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T-774-71
William C. Robinson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, 15 janvier; Ottawa, 6 février 1980.
Couronne Responsabilité délictuelle Action en dom- mages-intérêts pour licenciement abusif atteinte à la réputa- tion, diffamation verbale et écrite Le demandeur était employé aux termes d'un contrat écrit qui prévoyait la résilia- tion sans préavis pour non-exécution Des directives militai- res, postérieures à l'entrée en vigueur du contrat écrit du demandeur, prévoyaient une période d'essai avant la cessation d'emploi Le demandeur a été sommairement licencié pour carence Il échet d'examiner si le contrat écrit l'emporte sur les directives, ou vice versa Il échet d'examiner si son licenciement sommaire a porté atteinte à la réputation du demandeur.
Action en dommages-intérêts pour licenciement abusif, atteinte à la réputation, diffamation verbale et écrite. Le demandeur avait été engagé, initialement par accord verbal, comme employé civil pour gérer l'épicerie d'une base des Forces canadiennes. Au moment de son licenciement, il était le direc- teur de l'épicerie de la base, en vertu d'un contrat écrit qui prévoyait la résiliation sans préavis pour cause de non-exécu- tion. Ce contrat prévoyait aussi qu'en sa qualité de directeur, le demandeur avait droit à une marge d'erreur équivalente à 1 p. 100 du chiffre d'affaires à compter du dernier inventaire. Un inventaire dressé en septembre 1969 fit ressortir des manquants s'élevant à 1.4 p. 100 du chiffre d'affaires. Le demandeur estimait que ces manquants tenaient probablement au vol ou aux erreurs commises lors de l'inventaire, mais sa demande d'une seconde vérification fut rejetée. A la place, il a reçu un avis de cessation d'emploi pour cause de carence et d'inaptitude à justifier les manquants. Le demandeur interjeta appel de ce licenciement, en se fondant sur des directives militaires qui prévoient une période d'épreuve avant toute cessation d'emploi ainsi que l'assentiment préalable du B.C.É. en cas de licencie- ment d'un surveillant de point de vente. Son appel fut rejeté, et le demandeur s'est vu confisquer son laissez-passer, qui lui permettait de faire des achats au rabais dans les magasins du système Canex. Des avis furent affichés au garage, à l'épicerie et à la buvette, qui interdisaient de servir le demandeur. La défenderesse soutient que les directives dont s'agit, qui étaient postérieures à l'entrée en vigueur du contrat de travail initial du demandeur, ne s'appliquaient pas à ce contrat. Il échet princi- palement d'examiner si le licenciement du demandeur était justifié par les stipulations de son contrat de travail ou si les autorités militaires auraient se conformer aux dispositions de leurs propres directives. Il échet en second lieu d'examiner si ces autorités ont procédé au licenciement de façon si déraison- nable et hâtive qu'elles ont fait naître des soupçons sur l'honnê- teté du demandeur, portant ainsi atteinte à sa réputation et diminuant ses chances de se trouver un nouvel emploi, et si elles ont fait des déclarations diffamatoires, verbales et écrites, sur son compte.
Arrêt: l'action est accueillie. Au moment de son licenciement, le demandeur était employé en vertu d'un nouveau contrat en date du 29 avril 1969, donc postérieur aux directives en ques tion. Ces directives doivent servir de fondement pour l'interpré- tation et l'application de tout contrat de travail du personnel civil, et nul contrat de ce genre ne peut y déroger, spécialement lorsqu'il s'agit d'un contrat signé postérieurement à la publica tion de ces directives. Les directives n'avaient un sens que si aucun contrat ne pouvait être conclu en violation de leurs dispositions. Il ne fait aucun doute que certaines prescriptions des directives n'ont pas été respectées lors du licenciement sommaire du demandeur. A moins de considérer comme entiè- rement inapplicables au demandeur les directives relatives aux inventaires et aux avertissements, à la période d'épreuve et au licenciement des employés de Canex, il faut conclure que le commandant de la base a licencié le demandeur sans appliquer les procédures appropriées, hâtivement et sommairement, et l'a ensuite traité de façon si sévère et excessive, par des méthodes telles que la confiscation de sa carte d'identité de client autorisé du système d'économat des Forces canadiennes et l'interdiction de le servir, que le demandeur a été atteint dans sa réputation, ce traitement signifiant qu'il était, sinon malhonnête, du moins incompétent et indigne de confiance, ce qui lui a certainement causé des difficultés dans ses premières tentatives pour se trouver un emploi.
ACTION. AVOCATS:
K. J. MacDougall, c.r. pour le demandeur. C. Ruelland, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Bronstetter, Wilkie, Penhale, Donovan, Giroux & Charbonneau, Montréal, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette demande de dommages- intérêts de $10,000 pour licenciement abusif, de $10,000 pour atteinte à la réputation, et de $5,000 pour diffamation verbale et écrite, a été formée le 18 novembre 1969, mais n'est instruite que maintenant. L'avocat du demandeur a expliqué ce retard extraordinaire par le fait qu'au début des procédures, un relevé de compte pour services juri- diques n'a jamais pu atteindre le demandeur qui avait déménagé sans laisser d'adresse. En consé- quence, les avocats de ce dernier n'ont rien fait pour obtenir l'instruction de la demande, le demandeur n'a pas essayé de prendre contact avec eux à partir de sa nouvelle adresse pour s'enquérir
de l'évolution de l'affaire et, ce qui est plus éton- nant, la défenderesse n'a pas fait rejeter la demande pour défaut de poursuivre. En 1977, au cours d'un examen des anciens dossiers, les avocats du demandeur ont essayé d'entrer en contact avec leur client, et ils y ont réussi sans trop de difficulté. Depuis lors, l'affaire a quelque peu avancé: le demandeur a été soumis à un interrogatoire préa- lable le 16 décembre 1977 et un représentant de la défenderesse a subi un tel interrogatoire le 29 août 1978, des listes de documents ont été dressées et l'affaire a été inscrite pour une audience. Malheu- reusement, on ne dispose plus d'un certain nombre de documents contenus dans des dossiers militaires qui auraient pu être utiles comme preuve, puisque ces dossiers sont détruits après un délai de cinq ans.
Les circonstances de l'affaire sont relativement claires, et le principal point consiste à déterminer si, pour licencier le demandeur de son poste d'em- ployé civil exploitant un magasin du système Canex à la base aérienne de Saint-Hubert, l'on pouvait se fonder sur son contrat de travail daté du 29 avril 1969, ou si les autorités militaires ne devaient pas plutôt appliquer les dispositions de leur propre directive FNP (Fonds non publics) 8/68 et de leur directive FNP 19/68 relative à l'établissement et à l'évaluation de l'inventaire. Le second point consiste à déterminer si, en effectuant ce licenciement prétendument abusif et illégal, ces autorités ont procédé de façon tellement déraison- nable et hâtive qu'elles ont fait naître des soupçons sur l'honnêteté du demandeur, portant ainsi atteinte à sa réputation et réduisant ses possibilités de se trouver un nouvel emploi, et ont fait verbale- ment et par écrit des allégations diffamatoires à son égard.
La preuve révèle qu'après 14 ans de service dans l'Aviation royale du Canada comme intendant dans différents mess situés dans diverses bases, le demandeur a été libéré avec honneur. Par un accord verbal, il fut engagé, à partir de mai 1968, comme employé civil pour gérer l'épicerie de la base de Saint-Hubert, ce magasin étant exploité par une division appelée [TRADUCTION] «Division des fonds non publics». A partir d'octobre 1968, on a appliqué le système Canex pour l'administration des bases semblables dans tout le pays, et le demandeur, conformément à un accord verbal, y a
travaillé pendant les trois premiers mois au salaire mensuel de $250 plus une gratification calculée sur le chiffre de vente. Par suite d'un autre accord non produit au procès, ce salaire mensuel fut porté à $525. Au moment de son licenciement, il travail- lait en vertu d'un accord écrit daté du 29 avril 1969 il était désigné comme directeur de l'épi- cerie de la base. D'après la clause a) de l'accord, il devait commencer son travail le 1" mai 1969 et le continuer jusqu'à [TRADUCTION] «dénonciation par l'une des parties conformément aux modalités ci-après». La clause a) énonçait les droits et res- ponsabilités du demandeur, y compris le droit de recommander la promotion ou le licenciement du personnel employé dans l'épicerie. La clause h) prescrivait qu'il devait respecter tout règlement pertinent relatif au contrôle, à l'achat et à la vente des marchandises. La clause j) prévoyait qu'il avait droit à une marge d'erreur d'un pour cent du chiffre de vente à compter du dernier inventaire et qu'il devait rembourser la base pour toute insuffi- sance dépassant cette limite. La clause p) pré- voyait la dénonciation de l'accord en ces termes:
[TRADUCTION] (i) Dénonciation par l'officier d'administra- tion de la base, sans préavis d'intention de dénonciation, en cas de non-respect des clauses et conditions de la présente, ou au cas la base tirerait un bénéfice net de moins de cent dollars par mois, sans justification admissible de la part du DIRECTEUR; ou lorsqu'il est établi que la baisse a été causée par les habitudes de travail ou en cas de politiques, etc. adoptées par le DIRECTEUR de sa propre initiative; et
(ii) Dénonciation par l'une des parties, au moyen d'un préa- vis écrit de trente jours.
Le demandeur avait un personnel de six membres, dont quatre travaillaient à plein temps et deux à temps partiel. En plus des produits d'alimentation, on vendait dans ce magasin des produits pharma- ceutiques n'exigeant pas d'ordonnance, des ciga rettes, de la bière et des boissons gazeuses, mais pas de viande sauf de la viande tranchée préembal- lée. Le personnel se composait d'une directrice adjointe, d'un caissier en chef, de deux femmes travaillant à temps partiel pour ranger les mar- chandises sur les étagères, et de deux livreurs. Les bénéfices nets du magasin ne tombèrent jamais au-dessous du minimum de $100 exigé par la clause p)(i) précitée. Tous les trimestres on dres- sait un inventaire, de sorte qu'en cas d'insuffi- sance, celle-ci couvrirait une période de trois mois. Le demandeur a déclaré qu'une vérification des stocks a été faite le 25 mai 1969. La vérification
subséquente, effectuée le 7 septembre 1969 (pièce P-3) révéla une insuffisance de $784. Pour la période de mai à septembre, le chiffre des ventes se montait à $55,000 et le bénéfice net à $1,300. Si l'on en soustrait $784, le solde de $516 constituant le bénéfice net est encore au-dessus du minimum mensuel de $100 exigé par le contrat. Une seule vérification fut faite relativement à cette insuffi- sance, alors qu'il en a requis une seconde. Il en parla au lieutenant Robert Bélanger, officier d'économat adjoint à la base, à qui il devait rendre compte aux termes de son contrat de travail, mais il ne put expliquer l'insuffisance autrement que par le vol ou par des erreurs commises pendant l'inven- taire, ce qui expliquait sa requête pour un second inventaire. Selon lui, on lui répondit qu'une telle opération serait trop coûteuse. Le 18 septembre 1969, il reçut une lettre portant l'en-tête [TRADUC- TION] «Avis de cessation d'emploi» et signée par le lieutenant-colonel J. A. Woodcock au nom du commandant de la base; on pouvait y lire ce qui suit:
[TRADUCTION] Le commandant de la base a décidé d'invoquer les dispositions de l'alinéa (i) du paragraphe p), de cet accord. Par la présente, avis formel vous est donné que cet accord cessera d'avoir effet le 18 octobre 1969.
Il y était ensuite déclaré que la dénonciation était fondée exclusivement sur l'incapacité du deman- deur à gérer le magasin de manière satisfaisante en tout temps et à tous les points de vue, et plus spécialement à fournir une explication satisfai- sante de l'insuffisance. Il était requis de rendre immédiatement les clés du magasin et [TRADUC- TION] «d'enlever des locaux tout effet personnel et de ne pas y revenir». La lettre ajoutait ceci:
[TRADUCTION] Comme cette mesure est désagréable pour toutes les personnes concernées, il vous sera versé trente jours de salaire en guise de préavis, en plus de toute indemnité de cessation d'emploi auxquelles vous avez droit. Il en sera toute- fois déduit le montant de l'insuffisance dépassant la marge tolérée de I% des ventes brutes pour la période concernée, c'est-à-dire la somme de deux cent vingt-quatre dollars et quatre-vingt-quinze cents ($224.95).
Cette lettre fut remise au demandeur par le lieute nant Bélanger. Il a immédiatement protesté contre cette dénonciation soudaine. Le 21 septembre 1969, il écrivit une lettre au brigadier-général C. H. Mussells du B.C.É., au Canex, au Quartier général des forces canadiennes à Ottawa, pour faire valoir ses droits et attirer l'attention du géné- ral sur les directives FNP 8/68 et 19/68 déjà
mentionnées. Il pensait être un employé de catégo- rie II, mais, dans sa déposition, le lieutenant Bélanger (subséquemment devenu le capitaine Bélanger, et maintenant à la retraite) a déclaré que le demandeur était de la catégorie Ib). Il faut remarquer qu'évidemment le lieutenant Bélanger a fait toutes ses dépositions par mémoire, sans autre preuve à l'appui que les documents produits par le demandeur lui-même, alors que ce dernier a montré une copie de sa lettre datée du 21 septem- bre 1969, adressée au brigadier-général Mussells, il énonce par écrit sa version des faits, immédia- tement après que ces faits se sont produits, le compte rendu étant ainsi sans doute plus précis. Je peux dire que, dans toutes ses dépositions, le demandeur s'est montré extrêmement précis et raisonnable et il a donné l'impression d'être un témoin digne de foi (ce qui ne veut pas dire que le capitaine Bélanger n'est pas un témoin raisonnable et digne de foi).
Sur le fondement des dispositions de la directive FNP 8/68, dont l'article 3 définit la catégorie I comme celle des employés d'exécution, il appert que le demandeur aurait être dans la catégorie II s'il n'y était pas. L'alinéa a) se réfère aux [TRADUCTION] «surveillants de points de vente», mais l'alinéa b) se réfère aux [TRADUCTION] «ven- deurs». Le demandeur était certainement plus que cela. D'après l'article 23A, certains de ces employés peuvent être considérés comme occupant un poste de direction (donc dans la catégorie II) avec l'approbation du B.C.E. sur le fondement de facteurs tels que les décisions à prendre, le mon- tant du chiffre d'affaire, le nombre d'employés surveillés et la mesure dans laquelle ces employés sont directement surveillés etc. La catégorie II comprend des employés dont les principales fonc- tions sont directement reliées à la gestion, à l'ex- ploitation des entreprises, à l'exercice de pouvoirs discrétionnaires, de jugement indépendant dans l'exécution de tâches sans aucune surveillance immédiate ou directe, etc. En l'espèce, le deman- deur était responsable de son personnel, de l'achat et de la vente de marchandises conformément au règlement et tenait la comptabilité. Il était donc bien plus qu'un simple vendeur.
Quoi qu'il en soit, le point de savoir si le deman- deur était un employé de la catégorie I ou de la catégorie II est sans intérêt dans le présent litige.
Nous pouvons le considérer comme de la catégorie I, ainsi que l'a affirmé le lieutenant Bélanger. Conformément à la directive 8/68, les raisons de cessation d'emploi sont les mêmes dans les deux cas et, parmi elles, on trouve l'insuffisance de rendement et la malhonnêteté. Cependant, les autorités militaires elles-mêmes n'ont pas respecté l'article 50, qui prévoit une période probatoire et dont voici le libellé:
[TRADUCTION] 50. Aucun employé permanent ne peut être licencié pour mauvaise conduite, insuffisance de rendement, violation des règles, absence sans permission ou sans raison valable ou participation insuffisante, sans être d'abord averti par écrit de ce qui lui est reproché. L'avertissement doit être fait en un seul exemplaire pour les employés de catégorie I et en double exemplaire pour les surveillants de points de vente et les employés de catégorie II, être signé par l'officier d'économat ou par le directeur du bureau d'achat et contenir les informations suivantes:
a. Les faits reprochés à l'employé;
b. La période d'épreuve déterminée pendant laquelle l'em- ployé aura l'occasion de se corriger;
c. L'assistance et l'orientation à la disposition de l'employé pour l'aider à se corriger;
d. L'avis que, faute d'amélioration de la part de l'employé, celui-ci sera transféré à un poste plus conforme à ses intérêts et à sa capacité ou congédié; et
e. L'attestation par l'employé qu'il a lu l'avertissement.
L'original de l'avertissement doit être versé au dossier personnel de l'employé et, dans le cas d'un surveillant de point de vente ou d'un employé de la catégorie II, le duplicata doit être envoyé au B.C.É.
L'article 51 exige l'approbation préalable du B.C.É. pour [TRADUCTION] «la mutation ou le licenciement de tout surveillant de point de vente ou de tout employé de la catégorie II» [c'est moi qui souligne]. Le demandeur était certainement un surveillant de point de vente ainsi que le spécifie son contrat de travail, mais on n'a pas demandé ou obtenu l'approbation du B.C.É. L'article 53 est ainsi conçu:
[TRADUCTION] 53. L'officier d'économat ou le directeur du bureau d'achat peuvent licencier les employés sans leur donner une période d'épreuve, pour les raisons autres que la mauvaise conduite ou l'insuffisance de rendement, la violation des règles, l'absence sans permission ou sans raison valable ou la participa tion insuffisante, mais l'approbation préalable du B.C.É. est requise pour le licenciement d'un surveillant de point de vente ou d'un employé de catégorie II.
La lettre de dénonciation a évidemment invoqué comme motif l'insuffisance du rendement, de sorte que les exceptions prévues par l'article 53 ne sont
pas applicables au demandeur pour qui sont requi- ses, outre une période d'épreuve, l'approbation préalable du B.C.E., puisqu'il était un surveillant de point de vente.
La défenderesse a allégué que la directive 8/68 n'était pas applicable en la matière et s'est même opposée à la production de cette directive aussi bien qu'à celle de la directive 19/68. Cette opposi tion a été acceptée sous réserve et, à présent, je la rejette. La défenderesse a soutenu que la directive 8/68 n'est entrée en vigueur que le l er octobre 1968, et la directive 19/68 que plus tard, en décembre, et qu'en conséquence elles n'étaient pas applicables au contrat de travail original du demandeur, passé antérieurement. Je n'admets pas ce raisonnement. Tout d'abord, au moment de son licenciement, le demandeur travaillait sous le régime d'un nouveau contrat (même si celui-ci, suivant les allégations de la défenderesse, reprodui- sait le libellé de l'accord antérieur, lequel n'a pas été produit à l'instance) daté du 29 avril 1969, donc postérieur aux directives en question. En second lieu, je ne peux admettre que ces directives n'ont pas force obligatoire pour les autorités con- cernées, car elles doivent servir de fondement pour l'interprétation et l'application des dispositions de tout contrat de travail du personnel civil, et nul contrat de cette nature ne peut y déroger, spéciale- ment lorsqu'il s'agit d'un contrat signé postérieure- ment à la publication de ces directives. Il serait absurde d'en arriver à une autre conclusion. Le commandant de la base pourrait ne pas tenir compte de ces directives et engager un employé par un contrat stipulant que l'employé pourrait être licencié à tout moment, sans motif et sans préavis, ce qui serait manifestement contraire aux directives, et s'il ne s'agissait que d'interpréter le contrat, celui-ci pourrait être invoqué contre l'em- ployé, au motif que ce dernier l'a signé et en a accepté les conditions. Une telle interprétation irait à l'encontre de l'économie des directives. Le demandeur a affirmé que celles-ci avaient été com muniquées à tous les employés, et il s'y est spécifi- quement référé dans sa lettre du 21 septembre 1969 au brigadier-général Mussells, immédiate- ment après son licenciement. La défenderesse s'est également référée à l'article 4 de la directive 8/68, dont voici la partie pertinente:
[TRADUCTION] Sauf instructions contraires du B.C.É., ces directives s'appliquent à tous les autres employés civils des fonds non publics du système d'économat.
Le demandeur était évidemment un employé civil des fonds non publics du système d'économat, et nul n'a allégué que le B.C.E. aurait donné l'ordre de ne pas appliquer ces directives au demandeur ou à d'autres employés semblables. L'officier com mandant n'avait donc pas le pouvoir de décider de ne pas les appliquer au demandeur. Il ne fait aucun doute que, dans le licenciement sommaire du demandeur, on a violé certaines des exigences de la directive 8 / 6 8.
En ce qui concerne la directive 19/68, relative au recensement et à l'évaluation des stocks, elle prévoit, pour les épiceries du système Canex, un inventaire physique à la fin de février et d'août. L'article 15 stipule un dénombrement par deux vérificateurs, dont l'un connaît bien le stock en question. Il faut inscrire les quantités respectives sur la feuille d'inventaire et faire signer celle-ci par l'équipe de vérification. D'après une autre disposi tion, il faut faire procéder à un second dénombre- ment par une autre équipe de vérification venant d'autres rayons ou d'autres points de vente, pour s'assurer d'une vérification indépendante. Ceci n'a pas été fait en l'espèce. Il est vrai que, dans sa déposition devant la Cour, le lieutenant Bélanger a déclaré que les inventaires sont faits tous les tri- mestres. Le premier inventaire dressé dans le magasin géré par le demandeur a montré une insuffisance de $55. Celle-ci ayant doublé dans l'inventaire suivant, il fut décidé de procéder à des inventaires mensuels. L'inventaire subséquent révéla une insuffisance encore supérieure et la dernière en date fit ressortir une insuffisance de $784, ce qui amena à signaler la chose au contrô- leur et au commandant adjoint. Le demandeur n'ayant pu fournir aucune explication satisfai- sante, il fut licencié. Aucun document n'a été produit à l'appui de ces déclarations et celles-ci sont directement en contradiction avec celles du demandeur concernant la fréquence des inventai- res, puisque, comme il a été mentionné plus haut, le demandeur s'est référé, dans la lettre qu'il a écrite au brigadier-général Mussells immédiate- ment après son licenciement, à un inventaire dressé le 25 mai, et à l'inventaire suivant fait le 7 septem- bre. Mme Marie Maillet, directrice adjointe du magasin, et y ayant travaillé depuis 1966, a déclaré qu'en cas d'insuffisance constatée au cours d'un inventaire, il est habituellement procédé à un autre inventaire, et que si un inventaire de vérifica-
tion avait été effectué pendant les deux semaines elle a continué à travailler à l'endroit concerné après le départ du demandeur, elle y aurait pris part. Elle a également corroboré la déclaration du demandeur selon laquelle des travaux de construc tion étaient alors en cours pour agrandir le maga- sin. Le demandeur a déposé qu'environ 6 ou 7 ouvriers civils entraient ou sortaient fréquemment du magasin pendant cette période, ce qui augmen- tait les risques de vol par les clients et les difficul- tés de gestion du stock. Le demandeur a aussi mentionné ces faits dans sa lettre au brigadier- général Mussells. Il faut souligner qu'une insuffi- sance de $784 constitue seulement 1.4% du chiffre de vente de $55,000 et que ce taux ne dépasse que très légèrement la marge de tolérance de 1% consi- dérée comme normale et admissible par la clause j) du contrat de travail (précitée). Le demandeur serait requis de dédommager le fonds de la base dans la mesure l'insuffisance dépasse cette marge. Cette disposition incite fortement le direc- teur du magasin à ne pas dépasser la marge tolérée et l'assujettit à une importante pénalité s'il la dépasse.
Lorsque le lieutenant Bélanger remit au deman- deur la lettre du lieutenant-colonel Woodcock l'in- formant de son licenciement et lui ordonnant entre autres de ne pas revenir dans les locaux, le deman- deur demanda au lieutenant Bélanger une carte d'identité du Bureau central des économats, laquelle carte est délivrée habituellement aux vété- rans sur demande et permet au titulaire, pour lui-même, pour les personnes à sa charge ou afin de se procurer de bonne foi des cadeaux, de faire des achats dans tout magasin du B.C.É. des Forces canadiennes. Le lieutenant Bélanger lui délivra immédiatement cette carte. Le demandeur s'en est servi pour revenir au magasin le jour suivant, et il a sans doute parlé de son licenciement sommaire avec le personnel autrefois sous son contrôle. Il était assez normal qu'il se plaignit des circons- tances dans lesquelles il avait été licencié. Bientôt après, la directrice adjointe déposa son préavis et donna sa démission. Elle quittait son emploi deux semaines seulement après le départ du demandeur. Dans sa déposition, elle a déclaré que personne ne lui avait suggéré de démissionner, mais que le remplaçant du demandeur n'ayant aucune expé- rience de ce travail, elle n'avait pas voulu travailler sous sa surveillance et avait donné sa démission.
En tout cas, à tort ou à raison, les autorités ont apparemment jugé que le demandeur utilisait son laissez-passer pour semer le mécontentement et le trouble, car, le 1" octobre 1969, le colonel H. F. Wenz, agissant pour le compte du commandant de
la base, lui envoya une lettre où, après une réfé- rence au fait qu'au moment du licenciement on lui avait versé un traitement de 30 jours au lieu d'un préavis de 30 jours pour lui épargner l'embarras d'avoir à travailler pendant les 30 jours subsé- quents à son licenciement, il était dit ce qui suit:
[TRADUCTION] On m'a signalé que malgré les mesures prises pour vous éviter tout embarras, vous êtes revenu au magasin à plusieurs reprises, et pas toujours pour y faire des achats. Il appert que votre présence au magasin dérange les employés et, pour cette raison, le commandant de la base a ordonné que vous soit interdit tout accès à la base des Forces canadiennes de Montréal, détachement de Saint-Hubert, ainsi qu'à toute ins tallation Canez qui y est exploitée.
J'ai reçu l'ordre de vous informer qu'à partir de la date de la présente, vous n'avez pas le droit d'entrer dans la zone de la base pour utiliser ses installations. Je souhaite que vous respec- tiez les directives données à cet effet aux membres du détache- ment de Saint-Hubert, afin de nous éviter à tous des désagréments.
Le demandeur a déclaré qu'à sa deuxième visite au magasin à l'aide de son laissez-passer, le service de police lui a confisqué sa carte et lui a ordonné de quitter la base. Au cours de l'interrogatoire préala- ble, il a affirmé qu'on l'avait menacé d'arrestation s'il revenait à la base. En outre, des avis affichés au magasin, au garage et à la buvette portaient l'inscription suivante [TRADUCTION] «Ne servez pas M. Robinson». Sans avoir vu ces avis lui- même, il en a entendu parler, et la partie adverse n'a pas nié leur existence.
Le 9 octobre 1969, le brigadier-général Mussells répondit à son appel en énonçant qu'un examen de l'accord du 29 avril 1969 avait révélé que le com mandant de la base l'avait traité en conformité avec cet accord, et qu'en conséquence, l'appel ne pouvait être accueilli. Cette lettre ajoutait:
[TRADUCTION] Vous devez comprendre que vous êtes lié par les dispositions de l'accord que vous avez conclu avec le com mandant de la base lorsqu'elles sont en contradiction avec les directives FNP.
Cette conclusion, je la rejette tout à fait, pour les motifs précités. Les directives n'ont aucun sens si on peut passer ou si on passe des accords en contradiction avec elles.
Le demandeur a reçu une autre lettre, datée du 3 octobre 1969 et signée par le major J. V. Ranson au nom du commandant de la Base, en réponse à sa lettre du 1" octobre, non versée au dossier mais énonçant que l'inventaire n'avait pas été fait de manière valable. Cette lettre du 3 octobre, dans le but de modifier le fondement du licenciement, déclare que les autorités ont exercé le droit de dénoncer l'accord que leur conférait la clause p)(ii) (précitée) de son contrat, qui n'exigeait qu'un préavis de 30 jours sans énonciation de motifs. Mais il appert de la lettre de licenciement signée par le lieutenant-colonel Woodcock que la décision a été prise sur le fondement de la clause p)(i) (précitée), et toute la correspondance subsé- quente établit que le demandeur a été licencié par suite de l'insuffisance constatée au cours de l'in- ventaire. On ne peut donc admettre cet essai tardif de modifier le fondement du licenciement, lorsque celui-ci a déjà porté atteinte à la réputation du demandeur. Celui-ci reçut du capitaine J. Y. Mac- Pherson, officier comptable pour les fonds non publics, une lettre plus personnelle, datée du 16 mars 1970, par laquelle ce dernier lui envoyait un reçu pour les $224.49 versés par le demandeur en dédommagement de la portion de l'insuffisance dépassant la marge tolérée. Voici comment elle était rédigée:
[TRADUCTION] J'ai appris avec regret que vous n'avez pu réussir à vous trouver un emploi. Comme d'habitude ici à Montréal, nous sortons d'une crise pour entrer dans une autre, de sorte que rien n'a changé depuis votre départ.
J'espère que ces reçus vous aideront à récupérer au moins une partie de votre versement.
Bonne chance.
La lettre a été envoyée à M. Robinson à sa nou- velle adresse à Downsview, Ontario. Évidemment, un officier subalterne ne pouvait aller plus loin dans son expression de sympathie envers le deman- deur. On pourrait peut-être même voir une désap- probation de ce qui s'est passé.
Il faut remarquer qu'à cet égard, nul n'a con testé les dépositions du demandeur, selon lesquelles ce dernier n'a jamais reçu d'avertissement et a toujours fait l'objet d'évaluations annuelles excel- lentes de la part du lieutenant Bélanger. Il a lu deux de ces rapports, l'un signé par le lieutenant Bélanger et l'autre par son prédécesseur. Selon Mme Maillet, le demandeur était un excellent patron dans l'exploitation d'une petite épicerie et il
était agréable de travailler avec lui. Cependant, les avis interdisant de le servir ont été affichés dans un petit bureau et non dans un lieu public. Il y a deux autres témoignages de moralité très importants. Le demandeur a enfin trouvé un poste auprès de l'Aurora Highlands Golf Club et voici ce que dit une lettre du 15 janvier 1979 signée par le direc- teur de ce club:
[TRADUCTION] À QUI DE DROIT
Objet: M. William Robinson
M. Robinson dirige la buvette d'Aurora Highlands depuis 1970. Il a toujours été ponctuel, convenablement habillé, sobre pendant les heures de travail, amusant (mais correct) avec les membres du Club et les invités, honnête, compétent dans la gestion du personnel et dans l'exécution de ses fonctions. Le rapport entre le coût des produits et celui du personnel a toujours été satisfaisant.
Le Club ferme son terrain de golf pour les deux années à venir, afin de le transformer, et a, en conséquence, supprimé le poste occupé jusqu'ici par M. Robinson.
Le témoin John Blyth, d'Ottawa, directeur adjoint de Canex, déclare avoir servi pendant 26 ans avant de prendre sa retraite en mai 1969 et de devenir un employé civil de Canex. Il est parfaitement au courant des directives et, en fait, on lui a demandé son avis avant de les rédiger. On les publie sous l'autorité du chef de la Défense et elles sont signées, pour le compte de celui-ci, par le directeur de Canex qui était alors le brigadier-général Mus - sells. Le témoin considère ces directives comme ayant force obligatoire pour les commandants des bases. Il a déclaré que, pendant son temps de service, il a géré des mess de la Défense nationale dans différentes bases et a eu sous ses ordres le demandeur Robinson, qu'il considère comme digne de confiance. Il a dirigé des cantines sans boissons alcooliques, des mess d'officiers, des clubs de pilo- tes, et d'autres établissements de ce genre, et partout le demandeur lui a donné pleine satisfac tion. Il a ajouté que s'il avait à embaucher du personnel il n'hésiterait pas à le prendre.
Ce résumé détaillé de la preuve m'amène à conclure que, sauf si l'on décide d'écarter entière- ment les directives relatives aux inventaires et à l'avertissement, à la période d'épreuve et au licen- ciement des employés de Canex comme inapplica- bles au demandeur, le commandant de la base a licencié celui-ci sans appliquer les procédures appropriées, hâtivement et sommairement, et l'a ensuite traité de façon si sévère et excessive, par des méthodes telles que la confiscation de sa carte
d'identité comme client autorisé du système d'éco- nomat des Forces canadiennes et l'interdiction de le servir, que le demandeur a été atteint dans sa réputation, un tel traitement impliquant évidem- ment qu'il était, sinon malhonnête, du moins incompétent et indigne de confiance, ce qui lui a certainement causé des difficultés dans ses premiè- res tentatives pour se trouver un emploi.
Le demandeur évalue ainsi le préjudice qu'il a subi:
[TRADUCTION] Perte de revenu causé par le chô- mage de septembre 1969 au 15 mars 1970, période il n'a travaillé qu'occasionnellement à temps
partiel $3,000.00
Moins $950.00 gagnés durant cette période soit une
perte du revenu nette de $2,050.00
Cependant, il a été effectivement payé jusqu'au 18 octobre. Il s'agit donc d'une perte véritable de cinq mois de salaires à $525 par mois, soit $2,625. Déduction faite des $950 précités, la perte nette est de $1,675.
Pendant la période en question, il a emprun- ter $500 d'une banque pour couvrir ses frais de subsistance. On ne peut tenir compte de cet emprunt parce que le remboursement est compensé par une recette équivalente. Et on ne peut allouer aucun intérêt pour cet emprunt, faute de preuve relative à la durée de la dette. Pour la période du 15 mars 1970 au 1" mai 1971, il déclare une perte de $1,600, soit la différence entre son revenu effectif à l'Aurora Highlands Golf Club et le revenu qu'il aurait gagné comme directeur du magasin de la base, au taux mensuel de $525. Dans les circonstances de l'espèce, cette réclama- tion est admissible. Il a déclaré qu'après son licen- ciement, il a fait de son mieux pour obtenir un autre emploi en posant sa candidature à de nom- breux postes. Mais, chaque fois qu'il remplissait la formule de demande d'emploi, il devait répondre à des questions relatives à son emploi antérieur et aux motifs de son départ et, comme il admettait sincèrement avoir été licencié, il n'a jamais reçu de réponse de qui que ce soit. N'étant pas bilingue et ne pouvant trouver d'emploi dans la région de Montréal, il a emprunté de l'argent à la banque pour aller en Ontario il a enfin trouvé un poste à l'Aurora Highlands Golf Club. En décembre et janvier, il a travaillé provisoirement pour une agence de placement à Montréal, mais les commis-
sions reçues ne suffisaient pas pour sa subsistance. Dans ces circonstances, je crois qu'il y a lieu d'accueillir sa réclamation de $650 pour frais de déménagement de Montréal à Aurora. Il réclame aussi $1,000 pour les tentures, tapis, tringles de rideaux, etc. pour sa nouvelle demeure. Comme il s'agit d'articles neufs, donc probablement meil- leurs que ceux qu'il avait à Montréal, je ne crois pas qu'il y ait lieu d'allouer tout le montant réclamé, mais seulement $500. Il réclame aussi une somme de $500 en compensation des dépenses pour cinq voyages à différents lieux en Ontario pour trouver un emploi, avant d'obtenir le poste d'Aurora, ainsi que $50 pour un voyage à Mont- réal, en décembre 1977, pour assister à l'interroga- toire préalable et je crois qu'on peut accueillir ces réclamations. Enfin, il réclame un montant de $1,000 en compensation du préjudice subi par suite de la confiscation de la carte lui permettant des achats à prix réduit dans les magasins du Canex. On a suggéré qu'après son installation à Aurora, il aurait pu demander une autre carte à la base de Downsview, à 25 milles d'Aurora, et per- sonne n'aurait su que la carte de Saint-Hubert avait été annulée. Mais le demandeur n'était pas au courant de cette possibilité. Il a droit de deman- der l'octroi d'une telle carte à titre de vétéran, mais les autorités concernées n'ont pas l'obligation de lui en délivrer une. Pendant les années qui suivirent, il a dépensé, pour l'ameublement de sa maison, $600 pour un poste de télévision, $800 pour un réfrigérateur, $400 pour une cuisinière, $1,300 pour une chambre à coucher, environ $600 pour des tapis, $600 pour des tentures, $300 pour des tables basses, $550 pour un lave-vaisselle, envi- ron $2,000 pour des cadeaux variés, des meubles de jardin, etc. Le demandeur déclare avoir dépensé environ $7,800 pour l'achat des meubles dans des magasins de détail plutôt que dans ceux de la base, il aurait joui d'une réduction de prix. Il réclame $1,000 en compensation de ce préjudice, ce qui ne me paraît pas déraisonnable.
Les rubriques précitées se montent à un total de $5,975. La déclaration ne contient aucun détail concernant les dommages, mais ceux-ci font sans doute partie de la réclamation de $10,000 pour licenciement abusif. Je ne crois pas qu'on ait porté atteinte de façon permanente à sa réputation. Cel- le-ci a été rétablie par ses neuf années de travail ininterrompu à l'Aurora Highlands Golf Club,
il a donné entière satisfaction. Il n'a pas, non plus, fait l'objet de diffamation verbale ou écrite même si son licenciement sommaire. par suite de l'insuffi- sance constatée au cours de l'inventaire et l'inter- diction subséquente de revenir à la base, même à titre de client du magasin, lui ont certainement causé quelque préjudice. Sans admettre les dom- mages punitifs ou exemplaires, la loi du Québec prévoit les dommages moraux, et le demandeur a certainement subi une grave humiliation et eu des inquiétudes relativement à la façon de subvenir aux besoins de sa famille les mois qui suivirent, pendant qu'il se cherchait un autre emploi. Je pense qu'un somme de $1,500 ne serait pas exces sive pour cela. Le jugement sera donc rendu pour un montant total de $7,475 avec frais. Le deman- deur a requis des intérêts à compter du début des procédures, mais il ne serait pas opportun d'allouer des intérêts dans les circonstances de l'espèce. Tout montant alloué en dollars de 1980 ayant il est vrai, ainsi qu'il a été souligné, une valeur bien moindre que le même montant en 1969, cela ne permet pas pour autant d'augmenter les dommages et intérêts accordés. Le demandeur lui-même et ses avocats doivent partager le blâme pour le retard excessif des procédures. Il n'incombait certainement pas à la défenderesse d'obtenir une audience plus rapide- ment. En conséquence, je ne crois pas qu'il y ait lieu d'accorder des intérêts pour la période en question. Le jugement sera donc rendu seulement pour le montant alloué avec frais et avec intérêt à compter de la date du jugement.
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