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A-407-79
Canadian Pacific Limited (Appelante) C.
La Commission canadienne des transports (Inti- mée)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Heald et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 25, 26 mars et 10 avril 1980.
Chemins defer Appel formé contre la décision du Comité des transports par chemin defer qui a ordonné à l'appelante de déposer de nouveau les demandes de subventions portant, pour la période allant de 1970 à /974 inclusivement, sur un embranchement non rentable, classé embranchement à ne pas abandonner Les subventions relatives aux années en cause ont été déjà versées par le ministre des Finances Il échet d'examiner si la Commission est habilitée par l'art. 258(2) de la Loi sur les chemins de fer ou autrement, à ordonner à l'appelante de déposer de nouveau ses demandes de subven- tions Appel accueilli Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, modifiée, art. 21, 24(1),(3), 45(3), 49, 63, 64(2) Loi sur les chemins defer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 252a),b), 256, 258(1 )a),b),(2), 261(6), 413(5) Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, c. 234, art. 52.
Appel fondé sur le paragraphe 64(2) de la Loi nationale sur les transports contre la décision du Comité des transports par chemin de fer (C.T.C.F.) de la Commission canadienne des transports, qui a ordonné à l'appelante de déposer de nouveau les demandes de subventions à l'égard de pertes réelles imputa- bles aux embranchements non rentables, et ce pour toutes les années faisant l'objet d'une demande de subvention peu importe que la subvention ait été versée ou non. Le tronçon en cause du réseau ferroviaire de l'appelante a été désigné embranchement à ne pas abandonner conformément à l'alinéa 258(1 )a) de la Loi sur les chemins de fer. L'appelante a demandé, et s'est fait payer par le Ministre, des subventions pour les années 1970 à 1974 inclusivement, mais a retiré ses demandes pour les années 1975 à 1977 inclusivement. Il échet d'examiner si la Commis sion est habilitée par le paragraphe 258(2) de la Loi sur les chemins defer ou par tout autre texte à ordonner à l'appelante à déposer des demandes de nouveau.
Arrêt: l'appel est accueilli. Le C.T.C.F. n'avait nullement compétence pour obliger l'appelante à déposer ses demandes de nouveau.
Le juge en chef Thurlow: La première détermination de la »perte réelle» subie par l'appelante, détermination que la Com mission avait faite en vertu du paragraphe 258(2) de la Loi sur les chemins defer, est bien une ordonnance ou décision au sens de l'article 63 de la Loi nationale sur les transports et que de par cet article, la Commission est habilitée à réviser, rescinder, changer ou modifier. Ce qu'elle demande à l'appelante en l'espèce, c'est de déposer encore une fois une demande révisée relative aux pertes à l'égard desquelles des subventions ont été déjà réclamées, calculées et payées. Aucun texte ou règle ne permet à la Commission d'obliger une compagnie de chemin de fer à faire contre son gré une demande fondée sur le paragra- phe 258(2) de la Loi sur les chemins de fer. Pour la même
raison, cette Compagnie ne peut pas être contrainte de déposer une nouvelle demande ou une demande différente. Qui plus est, ce qui peut être soumis au contrôle ou à la modification prévus à l'article 63, ce n'est pas une nouvelle demande ou une demande différente.
Le juge Heald: Sous le régime de l'article 258(2), la Com mission remplit une fonction double très limitée. Il lui incombe, en premier lieu, de déterminer la perte réelle subie par la compagnie ferroviaire au cours de l'exercice financier visé par la réclamation et ensuite de formuler à ce sujet une recomman- dation au ministre des Finances. Dans la décision entreprise, elle ordonne à l'appelante de déposer à nouveau ses demandes pour la période allant de 1970 1974. Il n'y a dans l'article 258 ni dans aucune autre disposition de la Loi sur les chemins de fer ou de la Loi nationale sur les transports aucune base sur laquelle fonder une telle ordonnance. Le pouvoir que la Com mission tient de l'article 63 de la Loi nationale sur les trans ports pour réviser, rescinder, changer ou modifier ses ordonnan- ces ou décisions doit sûrement se limiter aux ordonnances qu'elle est habilitée à rendre.
Le juge suppléant Kerr dissident: Il ne faut pas conclure que le pouvoir de révision que l'article 63 de la Loi nationale sur les transports confère à la Commission ne s'applique pas à ses déterminations antérieures de pertes subies dans l'exploitation
de la subdivision Estevan pendant les années 1970 1974. Selon l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer, la Commis sion a pour obligation de déterminer la perte réelle et de faire à cet égard une recommandation au ministre des Finances. Si, par la suite, il lui semble que le montant de la perte déterminée est trop faible ou trop élevé, l'article 63 l'habilite à revoir la question et à procéder à une nouvelle détermination de la perte. Ni la Loi sur les chemins de fer ni la Loi nationale sur les transports n'indique la méthode ou la procédure que la Com mission doit suivre pour s'acquitter de son obligation de déter- miner les pertes réelles, pas plus que la procédure qu'elle doit suivre pour réviser une détermination antérieure. Il vaut mieux laisser à la Commission le soin de déterminer le gros de ses méthodes et de sa procédure, à la lumière de son jugement, de son expérience et de son expertise. Le Comité a eu raison de conclure qu'il lui fallait réviser sa détermination des pertes subies par Canadian Pacific dans l'exploitation de la subdivi sion Estevan pendant les années 1970 1974, et qu'à cette fin, un nouveau dépôt des demandes était indiqué.
Arrêt mentionné: Toronto Transportation Commission c. Canadian National Railways [1930] R.C.S. 94, confirmé sous l'intitulé de cause Canadian Pacific Railway Co. c. Toronto Transportation Commission [1930] A.C. (C.P.) 686.
APPEL. AVOCATS:
H. Christian Wendlandt et Terrence Moloney
pour l'appelante.
Henry L. Molot pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le service du contentieux de Canadian Pacif ic Limited, Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit en l'es- pèce d'un appel fondé sur le paragraphe 64(2) de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, dans sa forme modifiée, contre la décision rendue le 22 janvier 1979 par le Comité des trans ports par chemin de fer de la Commission cana- dienne des transports. Cette décision porte sur plusieurs demandes de subventions faites par l'ap- pelante et deux autres compagnies ferroviaires conformément aux articles 256 et 258 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, à la suite de pertes tenant à l'exploitation d'embran- chements non rentables. Certaines de ces deman- des ont été rejetées; d'autres sont en cours d'ins- truction par la Commission. Dans l'ensemble la décision attaquée vise à poser les principes sur lesquels la Commission se basera pour instruire ces demandes. A cette fin, le Comité a isolé et discuté trois questions majeures: la distinction entre ligne principale et embranchement, la division de lignes en tronçons, le trafic de transport intermédiaire. Le présent appel ne porte que sur la question de la «division de lignes en tronçons», notamment sur la partie de la décision qui traite des demandes de subventions fondées par l'appelante sur l'article 258 l'égard des pertes subies dans l'exploitation du tronçon Bienfait-Kemnay de l'embranchement Estevan pendant les exercices financiers 1970 à 1974 inclusivement. Ces demandes qui s'élèvent au total à 2.5 millions de dollars, diffèrent des autres en ce que la Commission les a approuvées, que les subventions ont été versées et que l'appelante n'a pas demandé qu'elles soient recalculées sur une nouvelle base ni ne s'est proposée de déposer de nouvelles demandes. Elle ne fait que contester la compétence du Comité des transports par chemin de fer pour instruire ces demandes comme il l'a fait.
La décision du Comité relative à la division de lignes en tronçons est la suivante:
Le Comité a prononcé le rejet de toutes les demandes relatives à des lignes qui ont été identifiées comme cas de division de lignes en tronçons, dans l'attente que la question soit résolue. Le Tableau III donne une liste des lignes ainsi identi fiées à ce jour et du montant des demandes rejetées pour chacune d'elles.
Un montant d'environ 25 millions de dollars de demandes rejetées est lié à la question de la division de lignes en tronçons. Cependant, ce chiffre ne reflète pas entièrement l'importance financière de la question. Des paiements de subventions au titre de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer ont été effectués pour la subdivision Estevan de Canadien Pacifique
Limitée pour les exercices 1970 1974 inclusivement. Cette ligne a été identifiée ultérieurement comme constituant un cas de division en tronçons et les demandes ultérieures ont été rejetées en totalité. Les dispositions définitives relatives à ces paiements passés, dont le montant s'élève à 2,5 millions de dollars approximativement, font l'objet de la présente décision.
Le Tableau III est intitulé:
Demandes présentées en vertu de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer, et rejetées en raison du problème de la division de lignes en tronçons, jusqu'à 1976 inclusivement
(millions de dollars)
et comprend cette inscription:
MONTANT DE LA
CHEMIN DE FER SUBDIVISION DEMANDE REJETÉE
CP Estevanl') 3.32
ainsi que cette note:
(1) Toutes les demandes ont été retirées de 1975 ce jour et il n'en sera plus présenté à l'avenir.
Les compagnies ferroviaires proposaient que «toute la série de demandes soumises par les compagnies de chemin de fer doit être déposée de façon que toutes les lignes ferroviaires qui n'auront pas fait l'objet de demandes constituent un réseau de lignes ferroviaires reliées entre elles.» Cela semble- rait signifier qu'un tronçon ne faisant pas l'objet d'une demande ne doit pas être effectivement isolé du reste du réseau ferroviaire. «Effectivement isolé» signifie que l'aban- don de la ligne faisant l'objet d'une demande ou d'un seg ment de cette ligné aurait l'un des effets suivants:
—Le trafic en provenance d'une ligne ou d'un tronçon de ligne ne faisant pas l'objet d'une demande n'aurait pas accès au reste du réseau ferroviaire.
—Le trafic en provenance d'une ligne ou d'un tronçon de ligne ne faisant pas l'objet d'une demande devrait être réacheminé en faisant un détour raisonnable pour atteindre sa destination.
Ce principe s'appliquerait aux demandes en suspens et constituerait une directive pour traiter les demandes qui seraient soumises à l'avenir. Un certain nombre de demandes en suspens pourraient être retirées, aucune perte économique n'ayant pu être attribuée aux lignes auxquelles elles se rapportent. D'autres réclamations pourraient être déposées rétrospectivement si une base existait encore pour un paie- ment en vertu de l'article 256 ou de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer.
Subséquemment à la proposition des compagnies de che- mins de fer reprise ci-dessus, Canadien Pacifique Limitée a retiré ses demandes relatives à la subdivision Estevan pour les exercices 1975, 1976 et 1977; il s'agissait de demandes qui
avaient été rejetées à cause du problème de la division de lignes en tronçons. Canadien Pacifique n'a pas proposé de déposer à nouveau les demandes relatives à la subdivision Estevan pour les exercices antérieurs à 1975. Il semble donc qu'un cas spécial est invoqué pour la subdivision Estevan et que le principe proposé pour résoudre la question de la division de lignes en tronçons ne devrait pas être appliqué dans un cas des paiements ont été effectués.
Sur la base des différentes soumissions et interprétations présentées au Comité et à la suite de l'examen approfondi de l'aspect légal repris ci-dessus, il est décidé par les présentes que, exception faite des paiements effectués précédemment pour la subdivision Estevan, les compagnies ferroviaires peu- vent déposer des demandes de subventions pour des tronçons d'embranchements pourvu qu'un tronçon ne faisant pas l'ob- jet d'une demande ne soit pas isolé effectivement du reste du réseau au cas le tronçon faisant l'objet de la demande serait abandonné.
Le Comité estime que si l'abandon d'une partie d'embran- chement doit aboutir en fait à l'abandon d'une autre partie de cet embranchement, le bon sens dicte que la demande d'abandon soit étudiée en ce qui a trait aux deux parties. En établissant ce principe, nous ne faisons rien de plus qu'assu- rer l'application de la Lo; sur les chemins de fer qui interdit l'abandon de l'exploitation d'un embranchement ou d'une partie d'embranchement sans l'approbation préalable du Comité.
Afin qu'il soit statué définitivement sur les réclamations passées, les compagnies de chemins de fer devront déposer à nouveau toutes les demandes relatives à des, lignes pour lesquelles existent actuellement des problèmes de division en tronçons. De plus, lorsque cette question se posera à propos de futures demandes de subventions relatives à des embran- chements, chaque ligne fera l'objet d'une évaluation indivi- duelle et tous les facteurs qui entrent en jeu pour statuer sur chaque cas seront examinés.
Les demandes relatives à la subdivision Estevan de CP devront être déposées à nouveau pour tous les exercices qui ont fait l'objet d'une demande, indépendamment du fait que des paiements aient été effectués ou non. Aucun argument convaincant qui justifierait que l'on traite cette ligne diffé- remment de tout autre cas de division en tronçons n'a été présenté au Comité, et Canadien Pacifique Limitée n'a pas présenté d'argument décisif qui justifierait que les réclama- tions afférentes à des exercices antérieurs à 1975 soient autrement traitées que celles qui se rapportent à 1975 et à des exercices ultérieurs. Le Comité doit donc rejeter la proposition de Canadien Pacifique Limitée visant à ce qu'on lui permette de conserver toutes les sommes qui lui ont été payées à ce jour pour cette subdivision.
L'article 258 de la Loi sur les chemins de fer porte:
258. (1) Nonobstant toute disposition des articles 252 à 257, le gouverneur en conseil peut, de temps à autre, par décret,
a) désigner les embranchements qui ne doivent pas être abandonnés durant les périodes que le gouverneur en conseil peut prescrire; et
b) désigner des régions dans lesquelles il ne doit pas être abandonné d'embranchements durant les périodes que le gouverneur en conseil peut prescrire;
et les embranchements ainsi désignés ou situés dans des régions ainsi désignées ne doivent être l'objet d'aucune approbation d'abandon durant les périodes prescrites, et il ne doit être adressé à la Commission aucune demande d'abandon d'une telle ligne durant la période prescrite.
(2) Lorsqu'un embranchement ou un tronçon de celui-ci est exploité à perte réelle après le 22 mars 1967 et que la compa- gnie qui exploite cette ligne ou ce tronçon ne peut faire une demande d'abandon en vertu de l'article 253 par suite d'un décret pris en vertu du paragraphe (1), la compagnie peut faire une demande de dédommagement de cette perte et le ministre des Finances, sur la recommandation de la Commission et en conformité des règlements que le gouverneur en conseil peut établir à ce sujet, peut faire verser à la compagnie, sur le Fonds du revenu consolidé, un montant n'excédant pas celui de la perte réelle de la compagnie, déterminé par la Commission, qui est attribuable à l'exploitation de cette ligne ou de ce tronçon pour l'année financière ou la partie d'année financière de la compagnie pour laquelle le dédommagement de la perte réelle est réclamé.
Il est constant que la subdivision Estevan du réseau ferroviaire de l'appelante a fait l'objet d'un décret pris en application du paragraphe 258(1) et que le gouverneur en conseil n'a promulgué aucun règlement en application du paragraphe 258(2).
Ce dernier paragraphe habilite la Commission à déterminer «la perte réelle de la compagnie». En l'absence de règles de procédure régissant la pré- sentation des demandes, je pense qu'une compa- gnie ferroviaire peut se prévaloir de ce paragraphe pour demander à la Commission de procéder à cette détermination et de soumettre la recomman- dation appropriée au ministre des Finances, lors même que la même demande aurait été adressée directement au Ministre. En l'espèce, le dossier n'indique pas quelle procédure a été suivie, mais il en ressort que les subventions relatives à l'exploita- tion de la subdivision Estevan pendant les années 1970 1974 inclusivement ont été versées. Il faut donc présumer qu'à un moment donné, la. Commis sion a déterminé «la perte réelle de la compagnie» qui faisait l'objet des demandes de subventions.
Je doute que la décision du Comité relative à la subdivision Estevan soit une décision ou ordon- nance au sens du paragraphe 64(2) de la Loi nationale sur les transports et, de ce fait, suscepti ble d'appel, puisqu'elle n'est pas une ordonnance formelle de la Commission et ne vise pas à déter- miner «la perte réelle de la compagnie», sur laquelle étaient fondées les demandes de subven-
tions. Il appert cependant qu'elle vise à arrêter la méthode à suivre pour procéder à un nouveau calcul des subventions demandées par l'appelante en application du paragraphe 258(2) et à l'égard de la subdivision Estevan pour toutes les années en cause dont les années antérieures à 1975, et à obliger l'appelante à déposer de nouvelles deman- des pour les subventions, lesquelles avaient été déjà approuvées et payées à l'égard des années anté- rieures à 1975. Dans la mesure cette détermina- tion s'applique aux demandes portant sur les
années 1975 1977 inclusivement, il ne se pose aucun problème. Les compagnies ferroviaires ont proposé à leur égard une base de calcul et un nouveau dépôt des demandes. Par ailleurs, l'appe- lante a subséquemment retiré ses demandes. Mais, pour ce qui est des années antérieures à 1975, l'appelante n'a pas fait cette proposition et elle se trouve maintenant en proie à une directive du Comité qu'elle ne peut ignorer, que cette directive soit consacrée ou non par une ordonnance for- melle. Le mémoire déposé au nom du procureur général du Canada ne fait pas valoir que cette décision n'est pas une décision ou ordonnance sus ceptible d'appel en vertu du paragraphe 64(2) et je ne crois pas que l'avocat de l'intimée ait soutenu ce point à l'audition de l'appel. Je me propose donc d'entendre cet appel en considérant que la partie de la décision requérant l'appelante de déposer de nouvelles demandes pour les années antérieures à 1975, est susceptible d'appel.
A mon avis, la première détermination de la «perte réelle» subie par l'appelante dans l'exploita- tion du tronçon Bienfait-Kemnay de sa subdivision Estevan pendant les années en question, détermi- nation que la Commission a faite en vertu du paragraphe 258(2) de la Loi sur les chemins de fer, est bien une ordonnance ou décision au sens de l'article 63 de la Loi nationale sur les transports.' Je préfère y voir une décision plutôt qu'une ordon- nance, mais la différence n'est pas importante. Ce qui importe, c'est qu'il s'agit d'une ordonnance ou décision que de par cet article, la Commission est habilitée à réviser, rescinder, changer ou modifier. En outre, si elle est habilitée à déterminer la perte
63. La Commission peut reviser, rescinder, changer ou modifier ses ordonnances ou décisions, ou peut entendre à nouveau une demande qui lui est faite, avant de rendre sa décision.
réelle à la demande de l'appelante, elle est aussi habilitée par l'article 48 de la Loi nationale sur les transports 2 à prendre l'initiative de contrôler le bien-fondé de cette demande, et à l'instruire, à l'entendre et à la juger de son propre chef. Dans l'exercice de cette compétence, je pense qu'elle est parfaitement habilitée par le paragraphe 45(3) de la Loi nationale sur les transports' à obliger l'ap- pelante à faire la preuve des faits qui se rapportent à la question à trancher. Je ne vois aucune raison de douter que la Commission puisse aussi enjoin- dre à l'appelante de fournir les détails qu'elle estime nécessaires pour décider s'il y a lieu de modifier la première détermination.
Il ne me semble pourtant pas que ce soit ce qu'elle exige de l'appelante. Ce qu'elle lui demande, c'est de déposer encore une fois, nunc pro tune, une demande révisée relative aux pertes à l'égard desquelles des subventions ont été déjà réclamées, calculées et payées. Ce faisant, elle oblige l'appelante à faire valoir une demande que celle-ci ne choisit pas de faire valoir et qui, si elle était reconnue, porterait sur une obligation qui, à ses yeux, a déjà été remplie et qui, pour valoir quoi que ce soit, devra être calculée sur une nouvelle base, différente de la ou des demandes antérieures.
Je ne vois ni texte ni règle qui permette à la Commission d'obliger une compagnie de chemin de fer à faire contre son gré une demande fondée sur le paragraphe 258(2). Le droit de réclamer des subventions lui appartient en propre; elle est libre de l'exercer ou non. Pour la même raison, j'estime que la Compagnie ne peut pas être contrainte de déposer une nouvelle demande ou une demande différente. Ni l'article 48 ni l'article 63 n'autorise
2 48. La Commission peut, de son propre mouvement, ou doit, à la demande du Ministre, instruire, entendre et juger toute affaire ou question qu'elle peut, en vertu de la présente Partie ou de la Loi sur les chemins de fer, instruire, entendre et juger sur une demande ou sur une plainte, et, à cet égard, elle a les mêmes pouvoirs que la présente loi lui confère pour statuer sur une demande ou sur une plainte.
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(3) Relativement à la présence et à l'examen des témoins, à la production et à l'étude des documents, à la mise à exécution de ses ordonnances, à la descente sur les lieux et à l'inspection des biens, aussi bien qu'en toutes autres matières nécessaires ou propres à l'exercice régulier de sa juridiction, la Commission possède tous les pouvoirs, droits et privilèges d'une cour supérieure.
une ordonnance en ce sens. Qui plus est, ce qui peut être soumis au contrôle ou à la modification prévus à l'article 63, ce n'est pas une nouvelle demande ou une demande différente, mais une ordonnance ou décision antérieure de la Commis sion.
Quand une demande est déposée, la Commission peut sans aucun doute exercer à son sujet les pouvoirs qu'elle tient de la loi et ce faisant, exiger toutes les informations dont elle a besoin pour remplir ses fonctions. Une fois ces informations reçues, elle peut instruire la demande de la manière qu'elle juge appropriée et l'article 63 l'au- torise ensuite à réviser, changer ou modifier sa décision. Mais ce serait une toute autre affaire que d'exiger d'un requérant qu'il fasse valoir, à l'un ou l'autre de ces deux stades, une nouvelle demande ou une demande différente en remplacement de celle qu'il a déposée (et à laquelle il peut préférer s'en tenir en cas d'appel de la décision de la Commission) lorsqu'il n'a ni accepté ni proposé, comme c'était le cas pour les autres demandes relatives à la division en tronçons, d'adopter une nouvelle base de calcul ni de déposer à nouveau ses demandes.
A mon avis, l'appel peut être tranché par les motifs précédents. Quant à l'autre question soule- vée par l'appelante, savoir [TRADUCTION] «si la Commission canadienne des transports a commis une erreur sur une question de droit ou de compé- tence lorsqu'elle a jugé dans la décision susmen- tionnée que l'appelante doit rembourser les sommes qu'elle a légalement reçues dans les cir- constances rapportées ...n, elle ne découle pas du rejet de la proposition de l'appelante par la Com mission ou d'une conclusion quelconque de la déci- sion. Il n'y a eu ni ordonnance de remboursement ni modification de la première détermination en application de l'article 63.
J'informerais la Commission que de l'avis de la Cour, le Comité des transports par chemin de fer n'avait pas compétence pour obliger l'appelante à déposer de nouvelles demandes de subventions au titre du paragraphe 258(2) de la Loi sur les che- mins de fer pour les pertes subies dans l'exploita- tion du tronçon Bienfait-Kemnay de sa subdivision Estevan pendant les années 1970 1974 inclusive- ment et que l'appelante ne peut y être contrainte par la Commission.
Vu la Règle 1312, la Cour ne se prononce pas sur les dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit en l'espèce de l'appel sur des questions de droit ou de compétence, formé conformément à l'article 64(2) de la Loi nationale sur les transports et avec l'autorisation de la Cour, contre la décision en date du 22 janvier 1979 du Comité des transports par chemin de fer (C.T.C.F.).
Voici un résumé des faits de la cause, tels que le C.T.C.F. en a été saisi. La subdivision Estevan (Saskatchewan) du réseau ferroviaire de l'appe- lante fut désignée par le gouverneur en conseil comme embranchement qui ne doit pas être aban- donné, conformément à l'article 258(1)a) de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2. 4
L'appelante s'est fondée sur l'article 258(2) de cette Loi pour réclamer pour les années de 1970 à
L'article 258 se lit comme suit:
258. (1) Nonobstant toute disposition des articles 252 à 257, le gouverneur en conseil peut, de temps à autre, par décret,
a) désigner les embranchements qui ne doivent pas être abandonnés durant les périodes que le gouverneur en con- seil peut prescrire; et
b) désigner des régions dans lesquelles il ne doit pas être abandonné d'embranchements durant les périodes que le gouverneur en conseil peut prescrire;
et les embranchements ainsi désignés ou situés dans des régions ainsi désignées ne doivent être l'objet d'aucune approbation d'abandon durant les périodes prescrites, et il ne doit être adressé à la Commission aucune demande d'aban- don d'une telle ligne durant la période prescrite.
(2) Lorsqu'un embranchement ou un tronçon de celui-ci est exploité à perte réelle après le 22 mars 1967 et que la compagnie qui exploite cette ligne ou ce tronçon ne peut faire une demande d'abandon en vertu de l'article 253 par suite d'un décret pris en vertu du paragraphe (1), la compagnie peut faire une demande de dédommagement de cette perte et le ministre des Finances, sur la recommandation de la Com mission et en conformité des règlements que le gouverneur en conseil peut établir à ce sujet, peut faire verser à la compa- gnie, sur le Fonds du revenu consolidé, un montant n'excé- dant pas celui de la perte réelle de la compagnie, déterminé par la Commission, qui est attribuable à l'exploitation de cette ligne ou de ce tronçon pour l'année financière ou la partie d'année financière de la compagnie pour laquelle le dédommagement de la perte réelle est réclamé.
1974 inclusivement, l'indemnisation des pertes réelles imputables à l'exploitation du trajet Bien- fait (Saskatchewan)-Kemnay (Manitoba) de sa subdivision Estevan, lequel trajet est, à son avis, un tronçon d'embranchement ferroviaire au sens de cet article 258(2). Par application de l'article 258(2), le ministre des Finances a payé à l'appe- lante quelque 2.5 millions de dollars au titre du trajet Bienfait-Kemnay de la subdivision Estevan, pour les années 1970 1974 inclusivement.
Par lettre en date du 30 mai 1978 au C.T.C.F., l'appelante a retiré ses demandes relatives aux pertes réelles qu'elle a subies dans l'exploitation de cette partie de la subdivision Estevan pendant les années 1975 1977 inclusivement.
Dès l'été de 1975, la Commission intimée a remis en question la méthode utilisée par l'appe- lante (ainsi que par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et par Northern Alberta Railways) pour demander des subventions pour les embranchements «bloqués» par décret conformé- ment à l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer. En octobre 1975, l'appelante a demandé à la Commission de «reconsidérer ce point litigieux».
Si l'on en juge par le dossier produit devant la Cour 5 , le deuxième événement par ordre d'impor- tance fut la demande que l'appelante a adressée au C.T.C.F. au début de l'été de 1977, pour lui demander d'accélérer l'instruction de celle qu'elle avait présentée en vertu de l'article 258 pour le tronçon Bienfait-Kemnay de sa subdivision Este- van. Le C.T.C.F. y a répondu par une lettre en date du 22 juillet 1977, dont voici le passage qui nous intéresse:
[TRADUCTION] En analysant votre demande finale à l'égard de cette ligne, nous notons pour la première fois que la partie rentable de la subdivision Estevan, au-delà de Bienfait, a été exclue des calculs parce que vous avez tronçonné la ligne de telle sorte que le point d'origine n'était pas inclus dans le tronçon visé par la demande. En outre, vos documents de travail sont incomplets car ils n'indiquent pas l'acheminement réel de ce trafic; nous en avons présumé qu'il était acheminé par la ligne principale via la subdivision Portal, alors que d'après les dernières indications, il passe en fait par la subdivi sion Estevan.
5 A l'audition de l'appel, il appert que le dossier ne contenait ni toute la correspondance ni tous les procès-verbaux des réunions et des discussions entre les parties.
Certains cas analogues de division d'embranchements en tronçons ont été identifiés et le paiement des subventions demandées est suspendu jusqu'à ce que le CTCF prenne une décision sur la méthode à appliquer dans ces cas. Vous en serez informé en temps voulu.
Par lettre en date du 7 septembre 1977, le C.T.C.F. a envoyé à l'appelante un long document compilé par ses services et intitulé «Détermination des subventions—points de droit». Il y propose aussi certaines modalités d'instruction des ques tions en litige, notamment l'audition des observa tions formulées par l'appelante et par les autres compagnies ferroviaires intéressées. Le 13 octobre 1977, l'appelante y a répondu par un «exposé de principe» sur ce document du C.T.C.F.
Par la suite, les dirigeants de l'appelante et du C.T.C.F. ont tenu entre le 14 octobre 1977 et le 20 janvier 1978 plusieurs réunions, afin de discuter les points litigieux, dont la «division de lignes en tron- çons». Le 26 janvier 1978, l'appelante a envoyé au C.T.C.F. un télex résumant sa position sur la méthode envisagée d'instruction des demandes de subventions pour les embranchements. Voici le passage relatif à la subdivision Estevan:
[TRADUCTION] C.P. Rail ne déposera pas de demande pour cette subdivision à compter de 1978, avant que le statut de cette ligne ne soit déterminé avec le C.T.C.F. Les demandes relatives aux années de 1970 1977 sont maintenues.
Le 7 mars 1978, le C.T.C.F. a répondu à ce télex par une lettre il faisait remarquer qu'à son avis, l'attitude de l'appelante était contradictoire sur trois points, dont la subdivision Estevan, comme suit:
[TRADUCTION] Vu les discussions qu'il a eues avec CP au sujet de la subdivision Estevan, le Comité estime que cette question a été résolue. Veuillez faire savoir pourquoi cette ligne particu- lière doit recevoir un traitement différent de celui que vous proposez pour les autres lignes «divisées en tronçons».
La lettre se termine par les paragraphes suivants:
[TRADUCTION] Selon l'analyse faite par notre personnel de vos dernières positions, nous sommes tout près de parvenir à un accord, à l'exception des trois points susmentionnés. Le Comité vous recommande de revoir votre position sur ces lignes en vue d'une réunion nos positions respectives pourront être clari-
fiées une fois pour toutes.
Je me mettrai en rapport avec vous dans les prochains jours pour connaître votre point de vue et pour fixer, si nécessaire, la date d'une réunion dans les meilleurs délais.
Venait ensuite, toujours selon le dossier, la lettre précitée que l'appelante a adressée le 30 mai 1978 au C.T.C.F. pour retirer ses demandes de subven- tions pour les pertes réelles subies dans l'exploita- tion de la subdivision Estevan pendant les années 1975 1977 inclusivement. La voici:
[TRADUCTION] M. Frank Wallace, de notre compagnie, a eu récemment une discussion avec M. A. Johanson, du C.T.C.F., sur la position de C.P. Rail au sujet de ses demandes antérieu- res d'indemnité pour sa subdivision Estevan.
Afin que la question soit clarifiée une fois pour toutes, notre Compagnie par la présente retire les demandes qu'elle a faites en application de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer à l'égard de sa subdivision Estevan et pour les années 1975, 1976 et 1977, lesquelles demandes portent sur les montants suivants:
1975 $1,196,956
1976 $1,400,413
1977 $1,304,628
Cet obstacle surmonté, plus rien ne doit s'opposer au règle- ment des subventions et des points litigieux connexes, qui ont fait l'objet des discussions que nous avons eues avec le C.T.C.F. l'automne dernier, au moins en ce qui concerne C.P. Rail. Je vous serais obligé de me donner confirmation par retour du courrier.
Le 9 juin 1978, le C.T.C.F. a répondu à l'appe- lante par cette lettre:
[TRADUCTION] J'accuse réception de votre lettre du 30 mai 1978, par laquelle vous avez retiré les demandes de subventions que Canadian Pacific avait présentées en vertu de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer pour sa subdivision Estevan, à l'égard des années 1975, 1976 et 1977.
Puisque vous ne faisiez pas état des demandes relatives à la subdivision Estevan pour l'année 1974 et les années antérieures, nous présumons que vous les maintenez telles quelles et que vous escomptez les paiements sans tenir compte du trafic «divisé en tronçons», ce qui est contraire à la méthode proposée par les compagnies pour toutes les autres lignes «divisées en tronçons», et conformément à laquelle vous avez accepté de déposer à nouveau toutes les demandes, afin que les tronçons y soient inclus.
Les décisions du Comité sont imminentes à l'égard des trois questions ligne principale/embranchement, transport intermé- diaire et division de lignes en tronçons. Vous en serez informé sous peu.
Le dossier que nous avons devant nous ne fournit aucun autre renseignement sur les réunions, dis-
cussions ou correspondance ultérieures sur les points litigieux en l'espèce.
Vient ensuite la «décision» du C.T.C.F. en date du 22 janvier 1979 (Dossier d'appel, pp. 67 99 incl.) qui porte sur les trois questions suivantes:
a) la distinction entre ligne principale et embranchement;
b) la division de lignes en tronçons; et
c) le trafic de transport intermédiaire.
Voici, selon le C.T.C.F., l'objet de cette «décision» (Dossier d'appel, p. 68):
La publication de la présente décision, qui résout ces questions, permettra de statuer sur les demandes de subventions précé- demment contestées et fournira aux compagnies ferroviaires des directives à suivre lorsqu'elles établiront leurs demandes à l'avenir.
Cet appel ne porte que sur une partie de la «déci- sion», celle qui traite de la division de lignes en tronçons (Dossier d'appel, pp. 84 91 incl.). Après avoir souligné qu'il a rejeté toutes les demandes pendantes à l'égard de la division de lignes en tronçons, le Comité a déclaré:
Un montant d'environ 25 millions de dollars de demandes rejetées est lié à la question de la division de lignes en tronçons. Cependant, ce chiffre ne reflète pas entièrement l'importance financière de la question. Des paiements de subventions au titre de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer ont été effectués pour la subdivision Estevan de Canadien Pacifique Limitée pour les exercices 1970 1974 inclusivement. Cette ligne a été identifiée ultérieurement comme constituant un cas de division en tronçons et les demandes ultérieures ont été rejetées en totalité. Les dispositions définitives relatives à ces paiements passés, dont le montant s'élève à 2,5 millions de dollars approxi- mativement, font l'objet de la présente décision.
Puis, après avoir longuement analysé le point liti- gieux et rejeté les prétentions de l'appelante, il a rendu l'ordonnance suivante:
Les demandes relatives à la subdivision Estevan de CP devront être déposées à nouveau pour tous les exercices qui ont fait l'objet d'une demande, indépendamment du fait que des paiements aient été effectués ou non. Aucun argument convain- cant qui justifierait que l'on traite cette ligne différemment de tout autre cas de division en tronçons n'a été présenté au Comité, et Canadien Pacifique Limitée n'a pas présenté d'argu- ment décisif qui justifierait que les réclamations afférentes à des exercices antérieurs à 1975 soient autrement traitées que celles qui se rapportent à 1975 et à des exercices ultérieurs. Le
Comité doit donc rejeter la proposition de Canadien Pacifique Limitée visant à ce qu'on lui permette de conserver toutes les sommes qui lui ont été payées à ce jour pour cette subdivision.
C'est cette «ordonnance» ou «décision» qui est en cause.
L'appelante soutient que la Commission n'est pas habilitée par l'article 258(2) de la Loi sur les chemins de fer ou par quoi que ce soit à ordonner à l'appelante de déposer à nouveau ses demandes de subventions pour les années 1970 à 1974 inclusivement.
Vu les dispositions applicables de la Loi sur les chemins de fer et de la Loi nationale sur les transports, je dois conclure que cette conclusion est fondée.
Pour instruire correctement ce point litigieux, il y a lieu de comparer les articles 256 et 258 de la Loi sur les chemins de fer. Voici l'article 256:
256. (1) Au présent article
«exercice financier» désigne une période commençant le le' avril d'une année et se terminant le 31 mars de l'année suivante;
«digne de chemin de fer non rentable» désigne un embranche- ment que la Commission a jugé non rentable en vertu de l'article 254;
«période de réclamation» désigne, par rapport à une ligne de chemin de fer non rentable, la période
a) qui commence quatre-vingt-dix jours après la date à laquelle la demande d'abandon de la ligne a été produite à la Commission en conformité des règleset règlements de cel- le-ci, et
b) qui se termine
(i) à la date fixée par la Commission, ou modifiée en conformité de l'article 64 de la Loi nationale sur les transports, pour l'abandon de l'embranchement ou de son dernier tronçon exploité, selon le cas, ou
(ii) à la date à laquelle une ordonnance fixant une ou plusieurs dates pour l'abandon de la ligne est annulée par la Commission en vertu de l'article 254, en prenant de ces deux dates celle qui est antérieure à l'autre.
(2) Lorsqu'une ligne de chemin de fer non rentable, ou tout tronçon de celle-ci, sont exploités au cours d'une période de réclamation, la compagnie exploitante peut déposer à la Com mission une demande de dédommagement du montant de toute perte réelle de la compagnie attribuable à la ligne pour toute année financière de la compagnie comprise dans la période de réclamation, ou, lorsqu'il n'y a qu'une partie d'une année financière comprise dans la période de réclamation, pour la partie de cette année comprise dans la période de réclamation.
(3) Une demande de dédommagement en vertu du présent article doit être déposée à la Commission au plus tard trois mois après le début de l'exercice financier qui suit l'année financière de la compagnie au cours de laquelle la perte réelle a été subie.
(4) La Commission doit examiner la demande de dédomma- gement et doit, le cas échéant, certifier le montant de la perte réelle qui, à son avis, était attribuable à la ligne et le ministre des Finances, sur la recommandation de la Commission, peut, relativement à la perte, faire verser à la compagnie sur le Fonds du revenu consolidé un montant n'excédant pas le montant de la perte certifié par la Commission.
(5) Lorsqu'un paiement a été effectué en vertu du paragra- phe (4), avis du montant du paiement et, le cas échéant, du montant total de tous semblables paiements afférents aux pertes réelles de la compagnie attribuables à la ligne au cours d'années antérieures doit, en conformité de tout règlement de la Commission à ce sujet,
a) être affiché par la compagnie dans toutes les gares de l'embranchement relativement auquel a été effectué le paie- ment; et
b) être publié par la compagnie dans au moins un journal distribué dans la région desservie par l'embranchement.
(6) La Commission peut autoriser ou ordonner qu'un paie- ment à une compagnie de chemin de fer pour un certain exercice financier soit rectifié en raison ou au titre d'un paie- ment insuffisant ou d'un paiement excédentaire effectué en vertu du présent article à cette compagnie pour un exercice financier antérieur.
(7) Dans le calcul de toute perte réelle aux fins de l'article 253 ou du présent article,
a) la Commission peut, sous réserve de l'alinéa b) inclure ou exclure les articles et facteurs relatifs aux frais et aux revenus qu'elle estime normal d'inclure ou d'exclure; et
b) la Commission doit, lorsqu'elle détermine aux fins du présent paragraphe les articles et facteurs dont elle peut tenir compte en ce qui concerne les revenus, considérer tous paie- ments reçus par la compagnie en vertu de l'article 272.
(8) Rien à l'alinéa (7)b) ne doit s'interpréter comme restrei- gnant ou autrement limitant la Commission dans la détermina- tion qu'elle fait, à toute fin de la présente loi, des articles et des facteurs dont elle peut tenir compte en ce qui concerne les revenus.
L'article 256 prévoit la procédure à suivre par les compagnies ferroviaires qui présentent des récla- mations pour les pertes réelles subies dans l'exploi- tation d'embranchements ou de tronçons non encore «bloqués» par décret en application de l'ar- ticle 258(1).
L'article 258(2) prévoit la procédure à suivre lorsqu'elles présentent des réclamations pour des pertes réelles subies dans l'exploitation d'embran-
chements ou de tronçons «bloqués» par décret con- formément à l'article 258(1).
La comparaison entre les deux articles fait res- sortir des différences importantes. Une demande fondée sur l'article 256 doit être déposée auprès de la Commission dans un délai déterminé. L'article 258(2) ne prévoit pas le dépôt de demande auprès de la Commission. Je déduis plutôt de son libellé que cette demande doit être adressée au ministre des Finances, qui décide sur la recommandation de la Commission, après qu'elle aura déterminé la perte réelle de la compagnie. L'article 256 fait obligation à la Commission «d'examiner la récla- mation». L'article 258 ne comporte pas des termes aussi précis. L'article 256(6) habilite la Commis sion à ordonner une rectification en cas de paie- ment insuffisant ou excédentaire fait en applica tion du même article à une compagnie ferroviaire à l'égard d'un exercice financier antérieur. L'article 258 ne lui donne pas le même pouvoir. Cependant, l'article 413(5) de la Loi sur les chemins de fer 6 confère au ministre des Finances le même pouvoir de rectification à l'égard des paiements effectués en application de l'article 258.
Il appert en conséquence que sous le régime de l'article 258(2), la Commission remplit une fonc- tion double très limitée, quoique fort importante. Il lui incombe, en premier lieu, de déterminer la perte réelle subie par la compagnie ferroviaire au cours de l'exercice financier visé par la réclama- tion et ensuite de formuler à ce sujet une recom- mandation au ministre des Finances. En l'espèce, la Commission a rempli les fonctions prévues par l'article 258(2), en fixant la perte réelle de l'appe- lante à 2.5 millions de dollars environ pour la période 1970 1974 inclusivement. Elle a ensuite recommandé au Ministre de payer cette somme, ce qu'il a fait. A mon avis, la Commission a, à ce stade, exercé les pouvoirs et rempli les obligations prévus par l'article 258(2) pour ce qui est de la réclamation susmentionnée. Dans la décision entreprise, elle ordonne à l'appelante de déposer à
6 413....
(5) Le ministre des Finances, sur recommandation de la Commission, peut rectifier tout paiement fait à une compagnie de chemin de fer en vertu du présent article ou des articles 256, 258, 261 et 272, pendant ou pour une année en raison ou au titre d'un paiement insuffisant ou d'un paiement excédentaire effectué en vertu du présent article au cours d'une année antérieure.
nouveau ses demandes pour la période allant de 1970 1974. Je ne vois dans l'article 258 ni dans aucune autre disposition de la Loi sur les chemins de fer ou de la Loi nationale sur les transports aucune base sur laquelle fonder une telle ordon- nance. L'article 258(2) autorise l'appelante à déposer une demande; elle l'a déposée et la demande a été réglée; mais il n'autorise nullement la Commission à exiger le dépôt d'une nouvelle demande.
L'intimée prétend que l'article 63 de la Loi nationale sur les transports' l'habilite à faire ce qu'elle entend justement faire par cette ordon- nance. Je ne saurais accueillir un tel argument. Le pouvoir que la Commission tient de l'article 63 pour réviser, rescinder, changer ou modifier ses ordonnances ou décisions doit sûrement se limiter aux ordonnances qu'elle est habilitée à rendre. Si elle n'est pas habilitée à rendre une ordonnance portant nouveau dépôt, elle ne saurait se prévaloir du pouvoir prévu par l'article 63 pour réviser une telle ordonnance. Il importe de bien comprendre qu'en l'espèce la Commission ne procède pas à une nouvelle détermination de la perte réelle de l'appe- lante, mais lui ordonne plutôt de déposer à nou- veau sa demande d'indemnisation de perte. Il se peut fort bien que si la Commission avait fait une nouvelle détermination de la perte réelle de l'appe- lante, elle ait agi dans le cadre des pouvoirs qu'elle tient de l'article 63. J'estime inutile de trancher cette question puisque, à mon avis, la Commission n'a en l'espèce ni rescindé ni modifié une ordon- nance antérieure qu'elle n'était pas habilitée à rendre. L'article 63 ne s'applique donc pas.
L'autre partie de l'ordonnance du C.T.C.F. visée par le présent appel est la phrase suivante, que j'ai déjà citée:
Le Comité doit donc rejeter la proposition de Canadien Pacifi- que Limitée visant à ce qu'on lui permette de conserver toutes les sommes qui lui ont été payées à ce jour pour cette subdivision.
Je ne vois pas dans cette phrase une ordonnance, arrêt ou règlement susceptible d'appel devant la Cour par application de l'article 64(2) de la Loi
' Cet article 63 porte:
63. La Commission peut reviser, rescinder, changer ou modifier ses ordonnances ou décisions, ou peut entendre à nouveau une demande qui lui est faite, avant de rendre sa décision.
nationale sur les transports. Elle constitue plutôt le rejet d'une proposition et la formulation d'une opinion qu'une ordonnance ou une décision exécu- toire. J'estime donc qu'en ce qui concerne cette phrase, la Cour est incompétente pour transmettre à la Commission une opinion certifiée conformé- ment à l'article 64(2).
Par ces motifs, je notifierais à la Commission que, de l'avis de la Cour, le C.T.C.F. n'était pas compétent pour obliger l'appelante à déposer à nouveau des demandes fondées sur l'article 258(2) de la Loi sur les chemins de fer et tendant à l'indemnisation des pertes qu'elle a subies dans l'exploitation du tronçon Bienfait-Kemnay de la subdivision ferroviaire Estevan, au cours des années 1970 à 1974 inclusivement. L'appelante n'est pas tenue de se conformer à l'ordonnance de la Commission à cet égard.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT KERR (dissident): Il s'agit en l'espèce d'un appel formé contre un passage d'une soi-disant décision de 28 pages, rendue le 22 janvier 1979 par le Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports, d'où il ressort que ce Comité est en train d'instruire des demandes de subventions pré- sentées par Canadian Pacific Limited pour les pertes qu'elle a subies de 1970 à 1974 inclusive- ment dans l'exploitation d'un tronçon de sa subdi vision Estevan. Antérieurement à cette décision, le ministre des Finances avait, sur recommandation de la Commission et conformément à l'article 258(2) de la Loi sur les chemins de fer, payé les subventions réclamées.
Il est constant:
a) que la subdivision Estevan de Canadian Paci fic Limited est désignée, par application de l'ar- ticle 258(1) de la Loi sur les chemins de fer, comme ligne qui ne doit pas être abandonnée;
b) que Canadian Pacific Limited a déposé auprès de la Commission et conformément à l'article 258(2), des demandes de subventions pour les pertes réelles subies chaque année de 1970 à 1974 inclusivement dans l'exploitation du tronçon Bienfait-Kemnay de la subdivision Estevan, et
c) que, sur recommandation de la Commission et conformément à l'article 258(2), le ministre des Finances a versé à Canadian Pacific Limited 2.5 millions de dollars environ à la suite de ces demandes.
Il ne semble pas que la Commission ou le Comité ait subséquemment rendu une ordonnance faisant suite à cette décision. Aux yeux de Canadian Pacific Limited, le passage de la décision dont appel constitue une ordonnance, et son avis d'appel pose la question de droit ou de compétence suivante:
[TRADUCTION] La Commission canadienne des transports a-t-elle commis une erreur de droit ou de compétence lorsque par la décision susmentionnée, elle a:
1. ordonné à l'appelante de déposer à nouveau ses demandes de subventions pour les pertes réelles subies de 1970 à 1974 inclusivement dans l'exploitation d'un tronçon de son embran- chement ferroviaire, savoir le tronçon Bienfait-Kemnay, qui fait partie de la subdivision Estevan et est situé dans la province de la Saskatchewan, demandes que le ministre des Finances avait accueillies antérieurement à la décision et à la suite desquelles il a légalement effectué des paiements à l'appelante sur recom- mandation de la Commission intimée et conformément à l'arti- cle 258(2) de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2,
et
2. décidé que l'appelante doit rembourser les sommes qu'elle a reçues légalement dans les circonstances visées au paragraphe (1) ci-dessus?
Le Comité des transports par chemin de fer a été constitué par l'article 24 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, dont voici les paragraphes (1) et (3):
24. (1) Aux fins d'exercer ses fonctions en vertu de la présente loi, la Commission doit constituer les comités suivants formés chacun du président de la Commission, membre de droit de chaque comité, et d'au moins trois commissaires:
a) comité des transports par chemin de fer;
b) comité des transports aériens;
c) comité des transports par eau;
d) comité des transports par véhicule à moteur;
e) comité des transports par pipe-line de denrées; et J) tels autres comités que la Commission estime utiles.
(3) Nonobstant toute disposition de la Loi sur les chemins de fer ou de la Loi sur l'Office national de l'énergie régissant des questions examinées par la Commission, un comité de la Com mission peut, en conformité des règles et règlements de la Commission, exercer tous les pouvoirs et les fonctions de la Commission et les ordonnances, règles ou directives établies ou émises par un comité de la Commission ont le même effet, sous réserve des dispositions du paragraphe (4), que si elles avaient été établies ou émises par la Commission.
Les articles 256 263 inclusivement de la Loi sur les chemins de fer traitent d'embranchements fer- roviaires non rentables, de service non rentable de trains de voyageurs, de leur abandon, du calcul et du paiement des demandes de subventions pour les pertes réelles subies par les compagnies ferroviai- res dans l'exploitation de lignes et de services.
Le tronçon de la subdivision Estevan de Cana- dian Pacific faisant l'objet de cet appel tombe dans le champ d'application de l'article 258. Cet article et l'article 252 sont reproduits ci-dessous:
252. Dans le présent article et dans les articles 253 à 258,
«embranchement» désigne une ligne de chemin de fer située au Canada, qui relève d'une compagnie assujettie à la juridic- tion du Parlement et qui, par rapport à une ligne principale du système ferroviaire de la compagnie situé au Canada et dont elle fait partie, constitue une ligne auxiliaire, secon- daire, locale ou de dérivation du chemin de fer, et comprend toute partie de cette ligne auxiliaire, secondaire, locale ou de dérivation du chemin de fer;
«perte réelle» désigne, relativement à tout embranchement, l'excédent
a) des frais encourus par la compagnie au cours de toute année financière de celle-ci pour l'exploitation de la ligne et pour le mouvement du trafic partant de la ligne ou y aboutissant,
sur
b) les revenus de la compagnie pour cette année qui provien- nent de l'exploitation de la ligne et du mouvement du trafic partant de la ligne ou y aboutissant.
258. (1) Nonobstant toute disposition des articles 252 à 257, le gouverneur en conseil peut, de temps à autre, par décret,
a) désigner les embranchements qui ne doivent pas être abandonnés durant les périodes que le gouverneur en conseil peut prescrire; et
b) désigner des régions dans lesquelles il ne doit pas être abandonné d'embranchements durant les périodes que le gouverneur en conseil peut prescrire;
et les embranchements ainsi désignés ou situés dans des régions ainsi désignées ne doivent être l'objet d'aucune approbation d'abandon durant les périodes prescrites, et il ne doit être adressé à la Commission aucune demande d'abandon d'une telle ligne durant la période prescrite.
(2) Lorsqu'un embranchement ou un tronçon de celui-ci est exploité à perte réelle après le 22 mars 1967 et que la compa- gnie qui exploite cette ligne ou ce tronçon ne peut faire une demande d'abandon en vertu de l'article 253 par suite d'un décret pris en vertu du paragraphe (1), la compagnie peut faire une demande de dédommagement de cette perte et le ministre des Finances, sur la recommandation de la Commission et en conformité des règlements que le gouverneur en conseil peut établir à ce sujet, peut faire verser à la compagnie, sur le Fonds du revenu consolidé, un montant n'excédant pas celui de la perte réelle de la compagnie, déterminé par la Commission, qui est attribuable à l'exploitation de cette ligne ou de ce tronçon
pour l'année financière ou la partie d'année financière de la compagnie pour laquelle le dédommagement de la perte réelle est réclamé.
Pour plus de commodité, je reproduis ci-dessous certaines dispositions de la Loi nationale sur les transports, qu'il convient d'examiner pour statuer sur cet appel.
21. Il incombe à la Commission d'exercer les fonctions qui lui sont dévolues par la présente loi, par la Loi sur les chemins de fer, la Loi sur l'aéronautique et la Loi sur les transports en vue de coordonner et d'harmoniser les opérations de tous les trans- porteurs qui font des transports par chemin de fer, par eau, par aéronef, des transports s'étendant sur plus d'une province par véhicule à moteur et par pipe-line pour denrées; et la Commis sion doit donner à la présente loi, à la Loi sur les chemins de fer, à la Loi sur l'aéronautique et à la Loi sur les transports l'interprétation équitable la plus apte à réaliser cette fin.
48. La Commission peut, de son propre mouvement, ou doit, à la demande du Ministre, instruire, entendre et juger toute affaire ou question qu'elle peut, en vertu de la présente Partie ou de la Loi sur les chemins de fer, instruire, entendre et juger sur une demande ou sur une plainte, et, à cet égard, elle a les mêmes pouvoirs que la présente loi lui confère pour statuer sur une demande ou sur une plainte.
49. Tout pouvoir ou toute autorité conféré à la Commission peut, bien que cela ne soit pas dit expressément, être exercé au besoin, suivant que les circonstances l'exigent.
63. La Commission peut reviser, rescinder, changer ou modi fier ses ordonnances ou décisions, ou peut entendre à nouveau une demande qui lui est faite, avant de rendre sa décision.
L'article 64(2) prévoit que les ordonnances, arrêts et règlements de la Commission sont suscep- tibles d'appel par autorisation devant la Cour d'ap- pel fédérale, sur une question de droit ou de compétence.
Il ressort de la décision et des documents versés au Dossier d'appel que le Comité s'est heurté à trois difficultés majeures dans l'instruction des demandes de subventions que les compagnies ont présentées en application des articles 256 et 258 de la Loi sur les chemins de fer. La décision com mence par une «introduction», dont voici les deux premiers paragraphes:
INTRODUCTION
En vertu des dispositions des articles 256 et 258 de la Loi sur les chemins de fer, les compagnies ferroviaires sont en droit de déposer des demandes de subventions établies conformément à l'ordonnance sur les frais R-6313 pour des pertes subies dans l'exploitation d'embranchements non rentables. Dans les demandes que les compagnies ferroviaires ont déposées au fil des ans aux termes de ces articles de la Loi, 97% approximati- vement du montant total en dollars qui a été réclamé se
rapportent à des lignes des trois provinces des Prairies. Le Comité, lorsqu'il a examiné ces demandes pour déterminer le montant des subventions à payer, a rencontré trois problèmes majeurs dans la manière dont les compagnies ferroviaires abor- daient la question, qui exigeaient une plus ample étude et une solution définitive. En premier lieu, des demandes ont été présentées pour des lignes de chemin de fer dont les caractéris- tiques sont telles qu'elles ne peuvent remplir les conditions requises pour constituer des embranchements aux termes de l'article 252 de la Loi sur les chemins de fer. Un deuxième groupe de demandes a été établi pour des tronçons de lignes de chemin de fer de telle sorte qu'un certain volume de trafic, semblant dépendre entièrement de ces lignes, a été écarté des réclamations. Enfin, certaines demandes ont été soumises pour des lignes qui remplissent une fonction de transport intermé- diaire pour une partie considérable du trafic acheminé, mais tous les frais et tous les revenus afférents à ce trafic ont été exclus du calcul de la perte réelle pour ces lignes. Ces deux dernières façons de procéder pouvaient n'être pas conformes à l'intention de la Loi sur les chemins de fer et/ou de l'ordon- nance sur les frais.
Les questions ci-dessus, qui demandaient à être résolues, ont été désignées comme suit:
Question de la distinction entre ligne principale et
embranchement
—Question de la division de lignes en tronçons
Question du trafic de transport intermédiaire
La publication de la présente décision, qui résout ces questions, permettra de statuer sur des demandes de subventions précé- demment contestées et fournira aux compagnies ferroviaires des directives à suivre lorsqu'elles établiront à l'avenir leurs demandes.
Le dossier fait état de correspondance, de ren- contres, de conférences et de discussions entre le Comité et les compagnies de chemins de fer, et portant sur de nombreux embranchements et tron- çons de ces embranchements, ainsi que sur les problèmes qui s'y rattachent au sujet du genre de trafic, du genre et du montant des dépenses et des recettes à prendre en considération ou à écarter du calcul de la «perte réelle». Les sommes réclamées se chiffraient par millions de dollars. Il n'est donc pas surprenant que le Comité ait entendu revoir la question à la lumière de l'expérience acquise.
Ce que le Comité appelle la «question de la division de lignes en tronçons» occupe les pages 16 à 21 de la décision (pages 84 91 du Dossier d'appel), dont voici les quatre derniers paragra- phes:
Sur la base des différentes soumissions et interprétations présentées au Comité et à la suite de l'examen approfondi de l'aspect légal repris ci-dessus, il est décidé par les présentes que, exception faite des paiements effectués précédemment pour la subdivision Estevan, les compagnies ferroviaires peuvent dépo- ser des demandes de subventions pour des tronçons d'embran-
chements pourvu qu'un tronçon ne faisant pas l'objet d'une demande ne soit pas isolé effectivement du reste du réseau au cas le tronçon faisant l'objet de la demande serait abandonné.
Le Comité estime que si l'abandon d'une partie d'embran- chement doit aboutir en fait à l'abandon d'une autre partie de cet embranchement, le bon sens dicte que la demande d'aban- don soit étudiée en ce qui a trait aux deux parties. En établis- sant ce principe, nous ne faisons rien de plus qu'assurer l'appli- cation de la Loi sur les chemins de fer qui interdit l'abandon de l'exploitation d'un embranchement ou d'une partie d'embran- chement sans l'approbation préalable du Comité.
Afin qu'il soit statué définitivement sur les réclamations passées, les compagnies de chemins de fer devront déposer à nouveau toutes les demandes relatives à des lignes pour lesquel- les existent actuellement des problèmes de division en tronçons. De plus, lorsque cette question se posera à propos de futures demandes de subventions relatives à des embranchements, chaque ligne fera l'objet d'une évaluation individuelle et tous les facteurs qui entrent en jeu pour statuer sur chaque cas seront examinés.
Les demandes relatives à la subdivision Estevan de CP devront être déposées à nouveau pour tous les exercices qui ont fait l'objet d'une demande, indépendamment du fait que des paiements aient été effectués ou non. Aucun argument convain- cant qui justifierait que l'on traite cette ligne différemment de tout autre cas de division en tronçons n'a été présenté au Comité, et Canadien Pacifique Limitée n'a pas présenté d'argu- ment décisif qui justifierait que les réclamations afférentes à des exercices antérieurs à 1975 soient autrement traitées que celles qui se rapportent à 1975 et à des exercices ultérieurs. Le Comité doit donc rejeter la proposition de Canadien Pacifique Limitée visant à ce qu'on lui permette de conserver toutes les sommes qui lui ont été payées à ce jour pour cette subdivision.
A l'audition de l'appel, j'ai constaté que les princi- paux points de l'argumentation de Canadian Pacif ic sont énoncés de façon succincte dans le mémoire que son avocat a déposé auprès de la Cour. Les voici:
[TRADUCTION] 15. Après avoir calculé le montant des pertes réelles que l'appelante a subies dans l'exploitation du tronçon Bienfait-Kemnay de sa subdivision Estevan pour les années 1970 1974 inclusivement, et après en avoir recommandé le paiement au ministre des Finances, le tout en conformité de l'article 258(2) de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, la Commission est functus officio à l'égard de ces deman- des de l'appelante.
17. La décision du Comité des transports par chemin de fer ne saurait porter atteinte à la validité des demandes de subven- tions que l'appelante a déposées pour les années 1970 1974 inclusivement ni de celles dont la Cour a été saisie.
18. Les dispositions du paragraphe (6) de l'article 256 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, qui habilitent la
Commission à autoriser et à rectifier les paiements excédentai- res ou insuffisants n'autorisent pas la Commission à ordonner à l'appelante de déposer à nouveau ses demandes pour les années antérieures.
20. Le dispositif de la décision rendue par la Commission, qui oblige l'appelante à déposer à nouveau toutes ses demandes relatives à la subvention Estevan, vu à la lumière du rejet de la proposition de l'appelante visant à ce qu'on lui permette de conserver toutes les sommes qui lui ont été versées jusqu'à cette date à l'égard de cette subdivision, représente manifestement un exercice de la part de la Commission, du pouvoir qu'elle tient de l'article 63 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, de réviser, de rescinder, de changer ou de modifier rétroactivement la recommandation de paiement qu'elle a initialement formulée à l'égard des demandes de l'appelante.
21. Ni l'article 63 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, ni aucune disposition applicable de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, n'autorise une application rétroactive.
L'article 63 de la Loi nationale sur les transports est identique à l'article 52 ancien de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, c. 234, concernant la Commission des transports du Canada. Au cours des débats, les deux parties ont invoqué plusieurs jurisprudences.
Les faits de ces causes ne sont certes pas identi- ques aux faits de l'espèce, mais le pouvoir de réviser et de modifier prévu à la Loi sur les chemins de fer, a été examiné dans Toronto Transportation Commission c. Canadian National Railways [1930] R.C.S. 94, confirmé sous l'inti- tulé de cause Canadian Pacific Railway Company c. Toronto Transportation Commission [1930] A.C. (C.P.) 686, jurisprudence de longue date le juge en chef Anglin, rendant le jugement de la Cour suprême du Canada, s'est prononcé en ces termes à la page 99:
[TRADUCTION] L'art. 51 habilite la Commission à «reviser, rescinder, changer ou modifier ses ordonnances ou déci- sions*'*.» A l'égard de toute question qu'elle a déjà instruite, cet article l'autorise à réviser toute ordonnance qu'elle aurait pu rendre si l'objet en était res integra. Sans aucun doute, ce pouvoir doit être exercé avec parcimonie et circonspection et le jugement du Commissaire en chef montre qu'il en est conscient. Mais que les circonstances en justifient ou non l'emploi, la question relève presque exclusivement de l'appréciation souve- raine de la Commission. Il est difficile d'apprécier comment l'exercice de ce pouvoir dans une ordonnance impeccable à d'autres égards peut en soi donner lieu à une question de compétence.
et le juge Mignault (dissident à d'autres égards) s'est prononcé en ces termes à la page 104:
[TRADUCTION] L'article 51 de la Loi sur les chemins de fer prévoit que
la Commission peut reviser, rescinder, changer ou modifier ses ordonnances ou décisions, ou peut entendre à nouveau une demande qui lui est faite, avant de rendre sa décision.
Ces termes semblent assez larges pour permettre à la Com mission de changer ou de modifier sa décision. Naturellement, comme le Commissaire Boyce l'a fait remarquer, le pouvoir de revenir sur une décision ne doit être exercé que si la Commis sion doute de la justesse de cette dernière ou s'il se produit des faits nouveaux qui n'existaient pas à l'époque elle a été prise ou si les conditions ont changé. Mais ceci ne touche en rien la compétence de la Commission, qui est le seul point qui nous intéresse en l'espèce. A mon avis, l'article 51 permet à la Commission de modifier sa décision antérieure si elle est com- pétente pour rendre l'ordonnance entreprise.
Je ne doute pas que de par la formulation explicite de l'article 63, la Commission n'ait de larges pouvoirs pour réviser, rescinder, changer ou modifier une décision qu'elle a prise. Or, l'un des points litigieux porte en l'espèce sur la question de savoir si le pouvoir de réviser et de modifier s'étend aux déterminations antérieures des pertes subies par Canadian Pacific dans l'exploitation de sa subdivision Estevan pendant les années 1970 à 1974 inclusivement, pertes pour lesquelles elle avait reçu des subventions.
Les articles 256, 258 et 261 de la Loi sur les chemins de fer présentent des similitudes et des différences. En ce qui concerne les demandes de subventions prévues par l'article 256 pour les pertes réelles dans l'exploitation d'embranche- ments que la Commission a jugé non rentables, le paragraphe (4) porte:
256... .
(4) La Commission doit examiner la demande de dédomma- gement et doit, le cas échéant, certifier le montant de la perte réelle qui, à son avis, était attribuable à la ligne et le ministre des Finances, sur la recommandation de la Commission, peut, relativement à la perte, faire verser à la compagnie sur le Fonds du revenu consolidé un montant n'excédant pas le montant de la perte certifié par la Commission.
L'article 261(4) a le même libellé pour les récla- mations relatives aux pertes réelles subies dans l'exploitation d'un service non rentable de trains de voyageurs.
Les articles 256 et 261 comportent l'un et l'au- tre le paragraphe (6) suivant:
(6) La Commission peut autoriser ou ordonner qu'un paie- ment à une compagnie de chemin de fer pour un certain exercice financier soit rectifié en raison ou au titre d'un paie-
ment insuffisant ou d'un paiement excédentaire effectué en vertu du présent article à cette compagnie pour un exercice financier antérieur.
L'article 413 de la Loi sur les chemins de fer prévoit un autre type de subvention; son paragra- phe (5) prévoit que sur recommandation de la Commission, le ministre des Finances peut recti fier des paiements excédentaires ou insuffisants. Voici ce paragraphe (5):
413... .
(5) Le ministre des Finances, sur recommandation de la Commission, peut rectifier tout paiement fait à une compagnie de chemin de fer en vertu du présent article ou des articles 256, 258, 261 et 272, pendant ou pour une année en raison ou au titre d'un paiement insuffisant ou d'un paiement excédentaire effectué en vertu du présent article au cours d'une année antérieure.
On voit qu'aux termes des articles 256 et 261, la Commission doit «certifier le montant de la perte réelle qui, à son avis, était attribuable ...» à l'embranchement ou au service du train de voya- geurs en cause. L'article 258(2) emploie des termes un peu différents, la perte réelle de la compagnie étant «déterminé[e] par la Commis sion».
Une autre différence entre les articles 256 et 261 d'une part et l'article 258 d'autre part, tient à ce que ce dernier ne prévoit pas la rectification des paiements excédentaires ou insuffisants.
L'article 63 de la Loi nationale sur les trans ports est une disposition organique générale de longue date dans la réglementation des compa- gnies de chemins de fer.
Si, comme je l'ai déjà noté, le législateur n'a pas inclus dans l'article 258 les dispositions prévoyant rectification en cas de paiements excédentaires et insuffisants, telles qu'elles figurent dans certains articles de la Loi sur les chemins de fer, il ne faut pas en conclure que le pouvoir de révision que l'article 63 de la Loi nationale sur les transports confère à la Commission ne s'applique pas à ses déterminations antérieures de pertes subies dans l'exploitation de la subdivision Estevan pendant les années 1970 1974.
Selon l'article 258, la Commission a pour obli gation de déterminer la perte réelle et de faire à cet égard une recommandation au ministre des Finances. Si, par la suite, il lui semble que le montant de la perte déterminée est trop faible ou
trop élevé, l'article 63 l'habilite à revoir la question et à procéder à une nouvelle détermination de la perte. Tel est mon avis, compte tenu des objectifs de la Loi nationale sur les transports et de la déclaration de politique nationale de transport qui y figure, du vaste éventail de pouvoirs de régle- mentation et de responsabilités dont cette Loi et la Loi sur les chemins de fer investissent la Commis sion, et de l'interprétation des articles 63 et 258 dans leur contexte et selon leur sens ordinaire et naturel.
En déposant ses demandes initiales de subven- tions, Canadian Pacific a requis la Commission de s'acquitter de son obligation qui était de détermi- ner la perte réelle pour chacune des années en cause, et cette détermination est soumise aux dis positions législatives applicables, notamment au pouvoir de révision qu'elles confèrent à la Commission.
Je ne me prononce pas sur le recours que pour- rait avoir l'appelante au cas où, après révision, la Commission modifierait le montant d'une perte réelle qu'elle a précédemment déterminée. Dans sa décision, le Comité a rejeté la proposition de Canadian Pacific qui demandait à conserver toutes les sommes reçues à ce jour à l'égard de cette subdivision. Canadian Pacific prétend dans son avis d'appel que le Comité en a exigé le rembour- sement. Je ne pense pas que cette décision soit allée jusque-là. Le Comité a pour fonction de déterminer la perte réelle et de faire une recom- mandation au ministre des Finances.
Bien qu'à mon avis, l'objection formulée par Canadian Pacific contre la décision soit essentielle- ment fondée sur le fait que la Commission n'est pas habilitée à réviser ses déterminations antérieu- res des pertes réelles subies dans l'exploitation de la subdivision Estevan pendant les années 1970 à 1974, elle soutient aussi que la Commission n'a pas le pouvoir de lui ordonner de déposer à nouveau des demandes de subventions pour ces mêmes années.
La décision indique qu'aux fins d'un règlement définitif des réclamations passées, les compagnies de chemins de fer doivent déposer à nouveau toutes les demandes relatives aux lignes à l'égard desquel- les se pose la question de la division en tronçons et
précise que les demandes relatives à la subdivision Estevan doivent être déposées à nouveau pour toutes les années il y avait une réclamation, que les subventions aient été payées ou non.
Elle indique que des demandes de subventions s'élevant à 25 millions de dollars environ ont été rejetées vu la question de la division de lignes en tronçons; que des subventions avaient été versées au titre de l'article 258 de la Loi sur les chemins de fer en compensation des pertes subies dans l'exploitation de la subdivision Estevan de Canadi-
an Pacific pour les exercices 1970 1974; que cette ligne ayant été identifiée par la suite comme un cas de division en tronçons, toutes les demandes ultérieures ont été rejetées; et que la décision vise au règlement définitif de ces paiements passés.
Canadian Pacific a retiré ses demandes de sub- ventions pour cette subdivision à l'égard de l'année 1975 et des années subséquentes, mais a laissé le Comité se débattre avec ses déterminations anté- rieures de pertes subies au cours des années 1970 à 1974. C'est elle qui a pris l'initiative des demandes
pour chacune des années de 1970 1974. Le Comité a conclu qu'il devait réviser les détermina- tions antérieures de pertes.
Ni la Loi sur les chemins de fer ni la Loi nationale sur les transports n'indique la méthode ou la procédure que la Commission doit suivre pour s'acquitter de son obligation de déterminer les pertes réelles lorsque les compagnies ferroviai- res demandent des subventions pour les embran- chements non rentables, pas plus que la procédure qu'elle doit suivre pour réviser une détermination antérieure.
L'obligation de déterminer les pertes réelles qui incombe à la Commission implique le pouvoir requis pour s'en acquitter de façon efficace et expéditive. Aussi a-t-elle le pouvoir de rendre des ordonnances d'application générale ou particulière. A mon avis, il vaut mieux laisser à la Commission le soin de déterminer le gros de ses méthodes et de sa procédure, à la lumière de son jugement, de son expérience et de son expertise.
Sur la foi des documents produits devant la Cour, j'estime que le Comité a eu raison de con- clure qu'il lui fallait réviser sa détermination des pertes subies par Canadian Pacific dans l'exploita- tion de la subdivision Estevan pendant les années
1970 à 1974, et qu'à cette fin, un nouveau dépôt des demandes était indiqué. Je présume qu'à cet égard, il visait à ce que les nouvelles demandes indiquent le trafic, les dépenses et les recettes propres à la détermination des pertes réelles. Je ne saurais dire que sa conclusion est déraisonnable ou que, vu les circonstances, le Comité n'avait pas le pouvoir d'ordonner un nouveau dépôt à cette fin.
Reste à trancher une question qui a été soulevée à l'audition, savoir si avant la délivrance de la décision, Canadian Pacific s'est vu donner la possi- bilité de se faire entendre par le Comité au sujet de son pouvoir de réviser ses déterminations antérieu- res de pertes réelles et déjà indemnisées. L'avis d'appel est daté du 8 juin 1979 et la décision, du 22 janvier 1979; dans l'intervalle, Canadian Paci fic n'a ni soulevé cette question ni demandé au Comité de l'entendre à ce sujet. Dans son mémoire soumis à la Cour, elle ne se plaint ni de déni de justice naturelle ni de manque d'équité.
Sur la foi des documents produits devant la Cour, je ne suis pas convaincu qu'il y ait eu déni de justice naturelle ou manque d'équité.
Je rejetterais donc l'appel.
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