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A-530-79
La Reine (Appelante) c.
Saint John Shipbuilding & Dry Dock Co. Ltd. (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Ryan et le juge suppléant Kerr—Fredericton, 2 juin; Ottawa, 8 juillet 1980.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Non-résidents
Versements effectués à une société étrangère non résidante pour le droit d'utiliser des données informatisées dans le cadre de l'entreprise de construction de navires de l'intimée Appel de la décision de la Division de première instance portant que ces versements ne tombaient pas sous le coup des dispositions des art. 106 et 212 de la Loi de l'impôt sur le revenu ni ne constituaient des «loyers et redevances. au sens du protocole
II échet de déterminer si les versements étaient assujettis à l'impôt canadien applicable aux non-résidents Loi de l'im- pôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 106. 109; S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 212 Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Améri- que, S.C. 1943-44, c. 21, articles I et II et le protocole, clause 6a).
Il s'agit d'un appel d'une décision de la Division de première instance portant que trois versements effectués à une société étrangère non résidante pour le droit d'utiliser des données informatisées dans le cadre de l'entreprise de constructions de navires de l'intimée ne tombaient pas sous le coup des disposi tions de l'article 106 de la Loi de l'impôt sur le revenu de 1952 tel qu'il s'appliquait à l'année d'imposition 1971 ni de celles de l'article 212 des S.C. 1970-71-72, c. 63, pour les années d'impo- sition 1972 et 1973, qu'ils ne constituaient pas des «loyers et redevances» au sens du protocole de la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis et qu'ils étaient exempts d'impôt en vertu de ses dispositions. Il échet de déterminer si ces versements étaient assujettis à l'impôt cana- dien applicable aux non-résidents pour les années d'imposition 1971, 1972 et 1973.
Arrêt: l'appel est rejeté. Premièrement, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question de savoir si le libellé du sous-alinéa (1)d)(i) des articles 106 et 212 de la Loi de l'impôt sur le revenu est assez large pour inclure les versements en question, puisque la Convention est prépondérante. Deuxième- ment, les versements n'ont aucune des caractéristiques des loyers ou redevances. Il n'y a aucune raison de penser que lorsque le mot «loyer» est employé en relation avec des droits de propriété du genre de ceux qui sont énumérés à la clause 6a) du protocole, il comporterait des caractéristiques différentes de celles qu'il a dans son emploi plus fréquent relativement à des biens corporels. Un loyer peut être payé en un versement forfaitaire, mais ce terme est indissociable de l'idée d'un verse- ment pour une période donnée, que sa durée en soit déterminée ou déterminable en fonction d'un élément futur ou selon les modalités prévues, au terme de laquelle le droit du locataire sur le bien et le droit d'en faire usage retournent au bailleur. Même si le terme «redevances» est d'une portée assez générale, lors-
qu'il est utilisé dans le sens d'un paiement au titre de l'utilisa- tion d'un bien, il signifie un paiement calculé en fonction de l'utilisation des droits conférés ou de la production ou des revenus ou des bénéfices tirés de leur utilisation. En l'espèce, aucune limite n'était fixée quant à la durée de l'utilisation ou du droit d'utilisation. Et les paiements n'étaient ni proportion- nels ni reliés à l'utilisation ou à l'étendue de l'utilisation, ni aux revenus ou bénéfices tirés de celles-ci, ni à la durée de l'utilisa- tion. L'intimée demeurait indéfiniment titulaire du droit d'utili- ser l'information et de garder les objets matériels fournis par la société étrangère, de même que le produit résultant de leur utilisation dans l'ordinateur.
Arrêts mentionnés: Western Electric Co. Inc. c. Le minis- tre du Revenu national [1969] 2 R.C.É. 175 (confirmé à [1971] R.C.S. vi); Le ministre du Revenu national c. Wain- Town Gas and Oil Co. Ltd. [ 1952] 2 R.C.S. 377.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
L. P. Chambers, c.r. et C. G. Pearson pour
l'appelante.
E. Neil McKelvey, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
McKelvey, Macaulay, Machum & Fair- weather, Saint-Jean, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Le présent appel' a pour objet de déterminer si des versements for- faitaires de $25,375, $75,000 et $81,875 effectués en 1971, 1972 et 1973 respectivement par l'intimée à Com/Code Corporation, société américaine non résidante, étaient des sommes à l'égard desquelles l'intimée était tenue, en vertu des dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le revenue, de déduire et de remettre au receveur général du Canada le montant d'impôt sur le revenu payable par Com/Code à titre de non-résident.
' Jugement de première instance [1979] 2 C.F. 743.
2 Pour l'année 1971, l'article 109 [S.R.C. 1952, c. 148] et pour les années 1972 et 1973, le même article renuméroté 215 [S.C. 1970-71-72, c. 63] est rédigé en partie comme suit:
109. (1) Lorsqu'une personne paie ou crédite ou est censée avoir payé ou crédité un montant sur lequel un impôt sur le revenu est exigible aux termes de la présente Partie, elle doit, nonobstant toute convention ou toute loi à l'effet contraire, en déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le remettre immédiatement au receveur général du Canada au nom de la personne non résidante à compte sur l'impôt et l'accompa- gner d'un état en la forme prescrite.
(Suite à la page suivante)
Les sommes en cause furent versées par l'inti- mée en vertu d'un contrat aux termes duquel Com/Code fournissait à une société canadienne de services informatiques pour le bénéfice de l'intimée (l'intimée aurait pu les recevoir directement si elle avait eu un ordinateur du genre requis) des bandes contenant des données techniques ou autres infor- mations appelées le Autokon-I System qui, lors- qu'y sont ajoutées des données relatives à la coque d'un navire, produit des données techniques pour la construction de cette coque. Les articles fournis par Com/Code comprenaient également des guides d'emploi et des guides à l'intention des programmeurs.
Les renseignements obtenus grâce à l'utilisation du système n'étaient pas secrets. Un personnel technique compétent aurait pu arriver au même résultat, comme il fallait le faire jusque-là, en y mettant beaucoup plus d'effort et de temps. Com/ Code offrait également le système à d'autres cons- tructeurs de navires moyennant un certain prix. L'intimée était toutefois obligée en vertu du con- trat de traiter comme confidentielles les données obtenues grâce au système et de ne les utiliser que pour ses propres besoins. A part cela, le contrat ne prévoyait aucune limite quant à la fréquence ou à la durée d'utilisation du système par l'intimée pour obtenir les renseignements, pour les conserver ou pour les utiliser et le montant des versements n'était aucunement relié à l'étendue de l'utilisation ou aux revenus ou bénéfices attribuables à son utilisation ou à la durée de cette utilisation. Aux termes du contrat, il était loisible à l'intimée de continuer indéfiniment d'obtenir des renseigne- ments de l'ordinateur et de les garder aussi long- temps et de les utiliser aussi souvent qu'elle le voulait.
Le contrat ne se veut pas un document consta- tant une vente des bandes et des guides à l'intimée.
(Suite de la page précédente)
(5) Lorsqu'une personne a omis de déduire ou de retenir quelque montant ainsi que l'exige le présent article sur un montant payé ou crédité ou censé avoir été payé ou crédité à un non-résident, ladite personne est tenue de payer comme impôt sous le régime de la présente Partie au nom de ce non-résident, la totalité du montant qui aurait être déduit ou retenu, et elle a droit de déduire ou de retenir sur tout montant payé ou crédité par elle au non-résident, ou autre- ment recouvrer dudit non-résident, tout montant qu'elle a payé pour le compte de ce dernier à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie.
Il se veut plutôt un document constatant l'octroi d'une licence non exclusive d'utilisation du système relativement à la conception et à la construction des navires de l'intimée, à la fabrication de diver- ses sections de navires et à d'autres applications industrielles pour lesquelles le système peut être utilisé. Il n'est pas question, dans le contrat, de la propriété des bandes ou des guides fournis et il ne s'y trouve aucune disposition qui donne à Corn/ Code le droit, dans quelque circonstance que ce soit, d'exiger qu'ils lui soient remis.
L'impôt est réclamé, relativement à la somme versée en 1971, en vertu de l'article 106 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée par S.C. 1968-69, c. 44, art. 29(1), et, relativement aux sommes versées en 1972 et 1973, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu telle que modifiée par S.C. 1970-71-72, c. 63. Les parties importantes de l'article 106 sont ainsi rédigées:
106. (1) Toute personne non résidante doit payer un impôt sur le revenu de quinze pour cent sur tout montant qu'une personne résidant au Canada lui paie ou crédite, ou est censée en vertu de la Partie I lui payer ou créditer à titre, à compte ou au lieu de paiement ou en acquittement
d) du loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement, y compris, mais sans restreindre la généralité de ce qui pré- cède, tout paiement
(i) pour l'utilisation, ou pour le droit d'utiliser, au Canada, des biens, inventions, noms commerciaux, brevets, marques de commerce, dessins ou modèles, plans, formules secrètes, procédés de fabrication ou toute autre chose,
(ii) pour des renseignements relatifs à des connaissances industrielles, commerciales ou scientifiques lorsque le mon- tant total payable à titre de contrepartie pour ces rensei- gnements dépend en tout ou partie
(A) de l'utilisation qu'on doit en faire ou de l'avantage qu'on doit en tirer,
(B) de la production ou de la vente de marchandises ou de services, ou
(C) des bénéfices,
(iii) pour des services de nature industrielle, commerciale ou scientifique rendus par une personne qui est un non- résident lorsque le montant total payable à titre de contre- partie pour ces services dépend en tout ou partie
(A) de l'utilisation qu'on doit en faire ou de l'avantage qu'on doit en tirer,
(B) de la production ou de la vente de marchandises ou de services, ou
(C) des bénéfices,
mais à l'exclusion d'un paiement effectué pour des services fournis à l'occasion de la vente de biens ou à l'occasion de la négociation d'un contrat,
(iv) effectué en conformité d'un accord entre une personne qui est un résident du Canada et une personne qui est un non-résident, en vertu duquel cette dernière convient de ne pas utiliser et de ne permettre à aucune autre personne d'utiliser une chose mentionnée au sous-alinéa (i) ou des renseignements dont il est fait mention au sous-alinéa (ii), ou
(y) qui dépendait de l'utilisation de biens situés au Canada, ou d'une production tirée desdits biens, qu'il ait constitué ou non un acompte sur le prix de vente de biens, à l'exclusion d'un acompte sur le prix de vente de terres agricoles,
mais à l'exclusion
(vi) d'une redevance ou d'un semblable paiement afférent ou relatif à un droit d'auteur,
(vii) d'un paiement relatif à l'emploi, par une compagnie de chemins de fer, de matériel roulant selon la définition qu'en donne l'alinéa (25) de l'article 2 de la Loi sur les chemins de fer,
(viii) d'un paiement effectué en vertu d'un accord de bonne foi relatif à la participation aux frais, en vertu duquel la personne effectuant le paiement partage selon un taux raisonnable, avec une ou plus d'une personne qui sont des non-résidents, des frais de recherche scientifique et de mise au point en échange d'un droit portant sur tous les biens ou toutes les autres choses de valeur qui peuvent en résulter, ou
(ix) d'un loyer pour l'utilisation ou le droit d'utiliser en dehors du Canada tout bien corporel.
La seule différence importante entre le libellé de cet article et celui de l'article 212 est qu'aux termes de ce dernier, l'impôt est fixé à 25%. Toute- fois, en vertu de la Convention dont il sera ques tion plus loin dans ces motifs, l'impôt ne doit pas dépasser 15% dans les cas prévus par la Convention.
On notera que la portée du sous-alinéa 106(1)d) (i) est très vaste. Cette disposition com- prend non seulement «du loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement» mais aussi «tout paie- ment» pour «l'utilisation, ou pour le droit d'utiliser, au Canada», des «biens» (mot auquel est donné une acception des plus larges à l'alinéa 139(1)ag) (maintenant partie du paragraphe 248(1)) ou tout ce qui est énuméré par la suite, ou «toute autre chose». Ce libellé de portée très générale est entré en vigueur en 1968. Auparavant sa portée était beaucoup plus restreinte. La décision Western Electric Co. Inc. c. M.R.N. 3 est fondée sur cette disposition.
3 [1969] 2 R.C.É. 175; confirmé à [1971] R.C.S. vi.
Pour ce qui concerne les paiements à des rési- dents des États-Unis d'Amérique toutefois, les dis positions de la Loi de l'impôt sur le revenu sont depuis 1944 assujetties aux dispositions de la Con vention de double imposition canado-américaine et de son protocole, signés en mars 1942. 4
Les articles I et II de la Convention sont ainsi rédigés:
ARTICLE I
Toute entreprise de l'un des Etats contractants n'est imposa- ble par l'autre Etat contractant en raison de ses bénéfices industriels et commerciaux que pour la part de ces bénéfices imputables, aux termes de la présente Convention, à l'établisse- ment stable qu'elle exploite dans ce dernier Etat.
En vue du calcul de l'impôt de l'un des Etats contractants, il ne sera pas tenu, compte des simples opérations d'achat de marchandises effectuées dans ce dernier par une entreprise de l'autre Etat.
ARTICLE Il
Pour les fins de la présente Convention, l'expression «bénéfi- ces industriels et commerciaux» ne vise pas le revenu qui se présente sous la forme de loyers, de redevances, d'intérêts, de dividendes, de droits de gestion ou de gains retirés de la vente ou de l'échange de biens de capital.
Sous réserve des clauses de la présente Convention, ces chefs de revenu seront taxés séparément ou avec les bénéfices indus- triels et commerciaux suivant les lois respectives des Etats
contractants.
La clause 6a) du protocole, telle que renuméro- tée en 1956, définit l'expression «loyers et redevan- ces» comme suit:
6. a) L'expression «loyers et redevances» dont il est fait usage à l'article II de ladite Convention comprend les loyers et les redevances que rapportent la location de biens meubles ou immeubles ou un intérêt quelconque dans ces biens, y compris les loyers et redevances pour usage ou droit de se servir de brevets, de droits d'auteur, de formules et de procédés secrets, d'achalandage, de marques de fabrique et de commerce, de concessions et de tous autres biens analogues;
La Commission de révision de l'impôt et la Division de première instance de la Cour ont toutes deux conclu que les sommes en question ne tombaient pas sous le coup des dispositions des articles 106 et 212 de la Loi de l'impôt sur le revenu. La Division de première instance a égalé-
4 Voir la Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, S.C. 1943-44, c. 21.
ment décidé que les sommes ne constituaient pas des «loyers et redevances» au sens du protocole de la Convention et qu'elles étaient exemptes d'impôt en vertu de ses dispositions.
En prenant pour acquis que le libellé du sous- alinéa (1)d)(i) des articles 106 et 212 doit avoir sa pleine étendue et ne doit pas être limité par les sous-alinéas qui le suivent, je ne suis pas convaincu que la portée de cette disposition ne soit pas assez large pour inclure les versements en question. Il n'est pas facile pour un versement du genre décrit de n'être pas visé par «tout paiement . .. pour l'utilisation, ou pour le droit d'utiliser, au Canada, des biens ... ou toute autre chose». Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de trancher définiti- vement cette question puisque la Convention est prépondérante et si, selon ses dispositions, Com/ Code n'était pas tenue au paiement de l'impôt canadien sur le revenu relativement à ces sommes, l'affaire se terminerait là.
Étant donné que les sommes en cause étaient manifestement des bénéfices industriels et com- merciaux de Com/Code, elles étaient exemptées en vertu du libellé de portée générale de l'article I de la Convention et ne pouvaient être assujetties à l'impôt canadien applicable aux non-résidents que si elles ne constituaient pas des bénéfices indus- triels et commerciaux au sens de l'exception prévue à l'article II relativement au «revenu qui se présente sous la forme de loyers, de redevances». En outre, les sommes ne pourraient être considé- rées comme un «revenu qui se présente sous la forme de loyers, de redevances» que si elles consti- tuaient des loyers ou redevances au sens de la définition de «loyers et redevances» au protocole.
La définition semble avoir été conçue pour éten- dre la portée de ce qui serait visé par le sens ordinaire de loyers et redevances mais il me semble que cette extension ne résulte pas du sens des mots mais de la mention des catégories de choses à l'égard desquelles les loyers et redevances sont payés. L'expression doit comprendre les «loyers et redevances» que rapporte la location de biens meu- bles ou immeubles (qui sont apparemment tous de nature corporelle) et doit également comprendre «les loyers et redevances» pour usage ou droit de se servir des biens et droits incorporels énumérés. Il n'y est toutefois rien dit expressément qui aurait pour effet d'étendre la définition en incluant des
versements qui n'ont pas les caractéristiques que l'on associe ordinairement aux loyers ou redevan- ces. On a prétendu au nom de l'appelante que l'emploi des mots «ou droit de se servir» élargissait la portée de la définition mais je ne crois pas que ce soit le cas. Cette expression s'applique aux loyers 5 alors que «pour usage» s'applique aux rede- vances. Rien ne permet donc d'interpréter la défi- nition de façon à s'éloigner du sens ordinaire de ces deux mots.
D'après moi, ce que Com/Code a donné et ce que l'intimée a reçu en vertu du contrat ne peut être considéré comme l'usage ou le droit de se servir «de brevets, de droits d'auteur, de formules et de procédés secrets, d'achalandage, de marques de fabrique et de commerce, de concessions» au sens de la définition mais il me semble concevable que cela pourrait être compris dans «tous autres biens analogues». 6 Mais même si tel était le cas, je ne crois pas que les versements faits par l'intimée puissent être considérés comme des «loyers et rede- vances» pour son usage ou pour le droit de s'en servir.
Les versements n'ont aucune des caractéristi- ques des loyers ou redevances. Le terme «loyer» ne s'emploie pas habituellement en relation avec les droits de propriété du genre de ceux qui sont énumérés mais je ne vois pas pourquoi il faudrait penser que, lorsqu'il est employé dans ce contexte, il comporterait des caractéristiques différentes de celles qu'il a dans son emploi plus fréquent relati- vement à des biens corporels. Un loyer peut évi- demment être payé en un versement forfaitaire mais d'après moi ce terme est indissociable de l'idée d'un versement pour une période donnée, que sa durée en soit déterminée ou déterminable en fonction d'un élément futur ou selon les modalités prévues, au terme de laquelle le droit du locataire sur le bien et le droit d'en faire usage retournent au bailleur. Même si le terme «redevances» est d'une portée assez générale, lorsqu'il est utilisé
5 Voir Stroud's Judicial Dictionary, quatrième édition, p. 2328:
[TRADUCTION] Loyer.
... Il a été dit que la signification première de «loyer» est la somme déterminée, en gros, que le locataire verse au locateur pour le droit d'occuper les locaux loués (voir C. Litt. 96 a, 141 b. 142 a; Jacob; Elph.; Woodfall).
6 Comparer avec Western Electric Co. Inc. c. M.R.N. (précitée).
dans le sens d'un paiement au titre de l'utilisation d'un bien, il signifie un paiement calculé en fonc- tion de l'utilisation ou de la production ou des revenus ou des bénéfices tirés de l'utilisation des droits conférés. Ce terme est défini comme suit dans le Dictionary of English Law de Jowitt:
[TRADUCTION] Redevance, paiement au titulaire d'un brevet, d'un droit d'exploitation d'une mine ou d'autres droits semblables et proportionnel à l'utilisation faite par la personne à qui le droit est conféré. Le paiement est ordinairement fait en argent mais peut également être fait en nature, c'est-à-dire, une partie du produit de l'exercice de ce droit. Voir LOYER.
Redevance désigne également parfois un paiement fait à un auteur ou compositeur par un cessionnaire ou un concession- naire relativement à chaque exemplaire de son oeuvre qui est vendu ou à un inventeur relativement à chaque article vendu qui est visé par le brevet.
Ni le terme «loyers» ni le terme «redevances» dans leur sens ordinaire, n'inclut à mon avis un paie- ment forfaitaire pour l'utilisation ou pour le droit d'utiliser un bien d'une manière indéfinie.
En outre, il me semble que la répétition de l'expression «loyers et redevances» dans la défini- tion qui, en toute déférence, me semble drôlement construite au point de vue grammatical, indique que ce que visaient les auteurs était la taxation du revenu plutôt que du capital et que l'expression «loyers et redevances» est utilisée plutôt que «tout paiement» afin d'assurer que ne serait inclus aucun paiement qui n'ait pas les caractéristiques des «loyers et redevances».
En l'espèce, aucune limite n'était fixée quant à la durée de l'utilisation ou du droit d'utilisation. Et les paiements n'étaient ni proportionnels ni reliés à l'utilisation ou à l'étendue de l'utilisation, ni aux revenus ou bénéfices tirés de celles-ci, ni à la durée de l'utilisation. L'intimée demeurait indéfiniment titulaire du droit d'utiliser l'information et de garder les objets matériels fournis par Com/Code, de même que le produit résultant de leur utilisa tion dans l'ordinateur. Il s'ensuit d'après moi que les paiements n'étaient ni des loyers ni des rede- vances au sens de la Convention et du protocole et que Com/Code n'était pas tenue au paiement de l'impôt payable par un non-résident relativement à ceux-ci.
7 Voir également M.R.N. c. Wain -Town Gas and Oil Co. Ltd. [1952] 2 R.C.S. 377, le juge Kerwin (tel était alors son titre), à la p. 382.
L'appel est donc jugé non fondé et devrait être rejeté avec dépens.
* * *
LE JUGE RYAN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris à ces motifs.
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