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A-489-79
Bernice McCarthy (Appelante)
c.
Le procureur général du Canada (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge suppléant MacKay—Toronto, 23 juin; Ottawa, 27 juin 1980.
Fonction publique Concours La demanderesse figurait sur la liste d'admissibilité, mais plus tard son nom a été radié de la liste sans audition Appel de la décision par laquelle la Division de première instance a, entre autres, décidé que le devoir d'équité en matière de procédure ne s'imposait nulle- ment en l'espèce Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 6(2),(3), 21.
Le présent appel vise un jugement de la Division de première instance portant rejet de l'action par laquelle l'appelante ten- dait à obtenir un jugement déclaratoire et des dommages-inté- rêts du fait de la radiation, avec approbation de la Commission de la Fonction publique et sans audition, de son nom de la liste d'admissibilité à un poste dans la Fonction publique. Le juge de première instance a, entre autres, décidé que les arguments tirés de l'obligation d'équité des procédures ne s'appliquaient guère en l'espèce, puisque la radiation, tout comme le classe- ment des candidats, faisait partie du processus de sélection fondé sur le mérite et que la décision d'accorder ou de refuser une promotion appartenait à l'employeur qui était libre de donner ou non au candidat l'occasion de défendre sa cause. L'appel porte sur la question de savoir si le juge de première instance a eu tort de décider que l'équité en matière de procé- dure ne s'imposait nullement en l'espèce.
Arrêt: l'appel est accueilli. Il ressort du dossier que l'appe- lante a participé à une «séance de consultation» avec son chef de groupe au sujet de ses absences. Toutefois, il n'a pas été prouvé que le chef de groupe ou quelqu'un d'autre l'ait avertie que son nom pourrait être radié de la «liste d'admissibilité» si ses absences persistaient. Rien n'indique non plus que le Ministère et, en particulier, la Commission de la Fonction publique aient cherché à obtenir d'elle une explication ou lui aient permis de s'expliquer au sujet de sa conduite. L'inscription sur la «liste d'admissibilité» produit des conséquences qui échappent au processus de sélection, et donc aux pouvoirs discrétionnaires du comité de sélection. Le processus de sélection prend fin avec l'établissement de la «liste d'admissibilité», laquelle donnait à l'appelante à tout le moins priorité de nomination sur ceux et celles dont les noms suivaient le sien sur la liste. On aurait donner à l'appelante les raisons de la radiation de son nom de la «liste d'admissibilité» et l'occasion de se défendre soit orale- ment, soit par écrit, au choix de la Commission.
Le juge suppléant MacKay dissident: Il incombait à l'appe- lante de prouver que le fait de ne pas l'avoir mise au courant des motifs de sa radiation ou de ne pas lui avoir donné l'occasion de réfuter les plaintes formulées contre elle ou de s'expliquer constitue un traitement injuste ou un déni de justice naturelle. Aux séances de consultation avec son directeur, elle a été mise au courant des reproches qu'on lui faisait et elle a eu l'occasion d'expliquer ses absences. Il lui était aussi loisible de
demander au juge de première instance l'autorisation d'établir la fausseté des allégations concernées, ce qu'elle n'a pas fait. Dans ces conditions, il n'y a pas eu déni de justice naturelle.
Arrêts appliqués: Inuit Tapirisat of Canada c. Le très honorable Jules Léger [1979] 1 C.F. 710; Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police [1979] 1 R.C.S. 310.
APPEL. AVOCATS:
Stephen M. Grant pour l'appelante. P. Evraire pour l'intimé.
PROCUREURS:
Cameron, Brewin & Scott, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Le présent appel vise un juge- ment de la Division de première instance [[1980] 1 C.F. 22] portant rejet de l'action par laquelle l'appelante tendait à obtenir un jugement déclara- toire et des dommages-intérêts dans une affaire se rapportant à la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32.
L'action a été instruite sur l'exposé conjoint des faits suivant:
[TRADUCTION] 1. La demanderesse est un commis à l'emploi du ministère du Revenu national (Impôt) à Toronto (Ontario).
2. La demanderesse a postulé l'emploi de commis aux cotisa- tions, groupe occupationnel CR-4, numéro de concours 77 -TAX-TOR -CC-8, en mars 1977.
3. La demanderesse figurait sur la liste d'admissibilité en vigueur le 12 avril 1977,à la trentième place.
4. D'avril à août 1977, les quinze premières personnes de ladite liste ont été nommées à un emploi de commis aux cotisations.
5. En septembre 1977, une lettre (appendice A) avisait la demanderesse que son nom était radié de la liste d'admissibilité.
6. Subséquemment, les quinze autres personnes dont les noms figuraient sur la liste ont été nommées à un emploi de commis aux cotisations.
7. Le ministère du Revenu national a radié le nom de la demanderesse de ladite liste après en avoir reçu l'autorisation de la Commission de la Fonction publique. La demande d'auto-
risation et la réponse y afférente forment respectivement les appendices B et C.
8. Le ministère du Revenu national et la Commission de la Fonction publique n'ont tenu aucune audition ni établi un comité d'enquête.
9. La demanderesse a fait appel auprès de la Direction générale des appels de la Commission de la Fonction publique qui, dans la décision ci-jointe formant l'appendice D, s'est déclarée incompétente pour tenir une audition.
10. La demanderesse, par le canal de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, a présenté un grief conformément aux dispositions de la convention collective et de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique; à cette date, le grief, après avoir été rejeté au premier et au deuxième paliers, est en suspens au troisième palier.
Dans sa déclaration, l'appelante a sollicité de la Cour un jugement déclaratoire dans les termes suivants:
[TRADUCTION] La demanderesse sollicite un jugement décla- ratoire portant
a) qu'elle a été privée sans cause raisonnable, de ses droits à une nomination au ministère du Revenu national (Impôt);
b) qu'elle a été, par suite du défaut d'audition, privée de justice naturelle;
c) qu'elle a le droit à ce qu'une audition soit tenue ou un comité d'enquête établi par la Commission de la Fonction publique afin de déterminer si la radiation de son nom de la liste d'admissibilité révisée est valide;
d) subsidiairement qu'elle a le droit d'en appeler auprès de la Commission de la Fonction publique, Direction générale des appels, des mesures prises par le ministère du Revenu natio nal (Impôt);
e) qu'elle a droit à une indemnité pour les dommages géné- raux et spéciaux, directs et indirects qui découlent des mesu- res prises par le ministère du Revenu national et du déni de justice naturelle;
f) que les dépens de cette action lui sont adjugés;
g) que la Cour lui accorde tout autre redressement qu'elle juge équitable.
Dans ses motifs de jugement, le juge de pre- mière instance s'est posé six questions dont les réponses sont ainsi résumées:
1) La radiation du nom de l'appelante de la «liste d'admissibilité» est un acte purement administratif, qui n'a pas besoin d'être fait sur une base judiciaire ou quasi judiciaire. Par con- séquent, la Division de première instance est compétente pour rendre un jugement déclara- toire conformément à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10.
2) Malgré le fait que, au moment de l'instruc- tion de l'action, l'appelante n'était plus à l'em- ploi du ministère du Revenu national, un juge- ment déclaratoire (si la Cour juge opportun d'en rendre un) servirait à orienter la Commission de la Fonction publique dans la procédure à suivre lorsqu'elle radie des postulants d'une «liste d'ad- missibilité». La Cour est compétente pour rendre un jugement déclaratoire en l'espèce si la cause de l'appelante le justifie.
3) Il semble que tous les droits des fonctionnai- res du gouvernement fédéral doivent découler soit de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, soit de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35. La question de savoir si la règle de l'équité de la procédure s'applique à ces cas sera résolue en répondant à la sixième question qui figure parmi celles sur lesquelles il portait son attention.
4) La procédure de grief prévue par la Loi sur les relations de travail dans la Fonction pu- blique ne prive pas un employé de son droit de demander un redressement devant une instance appropriée.
5) Le paragraphe 6(2)' de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique («la Loi») permet à la Commission de la Fonction publique de révo- quer une nomination ou d'ordonner qu'une nomination ne soit pas faite lorsqu'elle estime, entre autres, qu'une personne déjà nommée ou sur le point de l'être, ne possède pas les qualités nécessaires pour accomplir les devoirs liés au poste qu'elle occupe, ou qu'elle occuperait une fois nommée. Le paragraphe 6(3)' de la Loi
'6....
(2) Lorsque la Commission estime
a) qu'une personne qui a été nommée ou qui est sur le point d'être nommée à un poste de la Fonction publique, que cette personne soit déjà membre de la Fonction publique ou n'en fasse pas partie, en vertu d'une autorité que la Commission a conférée conformément au présent article, ne possède pas les qualités nécessaires pour accomplir les devoirs liés au poste qu'elle occupe, ou qu'elle occuperait, ou
b) que la nomination d'une personne à un poste de la Fonction publique, que cette personne en soit déjà membre ou n'en fasse pas partie, en vertu d'une autorité que la Commission a conférée conformément au présent article, a contrevenu ou contreviendrait aux conditions auxquelles cette autorité a été accordée,
prévoit la tenue d'une audition ou enquête avant qu'une nomination ne soit révoquée; d'après l'in- timé, cette disposition ne s'applique qu'aux per- sonnes déjà nommées. Ledit paragraphe ne men- tionne pas les nominations qui sont sur le point d'être faites. L'appelante a prétendu qu'une per- sonne sur le point d'être nommée devait aussi bénéficier de la protection dudit paragraphe. Que cette interprétation du paragraphe soit fondée ou non, le règlement final de la préten- tion de l'appelante dépend du point de savoir s'il est juste ou non que le nom de cette dernière ait été radié de la «liste d'admissibilité» sans qu'elle ait été entendue. En outre, l'appelante ne pou- vait se prévaloir de la procédure d'appel prévue par l'article 21 2 de la Loi, puisque son appel n'était pas fondé sur le fait que la sélection d'une personne n'avait pas été faite selon le principe du mérite. Elle a seulement contesté la radiation de son nom de la «liste d'admissibilité».
6) D'après l'avocat de l'appelante, une audition, ou au moins l'occasion de faire des observations, devait être accordée à l'appelante avant qu'on ne
la Commission, nonobstant toute disposition de la présente loi, mais sous réserve du paragraphe (3), doit en révoquer la nomination ou ordonner que la nomination ne soit pas faite, selon le cas, et peut, dès lors, nommer cette personne à un niveau qu'elle juge en rapport avec ses aptitudes.
(3) La Commission ne peut révoquer, conformément au paragraphe (2), la nomination faite parmi les employés de la Fonction publique que sur la recommandation d'un comité établi par elle pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au sous-chef en cause, ou à leurs représen- tants, l'occasion de se faire entendre.
2 21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'avance- ment, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
e) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
procède à la radiation de son nom de la «liste d'admissibilité», que cette décision soit qualifiée ou non de quasi judiciaire ou d'administrative. Or, toujours selon l'avocat, rien de tel n'a été accordé à l'appelante. Le juge de première ins tance a conclu la page 351 que:
... la seule obligation imposée par l'équité à un jury de sélection ou d'appréciation est d'évaluer honnêtement les mérites de chaque candidat à occuper un certain poste. Si l'on exige seulement de lui une première évaluation, j'estime difficile d'imposer une obligation plus stricte à la Commis sion de la Fonction publique lorsqu'elle permet de radier, motif à l'appui, un candidat d'une liste. Il faut admettre indubitablement qu'une telle mesure fait autant partie du processus de sélection basé sur le mérite que ne le faisait la mesure initiale de classement des candidats.
Vu que la demanderesse a un dossier de présence mé- diocre et vu ses réactions lorsqu'il lui a été présenté, peut-on dire honnêtement qu'elle n'a pas été jugée avec équité sur ses mérites et partant, injustement déclarée inapte à remplir le poste? En outre, le point litigieux porte en l'espèce sur une promotion et non pas sur un renvoi. Or, la décision d'accor- der ou de refuser une promotion appartient à l'employeur qui est libre de donner ou non au candidat l'occasion de défendre sa cause.
L'observation que fait lord Pearson dans Pearlberg c. Varty [1972] 1 W.L.R. 534, la page 547, est fort instruc tive à cet égard:
[TRADUCTION] Cependant, l'équité n'exige pas nécessai- rement toute une succession d'auditions, de plaidoiries et de réfutations. Si l'on poussait trop loin les garanties de procédure, rien ne pourrait se faire simplement, rapide- ment et économiquement. Il ne faut pas sacrifier trop hâtivement l'efficacité et l'économie administrative ou exécutive.
Je rejette donc l'action. Vu les circonstances particulières de l'espèce et puisque les deux parties ont gain de cause dans une certaine mesure, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.
Tout d'abord, qu'il me soit permis de dire que, dans l'ensemble, je suis d'accord sur la déclaration faite par le juge de première instance relativement aux cinq premières questions qu'il a posées. Toute- fois, je trouve inutile de discuter de son interpréta- tion de l'article 21 de la Loi. Je laisse délibérément cette question en suspens jusqu'à ce que se pré- sente une affaire il y ait lieu de statuer sur ce point.
En ce qui concerne son point de vue sur la nécessité d'une observation de l'équité en matière de procédure dans des circonstances comme celles du cas qui nous occupe, j'estime, sauf le respect que je lui dois, qu'il a commis une erreur en décidant que l'équité ne s'imposait pas en l'espèce. Il convient de souligner que le paragraphe 8 de l'exposé conjoint des faits énonce ce qui suit:
Le ministère du Revenu national et la Commission de la Fonction publique n'ont tenu aucune audition ni établi un comité d'enquête.
En appel, l'avocat de l'intimé a repris cette déclaration et a ajouté que le mot «audition» était employé dans celle-ci et dans ses affirmations ver- bales dans son sens le plus large, c'est-à-dire qu'on n'avait nullement fourni à l'appelante l'occasion de présenter ses observations, soit oralement, soit par écrit, à propos de la radiation de son nom de la «liste d'admissibilité». Il ressort du dossier que l'appelante a participé à une «séance de consulta tion» avec son chef de groupe au sujet de ses absences. Toutefois, il n'a pas été prouvé que le chef de groupe ou quelqu'un d'autre l'ait avertie que son nom pourrait être radié de la «liste d'ad- missibilité» si ses absences persistaient. Rien n'in- dique non plus que le Ministère et, en particulier, la Commission de la Fonction publique aient cher- ché à obtenir d'elle une explication ou lui aient permis de s'expliquer au sujet de sa conduite. Il découle clairement de ces négligences que la Com mission de la Fonction publique a failli à son devoir d'équité en autorisant la radiation du nom de l'appelante de la «liste d'admissibilité».
Dans le récent jugement qu'a rendu la présente Cour dans l'affaire Inuit Tapirisat of Canada c. Le très honorable Jules Léger 3 , le juge Le Dain s'est exprimé en ces termes la page 717] à propos de l'équité en matière de procédure relati- vement à l'application des dispositions législatives:
L'équité procédurale, tout comme la justice naturelle, est une exigence de la common law et s'applique en matière d'interpré- tation des lois écrites. En l'absence de dispositions procédurales expresses, elle est considérée comme implicitement prévue par la loi. Il est nécessaire d'examiner le contexte législatif de l'autorité prise dans son ensemble. Le véritable point en litige est la question de savoir quelle procédure il convient d'imposer à une autorité déterminée compte tenu de la nature de cette dernière et du genre de pouvoir qu'elle exerce, et quelles conséquences en résulteront pour ceux qui ont à subir ce pouvoir. Il ne faut pas oublier de maintenir l'équilibre entre les exigences d'équité et les besoins du processus administratif en cause.
L'application de ce raisonnement au cas qui nous occupe nous fait voir clairement que l'exer- cice du pouvoir légal concerné affecte sérieusement l'appelante. Le fait qu'une personne soit inscrite sur la «liste d'admissibilité» indique qu'elle a les
3 [1979] 1 C.F. 710.
qualités nécessaires pour occuper un type particu- lier de poste et qu'elle sera nommée à ce poste par préférence à ceux dont les noms viennent après le sien sur la liste. En l'espèce, l'appelante occupait le trentième rang. Elle était donc en droit d'être nommée avant la personne qui figurait à la trente et unième place sur la liste. La radiation de son nom de la liste l'a privée de ce droit, ce qui constitue une grave conséquence pour elle. A mon avis, le juge de première instance a commis une erreur en ne reconnaissant pas l'existence de ce droit. Contrairement à ce que pense, semble-t-il, le juge de première instance, l'inscription sur la «liste d'admissibilité» produit des conséquences qui échappent au processus de sélection, et donc aux pouvoirs discrétionnaires du comité de sélection. Le processus de sélection prend fin avec l'établisse- ment de la «liste d'admissibilité», laquelle donnait à l'appelante à tout le moins priorité de nomina tion sur ceux ou celles dont les noms suivaient le sien sur la liste en question.
A mon avis, on aurait donner à l'appelante les raisons de la radiation de son nom de la «liste d'admissibilité» et l'occasion de se défendre soit oralement, soit par écrit, au choix de la Commis sion. Les propos du juge en chef Laskin dans Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police 4 rapportés à la page 328 du recueil, sont pertinents en l'espèce:
À mon avis, on aurait dire à l'appelant pourquoi on avait mis fin à son emploi et lui permettre de se défendre, oralement ou par écrit au choix du comité. Il me semble que le comité lui-même voudrait s'assurer qu'il n'a commis aucune erreur quant aux faits ou circonstances qui ont déterminé sa décision. Une fois que le comité a obtenu la réponse de l'appelant, il lui appartiendra de décider de la mesure à prendre, sans que sa décision soit soumise à un contrôle ultérieur, la bonne foi étant toujours présumée. Ce processus est équitable envers l'appelant et fait également justice au droit du comité, en sa qualité d'autorité publique, de décider, lorsqu'il connaît la réponse de l'appelant, si l'on doit permettre à une personne dans sa situa tion de rester en fonction jusqu'au moment la procédure lui offrira une plus grande protection. Le titulaire d'une charge mérite cette protection minimale, même si son entrée en fonc- tion est très récente.
J'estime que le raisonnement du juge en chef Laskin s'applique parfaitement en l'espèce. Par conséquent, l'appel devrait être accueilli, le juge- ment de la Division de première instance annulé et un jugement déclarant inéquitable envers l'ap-
^ [1979] 1 R.C.S. 310.
pelante la façon dont le nom de cette dernière a été rayé de la «liste d'admissibilité» et reconnaissant à
l'appelante le droit d'être entendue au sujet des motifs de la radiation être accordé. Toutes les autres demandes de redressement devraient être rejetées. L'appelante devrait avoir droit aux
dépens de l'appel.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris aux motifs ci-dessus.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY (dissident): Tout en souscrivant aux motifs et aux conclusions du juge de première instance, j'estime que la preuve soumise en l'espèce n'autorise pas à affir- mer que l'appelante ignorait les allégations for- mées contre elle ou qu'elle n'a pas eu l'occasion de les réfuter.
Son nom a été radié de la liste d'admissibilité non pas parce qu'elle n'avait pas les qualités pro- fessionnelles pour occuper l'emploi qu'elle postu- lait, mais pour des motifs qui sont exposés dans les lettres formant les appendices A, B et C de l'ex- posé conjoint des faits. Ces lettres sont ainsi rédigées:
[TRADUCTION] Appendice A
Mme Bernice McCarthy
Section du Rôle
Le 2 septembre 1977
Madame,
Je tiens à vous informer que j'ai obtenu du Directeur régional de la Commission de la Fonction publique l'autorisation de radier votre nom de la liste d'admissibilité 77-CC-8 pour le poste de commis aux cotisations, groupe occupationnel CR4. Il a été procédé à cette radiation et, par conséquent, vous ne serez pas nommée audit poste.
Cette mesure a été prise à la suite de l'examen de votre dossier de présence.
Nous vous prions de recevoir, Madame, nos salutations distinguées.
(signé) Linda M. Robinson Directrice régionale du Personnel Région du centre de l'Ontario /ibm
Appendice B
Mme Linda M. Robinson
Directrice régionale du Personnel
Région du centre de l'Ontario
Revenu Canada—Impôt
36, rue Adelaide est
Toronto (Ontario)
M5C IJ7
Madame,
Nous accusons réception de votre lettre du 19 août 1977 demandant l'autorisation de radier le nom de Mn' B. McCarthy de la liste d'admissibilité pour le poste de commis aux cotisa- tions, groupe occupationnel CR-4 (liste d'admissibilité no 77 -TAX-TOR -CC-8) et de ne pas la nommer à ce poste.
Après examen de votre demande, nous estimons qu'il y a en l'occurrence lieu de rayer le nom de Mme B. McCarthy de la liste d'admissibilité et, conformément à l'article 6(2) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, nous vous autorisons par les présentes à procéder à cette radiation.
Il vous appartient d'informer Mm° McCarthy de cette mesure et nous vous saurions gré de nous envoyer copie de la lettre que vous lui adresserez.
Si vous désirez obtenir des renseignements complémentaires, nous vous prions de communiquer avec nous.
Veuillez agréer, Madame, l'expression de nos sentiments distingués.
(signé) L. R. Gibson Directeur régional
Commission de la Fonction publique
Bureau 1100
180, rue Dundas ouest
Toronto (Ontario)
M5G 2A8
Appendice C
Mn' J. Ciebien
Commission de la Fonction publique
180, rue Dundas ouest
Bureau 1100
Toronto (Ontario)
Le 19 août 1977
Madame,
Comme suite à notre discussion, je vous envoie les détails de notre proposition relative à la radiation du nom de Mme McCar- thy de la liste d'admissibilité 77 -TAX-TOR -CC-8.
Bernice M. McCarthy figurait à la trentième place sur la liste d'admissibilité 77-CC-8 (groupe occupationnel CR4, commis aux cotisations) entrée en vigueur le 12 avril 1977. Trente et un noms étaient sur la liste, qui expire le 11 avril 1978. A ce jour, les quinze premières personnes ont été nommées. On a demandé la nomination des seize personnes restantes.
Depuis le moment ou la liste d'admissibilité a été établie, l'assiduité de Mmo M. McCarthy et son comportement se sont détériorés. Elle a été absente pendant vingt-six jours et demi au cours de ces quatre mois.
Le 22 juin, au cours d'une séance de consultation pour absence avec son chef de groupe, Mmo McCarthy a tenu des propos grossiers, jeté dans les airs un dossier d'impôt et est sortie brusquement du bureau du directeur. Cela lui a valu un blâme écrit.
Le 18 juillet, Mme McCarthy a reçu un autre blâme écrit, cette fois à cause d'un congé non autorisé.
Il ressort d'une enquête ultérieure que le dossier de présence de Mme McCarthy pour l'année 76/77 est médiocre. En plus d'avoir utilisé tous ses congés de maladie pour l'année, elle a été absente pendant quarante-six jours et demi.
Si le comité de sélection avait connu ces renseignements, Mme McCarthy n'aurait pas été trouvée apte à occuper le poste de CR4.
Si l'absentéisme de Mme McCarthy avait régressé, il y aurait peut-être eu lieu de lui donner le bénéfice du doute et de laisser son nom sur la liste. Toutefois, sa conduite après l'établissement de la liste confirme le bien-fondé de la décision prise par l'agent du personnel de rayer son nom de la liste en application de l'alinéa 21(2)b) [sic] du Règlement sur l'emploi dans la Fonc- tion publique.
Dans l'attente de votre réponse à ce sujet, nous vous prions d'agréer, Madame, l'expression de nos sentiments distingués.
Linda M. Robinson
Directrice régionale du Personnel
Région du centre de l'Ontario
/ibm
L'appelante n'a ni répondu à la lettre formant l'appendice A ni demandé les raisons pour lesquel- les son nom avait été radié de la liste d'admissibi- lité. Les motifs sont mentionnés dans la lettre et elle connaissait son dossier de présence. Bien que la lettre formant l'appendice C fasse état d'une séance de consultation qu'elle a eue avec son direc- teur le 22 juin 1977 au sujet de ses absences, l'avocat nous a dit qu'il y en aurait eu deux, la deuxième ayant semble-t-il donné lieu au blâme écrit du 18 juillet 1977.
Il est permis de croire qu'à ces séances de consultation, elle a été mise au courant des repro- ches qu'on lui faisait et qu'elle a eu l'occasion de s'expliquer ou de les réfuter. Quoi qu'il en soit, au moment de la préparation de l'exposé conjoint des faits, son avocat et elle-même étaient parfaitement au courant de ces plaintes et du fait que celles-ci étaient la seule cause de la radiation de son nom de la liste d'admissibilité. Ses qualifications profes- sionnelles n'y étaient pour rien.
Si les griefs formulés contre elle étaient faux ou si ses absences étaient justifiées, les séances de consultation avec son directeur étaient l'occasion pour elle de s'en expliquer.
Il lui était aussi loisible de demander au juge de première instance l'autorisation d'établir la faus-
seté des allégations concernées, ce qu'elle n'a pas fait.
Son avancement dépendait essentiellement de ces allégations, lesquelles constituent la seule cause de sa radiation de la liste d'admissibilité.
Il lui incombait de prouver que le fait de ne pas l'avoir mise au courant des motifs de sa radiation ou de ne pas lui avoir donné l'occasion de réfuter les plaintes formulées contre elle ou de s'expliquer constitue un traitement injuste ou un déni de justice naturelle. Elle connaissait ces plaintes et elle a eu l'occasion de s'expliquer au sujet de ses absences. Dans ces conditions, il n'y a pas eu déni de justice naturelle. Par ces motifs ainsi que par ceux prononcés par le juge de première instance, je rejetterais l'appel avec dépens tant devant cette Cour qu'en première instance.
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