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T-5893-79
The New Brunswick Telephone Company, Limited et Teldata Limited (Requérantes)
c.
Le registraire des marques de commerce (Intimé)
Division de première instance, le juge Cattanach— Ottawa, 3 et 10 avril 1980.
Pratique Parties Marques de commerce Requête en autorisation de se faire citer comme intimés à l'égard d'un avis introductif de requête tendant à ordonner au registraire des marques de commerce de modifier l'enregistrement d'une marque de commerce Les requérants en l'espèce sont défen- deurs dans une action distincte intentée devant la Cour fédé- rale, action par laquelle les signataires de l'avis introductif de requête cherchent à établir leurs droits sur une marque de commerce L'avis introductif de requête a été signifié aux procureurs des requérants en l'espèce Requête accueillie Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 40, 57, 58, 59 Règles 5, 319, 321, 322, 704, 705 de la Cour fédérale Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 , Supp.), c. 10, art. 50,
Requête introduite par Teledata Limited et Donald M. Fer- guson pour se faire citer comme intimés à l'égard d'un avis introductif de requête tendant à ordonner au registraire des marques de commerce de modifier l'enregistrement d'une marque de commerce. Les requérants en l'espèce sont défen- deurs dans une action distincte intentée devant la Cour fédé- rale, action par laquelle les demanderesses (requérantes pour ce qui est de l'avis introductif de requête) cherchent à établir leurs droits sur une marque de commerce, contre les défendeurs. Les requérants en l'espèce s'opposent à l'accueil de l'avis introductif de requête qui aurait pour effet de modifier les faits sur lesquels est fondée leur défense de nullité de l'enregistrement. Seul le registraire des marques de commerce est cité comme intimé dans l'avis introductif de requête, lequel a été pourtant signifié aux procureurs des requérants en l'espèce.
Arrêt: les requérants seront mis en cause dans la requête introductive d'instance à titre d'intimés. Rien n'indique que telle ou telle personne doit être partie à une requête introduc- tive d'instance, bien que l'on puisse déduire que les personnes à qui l'avis est signifié ou celles à qui la Cour ordonne, en vertu de la Règle 322, que l'avis soit notifié, sont en droit d'être entendues au sujet de la requête et, par conséquent, y sont parties. Selon le paragraphe 59(2) de la Loi sur les marques de commerce, toute personne à qui a été signifiée copie d'un avis introductif de requête et qui entend contester cette requête, doit produire une réponse dans le délai prescrit. En fait, l'avis introductif de requête a été signifié aux requérants en l'espèce. Selon l'alinéa (4) de la Règle 704, la personne à qui un avis de requête a été signifié conformément au paragraphe 59(2) de la Loi sur les marques de commerce peut déposer et signifier une réponse. Signification a été faite dans ces conditions aux requé- rants en l'espèce. Dès lors, ils tiennent à la fois de la Loi et des Règles susmentionnées le droit de déposer une réponse à une requête introductive, ce qui fait d'eux des parties légitimes à cette requête. Vu les circonstances de la requête introductive
d'instance, les requérants en l'espèce sont des personnes à qui elle doit être signifiée. Les changements envisagés pour l'enre- gistrement de la marque de commerce et pour la propriété de cette marque sont d'une importance capitale pour les requé- rants. Si les modifications étaient approuvées, elles pourraient s'interpréter comme ayant un effet rétroactif et, de ce fait, priver les requérants du moyen de défense qu'ils ont fait valoir.
REQUÊTE. AVOCATS:
R. H. Barrigar pour les requérantes.
Leslie Holland pour l'intimé.
R. G. McClenahan, c.r. et J. Steinberg pour
Teledata Limited et Donald M. Ferguson.
PROCUREURS:
Barrigar & Oyen, Ottawa, pour les requéran- tes.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour Tele- data Limited et Donald M. Ferguson.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Il s'agit d'une demande faite au nom de TELEDATA LIMITED et de DONALD M. FERGUSON et tendant à obtenir pour ces der- niers l'autorisation, entre autres, d'être mis en cause à titre d'intimés en même temps que le registraire des marques de commerce dans un avis introductif de requête produit, en vertu de l'article 57 de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, par les requérantes dont les noms figurent dans l'intitulé de la présente cause, et requérant la Cour d'ordonner au registraire des marques de commerce de modifier les détails de l'enregistrement de «TELDATA», no 191,730, relati- vement à la prétendue date de premier emploi et au propriétaire inscrit de cette marque.
Le 3 août 1972, TELDATA LIMITED (une partie à l'avis introductif) a demandé l'enregistrement de «TELDATA» comme marque de commerce en liai son avec le matériel de télécommunications et les services d'analyse des données, alléguant respecti- vement avril 1972 et février 1972 comme date de premier emploi.
Le 4 juin 1975, THE NEW BRUNSWICK TELE PHONE COMPANY, LIMITED a été enregistrée à titre d'usager inscrit de la marque de commerce «TELDATA».
La requérante dans la présente requête a été constituée en vertu des lettres patentes fédérales datées du 13 janvier 1972 sous la dénomination sociale de TELEDATA LIMITED—TELEDATA LIMI- TÉE, en vue de faire le commerce de pièces électri- ques et électroniques, commerce qu'elle exerce effectivement depuis la date de sa constitution.
Il est clair que la constitution de TELEDATA LIMITED, le 13 janvier 1972, précède les dates de premier emploi, savoir février 1972 et avril 1972, données par TELDATA LIMITED dans sa demande d'enregistrement de la marque de commerce «TEL- DATA» datée du 3 août 1972.
Il est allégué dans l'avis introductif de requête que THE NEW BRUNSWICK TELEPHONE COM PANY, LIMITED a été le premier usager de la marque de commerce «TELDATA», la date de pre mier emploi étant juin 1972, et que c'était elle qui était en droit d'enregistrer la marque aTELDATA», et non sa filiale en propriété exclusive, qui n'a été constituée qu'en mars 1972 et qui, par conséquent, n'a pas pu utiliser la marque «TELDATA» dès février 1972 comme elle l'a prétendu dans sa demande d'enregistrement de la marque en liaison avec le matériel de télécommunications, puis- qu'elle n'existait pas à cette date.
Les requérantes, THE NEW BRUNSWICK TELE PHONE COMPANY, LIMITED et TELDATA LIMITED (sa filiale), veulent par leur avis introductif de requête, le registraire des marques de com merce a été cité comme intimé, faire substituer à la date de février 1972 celle de juin 1972 comme date de premier emploi par THE NEW BRUNSWICK TELEPHONE COMPANY, LIMITED au lieu de TEL- DATA LIMITED, et remplacer TELDATA LIMITED par THE NEW BRUNSWICK TELEPHONE COM PANY, LIMITED comme propriétaire inscrit.
Par déclaration datée du 14 février 1978 et déposée devant la Cour fédérale le même jour (dans la cause T-613-78), THE NEW BRUNS- WICK TELEPHONE COMPANY, LIMITED et TEL- DATA LIMITED ont demandé à la Cour d'enjoindre aux défendeurs TELEDATA LIMITED et DONALD M.
FERGUSON de ne pas se prévaloir du mot uTELE- DATA» comme marque de commerce faisant partie de sa dénomination sociale en liaison avec l'équipe- ment ou les services de télécommunication et de prendre diverses autres mesures habituellement réclamées dans un procès relatif aux marques de commerce.
Bref, les demanderesses ont revendiqué les droits afférents à l'enregistrement 191,730 du mot «TELDATA» comme marque de commerce à l'en- contre des défendeurs. Naturellement, cette marque a été déclarée valide et existante.
Les défendeurs ont déposé une défense et demande reconventionnelle datée du 31 mai 1978, qu'ils ont modifiée le 20 novembre 1978, faisant valoir que la marque de commerce des demande- resses est nulle au motif que TELDATA LIMITED, auteur de la demande d'enregistrement de la marque et propriétaire inscrit, n'a pas utilisé cette marque depuis février 1972 ni à aucun moment précédant l'enregistrement de la marque «TEL- DATA» sous son nom. Par demande reconvention- nelle, ils requièrent aussi la Cour, d'ordonner, en vertu de l'article 57 de la Loi sur les marques de commerce, la radiation de l'enregistrement.
L'avocat des demanderesses et des requérantes de l'avis introductif de requête reconnaît que les dates de premier emploi alléguées dans la demande d'enregistrement de la marque de commerce pré- sentée le 3 août 1972 sont inexactes et que TEL- DATA LIMITED n'était fondée ni à présenter une demande ni à devenir propriétaire inscrit comme il ressort de l'inscription.
Il admet franchement que l'avis introductif de requête vise à corriger ces erreurs flagrantes.
D'autre part, l'avocat des défendeurs et des requérants dans la requête dont je suis saisi actuel- lement s'oppose énergiquement à ce que soit accueilli l'avis introductif de requête parce qu'il s'agit, en plein litige, d'une tentative de modifier les faits sur lesquels la défense s'appuie pour invo- quer la nullité de l'enregistrement, ce qui priverait les requérants de ce moyen de défense.
Toutes les parties admettent qu'on ne peut recourir à l'article 40 de la Loi sur les marques de commerce pour modifier l'inscription au registre.
Les modifications demandées ne sont pas de celles que prévoit cet article.
L'on a donc invoqué l'article 57, que voici:
57. (1) La Cour fédérale du Canada a une compétence initiale exclusive, sur la demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu'une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l'inscription figurant au registre n'exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.
(2) Aucune personne n'a le droit d'intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une décision rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d'interjeter appel.
Le paragraphe 59(1) de la Loi porte qu'une demande fondée sur l'article 57 doit être faite par la production d'un avis introductif de requête.
Le paragraphe 59(2) est ainsi conçu:
59....
(2) Toute personne à qui a été signifiée une copie de cet avis, et qui entend contester l'appel ou la demande, selon le cas, doit produire et signifier, dans le délai prescrit ou tel nouveau délai que la cour peut accorder, une réplique indiquant tous les détails des motifs sur lesquels elle se fonde.
Dans l'avis introductif de requête daté du 1I décembre 1979, seul le registraire des marques de commerce est cité comme intimé.
Le registraire des marques de commerce a pro- duit une réponse. Il s'oppose à ce que l'on déclare que la marque de commerce est utilisée par THE NEW BRUNSWICK TELEPHONE COMPANY, LIM ITED depuis juin 1972 plutôt que par TELDATA LIMITED, car cela causerait un préjudice à toute personne qui a pu renoncer à son droit de s'opposer à la demande fondée sur les dates d'emploi anté- rieures données par TELDATA LIMITED dans sa demande d'enregistrement.
Si je comprends bien, l'avocat du registraire des marques de commerce a peut-être ordonné ou suggéré que l'avis introductif de requête soit signi- fié aux défendeurs TELEDATA LIMITED et DONALD M. FERGUSON dans l'action inscrite devant la Cour fédérale sous le T-613-78.
Un avis daté du 28 décembre 1979 portant qu'une procédure a été intentée par voie d'avis introductif de requête (dont copie était annexée) a été signifié aux procureurs de TELEDATA LIMITED et de DONALD M. FERGUSON; cette signification a
été reconnue à l'endos du document le 3 janvier 1980. Le registraire des marques de commerce et le sous-procureur général du Canada ont égale- ment reconnu que la signification leur avait été faite le 11 décembre 1979.
Dans la présente requête, TELEDATA LIMITED et DONALD M. FERGUSON demandent (1) l'autorisa- tion d'être mis en cause à titre d'intimés dans l'avis introductif de requête et requièrent que la présente action soit entendue en même temps que celle intentée devant la Cour fédérale sous le T-613-78 et, subsidiairement, (2) la permission de déposer une réponse conformément aux Règles 704 et 705 ou (3) une ordonnance portant suspension de toutes les procédures relatives à l'avis introduc- tif de requête jusqu'à ce qu'ait été tranchée la question de la validité de l'enregistrement de la marque de commerce «TELEDATA» soulevée devant la Cour fédérale par l'action enregistrée sous le T-613-78.
Pour être mis en cause à titre d'intimés, les requérants invoquent la Règle 1716(2) qui porte que «à tout stade d'une action» la Cour peut ordonner que soit constituée partie une personne qui aurait être constituée partie ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assu- rer qu'on pourra valablement et complètement juger toutes les questions en litige «dans l'action» et statuer sur elles.
La Règle 1716 s'applique aux «actions» seule- ment et non à d'autres types de procédure. Selon la Règle 2(1), le terme «action» désigne une procé- dure devant la Division de première instance, «à l'exception d'un appel, d'une demande ou d'une requête introductive d'instance». La Règle 1716 ne s'applique donc pas à la présente procédure, qui découle d'un avis introductif de requête produit en vertu de l'article 58 de la Loi sur les marques de commerce.
La Règle 5 prévoit que, dans toute procédure devant la Cour, lorsque se pose une question non autrement prévue, la pratique et la procédure sont déterminées par analogie avec d'autres dispositions des Règles de la Cour.
La Règle 319 qui prévoit des demandes par requête mentionne «une partie adverse» et «toute autre partie» mais ne précise pas qui sont ces parties.
La Règle 321(1) prévoit la notification «à toutes les autres parties» lorsqu'une requête ex parte n'est pas autorisée.
La Règle 322 porte ce qui suit:
Règle 322. Si, lors de l'audition d'une requête, la Cour estime qu'une personne qui n'a pas reçu un avis devrait avoir cet avis ou l'avoir eu, la Cour pourra soit rejeter la requête, soit ajourner son audition, afin que cet avis puisse être donné aux conditions que la Cour, le cas échéant, estime appropriées. Lorsque la personne à laquelle un avis aurait autrement être signifié est décédée, la Cour pourra prescrire que la significa tion soit faite aux exécuteurs testamentaires ou aux administra- teurs de sa succession.
Il s'agit de la procédure que prescrivent les Règles relativement aux requêtes, qu'elles inter- viennent au cours d'une action ou autrement. Rien n'indique que telle ou telle personne doit être partie à une requête introductive d'instance, bien que l'on puisse déduire que les personnes à qui l'avis est signifié ou celles à qui la Cour ordonne, en vertu de la Règle 322, que l'avis soit notifié sont en droit d'être entendues au sujet de la requête et, par conséquent, y sont parties.
Sous le régime du paragraphe 59(2) de la Loi sur les marques de commerce, toute personne à qui a été signifiée une copie d'un avis introductif de requête et qui entend contester la demande, doit produire une réponse dans le délai prescrit.
En fait, signification de l'avis introductif de requête a en l'espèce été faite aux requérants. Il ne fait aucun doute que ceux-ci entendent contester cet avis.
La Règle 704 s'applique à l'avis introductif de requête déposé en vertu du paragraphe 59(2) de la Loi sur les marques de commerce et, aux termes de l'alinéa (4) de la Règle 704, la personne à qui un avis de requête a été signifié conformément audit paragraphe 59(2) peut déposer et signifier une réponse.
En l'espèce, la signification a été faite aux requérants. Dès lors, ils tiennent à la fois de la Loi et des Règles susmentionnées le droit de déposer une réponse à la requête introductive, ce qui, à mon avis, leur permet d'être mises en cause dans la requête.
Les circonstances, que j'ai exposées en détail au début, de la présente requête introductive d'ins- tance font que je suis convaincu que les requérants
à l'instance sont des personnes à qui l'avis devait être donné et, si cela n'avait pas été fait, je n'au- rais eu aucune hésitation à exiger, conformément à la Règle 322, qu'il le soit.
Si je n'en étais pas arrivé à cette conclusion, j'aurais sans doute décidé, en vertu de l'article 50 de la Loi sur Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, de suspendre les procédures nées de la requête introductive d'instance, dans l'intérêt de la justice.
Je n'accepte pas la prétention selon laquelle les requérants n'ont pas à se mêler des affaires inter nes du bureau des marques de commerce. Les changements qu'on demande d'apporter à l'enre- gistrement de la marque de commerce et à la propriété de cette marque sont d'une importance capitale pour les requérants. Si ces modifications étaient acceptées, elles pourraient, selon toute pro- babilité, s'interpréter comme ayant un effet rétroactif et par priver les requérants du moyen de défense qu'ils ont invoqué.
Par ces motifs, les requérants seront mis en cause dans la requête introductive d'instance à titre d'intimés et l'intitulé sera modifié en conséquence.
Les avocats des parties ont convenu que si l'on en arrivait à la présente conclusion, la requête serait entendue en même temps que l'action ins- crite en Cour fédérale sous le T-613-78. Si je ne m'abuse, une demande conjointe à cet effet sera présentée sous peu. Les mêmes parties et les mêmes questions étant en cause, j'ordonne qu'il en soit ainsi.
Les requérants seront autorisés à déposer et à signifier leur réponse à la requête introductive d'instance et leur exposé des faits dans les 30 jours qui suivront la date de la présente ordonnance et, dans le même délai, devront déposer tout affidavit à être pris en considération pour l'audition et le jugement de la cause en question.
Les dépens de cette demande seront à la charge des requérants, quelle que soit l'issue de la cause.
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