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T-2063-79
Grant C. Brown (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach— Toronto, 26 octobre; Ottawa, 7 novembre 1979.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Revenu prove- nant d'une «fiducie» La fiducie n'a pas déduit de son revenu les sommes versées au demandeur Il échet d'examiner si le demandeur doit inclure ces sommes dans son revenu imposable Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 104(6), (13).
Appel contre la décision de la Commission de révision de l'impôt qui a rejeté les recours formés par le demandeur contre ses cotisations d'impôt sur le revenu de ses années d'imposition 1973, 1974, 1975 et 1976. Le demandeur avait le droit, en vertu du testament de sa défunte mère, de percevoir sa vie durant tous les revenus provenant des placements de la succession. Chaque année, ces revenus ont été intégralement versés au demandeur par la succession. Le demandeur fait valoir que si une succession ou fiducie ne réclame pas, en vertu du paragra- phe 104(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une déduction relative à une somme payable dans l'année à un bénéficiaire, le paragraphe 104(13) ne fait pas obligation d'inclure ce montant dans le revenu du bénéficiaire pour l'année en question aux fins du calcul de l'impôt, et que ce montant doit être plutôt imposé entre les mains de la fiducie.
Arrêt: les appels sont rejetés. Le paragraphe 104(6) étant une disposition d'exonération, le terme «peut» y est employé. Ce qui revient à dire que la succession est libre de déduire ou non la somme. Si la succession déduit la somme, comme il lui est permis de le faire, le bénéficiaire est le seul qui soit assujetti à l'impôt sur cette somme. Si la fiducie ne déduit pas la somme payable au bénéficiaire, cette somme est quand même imposa- ble entre les mains du bénéficiaire en vertu du paragraphe 104(13), et elle est aussi imposable entre les mains de la succession en vertu du paragraphe 104(2). Le paragraphe 104(6) a pour but d'éviter la double imposition en ce qu'il permet à la fiducie ou à la succession de déduire de son revenu la somme payable au bénéficiaire. Il est possible qu'un bénéfi- ciaire puisse, au cas les fiduciaires de la succession ne réclameraient pas la déduction prévue au paragraphe 104(6), intenter contre ceux-ci une action fondée sur la négligence.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
S. M. Borraccia pour le demandeur. R. B. Thomas pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Stitt, Baker & McKenzie, Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Les plaidoiries en l'es- pèce indiquent qu'il s'agit d'un appel interjeté d'une décision (ou peut-être de quatre décisions) de la Commission de révision de l'impôt en date du 16 février 1979. Les pourvois du demandeur, qui portaient sur les cotisations de l'impôt sur le revenu relativement à ses années d'imposition 1973, 1974, 1975 et 1976 ont été rejetés. Les allégations de la déclaration admises dans la défense ne correspondent toutefois pas aux don- nées figurant dans les documents transmis au greffe de cette Cour en application de l'article 176 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, c. 63.
Les parties s'entendent sur les faits. Le différend porte sur la question de savoir s'il y a lieu d'inclure certaines sommes dans le revenu imposable du demandeur au titre des années en question.
Les paragraphes 1 à 8 de la déclaration, admis dans la défense, résument parfaitement les faits:
[TRADUCTION] 1. Le demandeur est le fils de feue Ethel Jane Brown, et l'un des bénéficiaires de sa succession, ci-après appelée la «fiducie».
2. Le dernier testament d'Ethel Jane Brown contenait la dispo sition suivante:
Je demande à mon fiduciaire d'investir le reste des biens de ma succession ... et d'en recevoir le revenu, ainsi que le revenu des biens de ma succession qui n'ont pas été vendus ou convertis, et de verser ledit revenu à mon fils, Grant Cullen Brown, tant qu'il sera vivant, et à son décès, de le verser à ma belle-fille, Ruth Elizabeth Brown, si elle lui survit. [Paragra- phe 3(e).]
3. Les revenus perçus par la fiducie au cours des trois années d'imposition, soit de 1973 1976 inclusivement, ont été versés au demandeur.
4. Dans le calcul de son revenu, en application des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, ci-après appelée la «Loi», la fiducie n'a fait aucune déduction au titre des versements effec- tués au demandeur.
5. Le demandeur, dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1973, 1974, 1975 et 1976, n'a inclus aux fins de l'impôt aucun montant au titre des sommes reçues de la fiducie, tel que susmentionné.
6. Le ministre du Revenu national, par voie d'avis de nouvelles cotisations imposées à l'égard des années d'imposition 1973 à
1976 inclusivement, a inclus dans le calcul du revenu du demandeur les montants suivants:
Date de l'avis de la
Année d'imposition nouvelle cotisation Montant
1973 11 août 1977 $12,519.57
1974 11 août 1977 14,718.68
1975 11 août 1977 18,453.04
1976 7 octobre 1977 17,015.41
7. Le demandeur a interjeté appel directement à la Commis sion de révision de l'impôt par voie d'oppositions portant cha- cune la date du 5 novembre 1977, et il a renoncé à ce qu'un nouvel examen soit fait des cotisations établies à l'égard des années d'imposition 1973 à 1976 inclusivement, tel que susmentionné.
8. La Commission de révision de l'impôt, par des décisions toutes rendues le 16 février 1979, a rejeté les appels formés par le demandeur.
Les dates des avis de nouvelles cotisations men- tionnées dans le paragraphe 6 ne correspondent pas à celles des avis de nouvelles cotisations figu- rant parmi les documents déposés au greffe. -Il en est de même pour les montants. Ces documents sont sans doute des photocopies des avis de nouvel- les cotisations, étant donné que chacun d'eux est ainsi intitulé et que le nom du sous-ministre du Revenu national pour l'impôt, est imprimé au-des- sus de ce titre, cette inscription étant la seule marque conférant une authenticité au document, en vertu de la présomption prévue à l'article 244(13) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Il est possible qu'on ait établi d'autres avis de cotisations à des dates différentes et pour d'autres montants que ceux figurant au paragraphe 6, mais cela semble peu probable, puisque trois des quatre dates figurant sur les avis de nouvelles cotisations déposés sont postérieures à celles mentionnées au paragraphe 6.
Le membre de la Commission de révision de l'impôt a, dans les motifs de la décision qu'il a rendue le 16 février 1979, désigné les appels comme étant des «appels de cotisations d'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1973, 1974, 1975 et 1976».
Il concluait ainsi:
Je ne vois donc aucune raison d'accueillir ces appels et ils sont par conséquent rejetés.
Toutefois, le seul jugement officiel figurant dans les documents transmis au greffe est ainsi rédigé:
DÉCISION
Par les présentes, il est ordonné que l'appel à l'égard de l'année d'imposition 1976 soit rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de février 1979.
Le membre a ensuite apposé sa signature.
Dans les documents transmis au greffe, il n'y avait pas de semblables décisions en ce qui con- cerne les années d'imposition 1973, 1974 et 1975. Il semblerait donc que les appels à l'égard des années d'imposition 1973, 1974 et 1975 n'aient pas été rejetés, bien qu'il ressorte clairement de la conclusion des motifs de la décision qu'ils devaient également l'être.
Il est possible que les trois autres décisions n'aient pas été incluses dans les documents transmis.
Cette hypothèse est confirmée par le paragraphe 8 de la déclaration, il est clairement dit que:
La Commission de révision de l'impôt, par des décisions toutes rendues le 16 février 1979, a rejeté les appels formés par le demandeur.
Ce paragraphe a aussi fait l'objet d'une admis sion dans la défense.
Étant donné que les avocats des parties s'enten- dent et que l'appel a été introduit sur ce fonde- ment, je tiendrai pour acquis que le paragraphe 6 de la déclaration indique bien les sommes qui ont été ajoutées au revenu du demandeur pour cha- cune des années énumérées et que ces sommes ont été imposées.
Je considérerai également comme avéré que les quatre appels interjetés par le demandeur à l'en- contre des cotisations pour les années d'imposition en cause ont été rejetés par la Commission de révision de l'impôt, ainsi qu'il est énoncé au para- graphe 8 de la déclaration.
Le litige qui oppose les parties (litige qui est le même en ce qui concerne chacune des années d'imposition en cause) est exposé de façon concise dans la déclaration et la défense.
Le paragraphe 9 de la déclaration est ainsi conçu:
[TRADUCTION] 9. Le demandeur déclare que, en vertu des paragraphes 104(6) et (13) de la Loi, la fiducie n'ayant opéré, lors du calcul de son revenu aux fins de l'impôt, aucune
déduction relativement aux montants à lui versés, il n'est pas tenu de payer l'impôt sur ces montants.
Le paragraphe 3 de la défense est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 3. Puisque le revenu de la fiducie était toujours payable au demandeur pendant les années d'imposition 1973 à 1976 inclusivement, c'est à juste titre que ce revenu a été inclus dans le calcul du revenu du demandeur pour lesdites années en vertu du paragraphe 104(13) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chapitre 63 et ses modifications, même si la fiducie, en calculant son revenu pour ces mêmes années d'impo- sition, a choisi de ne pas déduire lesdites sommes, en dépit du fait que le paragraphe 104(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu l'y autorisait.
Dès lors, donc que le règlement de cette affaire dépend de l'interprétation des paragraphes 104(6) et (13) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les fiducies et successions ne sont ni des person- nes physiques ni des personnes morales, mais étant donné qu'elles touchent des revenus elles n'ont pas échappé à la vigilance du fisc.
La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit au paragraphe 104(2) qu'une fiducie est, aux fins de la Loi, assujettie à l'impôt tout comme un particu- lier (sauf qu'elle n'a pas droit aux déductions accordées aux particuliers). Il en est du reste ainsi depuis l'adoption de la Loi provisoire intitulée Loi de l'impôt de guerre sur le revenu.
Au fond, la prétention qu'on fait valoir au nom du demandeur est que lorsqu'une succession ou une fiducie ne réclame pas, en vertu du paragraphe 104(6), de déduction relative à une somme payable dans l'année à un bénéficiaire, le paragraphe 104(13) ne fait pas obligation d'inclure ce montant dans le revenu du bénéficiaire pour l'année en question aux fins du calcul de l'impôt. Ce montant doit plutôt être imposé entre les mains de la fiducie.
Si je comprends bien, cela revient à dire ceci:
a) Ce qui est déduit de son revenu par la fiducie en vertu du paragraphe 104(6) constitue un revenu imposable entre les mains du bénéfi- ciaire;
b) et, aux termes du paragraphe 104(13), ce que la fiducie ne déduit pas de son revenu ne constitue pas un revenu imposable entre les mains du bénéficiaire.
Le paragraphe 104(13) est rédigé comme suit:
104....
(13) La partie de la somme qui constituerait le revenu d'une fiducie pour une année d'imposition si aucune déduction n'était faite en vertu du paragraphe (6) ou (12) ou des règlements établis en application de l'alinéa 20(1)a), qui était payable dans l'année à un bénéficiaire, doit être incluse dans le calcul du revenu de la personne à qui elle est devenue ainsi payable, qu'elle lui ait été versée ou non au cours de cette année, et ne doit pas être incluse dans le calcul de son revenu d'une année postérieure dans laquelle elle a été versée.
A la thèse du demandeur, la défenderesse oppose principalement que le paragraphe 104(13) assujettit le bénéficiaire à l'impôt et que le para- graphe 104(6) prévoit la possibilité pour la fiducie d'opérer une déduction. Elle soutient que les termes:
La partie de la somme qui constituerait le revenu d'une fiducie pour une année d'imposition si aucune déduction n'était faite en vertu du paragraphe (6) ... qui était payable dans l'année à un bénéficiaire
ne confirment nullement la thèse du demandeur. Qu'une fiducie choisisse de ne pas déduire de son revenu la somme payable à un bénéficiaire ne change rien au fait que le paragraphe 104(13) prévoit que la somme payable au bénéficiaire:
doit être incluse dans le calcul du revenu de la personne à qui elle est devenue ainsi payable, qu'elle lui ait été versée ou non au cours de cette année, et ne doit pas être incluse dans le calcul de son revenu d'une année postérieure dans laquelle elle a été versée.
Les faits de ces appels révèlent que le deman- deur avait droit, en vertu du testament de sa défunte mère, de percevoir sa vie durant tous les revenus provenant des placements de la succession. Les sommes mentionnées au paragraphe 6 de la déclaration et que le Ministre a incluses dans le revenu du demandeur pour les années qui y sont mentionnées, représentent tous les revenus prove- nant des placements de la succession, et à chaque année ces revenus ont été intégralement versés au demandeur par la succession.
Par conséquent, les trois premiers mots du para- graphe 104(13), savoir «La partie de», ne s'appli- quent pas à ces appels parce que ce n'est pas une partie d'une somme qui a été versée au bénéfi- ciaire, mais la totalité du revenu de placement pour chaque année. A moins que la totalité ne soit considérée comme une partie, auquel cas le résul- tat serait le même.
A mon avis, le paragraphe 104(13) signifie que les sommes payables au bénéficiaire qui constitue-
raient le revenu de la fiducie au cas aucune déduction n'était opérée en vertu du paragraphe (6) (et la succession n'a effectué aucune déduc- tion) doivent être incluses dans le revenu du bénéficiaire.
Il s'ensuit donc que le bénéficiaire est assujetti à l'impôt dans les deux cas. En effet:
(1) si la fiducie déduit de son revenu la somme payable au bénéficiaire, cette somme est impo- sable entre les mains du bénéficiaire;
(2) et si la fiducie ne déduit pas la somme payable au bénéficiaire, cette somme est quand même imposable entre les mains du bénéficiaire en vertu du paragraphe 104(13), et elle est aussi imposable entre les mains de la succession en vertu du paragraphe 104(2).
Dans le deuxième cas, il y a de toute évidence double imposition.
Le paragraphe 104(6) a pour but d'éviter la double imposition en ce qu'il permet à la fiducie ou à la succession de déduire de son revenu la somme payable au bénéficiaire.
Le paragraphe 104(6) étant une disposition d'exonération, on emploie le terme «peut». Ce qui revient à dire que la succession est libre de déduire ou non la somme. Si la succession déduit la somme, comme il lui est permis de le faire, le bénéficiaire est le seul qui soit assujetti à l'impôt sur cette somme.
Par contre, pour les raisons que j'ai exprimées, si la succession ne se prévaut pas de l'exonération du paragraphe 104(6) en n'effectuant pas la déduc- tion, aussi bien la succession que le bénéficiaire deviennent assujettis à l'impôt quant aux sommes concernées.
Il est possible cependant qu'un bénéficiaire puisse, au cas les fiduciaires de la succession ne réclameraient pas la déduction prévue au paragra- phe 104(6), intenter contre ceux-ci une action fondée sur la négligence.
Le demandeur est avocat et exerce sa profession à Tillsonburg, en Ontario. En plus d'être le bénéfi- ciaire de la succession sa vie durant, il en est aussi le fiduciaire. Il a établi qu'à la suite de longues discussions avec les fonctionnaires du ministère du
Revenu national, Ministère qui en vertu de l'an- nexe de la Loi sur le ministère du Revenu natio nal, S.R.C. 1970, c. N-15, est chargé de la percep tion des impôts sur le revenu, ceux-ci l'ont assuré que si la succession ne déduisait pas de son revenu la somme versée au bénéficiaire, celui-ci ne serait pas assujetti à l'impôt sur cette somme. C'est cette assurance qui l'a amené à agir à son détriment et à celui des ultimes bénéficiaires de la succession.
La mère du demandeur a prévu dans son testa ment que le revenu de sa succession doit être versé au demandeur sa vie durant et, à son décès, à son épouse si elle lui survit. Au cas les deux décéde- raient, le résidu de sa succession doit être réparti en parts égales entre ses quatre petits-enfants.
Le plus grand désir du demandeur était de voir se réaliser les dernières volontés de sa mère, à savoir la répartition en parts égales de sa succes sion entre ses quatre petits-enfants. A cette fin, il a cru qu'il était préférable que l'impôt sur le revenu de la succession soit payé à même cette source et non entre les mains des quatre bénéficiaires. Il prévoyait que les revenus des quatre petits-enfants étant susceptibles de différer considérablement, le taux de l'impôt risquait d'être plus élevé pour certains d'entre eux, ce qui ne permettrait pas à la répartition égale souhaitée par sa mère de se ré- aliser. Les parts seraient égales, mais les inciden ces fiscales du partage seraient inégales.
Le demandeur, ainsi qu'il ressort de son témoi- gnage tel qu'il a été résumé ci-dessus, pourrait peut-être invoquer l'estoppel. Mais ce moyen n'a pas été soulevé et, en tout état de cause, le deman- deur ne pourrait invoquer l'estoppel pour empê- cher l'application d'un texte de Loi. (Voir Stickel c. M.R.N. [1972] C.F. 672, aux pages 684 et 685.)
Quant à la méconnaissance des dernières volon- tés de la testatrice, elle ne résulterait que de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, à laquelle l'on ne peut se soustraire que par des moyens légaux.
L'avocat du demandeur a fait valoir que son interprétation du paragraphe 104(13) était compa tible avec celle proposée dans une brochure de renseignements fiscaux intitulée [TRADUCTION]
«Les fiducies et leurs bénéficiaires», et surtout avec le paragraphe 25 de ladite brochure. Cette bro chure, même si l'on tient pour acquis qu'elle a été publiée et distribuée par le ministère du Revenu national, (rien en effet n'indique que le Ministère en soit l'auteur), n'est rien de plus que cela, c'est-à-dire une brochure de renseignements fis- caux. Le paragraphe en question de cette brochure a fait l'objet de commentaires et d'explications dans le bulletin d'interprétation I.T.-342. A une époque, ces bulletins étaient publiés par le sous- ministre du Revenu national, mais rien sur le document qui m'a été soumis n'indique qu'il en a été ainsi pour celui qui nous intéresse.
Mais même si cette brochure ainsi que ce bulle tin d'interprétation avaient été publiés par le ministère du Revenu national avec l'autorisation du sous-chef de ce Ministère, ils ne constitueraient pas des interprétations obligatoires du texte de Loi. Ils n'apprennent que l'interprétation que fait le Ministère du texte de Loi. Un tribunal ne peut en tenir compte pour déterminer le sens d'un texte de Loi, car c'est une fonction qui relève exclusi- vement du secteur judiciaire de l'Etat, c'est-à-dire des tribunaux.
Cependant, il semblerait qu'au cours des années d'imposition 1973 à 1976, le Ministre ait fixé la cotisation d'impôt de la fiducie entre les mains du fiduciaire, sur les revenus provenant des place ments faits par la succession.
Au cours de 1977, le Ministre aurait fait volte- face et aurait décidé que les revenus auraient dû, pour les années concernées, être imposés entre les mains du fiduciaire (et selon toute vraisemblance à un taux plus élevé).
L'article 152 de la Loi de l'impôt sur le revenu permet au Ministre d'agir ainsi. L'assujettissement à l'impôt n'est pas affecté par une cotisation inexacte (pour les motifs exprimés, la cotisation concernée. n'était pas erronée), et le Ministre peut cotiser un contribuable à nouveau dans les quatre années, et même au-delà de cette période lors- qu'une déclaration contient de faux renseigne- ments, c'est-à-dire lorsqu'il y a fraude, avec ou sans intention coupable.
Par conséquent, le Ministre a non seulement procédé à une nouvelle cotisation du demandeur en y incluant le revenu tiré par celui-ci, en tant que
bénéficiaire, de la fiducie pour les années en ques tion, mais il a aussi fixé de nouveau l'impôt de la fiducie en déduisant de son revenu le montant versé au bénéficiaire, et cela, malgré le fait que la fiducie connaissait bien les dispositions du para- graphe 104(6) et s'était abstenue, en connaissance de cause, de se prévaloir de cette déduction.
A mon avis cela constituait, de la part du Minis- tre, une immixtion injustifiée dans la gestion par le fiduciaire des affaires de la fiducie. Le Ministre a pour mandat de percevoir l'impôt sur le revenu des contribuables, non de gérer leurs affaires. Le Ministre en l'espèce était mu par des motifs altruistes. Ses fonctionnaires ont tardivement cons- taté que le revenu de la fiducie versé au fiduciaire par la succession aurait être inclus dans le revenu du bénéficiaire, et que le fait que ce revenu ait été imposé à titre de revenu de la succession n'empêchait pas de l'imposer entre les mains du bénéficiaire. Etant donné cette nouvelle cotisation du demandeur, le Ministre, par l'entremise de ses fonctionnaires, a exercé au nom du fiduciaire, même si ce dernier avait préféré ne pas s'en préva- loir, le droit qui était ouvert à la succession, en vertu du paragraphe 104(6), de déduire les mon- tants versés au bénéficiaire dans l'année en ques tion, et il a cotisé à nouveau la succession, ce qui a entraîné une cotisation nulle.
Par ces motifs, j'estime que le revenu payable au demandeur, à titre de bénéficiaire de la succession, pour les années 1973, 1974, 1975 et 1976, a été inclus à juste titre. Il y a donc lieu de rejeter les appels.
La défenderesse a demandé l'adjudication de ses dépens. Bien qu'elle ait gain de cause, les faits de l'espèce ne justifient pas l'adjudication des dépens en faveur de la défenderesse. Les appels seront donc rejetés sans frais.
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