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T-2354-79
Rudy Kiist et Donald Robertson, en leur nom propre et au nom de tous les autres titulaires d'un livret de permis délivré par la Commission cana- dienne du blé en conformité de l'article 19 de la Loi sur la Commission canadienne du blé, S.R.C. 1970, c. C-12, modifiée, pour les campagnes agri- coles de 1977-78 et 1978-79 (Demandeurs)
c.
Canadian Pacific Railway Company et la Compa- gnie des chemins de fer nationaux du Canada (Défenderesses)
et
La Commission canadienne du blé (Mise-en - cause)
Division de première instance, le juge Gibson— Toronto, 11 octobre 1979; Ottawa, 11 février 1980.
Pratique Requête en radiation de déclaration Les demandeurs réclament des dommages-intérêts pour violation d'une obligation légale Il échet d'examiner si les deman- deurs sont des personnes lésées Il échet d'examiner si les demandeurs sont en droit d'intenter une action concernant une classe de personnes Il échet d'examiner si les demandeurs sont en droit d'intenter une action dérivée contre les défende- resses Il échet d'examiner si la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada est compétente en l'espèce Requête accueillie Loi sur la Commission canadienne du blé, S.R.C. 1970, c. C-12, art. 16, 17, 18, 21, 25, 33, 34 Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 262 Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 55, 56, 58, 61, 64 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 23.
Requête tendant à la radiation de la déclaration et au rejet de l'action aux motifs que la Cour n'est pas compétente pour l'entendre, que la déclaration ne révèle aucune cause raisonna- ble d'action, et que l'action n'a pas été proprement intentée à titre d'action concernant une classe de personnes. Les deman- deurs sont des producteurs ayant le droit de livrer une certaine quantité de leurs grains aux élévateurs, conformément aux livrets de permis délivrés par la Commission canadienne du blé. L'action en dommages-intérêts se fonde sur le fait que les compagnies de chemins de fer défenderesses avaient l'obligation légale, qu'elles ont enfreinte, de mettre à la disposition des demandeurs des wagons en nombre suffisant pour transporter à destination le surplus de grains produits par les demandeurs, mais dont la Commission n'a pas autorisé la livraison. Il échet d'examiner si les demandeurs sont des personnes lésées au sens de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer; s'ils sont en droit d'intenter une action concernant une classe de personnes, s'ils sont en droit d'intenter un action dérivée contre les défen- deresses, s'ils ont une cause d'action contre la Commission
canadienne du blé et si la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada est compétente en l'espèce.
Arrêt: la requête est accueillie. Il découle de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer qu'en cas de non-observation, toute personne lésée au sens de la Loi a le droit de porter plainte. Une personne n'est normalement pas considérée comme «lésé[e]» au sens de cet article si elle ne peut établir qu'elle a subi un préjudice déterminé, un simple grief n'étant pas un motif suffisant. Les cours de justice ont dérogé dans certains cas à cette condition rigoureuse du locus standi, dérogation qui est limitée aux actions contre les autorités publiques dans l'exercice de leurs pouvoirs prévus par la Loi. Dans ces cas, les recours s'exercent par voie de certiorari, de mandamus et de prohibition; ils ne peuvent être invoqués contre les organismes privés n'exerçant pas des pouvoirs prévus par la Loi, telles les compagnies de chemins de fer défenderesses. S'il est vrai qu'à l'égard de toutes les questions affectant les producteurs, il y a entre les demandeurs et la Commission canadienne du blé une «communauté d'intérêts», ce n'est pas un «artifice juridique» que de dire que le grain, dont les demandeurs étaient les produc- teurs et les propriétaires à l'origine et qu'ils demandaient aux compagnies de chemins de fer de transporter, était la propriété de la Commission canadienne du blé. C'est ce qu'il était de par la Loi. Quant au soi-disant «surplus» de grain produit pendant les années en cause par les demandeurs mais dont la livraison n'était pas autorisée par les «permis», ce grain n'a effectivement pas été livré (l'interdiction légale faite aux compagnies de chemins de fer d'en prendre livraison ayant été respectée), et de ce fait, les compagnies de chemins de fer n'étaient pas tenues, à cet égard, à l'obligation que l'article 262 de la Loi sur les chemins de fer impose aux transporteurs publics. Il n'y avait entre les demandeurs et les compagnies de chemins de fer défenderesses aucun contrat exprès ou tacite en vertu duquel les premiers pourraient exiger quoi que ce fût, pas plus qu'ils ne tenaient de la Loi le droit d'exiger que ces dernières prennent livraison de ce soi-disant «surplus» de grain dont la livraison n'était pas autorisée par les «permis»; par surcroît, aucune demande n'a été faite en ce sens; en conséquence, on ne saurait relever contre les compagnies de chemins de fer aucun manque- ment qui eût justifié une action en dommages-intérêts par application de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer, pour violation de l'une quelconque des obligations prévues à l'article 262(1) et (2) de la même Loi. Il s'ensuit qu'en l'espèce, les demandeurs ne sont pas des personnes lésées au sens de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer. Il n'y a lieu à action dérivée que dans les cas expressément prévus par la Loi. Ni les demandeurs ni la classe de personnes qu'ils prétendent représenter n'ont une cause d'action contre la Commission canadienne du blé en quoi que ce soit. Il appert qu'en l'espèce, la «compétence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale» au sens de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale. La Commission canadienne des transports s'est vu spécialement attribuer la compétence pour instruire tous les aspects d'une action en dommages-intérêts fondée sur l'article 262(7) de la Loi, pour défaut d'installations suffisantes et adéquates telles qu'elles sont requises par l'article 262(1) et (2) de la Loi sur les chemins de fer. En conséquence, la Division de première ins tance de la Cour fédérale du Canada n'a pas compétence à l'égard d'une action fondée en dommages-intérêts de ce genre, laquelle relève exclusivement de la Commission canadienne des transports.
Arrêt appliqué: Jamieson c. Carota [1977] 2 C.F. 239. Arrêts mentionnés: Ex parte Sidebotham; In re Side- botham (1880) 14 Ch. D. 458; R. c. Paddington Valuation Officer, Ex parte Peachey Property Corp. Ltd. [1966] 1 Q.B. 380; Arsenal Football Club Ltd. c. Ende [1977] 2 W.L.R. 974 (C.L.); Illinois Central Railway Co. c. Baker (1913) 159 S.W. 1169 (Kentucky Court of Appeal); Riske c. La Commission canadienne du blé [1977] 2 C.F. 143; Norfolk c. Roberts (1913) 28 O.L.R. 593; Meagher c. Canadian Pacific Railway Co. (1912) 42 N.B.R. 46.
REQU ËTE. AVOCATS:
A. Golden, c.r. et W. Bartlett pour les demandeurs.
C. R. O. Munro, c.r. pour la défenderesse Canadian Pacific Railway Company.
L. L. Band pour la défenderesse Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. H. B. Monk, c.r. et D. S. Sagoo pour la Commission canadienne du blé, mise-en- cause.
PROCUREURS:
Golden, Levinson, Toronto, pour les deman- deurs.
Service du contentieux de Canadian Pacific Railway Company, Montréal, pour la défen- deresse Canadian Pacific Railway Company. Service du contentieux de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Toronto, pour la défenderesse Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
Service du contentieux de la Commission canadienne du blé, Winnipeg, pour la Com mission canadienne du blé, mise-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: La Cour est saisie d'une requête de la Canadian Pacific Railway Company, de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et de la Commission canadienne du blé (désignée dans la déclaration comme «defendant without liability»), tendant à la radiation de la déclaration et au rejet de l'action aux motifs (1) que la Cour n'est pas compétente pour l'entendre; (2) que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action; et (3) que l'action n'a pas été
proprement intentée à titre d'action concernant une classe de personnes, au sens de la Règle 1711 de la Cour.
A la première audition de la requête en juin 1979, j'ai ordonné, avec le consentement des avo- cats des parties, le dépôt et l'échange de mémoires sur les points de droit en vue d'une argumentation compréhensive. Ce qui fut fait. Il s'ensuit qu'au fond, cette requête équivaut à une requête fondée sur la Règle 474 du fait que «la Cour n'ait accordé, [toutes] parties ... l'occasion d' `une audition rela- tivement longue et approfondie au lieu d'une audi tion courte et sommaire.'» (Cf Jamieson c. Carota.)'
Les demandeurs (qui prétendent représenter aussi tous les autres titulaires d'un «livret de permis» délivré par la Commission canadienne du blé) soutiennent que leur action est fondée sur la Loi, nommément l'article 262 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, et qu'ils sont les personnes lésées au sens de l'article 262(7) de cette Loi.
Les demandeurs justifient de la qualité de pro- ducteurs ayant le droit de livrer des céréales (blé et orge) pendant les campagnes agricoles de 1977-78 et de 1978-79, conformément aux articles 16, 17 et 18 de la Loi sur la Commission canadienne du blé, S.R.C. 1970, c. C-12, comme en fait foi le «livret de permis» délivré par la Commission canadienne du blé, lequel «livret de permis» fixe leurs contin gents respectifs de livraison de ces céréales.
La Commission canadienne du blé, qui est un mandataire de Sa Majesté, a pour attributions et pour raison d'être d'assurer la commercialisation rationnelle des céréales produites dans l'Ouest du Canada, sur le plan interprovincial comme à l'exportation.
Il s'agit en l'espèce d'une action en dommages- intérêts qui n'est pas, comme on l'a noté, dirigée contre la Commission canadienne du blé, mais seulement contre les deux compagnies de chemins de fer défenderesses.
L'action en dommages-intérêts se fonde sur le fait qu'il y avait un certain surplus de céréales (c'est-à-dire des céréales dont leurs «livret[s] de permis» ne prévoyaient pas la livraison mais que
' [ 1977] 2 C.F. 239 à la p. 244, le juge en chef Jackett.
les demandeurs ont produites au cours des campa- gnes agricoles de 1977-78 et de 1978-79) et que les compagnies de chemins de fer défenderesses avaient l'obligation légale, qu'elles ont enfreinte, de mettre à la disposition des demandeurs des wagons en nombre suffisant pour transporter et livrer au port ce surplus de céréales que la Com mission canadienne du blé aurait pu vendre.
Pour ce qui est de l'obligation légale que les compagnies de chemins de fer auraient enfreinte, les demandeurs soutiennent que malgré le système de commercialisation établi par la Loi sur la Com mission canadienne du blé, les demandeurs, en tant que producteurs, sont en droit de réclamer des dommages-intérêts aux compagnies de chemins de fer en qualité de personnes lésées conformément à l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer, par action intentée devant la Cour fédérale du Canada.
Un bref aperçu de l'origine et du fonctionne- ment de la Commission canadienne du blé nous aidera à éclairer les questions que posent ces requêtes.
La Commission canadienne du blé, créée en 1935 à la demande instante des producteurs, est devenue une société de la Couronne en 1967. La genèse de cette Commission se confond avec l'évo- lution de la culture céréalière au Canada, dans laquelle les points litigieux trouvent également leurs racines.
La culture céréalière étant devenue une entre- prise de grande envergure dans l'Ouest canadien au cours des années 1880, les compagnies de che- mins de fer ont mis en place les mécanismes de commercialisation et de transport des céréales, et la principale compagnie à assurer à cette époque le transport du grain des Prairies vers les marchés fut la Canadian Pacific Railway Company. L'accrois- sement considérable des quantités de grain destiné à la vente au cours des années 1890 a posé aux producteurs certains problèmes d'ordre économi- que à résoudre, dont la disponibilité des moyens de transport et les frais de transport.
Le premier problème fut résolu en partie par la Loi des grains du Canada de 1912, S.C. 1912, c. 27, qui prévoyait notamment la réglementation fédérale obligatoire de la répartition des wagons. Le second problème fut résolu en partie par la
signature et la promulgation de l'accord Crow's Nest Pass Agreement, S.C. 1896-97, c. 5, qui garantissait à perpétuité le tarif d'exportation du grain de l'Ouest. En contrepartie, les compagnies de chemins de fer, en particulier la Canadian Pacific Railway, bénéficiaient à l'époque de con cessions substantielles. Et si, à l'origine, la Com mission canadienne du blé n'était pas créée par suite de ces deux problèmes (dont celui de la disponibilité des moyens de transport qui est en cause), il se trouve qu'à l'heure actuelle, la Com mission canadienne du blé est investie d'une cer- taine compétence en matière d'accessibilité des moyens de transport.
Depuis 1967, la compétence de la Commission canadienne du blé est restée essentiellement la même dans son ensemble, sauf qu'en 1974, les agriculteurs de l'Ouest se virent accorder la possi- bilité de vendre sur le marché libre du blé, de l'avoine et de l'orge pour l'alimentation du bétail au Canada. Toutefois la Commission est restée et reste à ce jour l'agent exclusif pour la vente sur les marchés internationaux du blé, de l'avoine et de l'orge produits au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et dans le district de Peace River en Colombie-Britannique.
Elle n'a cependant pas compétence sur le fret, en particulier le fret subventionné par l'effet de l'ac- cord de Crow's Nest Pass.
En termes positifs, la compétence de la Commis sion peut se définir par ses attributions qui consis tent: (1) à écouler le plus de céréales possible au meilleur prix possible; (2) à assurer la stabilité des prix au profit des producteurs de céréales des Prairies; et (3) à faire en sorte que chaque produc- teur ait chaque année une part équitable du marché des céréales.
La politique nationale de la Commission vise donc à assurer aux producteurs canadiens de céréales l'égalité d'accès au marché, un écoule- ment ordonné de leurs produits et la stabilité des prix.
Dans l'application de cette politique nationale, la Commission n'a toutefois jamais joué le rôle d'un organisme de soutien des prix ou des revenus.
En fait, les producteurs reçoivent exactement le prix que la Commission obtient des clients du marché intérieur et extérieur.
Dans l'application de cette politique nationale, le pouvoir de contrôle qu'exerce la Commission canadienne du blé sur le marché des céréales ne tient pas à un droit de propriété sur les moyens de manutention, mais découle uniquement de la Loi sur la Commission canadienne du blé. En fait, ce pouvoir de contrôle découle de l'exercice de son pouvoir d'imposer les contingents de livraison. Le contingentement des livraisons est à la base du pouvoir de réglementation de la Commission.
Par contingents de livraison, on entend le fait qu'à l'exception des grains produits exprès et affec tés directement à l'alimentation du bétail, ou des grains vendus par les producteurs aux exploitants de parcs d'engraissement, la majeure partie des grains est livrée par les producteurs aux élévateurs régionaux. La Commission canadienne du blé n'est pas propriétaire de ces élévateurs régionaux, mais elle est habilitée à contrôler et contrôle effective- ment l'écoulement des céréales par ces élévateurs, en contrôlant le transport ferroviaire de la totalité du grain de ces élévateurs régionaux aux éléva- teurs de tête de ligne ainsi qu'aux usines de trans formation de l'intérieur et aux ports d'exportation. Le pouvoir de contrôle sur le transport des céréales a sa source dans la Loi des grains du Canada, et le pouvoir de contrôler les quantités de grain livrées par les producteurs aux élévateurs s'exerce au moyen d'un système de contingentement prévu par la Loi sur la Commission canadienne du blé.
Pour ce qui est cependant du fonctionnement d'ensemble de la Commission dans l'exercice de ses pouvoirs et attributions prévus par la Loi, on peut dire, à mon avis, que la Commission applique sa politique nationale de commercialisation des grains au moyen des cinq méthodes suivantes: (1) application de prix uniques annuels; (2) applica tion des contingents de livraison; (3) contrôle du transport; (4) recours à la bourse des marchandi- ses de Winnipeg; et (5) recours à un système compliqué de vente à l'exportation.
Seules les méthodes (2) et (3) ci-dessus, savoir l'application des contingents de livraison et le contrôle du transport, ont un rapport avec les
points litigieux que fait valoir la déclaration dans l'action principale.
L'application des contingents de livraison
Le système des contingents appliqué par la Commission vise à donner à chaque producteur une chance égale de vendre ses grains. Par ce système, la Commission canadienne du blé con- trôle la quantité de grains l'exception des grains de provende destinés à la consommation inté- rieure) que chaque producteur peut livrer à une époque donnée. Chaque producteur se voit octroyer un permis. Le permis indique la quantité de grains que le titulaire a légalement le droit de livrer à un élévateur régional. Le contingent s'ex- prime en boisseaux par acre qu'un producteur peut livrer, par catégorie et par qualité de grain.
Il s'ensuit que dans le cadre de cette politique de réglementation du marché au moyen du contingen- tement, la Commission exerce le pouvoir exclusif: (1) de délivrer des livrets de permis aux produc- teurs qui souhaitent vendre leurs grains; (2) de limiter les livraisons de grains aux élévateurs régionaux, aux producteurs titulaires de livrets de permis; et (3) de fixer le cas échéant des contin gents pour chaque variété de grains pouvant être livrée aux élévateurs régionaux.
Ainsi donc, ce système de contingentement règle en quelque sorte le type et la quantité de grains qui alimentent le système.
Le contrôle du transport
Il appert que dans l'exercice de son pouvoir de contrôle du transport des grains, la Commission canadienne du blé collabore avec les compagnies de chemins de fer, sous forme de consultations entre cadres supérieurs et aussi au niveau de l'exé- cution de tous les jours.
De leur côté, les responsables des élévateurs régionaux rendent compte chaque semaine de la quantité de grains disponible (par qualité) pour expédition.
Il appert que les wagons céréaliers sont alloués aux élévateurs régionaux, ils sont chargés par les responsables puis pris en charge par les compa- gnies de chemins de fer. La répartition se fait, semble-t-il, conformément à un système de zones
d'expédition par lequel la répartition des wagons céréaliers entre les diverses zones d'expédition est fixée conjointement par la Commission canadienne du blé et les compagnies de chemins de fer.
Il appert également qu'au moins pendant les années visées dans la déclaration, savoir 1977-78 et 1978-79, les producteurs ont produit plus de grains que ne pouvait en absorber le système décrit plus haut, et que l'impossibilité d'absorber ce surplus de grains était en partie due au nombre insuffisant de wagons céréaliers susceptibles de transporter ce surplus vers un marché manifestement en mesure de l'écouler. La Commission canadienne du blé n'avait délivré aux producteurs aucun permis les autorisant à livrer ce surplus de grains.
Voilà un aperçu historique des points de fait et de droit qui nous permettent d'instruire les points litigieux tels qu'ils ressortent de la déclaration des demandeurs.
Aux fins de la requête, il convient toutefois de récapituler sous un autre angle certains points les plus saillants et d'en relever d'autres qui ont aussi leur importance.
En premier lieu, la Commission canadienne du blé réglemente la quantité de grains qu'elle doit écouler en contingentant les livraisons par les pro- ducteurs, mais non la production. (Voir l'article 21 de la Loi sur la Commission canadienne du blé.)
En deuxième lieu, les producteurs peuvent pro- duire tout le grain qu'ils désirent, mais ils ne peuvent livrer à un élévateur ou à une compagnie de chemin de fer, pour le marché interprovincial ou pour l'exportation, du grain dont la livraison n'est pas autorisée conformément au «permis» déli- vré par la Commission canadienne du blé.
En troisième lieu, il est interdit aux élévateurs et aux compagnies de chemins de fer de recevoir d'un producteur une livraison de grain dont l'autorisa- tion ne figure pas dans son «permis». (Voir les articles 17 et 18 de la Loi sur la Commission canadienne du blé.)
En quatrième lieu, la Commission est seule mandatée pour le commerce du grain entre les provinces et à l'exportation. (Voir les articles 33 et 34 de la Loi sur la Commission canadienne du blé.)
En cinquième lieu, lorsque les producteurs livrent du grain suivant l'autorisation figurant dans leurs livrets de permis respectifs, la propriété de ce grain est transférée à la Commission, qui l'achète. (Voir l'article 25 de la Loi sur la Com mission canadienne du blé.) Par conséquent, le grain livré aux élévateurs ou introduit pour ainsi dire sur le marché conformément à ce programme de commercialisation après livraison, appartient à la Commission.
En sixième lieu, lorsque le grain est livré aux compagnies de chemins de fer, l'obligation qu'ont ces dernières de le transporter pour le compte de la Commission canadienne du blé, propriétaire, est généralement celle d'un transporteur public sous réserve des dispositions de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, par exemple l'article 262(1) et (2). L'article 262(1)b) et e) de cette Loi s'applique particulièrement aux faits de la cause:
262. (1) La compagnie doit, selon ses pouvoirs,
b) fournir des installations suffisantes et convenables pour le transport, le déchargement et la livraison de ces marchandi- ses et effets;
e) fournir tel autre service, connexe au transport, habituel ou d'usage relativement aux affaires d'une compagnie de chemin de fer, selon que la Commission l'ordonne.
Quant aux points litigieux que soulèvent les demandeurs dans leur déclaration, leur principale conclusion est que, pendant les années dont s'agit, les compagnies de chemins de fer ont manqué à leur obligation légale envers les demandeurs, savoir l'obligation de fournir un nombre suffisant de wagons propres à transporter vers le marché tout le grain produit par les producteurs deman- deurs et que la Commission canadienne du blé aurait pu vendre; que par suite, les demandeurs ont subi des dommages dont la réparation était paya ble à la Commission canadienne du blé unique- ment en vertu du système de commercialisation établi par la Loi sur la Commission canadienne du blé; que ce système légal n'était pas destiné par le législateur à «avoir pour effet d'exonérer les com- pagnies de chemins de fer défenderesses en cas de manquement à leur obligation légale qui est de transporter et de livrer le grain produit par les [producteurs] demandeurs»; et que par conséquent les producteurs demandeurs sont fondés à saisir la
Cour d'une action en dommages-intérêts contre les compagnies de chemins de fer défenderesses, en leur qualité de personnes lésées au sens de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer.
Les demandeurs concluent aux paragraphes 8 et 9 de leur déclaration comme suit:
[TRADUCTION] 8. Les demandeurs sont tenus aux coûts de transport, dont les surestaries et les frais de manutention et de magasinage. Le surplus auquel ils ont part est fonction des quantités livrées selon le contrat, ainsi que des coûts de com mercialisation et de livraison. Les demandeurs sont en outre requis par la Loi de livrer le grain selon un système de contingentement, lequel est fonction des ventes effectuées et prévues par la Commission canadienne du blé.
9. Pendant l'époque en cause, la Commission canadienne du blé a confié aux compagnies de chemins de fer défenderesses le transport de grains, par le biais du Comité des transports pour la prévision des besoins à long terme et au moyen d'un système de zones d'expédition pour ce qui était de la répartition du matériel roulant et des installations connexes par cycle de transport de six semaines. Les compagnies de chemins de fer défenderesses ont participé aux décisions et confirmé leur apti tude à transporter le grain en question. Chacune d'elles dessert de façon exclusive différentes régions du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta, ainsi que certaines parties de la Colombie-Britannique.
Aux paragraphes 12 et 13, les demandeurs font encore valoir ce qui suit:
[TRADUCTION] 12. Pendant la campagne agricole de 1977-78, la Commission canadienne du blé a passé contrat pour la vente à l'exportation de quelque 23 millions de tonnes de grain. Les ventes ont été négociées et conclues sur la foi des engagements souscrits par des compagnies de chemins de fer défenderesses, comme indiqué au paragraphe 9 ci-dessus.
13. Les compagnies de chemins de fer défenderesses ont manqué à leur obligation, prévue à l'article 262(1) et (2) de la Loi sur les chemins de fer, de transporter et de livrer quelque 2 millions de tonnes du total visé au paragraphe 12 ci-dessus, manquement dont elles doivent réparation aux demandeurs.
Aux paragraphes 17 et 18, les demandeurs sou- tiennent également ce qui suit:
[TRADUCTION] 17. La Commission canadienne du blé, bien que priée de le faire, n'a pris aucune mesure contre les compa- gnies de chemins de fer défenderesses pour recouvrer les dom- mages-intérêts susmentionnés.
18. Il appartient à la Commission canadienne du blé d'encais- ser les dommages-intérêts en cause et les demandeurs deman- dent expressément qu'ils soient versés, sans défalcation de frais, à la Commission canadienne du blé qui en disposera conformé- ment aux modalités légales qu'elle a établies.
L'article 262(1) et (2) de la Loi sur les chemins de fer prévoit certains pouvoirs et obligations des compagnies de chemins de fer comme suit:
262. (1) La compagnie doit, selon ses pouvoirs,
a) fournir, au point de départ de son chemin de fer et au point de raccordement de son chemin de fer avec d'autres, et à tous les points d'arrêt établis à cette fin, des installations suffisantes et convenables pour la réception et le chargement des marchandises et effets présentés à la compagnie pour être transportés sur son chemin de fer;
b) fournir des installations suffisantes et convenables pour le transport, le déchargement et la livraison de ces marchandi- ses et effets;
c) sans retard, et avec le soin et la diligence voulus, recevoir, transporter et livrer ces marchandises et effets;
d) fournir et employer tous les appareils, toutes les installa tions et tous les moyens nécessaires à la réception, au charge- ment, au transport, au déchargement et à la livraison de ces marchandises et effets; et
e) fournir tel autre service, connexe au transport, habituel ou d'usage relativement aux affaires d'une compagnie de chemin de fer, selon que la Commission l'ordonne.
(2) Ces installations complètes et convenables comprennent des facilités raisonnables pour le raccordement de voies latéra- les privées ou d'embranchements privés avec un chemin de fer possédé ou mis en service par la compagnie, et des facilités raisonnables pour la réception, l'expédition et la livraison des marchandises et effets entrant sur ces voies latérales et sur ces embranchements privés ou en débouchant, ainsi que le place ment de wagons et leur traction dans un sens ou dans un autre sur ces voies latérales privées et sur ces embranchements privés.
et aux termes de l'article 262(7) de la Loi:
262....
(7) Quiconque a été lésé par la négligence ou le refus de la compagnie de se conformer aux exigences du présent article, a, sous réserve de la présente loi, le droit d'intenter une poursuite contre la compagnie; et la compagnie ne peut se mettre à l'abri de cette poursuite en invoquant un avis, une condition ou une déclaration, si le tort résulte d'une négligence ou d'une omission de la compagnie ou de ses employés.
Une Loi générale sur le transport, adoptée par le Parlement en 1966-67, donne des pouvoirs étendus à la Commission canadienne des transports: il s'agit de la Loi nationale sur les transports, S.C. 1966-67, c. 69 (modifiée par la suite).
En ses articles 55, 56, 58 et 61(1) et 64(9), la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, prévoit certains pouvoirs de la Commission canadienne des transports, comme suit:
55. (1) La Commission peut, de son propre mouvement, ou à la demande d'une partie, et après qu'a été fourni le cautionne- ment qu'elle prescrit, ou à la requête du gouverneur en conseil, soumettre un mémoire pour obtenir l'opinion de la Cour d'appel fédérale sur toute question que cette Commission considère être une question de droit ou une question concernant la juridiction de la Commission.
(2) La Cour d'appel fédérale doit entendre et juger cette question, et remettre l'affaire à la Commission avec l'opinion de la cour.
56. (1) En décidant une question de fait, la Commission n'est liée par la constatation ou par le jugement d'aucune autre cour, dans une action, poursuite ou procédure comportant la décision relative à cette question de fait; mais cette constatation ou ce jugement, dans les procédures engagées devant la Com mission, ne constitue qu'une preuve prima facie.
(2) La litispendance, devant un autre tribunal, d'une action, poursuite ou procédure comportant des questions de fait, n'en- lève pas à la Commission sa compétence pour entendre et décider ces mêmes questions de fait.
(3) La décision de la Commission sur toute question de fait de sa compétence est obligatoire et définitive.
58. Sur toute requête présentée à la Commission, cette der- nière peut rendre une ordonnance accordant cette requête en totalité ou en partie seulement, ou accorder un redressement plus étendu ou tout autre redressement de griefs, en sus ou au lieu de celui qui a été demandé, selon que la chose lui paraît juste et convenable, aussi amplement à tous égards que si la requête eût été faite pour obtenir ce redressement partiel, différent ou plus étendu.
61. (1) Toute décision ou ordonnance rendue par la Com mission peut être déclarée règle, ordonnance ou décret de la Cour fédérale ou de toute cour supérieure d'une province du Canada, et être exécutée de la même manière qu'une règle, une ordonnance ou un décret de ces cours.
64....
(9) Sauf les dispositions du présent article,
a) toute décision ou ordonnance de la Commission est finale, et
b) nulle ordonnance, décision ou procédure de la Commis sion ne peut être contestée ou revisée, restreinte ou écartée par voie de prohibition, d'injonction, de certiorari, ni par un instrument ou autre procédure de quelque cour que ce soit.
Il ne serait fait droit aux conclusions de la demande que si les demandeurs réussissaient à établir que, pendant les années en cause, les com- pagnies de chemins de fer ont violé l'obligation légale, qu'elles avaient envers les producteurs demandeurs, de prendre livraison d'un certain sur plus de grain par eux produit et dont la Commis sion canadienne du blé (de par son pouvoir exclusif d'autorisation) n'avait pas, par une inscription dans les «permis» des intéressés, autorisé la livrai- son aux fins de transport vers les usines de trans formation de l'intérieur pour ce qui était du marché interprovincial ou vers les ports pour ce qui était du marché d'exportation.
Après considération attentive des allégations de la déclaration, des mémoires très compréhensifs des avocats de toutes les parties et de leur plaidoi-
rie, je suis parvenu aux conclusions suivantes à l'égard des points litigieux:
Il échet en premier lieu d'examiner si les deman- deurs sont des personnes lésées au sens de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer citée ci-dessus.
Il découle de ce paragraphe qu'en cas de non- observation de la Loi, toute personne lésée au sens de la Loi a le droit de porter plainte, soit devant les tribunaux soit devant la Commission canadienne des transports.
Une personne n'est normalement pas considérée comme «lésé [e]» au sens de ce paragraphe (comme au sens d'autres lois d'ailleurs) si elle ne peut établir qu'elle a subi un préjudice déterminé, un simple grief n'étant pas un motif suffisant. (Voir Ex parte Sidebotham. In re Sidebotham. 2 ) Les cours de justice ont dérogé dans certains cas à cette condition rigoureuse de locus standi. Dans Regina c. Paddington Valuation Officer, Ex parte Peachey Property Corporation Ltd. 3 , il a été jugé que les demandeurs étaient des personnes lésées et, à ce titre, avaient droit à un bref de certiorari ou de mandamus alors même qu'ils n'arrivaient pas à prouver qu'ils avaient subi un préjudice déterminé. A la page 401, lord Denning s'est prononcé en ces termes [TRADUCTION]: «La Cour n'entendrait cer- tainement pas un importun qui se mêle d'affaires qui ne le concernent pas. Mais elle entendra tous ceux dont les intérêts sont touchés par ce qui a été fait.... En l'espèce donc, elle entendra tout contri- buable qui conteste la validité du rôle». (Voir aussi Arsenal Football Club Ltd. c. Ende 4 .)
Cette dérogation à la condition rigoureuse du locus standi et les recours qui en découlent sont limités aux actions contre les autorités publiques dans l'exercice de leurs pouvoirs prévus par la Loi. Ces recours, sanctionnés par les brefs de certiorari, de mandamus ou de prohibition, et fondés sur la dérogation à la condition rigoureuse du locus standi, ne peuvent être invoqués contre les organis- mes privés n'exerçant pas des pouvoirs prévus par la Loi, telles les compagnies de chemins de fer en l'espèce.
2 (1880) 14 Ch.D. 458 à la page 465.
3 [1966] 1 Q.B. 380.
4 [1977] 2 W.L.R. 974 (C.L.).
Quoi qu'il en soit, les demandeurs n'invoquent en l'espèce aucun de ces recours, mais réclament des dommages-intérêts pour manquement, de la part des compagnies de chemins de fer, à leur obligation légale de fournir les wagons en nombre suffisant pour le transport à destination du surplus de grain produit par les demandeurs mais non introduit dans le système intégralement soumis au contrôle de la Commission canadienne du blé. Ce contrôle, qu'exerce la Commission en vertu de la Loi sur la Commission canadienne du blé, porte sur l'ensemble du processus de commercialisation; il se traduit aussi par le droit exclusif de détermi- ner qui peut livrer des grains aux élévateurs et avoir ainsi accès au marché d'exportation. De même, ce contrôle signifie contrôle exclusif du transport.
S'il est vrai qu'à l'égard de toutes les questions affectant les producteurs, il y a entre les deman- deurs et la Commission canadienne du blé une «communauté d'intérêts» comme l'ont soutenu les avocats des demandeurs, ce n'est pas, à mon avis, un «artifice juridique» que de dire que le grain, dont les demandeurs étaient les producteurs et les propriétaires à l'origine et qu'ils demandaient aux compagnies de chemins de fer de transporter, était la propriété de la Commission canadienne du blé. C'est ce qu'il était de par la Loi (voir l'article 25 de la Loi sur la Commission canadienne du blé). On ne saurait ignorer les dispositions de la Loi sur la Commission canadienne du blé qui s'appliquent à cet égard. Quant au soi-disant «surplus» de grain produit pendant les années en cause par les deman- deurs mais dont la livraison n'était pas autorisée par les «permis», ce grain n'a effectivement pas été livré (l'interdiction légale faite aux compagnies de chemins de fer d'en prendre livraison ayant été respectée), et de ce fait, les compagnies de chemins de fer n'étaient pas tenues, à cet égard, à l'obliga- tion que l'article 262 de la Loi sur les chemins de fer impose aux transporteurs publics.
En d'autres termes, les demandeurs ne soutien- nent pas qu'ils aient demandé aux défenderesses de transporter du grain (c'est-à-dire le soi-disant «sur- plus» de grain mentionné dans les présents motifs) dont la livraison n'était pas autorisée aux termes de leurs «permis» respectifs (délivrés par la Com mission canadienne du blé), des élévateurs régio- naux aux élévateurs de tête de ligne, et de vers
les usines locales de transformation et les ports d'exportation, en vue de la vente aux autres pro vinces et à l'exportation. En fait, les demandeurs reconnaissent qu'ils n'en avaient pas le droit. Au surplus, la Loi interdisait expressément aux com- pagnies de chemins de fer de prendre livraison de grains non autorisés par les «permis».
Par ailleurs, le grain autorisé par ces «permis» et effectivement livré au cours des années en cause était légalement la propriété de la Commission canadienne du blé.
Ainsi, il n'y avait entre les demandeurs et les compagnies de chemins de fer défenderesses aucun contrat exprès ou tacite en vertu duquel les pre miers pourraient exiger quoi que ce fût, pas plus qu'ils ne tenaient de la Loi le droit d'exiger que ces dernières prennent livraison de ce soi-disant «sur- plus» de grain dont la livraison n'était pas autori- sée par les «permis»; par surcroît, aucune demande n'a été faite en ce sens; en conséquence, on ne saurait relever contre les compagnies de chemins de fer aucun manquement qui eût justifié une action en dommages-intérêts par application de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer, pour violation de l'une quelconque des obligations prévues à l'article 262(1) et (2) de la même Loi.
Il s'ensuit qu'en l'espèce, les demandeurs ne sont pas des personnes lésées au sens de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer. (Cf Illinois Central Railway Company c. Baker 5 .)
Il échet ensuite d'examiner si les demandeurs ont le droit d'intenter une action concernant une classe de personnes.
Étant donné que ni les demandeurs ni aucun membre de la classe qu'ils prétendent représenter n'allèguent que les défenderesses leur sont redeva- bles, de par l'article 262 de la Loi sur les chemins de fer, d'une obligation contractuelle ou légale (dont la violation donnerait lieu à dommages-inté- rêts dans l'un comme l'autre cas) ni qu'à défaut, celles-ci doivent assumer en l'espèce la responsabi- lité indirecte des dommages-intérêts envers les demandeurs, il faut conclure qu'aucun de ces der-
5 (1913) 159 S.W. 1 169 (Kentucky Court of Appeal).
niers ne peut se prévaloir de l'article 262(7) de cette Loi pour poursuivre les défenderesses. (Cf Riske c. La Commission canadienne du blé 6 .)
Il échet encore d'examiner si les demandeurs ont le droit d'intenter une action dérivée contre les compagnies de chemins de fer défenderesses.
Dans leur mémoire, les avocats des demandeurs reconnaissent que ceux-ci n'ont pas le droit d'in- tenter une action dérivée, ce qu'ils ne font d'ail- leurs pas.
Quoi qu'il en soit, il n'y a lieu à action dérivée que dans les cas expressément prévus par la Loi. (Cf Norfolk c. Roberts'.)
Il échet ensuite d'examiner si les demandeurs ont une cause d'action contre la Commission cana- dienne du blé.
Les demandeurs ne prétendent pas avoir une cause d'action contre la Commission canadienne du blé.
Quoi qu'il en soit, ni les demandeurs ni la classe de . personnes qu'ils prétendent représenter n'ont une cause d'action contre la Commission cana- dienne du blé en quoi que ce soit (cf Riske c. La Commission canadienne du blé (supra)); en consé- quence, la Commission canadienne du blé n'aurait pas être mise en cause.
Il échet enfin d'examiner si la Division de pre- mière instance de la Cour fédérale du Canada aurait compétence en la matière s'il y avait une action fondée en dommages-intérêts pour violation d'une obligation légale de la part des compagnies de chemins de fer.
Aux termes de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada a:
... compétence concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures, d'aéro- nautique ou d'ouvrages et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf
6 [1977] 2 C.F. 143.
7 (1913) 28 O.L.R. 593.
dans la mesure cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
Il appert que cette «compétence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale» au sens de cet article, pour ce qui est de l'obligation imposée aux compagnies de chemins de fer par l'article 262(1) et (2) de la Loi sur les chemins de fer.
On peut conclure de la jurisprudence Meagher c. Canadian Pacific Railway Company' et de l'ar- ticle 58 de la Loi nationale sur les transports que la Commission canadienne des transports s'est vu spécialement attribuer la compétence exclusive pour instruire tous les aspects d'une action de cette nature, intentée par des personnes lésées au sens de l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer, par application du même paragraphe.
Sur la question de savoir qui avait la compé- tence pour juger si la compagnie de chemin de fer en cause avait violé son obligation légale de fournir des moyens de transport suffisants et convenables, il ressort de l'arrêt Meagher (supra) que la Com mission des chemins de fer (remplacée par la Commission canadienne des transports) avait com- pétence exclusive pour décider si une compagnie de chemin de fer fournissait les installations et les moyens de transport raisonnables, comme requis par les articles 284 et 317 (actuellement les arti cles 262 et 265 de la Loi sur les chemins de fer).
L'article 58 de la Loi nationale sur les trans ports confère à la Commission canadienne des transports un pouvoir que la Commission des che- mins de fer n'avait pas au moment de l'affaire Meagher (supra), notamment le pouvoir d'évaluer et d'accorder les dommages-intérêts dans les con ditions prévues par l'article 262(7) de la Loi sur les chemins de fer, en cas d'action fondée en dommages-intérêts contre une compagnie de chemin de fer pour violation de l'obligation, que lui impose l'article 262 de la Loi sur les chemins de fer, de fournir les installations et les moyens raisonnables de transport. L'article 58 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, porte:
58. Sur toute requête présentée à la Commission, cette der- nière peut rendre une ordonnance accordant cette requête en totalité ou en partie seulement, ou accorder un redressement
8 (1912) 42 N.B.R. 46.
plus étendu ou tout autre redressement de griefs, en sus ou au lieu de celui qui a été demandé, selon que la chose lui paraît juste et convenable, aussi amplement à tous égards que si la requête eût été faite pour obtenir ce redressement partiel, différent ou plus étendu.
Bien entendu, la Commission canadienne des transports n'a pas compétence pour juger toutes les réclamations fondées sur l'article 262 de la Loi sur les chemins de fer. Certaines de ces réclamations relèvent exclusivement des cours de justice. (Cf Meagher (supra), le juge en chef Barker à la page 81.) Cependant, la Commission canadienne des transports s'est vu «spécialement attribuer» la com- pétence pour instruire tous les aspects d'une action en dommages-intérêts fondée sur l'article 262(7) de la Loi, pour défaut d'installations suffisantes et convenables telles qu'elles sont requises par l'arti- cle 262(1) et (2) de la Loi sur les chemins de fer.
En conséquence, la Division de première ins tance de la Cour fédérale du Canada n'a pas compétence à l'égard d'une action fondée en dom- mages-intérêts de ce genre, laquelle relève exclusi- vement de la Commission canadienne des trans ports.
Par ces motifs, la Cour ordonne la radiation de la déclaration et le rejet de l'action contre les défenderesses avec dépens.
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