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A-277-79
Curly Posen et la Motion Picture Theatres Asso ciation of Canada (Requérants)
c.
Le ministre de la Consommation et des Corpora tions du Canada (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie, le juge suppléant Kelly—Toronto, 3 et 6 décembre 1979.
Examen judiciaire Décision de la Commission d'appel du droit d'auteur homologuant les honoraires, redevances et tan- tièmes que peuvent percevoir les sociétés participantes Les requérants demandent la révision du tarif de façon à en exclure tout droit afférent aux oeuvres musicales incorporées dans les films La Commission d'appel du droit d'auteur n'a pas compétence pour accueillir le recours La Commission a pour seule fonction de fixer les tarifs, elle n'a pas compétence pour trancher les litiges de nature contractuelle touchant la propriété des droits d'exécution Requête rejetée Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, c. C-30, art. 48, 49, 50.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
J. D. Wilson pour les requérants.
L'intimé n'était pas représenté.
J. Sexton, c.r. pour la Composers, Authors
and Publishers Association of Canada Limi
ted.
G. Hynna et R. R. Hahn pour la Performing
Rights Organization of Canada Limited.
PROCUREURS:
Lang, Michener, Cranston, Farquharson & Wright, Toronto, pour les requérants.
Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour la Composers, Authors and Publishers Associa tion of Canada Limited.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la Per forming Rights Organization of Canada Limited.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE HEALD: La présente demande, présen- tée en vertu de l'article 28, vise l'examen et l'annu- lation de la décision de la Commission d'appel du droit d'auteur datée du 10 avril 1979 par laquelle cette dernière a homologué sans modification et transmis au ministre de la Consommation et des Corporations, conformément à l'article 50(8) de la
Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, c. C-30, un état des honoraires, redevances ou tantièmes que peut percevoir l'association participante Compo sers, Authors and Publishers Association of Canada Limited (CAPAC) et également un état des honoraires, redevances ou tantièmes que peut percevoir la société participante Performing Rights Organization of Canada Limited (PROCAN) pour l'année civile 1979. De plus, les requérants demandent à la Cour d'enjoindre à la Commission de réviser chacun desdits états de façon à en exclure tout droit afférent aux oeuvres musicales incorporées aux films et de republier les états ainsi modifiés dans la Gazette du Canada conformé- ment audit article 50. Le requérant Posen possède et exploite des salles de cinéma en Ontario, tandis que la requérante Motion Picture Theatres Asso ciation of Canada (MPTA) est une corporation qui représente les intérêts des exploitants de salles de cinéma partout au Canada. Les sociétés partici- pantes CAPAC et PROCAN voient à la protec tion des droits d'exécution subsistant dans des oeuvres musicales. Les tarifs de CAPAC et de PROCAN visés en l'espèce se rapportent aux licences nécessaires à l'exécution au Canada de leurs oeuvres musicales dans les salles de cinéma. Ces tarifs s'appliquent aux exécutions ayant eu lieu en tout temps au cours de l'année, sous réserve de certaines exceptions.
Les requérants prétendent que CAPAC et PROCAN ne peuvent légalement percevoir des droits pour l'exécution de leurs oeuvres musicales lorsqu'elles sont incorporées à un long métrage (que l'on appelle parfois «cinématographe» ou «film»).
On a fait valoir longuement cet argument tant devant la Commission que devant la Cour. Dans ses motifs, la Commission traite en détail des prétentions des requérants avant de conclure à leur rejet et d'homologuer sans modification les tarifs soumis par CAPAC et PROCAN.
Puisque je suis d'avis, en l'espèce, que la Com mission n'était pas compétente pour accorder aux requérants le redressement demandé, il devient inutile pour moi de trancher la question de savoir si la Commission a erré en droit en rejetant les prétentions des requérants.
Les articles 48 50 de la Loi sur le droit
d'auteur (reproduits en annexe I) prévoient des moyens permettant de contrôler les honoraires que peuvent percevoir les sociétés de droits d'exécution pour l'octroi de licences autorisant l'exécution au Canada de leurs oeuvres musicales. Aux termes de l'article 48(1), les sociétés doivent déposer chez le ministre de la Consommation et des Corporations une liste de toutes leurs oeuvres musicales. L'arti- cle 48(2) dispose que les sociétés doivent déposer chaque année chez le Ministre un état des honorai- res qu'elles se proposent de percevoir durant cette année-là. En vertu de l'article 49, le Ministre doit faire publier ces états dans la Gazette du Canada et ensuite les déférer avec les objections reçues à la suite de cette publication, à la Commission d'appel du droit d'auteur. L'article 50 prévoit la création de la Commission d'appel du droit d'auteur. Le paragraphe (6) de l'article 50 dispose que la Com mission doit procéder à l'examen de ces états et des objections y afférentes, après avoir procuré aux sociétés intéressées l'occasion de répondre à ces objections. En vertu du paragraphe (8), la Com mission peut, lorsqu'elle a terminé son examen, apporter «aux états les modifications qui lui sem- blent opportunes»; elle doit ensuite transmettre au Ministre les états ainsi modifiés, révisés ou mainte- nus, lesquels sont alors certifiés comme étant des états homologués. Par la suite, le Ministre doit les faire publier dans la Gazette du Canada et en fournir une copie aux parties intéressées.
A mon avis, la Commission a pour seule fonc- tion de fixer les tarifs que les sociétés de droits d'exécution peuvent imposer. Elle n'a pas compé- tence pour décider des questions relatives à la propriété des droits d'exécution afférents aux oeuvres déposées chez le Ministre conformément à l'article 48(1).
La requérante MPTA prétend que l'indemnité versée par ses membres aux distributeurs de films lui donne le droit d'exécuter en public les diverses oeuvres protégées par le droit d'auteur, qui sont incorporées au film. Les sociétés participantes sou- tiennent d'autre part qu'en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, il existe un droit d'auteur distinct sur les oeuvres musicales qui n'a rien à voir avec celui couvrant l'objet matériel qui véhicule l'oeuvre musicale. Ce droit d'auteur distinct procure en outre à son titulaire le droit exclusif de confection-
ner toute empreinte, cinématographe, film ou autres organes à l'aide desquels l'oeuvre peut être exécutée ou jouée mécaniquement. A l'appui de cette prétention, les sociétés participantes invo- quent diverses dispositions de la Loi sur le droit d'auteur et elles allèguent qu'en vertu de la Loi canadienne, la synchronisation d'une œuvre musi cale ou dramatico-musicale avec un film n'enlève pas au titulaire du droit d'exécution sur l'oeuvre originale la possibilité de détenir un droit de pro- priété ou de regard sur l'exécution ou la présenta- tion en public de l'oeuvre conjointement avec le film. Il s'agit d'un argument complexe qui sou- lève des questions de droit difficiles qu'il convient d'examiner attentivement. A mon avis, il est clair que le Parlement n'a jamais voulu, en créant la Commission d'appel du droit d'auteur pour en faire un organisme de réglementation des tarifs, doter cette dernière du pouvoir de trancher les litiges de nature contractuelle qui pourraient sur- venir relativement à la propriété des droits d'exé- cution. La Commission fixe les tarifs et c'est aux sociétés qu'il incombe d'établir qu'elles ont le droit de percevoir les sommes y prévues. En cas de contestation de ce droit, les tribunaux et non la Commission sont l'instance indiquée pour la déter- mination des droits des parties respectives.
En toute déférence, je suis d'avis que la Com mission n'avait pas compétence pour examiner les questions soulevées par les requérants, puisque cel- les-ci ne portaient pas sur le quantum des tarifs. Cela met donc un terme à la présente affaire puisqu'en vertu de la Loi, la Commission n'a com- pétence que pour fixer le quantum des tarifs.
Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande présentée en vertu de l'article 28.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris.
ANNEXE I
DROITS D'EXÉCUTION
48. (1) Chaque association, société ou compagnie exerçant au Canada des opérations qui consistent à acquérir des droits d'auteur sur des oeuvres musicales ou dramatico-musicales, ou les droits d'exécution qui en dérivent, et des opérations qui
consistent à émettre ou à accorder des licences pour l'exécution, au Canada, d'oeuvres musicales ou dramatico-musicales sur lesquelles un droit d'auteur subsiste, doit périodiquement dépo- ser chez le Ministre, au Bureau du droit d'auteur, des listes de toutes les oeuvres musicales et dramatico-musicales d'exécution courante à l'égard desquelles cette association, société ou com- pagnie possède l'autorité d'émettre ou d'accorder des licences d'exécution, ou de percevoir des honoraires, des redevances ou des tantièmes pour ou concernant l'exécution de ses oeuvres au Canada.
(2) Cette association, société ou compagnie doit, le ou avant le 1°" novembre de chaque année, déposer chez le Ministre, au Bureau du droit d'auteur, des états de tous honoraires, redevan- ces ou tantièmes qu'elle se propose de percevoir, durant l'année civile suivante, en paiement des licences qu'elle émettra ou accordera pour l'exécution de ses oeuvres au Canada.
(3) Si cette association, société ou compagnie refuse ou néglige de déposer chez le Ministre, au Bureau du droit d'au- teur, l'état ou les états indiqués au paragraphe (2), aucune poursuite ou autre procédure tendant à faire appliquer un recours civil ou sommaire contre la violation d'un droit d'exécu- tion subsistant dans une oeuvre dramatico-musicale ou musi cale, réclamé par cette association, société ou compagnie, ne doit être intentée ou continuée à moins que le Ministre n'y consente par écrit.
49. (1) Aussitôt que possible après la réception des états exigés par le paragraphe 48(2), le Ministre doit faire publier ces états dans la Gazette du Canada et donner avis que quiconque objecte aux taux proposés dans ces états doit déposer ses objections par écrit chez le Ministre, au Bureau du droit d'auteur, à la date ou avant la date déterminée dans l'avis, cette date devant être d'au moins vingt et un jours postérieure à la date de la publication d'un pareil avis dans la Gazette du Canada.
(2) Aussitôt que la chose est possible après la date détermi- née dans l'avis mentionné au paragraphe (1), le Ministre défère à une commission appelée «Commission d'appel du droit d'au- teur» les états avec les objections qu'il a reçues en réponse audit avis.
50. (1) La Commission d'appel du droit d'auteur se com pose de trois membres, nommés par le gouverneur en conseil.
(2) L'un des membres de la Commission d'appel du droit d'auteur est une personne qui occupe ou qui a occupé une haute charge judiciaire, et qui est le président de la Commission. Les deux autres membres de la Commission sont choisis dans la fonction publique du Canada.
(3) Aucun salaire ou émolument de quelque nature que ce soit n'est payable à un membre de la Commission, ni reçu par lui, relativement aux services rendus à ce titre; les membres de la Commission reçoivent toutefois des allocations pour couvrir leurs frais de déplacement et de subsistance réellement occa- sionnés par les affaires de la Commission.
(4) Sous réserve de la présente loi, la Commission d'appel du droit d'auteur peut établir des règles et des prescriptions concernant
a) les séances de la Commission;
b) la procédure à suivre pour traiter les affaires et questions à elle soumises; et
c) d'une façon générale, l'exécution des travaux de la Com mission et sa régie interne.
(5) La Commission d'appel du droit d'auteur peut appeler, pour l'aider à titre de conseiller, toute personne possédant des connaissances techniques ou spéciales dans les affaires soumises à la Commission, et elle peut verser à cette personne les honoraires ou autre rémunération, ainsi que les frais réels de déplacement et de subsistance que le Ministre peut approuver.
(6) Aussitôt que possible après que le Ministre a déféré à la Commission d'appel du droit d'auteur les états des honoraires, redevances ou tantièmes à percevoir, ainsi que les objections, s'il en est, qu'il a reçues contre ces états, la Commission procède à l'examen des états et des objections, s'il en est, et peut elle-même, sans qu'aucune objection n'ait été présentée, s'arrêter aux points qui, à son avis, donnent lieu à objections. A l'égard de chaque objection, la Commission doit aviser l'asso- ciation, société ou compagnie intéressée de la nature de l'objec- tion soulevée, et lui procurer l'occasion d'y répondre.
(7) En ce qui concerne les exécutions publiques au moyen d'un appareil radiophonique récepteur ou d'un phonographe, en tout endroit autre qu'un théâtre servant ordinairement et régu- lièrement de lieu d'amusement est exigé un prix d'entrée, aucun honoraire, aucune redevance ni aucun tantième n'est exigible du propriétaire ou usager de l'appareil radiophonique récepteur ou du phonographe; mais la Commission d'appel du droit d'auteur doit, autant que possible, pourvoir à la perception anticipée, des radio-postes émetteurs ou des fabricants de pho- nographes, suivant le cas, des honoraires, redevances ou tantiè- mes appropriés aux nouvelles conditions nées des dispositions du présent paragraphe, et elle doit en déterminer le montant. En ce faisant, la Commission doit tenir compte de tous frais de recouvrement et autres déboursés, s'il en est, épargnés ou pouvant être épargnés par le détenteur concerné du droit d'auteur ou du droit d'exécution, ou par ses mandataires, ou pour eux ou en leur faveur, en conséquence du présent paragraphe.
(8) Lorsqu'elle a terminé son examen, la Commission d'ap- pel du droit d'auteur apporte aux états les modifications qui lui semblent opportunes, puis elle transmet au Ministre les états ainsi modifiés, revisés ou maintenus, lesquels sont certifiés comme étant des états homologués. Aussitôt que possible après la réception de ces états ainsi homologués, le Ministre les fait publier dans la Gazette du Canada et en fournit une copie à l'association, société ou compagnie intéressée.
(9) Les états des honoraires, redevances ou tantièmes ainsi certifiés comme homologués par la Commission d'appel du droit d'auteur sont les honoraires, redevances ou tantièmes que l'association, société ou compagnie intéressée peut respective- ment réclamer ou percevoir légalement en paiement des licen ces qu'elle a émises ou accordées pour l'exécution de toutes ses oeuvres au Canada, ou de l'une quelconque d'entre elles, durant l'année civile suivante et à l'égard desquelles les états ont été déposés comme il est susdit.
(10) Aucune pareille association, société ou compagnie n'a le droit de poursuivre ou de demander l'application d'un recours civil ou sommaire contre la violation d'un droit d'exécution subsistant dans une œuvre dramatico-musicale ou musicale, réclamé par cette association, société ou compagnie contre quiconque a payé ou offert de lui payer les honoraires, redevan- ces ou tantièmes homologués comme il est susdit.
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