle était erronée. Sans cela l'expropriation de 1954 n'aurait pas été nécessaire mais au contraire superflue. La Couronne canadienne de fait participa aux arran gements la concernant et, en temps voulu, accepta «l'administration, le contrôle et la jouissance» des aires expropriées; ce qui excluait la surface B. Le fonds exproprié en 1937 fut en réalité vendu par la Couronne provinciale à la Couronne canadienne mais il est apparu plus tard qu'il s'agissait d'une façon erronée de faire. Dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Le procureur général du Canada c. Higbie' on dit à la page 404:
[TRADUCTION] Après tout il n'y a pas vraiment aliénation vu que Sa Majesté demeure propriétaire dans les deux cas et, donc, ce n'est que l'administration du bien qui passe du contrôle de l'exécutif de la province sous celui du Dominion. Lorsque la Couronne du chef de la province transporte un fonds à la Couronne du chef du Dominion, elle n'abandonne aucun droit. Ce qui intervient n'est qu'un changement de contrôle administratif.
La Couronne provinciale n'aurait donc pas céder le titre de propriété à la Couronne cana- dienne. On aurait faire comme lors de l'expro- priation de 1954. Mais comme j'ai jugé qu'il vaut mieux considérer que les surfaces A, B et C n'étaient pas incluses dans les descriptions du fonds exproprié en 1937, il semble que ni la pro- priété ni le contrôle administratif n'aient jamais été dévolus à la Couronne canadienne dans le cas de la surface B.
L'argument subsidiaire de la défenderesse cependant est que ni l'une ni l'autre des expropria tions n'étaient nécessaires vu que le fonds lui a
7 [1945] R.C.S. 385.
toujours appartenu de toute façon par accroisse- ment. 8 C'est un fondement fort peu solide pour prétendre à un titre de propriété sur un fonds sur lequel la Couronne canadienne ne peut plus pré- tendre à aucun droit. Ce serait un geste de bonne foi, fort équitable de la part de cette dernière, que d'exécuter les accords intervenus avant l'expro- priation de 1954 et, par décret, de retourner le fonds à la Couronne provinciale étant bien entendu que celle-ci le remettrait alors à M. Shaw. Quant à savoir si la Couronne ferait cela parce que le fonds aurait été inclus dans l'expropriation de 1937 et que, n'étant pas requis pour les fins du parc, il doive être remis à M. Shaw conformément à l'arti- cle 7 de la National Parks Act, ou parce que ce serait en exécution des accords conclus avant l'ex- propriation de 1954, ne fait en pratique aucune différence; il est clair que la Cour ne peut en l'espèce ordonner à la Couronne provinciale d'agir en ce sens. La lettre de Pierre Fortin, adjoint spécial du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, en date du 22 février 1974, qui finit par refuser de faire quoi que ce soit au sujet de la demande de M. Shaw, semble, si on la lit soigneusement, porter principalement sur la sur face C. Elle fut écrite cependant avant que ne soit adoptée la Loi sur les parcs nationaux de 1974 qui expressément exclut la surface B de la description des limites du parc. Dans sa lettre, M. Fortin dit:
[TRADUCTION] Le bill S-4 n'exclut du parc aucun terrain.
Comme le révèle la lecture de l'annexe à la Loi, ce n'est pas le cas. Il conclut:
[TRADUCTION] Si la première expropriation est contestée, nous pensons que le gouvernement fédéral ne devrait pas être mis en cause.
Cette dernière affirmation peut se révéler fort justifiée puisque c'est la Couronne provinciale qui effectua les expropriations. La Couronne provin- ciale (et il se peut fort bien que ce soit à tort) refusa toutefois à M. Shaw, dans une lettre du 27 janvier 1972, le Fiat nécessaire à sa demande, pour motif que: [TRADUCTION] «les droits de la pro vince sur le fonds ont été transportés à la Cou- ronne (fédérale); la demande de M. Shaw devrait être poursuivie contre la Couronne (fédérale).» Le fait que la Couronne provinciale ait refusé au demandeur d'agir contre elle en justice à ce sujet,
B Comme dit précédemment, si vraiment il y a eu accroisse- ment, c'est à la Couronne provinciale qu'il a profité.
bien entendu, ne lui donne en soi aucun droit qu'il n'aurait pas autrement contre la Couronne cana- dienne. Ayant montré ce que je crois que devrait faire la Couronne canadienne pour remédier à la situation, la question, fort sérieuse, demeure de savoir si la Cour peut prononcer un jugement déclaratoire en ce sens.
Le juge Dickson traita assez longuement des jugements déclaratoires dans l'arrêt récent de la Cour suprême Solosky c. La Reine [1980] 1 R.C.S. 821. L'éminent juge dit à la page 830 de l'arrêt:
Le jugement déclaratoire est un recours qui n'est pas res- treint par la forme ni limité par le fond et qui appartient à des personnes ayant un lien juridique dont découle une «véritable question» à trancher concernant leurs intérêts respectifs.
Se référant à l'affaire Russian Commercial and Industrial Bank c. British Bank for Foreign Trade Ltd. [1921] 2 A.C. 438, il cite cet extrait de l'arrêt de lord Dunedin, à la p. 448:
[TRADUCTION] La question doit être réelle et non théorique, celui qui la soulève doit avoir un intérêt réel à le faire et il doit pouvoir présenter un adversaire valable, c'est-à-dire quelqu'un ayant un intérêt véritable à s'opposer à la déclaration sollicitée.
Le problème ici c'est que la Couronne canadienne n'est probablement pas un «adversaire valable». On s'est aussi référé à l'arrêt Pyx Granite Co. Ltd. c. Ministry of Housing and Local Government [1958] 1 Q.B. 554, dans lequel lord Denning dit à la page 571:
[TRADUCTION] ... s'il existe une question de fond que quel- qu'un a un intérêt réel à soulever, et quelqu'un d'autre à s'y opposer, alors le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de la résoudre par voie de jugement déclaratoire, ce qu'il fera si c'est justifié.
Aucun jugement déclaratoire n'est expressément demandé en l'instance présente de toute façon. Ce qui est demandé c'est ou bien $2,000,000, ou bien une ordonnance attribuant les fonds expropriés en 1954 et en 1937, et pour lesquels aucune indemnité n'a été versée, au demandeur. Semblable ordon- nance ne peut être rendue contre la Couronne canadienne et, de toute façon j'ai jugé que la surface B n'a été régulièrement incluse ni dans l'une ni dans l'autre expropriation. Si cette surface ne fut jamais régulièrement expropriée, le titre en est dévolu à la Couronne provinciale, ou au demandeur, mais non à la défenderesse. L'affaire Cox c. Green [1966] 1 Ch. 216, jugea qu'un des
principes sur lequel la Cour se base pour refuser un jugement déclaratoire, c'est lorsque le litige n'en est pas un qui soit justiciable. Dans l'affaire Thorne Rural District Council c. Bunting [1972] 1 Ch. 470, le juge Megarry dit, à la page 477:
[TRADUCTION] Je reconnais que le jugement déclaratoire constitue un recours souple, largement ouvert, et que ces der- nières années la tendance à assouplir et à faciliter le recours aux tribunaux a, si besoin est, été accentuée; en vérité le recours est fort utile. Mais il doit y avoir une limite. Pour ma part je suis incapable de comprendre pourquoi une administration locale devrait être autorisée à contester les droits communs d'usage que prétend avoir A sur le fonds de B, en demandant un jugement déclaratoire contre A, alors que B, le principal intéressé, n'est même pas mis en cause. Si l'administration perd, pourquoi B devrait-il voir son fonds grevé d'un droit raffermi, ou apparemment raffermi, alors qu'il aurait fort bien pu être à même d'en démontrer l'inexistence s'il avait été partie à l'instance?
Bien que je puisse indiquer, et que j'aie indiqué, à la défenderesse la voie à suivre relativement à la surface B, il s'agit plutôt d'une question politi- que que d'une décision judiciaire. Je ne crois pas que la Cour puisse ordonner à la Couronne d'adop- ter un décret en exécution d'un engagement anté- rieur. A cet effet je me référerai à nouveau à l'arrêt Le procureur général du Canada c. Higbie (précité), le juge en chef Rinfret, à la page 405, cite un extrait de l'affaire Theodore c. Duncan [1919] A.C. 696, à la page 706, le vicomte Haldane dit, en parlant de l'exercice, par les minis- tres de la Couronne, de leur pouvoir discrétion- naire:
[TRADUCTION] Aucune cour de justice ne peut exercer ce pouvoir discrétionnaire s'il n'y a pas eu violation d'une disposi tion législative édictée par la législature. Les ministres ne sont responsables de l'exercice de leurs fonctions que devant la Couronne et le Parlement et n'ont de compte à rendre à aucune autorité extérieure, aussi longtemps qu'ils ne font rien d'illégal.
Avec regret donc je ne puis en l'instance ordon- ner que soient faites les démarches nécessaires pour confirmer le titre que le demandeur prétend avoir sur l'aire désignée par la lettre B ni, subsi- diairement, lui attribuer un tel titre de propriété. Ce qui laisse la question de sa propriété, et même celle de sa possession, indéfinie et incertaine; ce qui ne peut être corrigé que, comme je l'ai suggéré, par la Couronne canadienne et la Couronne pro- vinciale de concert, lesquelles pourraient faire les démarches nécessaires pour exécuter les accords conclus de bonne foi par toutes les parties en 1954. Cela la Cour ne peut l'ordonner toutefois, aussi le demandeur est-il débouté mais sans frais.
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