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A-213-80
Shane Gregory Brannson (Requérant) c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge suppléant Kelly—Toronto, 24 avril et 5 juin 1980.
Examen judiciaire Immigration Ordonnance d'expul- sion Le requérant a été déclaré coupable d'escroquerie au moyen du service postal des États-Unis Demande tendant à l'examen et à l'annulation de l'ordonnance d'expulsion, au motif que l'arbitre a commis une erreur de droit en décidant que l'infraction pour laquelle le requérant a été déclaré coupa- ble, est une infraction qui, eût-elle été commise au Canada, constituerait une infraction punissable par voie d'acte d'accu- sation d'une peine maximale de moins de dix ans d'emprison- nement; le requérant n'a pas consenti à ce que l'enquête fût reprise par un arbitre autre que celui qui l'avait commencée; il n'y a pas eu enquête approfondie et proprement menée à cause d'une accumulation d'erreurs Demande accueillie Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 19(2)a), 27(2)a),(3),(4), 45(1), 46(1) Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 339 Code des États-Unis, Titre 18, c. 63, art. 1341 Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 35 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande tendant à l'examen et à l'annulation d'une ordon- nance d'expulsion rendue contre le requérant au motif qu'il avait été déclaré coupable d'escroquerie au moyen du service postal des États-Unis. L'arbitre a décidé qu'une telle infraction, eût-elle été commise au Canada, serait punissable par voie d'acte d'accusation en vertu de l'article 339 du Code criminel, d'une peine maximum de deux ans d'emprisonnement. Le litige consiste à savoir s'il faut annuler l'ordonnance d'expulsion aux motifs suivants: l'arbitre a commis une erreur de droit en décidant que, si elle avait été commise au Canada, l'infraction dont le requérant a été déclaré coupable aux États-Unis «peut être punissable par voie d'acte d'accusation, ... d'une peine maximale de moins de dix ans d'emprisonnement»; le requérant n'a pas consenti à ce que l'enquête fût reprise par un arbitre autre que celui qui l'avait commencée; il n'y a pas eu enquête approfondie et proprement menée à cause d'une accumulation d'erreurs dont aucune, prise séparément, n'aurait été rédhibi- toire.
Arrêt: la demande est accueillie et l'ordonnance d'expulsion est annulée. L'arbitre a commis une erreur de droit en con- cluant que l'infraction dont le requérant a été déclaré coupable constituerait une infraction à l'article 339 du Code criminel. Le requérant a été déclaré coupable de mettre à la poste quelque chose à envoyer par le service postal en vue d'exécuter une manoeuvre pour escroquer. L'envoi ou la transmission de «let- tres ou circulaires» est un élément essentiel de l'infraction invoquée du côté canadien. Quels que soient les termes employés pour désigner ces infractions ou pour les définir, il faut relever les éléments essentiels de l'une ou de l'autre et
s'assurer qu'ils correspondent. Dans les cas où, comme en l'espèce, la définition de l'infraction prévue par la loi étrangère est plus large que celle de l'infraction prévue par la loi cana- dienne, mais pourrait embrasser cette dernière, il y aurait lieu d'autoriser l'admission de la preuve des détails de l'infraction pour laquelle l'intéressé a été condamné. Il se pourrait que ces détails ramènent cette condamnation dans les limites de l'in- fraction prévue par la loi canadienne. On ne peut conclure des dépositions du requérant que l'infraction, dont il s'est avoué coupable, consistait en la transmission ou la livraison de lettres ou de circulaires par la poste. L'arbitre n'a pas tiré une telle conclusion. Elle a tout simplement conclu que l'infraction dont il avait été déclaré coupable aux États-Unis aurait constitué l'infraction prévue à l'article 339 du Code criminel, eût-elle été commise au Canada. En égard à la deuxième allégation d'er- reur faite par le requérant, l'enquête pourra reprendre devant un autre arbitre désigné, que le requérant y consente ou non. En ce qui concerne la dernière allégation, savoir que, vu l'accumulation des erreurs, il n'y a pas eu enquête en règle, les faits de la cause ne justifient pas un tel argument.
Arrêts mentionnés: R. c. Lavitch and Appel (1969) 69 W.W.R. 412; Button c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1975] C.F. 277; Pincheira c. Le procu- reur général du Canada [ 1980] 2 C.F. 265.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
B. Knazan et Mue Jackman pour le requérant. B. Evernden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Knazan, Jackman & Goodman, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: J'ai eu le privilège de lire les motifs du jugement de mon collègue le juge Ryan; je souscris à ces motifs ainsi qu'à la suite qu'il a réservée à cette demande fondée sur l'article 28. Je tiens seulement à développer l'un de ces motifs, celui qui touche au fait d'assimiler une infraction commise à l'étranger à une infraction prévue par la loi canadienne. La difficulté réside dans la détermination des limites de l'obligation faite à l'arbitre d'examiner si une infraction dont le re- quérant a été déclaré coupable à l'étranger consti- tue une infraction aux yeux de la loi canadienne.
Il est indéniable que si, en l'espèce, la preuve authentique de la condamnation prononcée aux États-Unis et la nature de l'infraction dont le
requérant a été déclaré coupable suffisaient à éta- blir que cette infraction, eût-elle été commise au Canada, constituait un acte criminel, il n'y aurait lieu à témoignage de vive voix de la part ni du requérant ni de qui que ce soit en la matière. En l'espèce, les preuves rapportées consistent dans l'expédition certifiée du jugement et de l'ordon- nance de mise à l'épreuve sous le chef, entre autres, [TRADUCTION] , «(Chef V) [d'] Utilisation du service postal des Etats-Unis aux fins d'escro- querie». Le chef d'accusation V n'était visiblement qu'un élément du réquisitoire et sans doute devait-il relater en détail la manière dont l'infrac- tion avait été commise. Puisque ces détails n'ont pas été rapportés en preuve, nous ne savons pas comment le service postal des États-Unis a été utilisé pour l'exécution de la manoeuvre d'escro- querie. Par ailleurs, a été produit en preuve un extrait du Titre 18, chapitre 63, article 1341 du Code des États-Unis, en application duquel la condamnation a été prononcée aux États-Unis. Cet article a été reproduit dans les motifs du jugement du juge Ryan. L'article 339 du Code criminel canadien a été également cité à l'enquête devant l'arbitre. Il est indéniable que cet article a un champ d'application beaucoup plus restreint que celui du Code des États-Unis: ce dernier prévoit qu'il y a infraction dès que quelque chose est mis à la poste en vue d'une manoeuvre d'escroquerie, alors que, d'après l'article 339, il y a infraction seulement en cas de lettres ou circulaires employées pour leurrer ou frauder le public.
La question qui se pose dès lors est de savoir dans quelle mesure l'arbitre a le droit d'ajouter à la preuve relative à l'infraction commise aux États-Unis en s'enquérant de la façon dont le requérant a commis cette infraction, afin de savoir si elle constituerait une infraction au Canada. Pour pouvoir appliquer l'article 19(2)a) au requérant, l'arbitre doit être convaincue, uniquement sur la foi des preuves à elle soumises et par elle admises, que les éléments, dont la preuve est absolument nécessaire pour la condamnation à l'étranger, constituent, l'infraction eût-elle été commise au Canada, «une infraction qui peut être punissable par voie d'acte d'accusation, en vertu d'une autre loi du Parlement, d'une peine maximale de moins de dix ans d'emprisonnement».
A mon avis, il ne lui suffit pas de se fonder uniquement sur la preuve authentique d'une con- damnation à l'étranger. Il faut qu'elle ait la preuve, tout d'abord, que les éléments essentiels de l'infraction punissable au Canada sont les mêmes que ceux de l'infraction punissable aux États-Unis, et ensuite, que les faits qui justifiaient les poursui- tes criminelles aux États-Unis, constitueraient au Canada les éléments d'une infraction punissable par voie d'acte d'accusation. Ce serait la meil- leure preuve, mais non la seule, sur laquelle elle puisse fonder sa décision.
Cependant, cette preuve n'a manifestement pas été produite en l'espèce, et, ainsi que l'a fait ressor- tir le juge Ryan, l'arbitre semblait conclure que les depositions du requérant sur ce qu'il avait fait n'avaient aucune importance. Vu les faits de la cause, j'estime qu'elle a eu tort. En l'absence de preuves authentiques montrant comment le requé- rant s'était servi de la poste aux fins d'escroquerie, l'arbitre aurait permettre à l'agent poursuivant de recueillir des témoignages de vive voix pour établir comment l'infraction avait été commise aux États-Unis, sans quoi elle n'aurait pu remplir con- venablement son obligation qui était de déterminer si l'article 19(2)a) s'appliquait au requérant. En l'espèce, l'agent poursuivant a essayé d'administrer une telle preuve par les dépositions du requérant. S'agirait-il d'une autre affaire, il pourrait l'établir par les dépositions d'autres témoins dignes de foi.
J'admets que, pour certaines infractions qu'on peut sommairement qualifier de malum in se, comme le meurtre, l'arbitre n'est pas tenue de se fonder sur une preuve aussi onéreuse pour remplir ses obligations. Habituellement, les faits donnant lieu à une condamnation pour un crime de ce genre constituent une infraction punissable au Canada. C'est dans le domaine des infractions créées par la loi, lesquelles peuvent être qualifiées d'infractions malum prohibitum par opposition aux infractions malum in se, que mes remarques ci-dessus sont
spécialement applicables.'
Il est d'autant plus nécessaire de permettre l'ad- ministration des preuves susmentionnées qu'en cas de condamnation dans des pays n'appliquant pas la common law, la procédure de poursuite peut être considérablement différente. Dans ces pays, la communication des détails de l'infraction repro- chée ou des éléments à établir n'est peut-être pas nécessaire, ou tout au moins n'est peut-être pas aussi stricte que dans les pays de common law. En conséquence, il peut s'avérer nécessaire d'établir des impératifs différents pour ce qui est d'établir que les infractions considérées sont constituées d'éléments parallèles dans l'une et l'autre part, ce qui, évidemment, peut requérir des témoignages de vive voix. 2
En résumé, la nécessité qu'il y a pour l'arbitre de déterminer si l'infraction, dont le requérant a été déclaré coupable, constituerait une infraction punissable au Canada, requiert, au moins dans le cas elle est définie au Canada dans des limites plus étroites qu'à l'étranger, l'appréciation des détails de l'infraction dont cette personne a été déclarée coupable. Il n'est ni possible ni souhaita- ble de définir de manière générale les impératifs applicables dans tous les cas. Il suffit de dire que la validité ou le bien-fondé de la sentence ne sont pas en cause et que l'arbitre était fondée à rejeter toute argumentation à ce sujet. Cependant, elle avait l'obligation de s'assurer que la condamnation en cause portait sur des agissements visés par l'article 19(2)a), ce qu'elle n'a pas fait.
Par ces motifs, et par les motifs prononcés par le juge Ryan, je statuerais sur cette demande comme il l'a fait lui-même.
* * *
' Voir Button c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1975] C.F. 277, à la page 284.
2 Comme le requérant se trouve déjà au Canada, il n'est pas nécessaire d'examiner quels effets la charge de la preuve prévue à l'article 8(1) peut avoir sur l'obligation de produire des preuves tendant à affirmer ou à nier l'applicabilité de l'article 19(2)a).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit en l'espèce d'une demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'exa- men et à l'annulation d'une ordonnance d'expul- sion rendue le 25 mars 1980 par l'arbitre P. J. Delaney contre le requérant Shane Gregory Brannson.
Voici la teneur de cette ordonnance d'expulsion:
[TRADUCTION] Par les présentes, j'ordonne votre expulsion en application de l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur l'immigration, parce que vous êtes une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent, qui pourrait se voir refuser l'autorisation de séjour du fait qu'elle fait partie d'une catégorie non admissible visée à l'alinéa 19(2)a) pour avoir été déclarée coupable d'une infraction commise à l'étran- ger, plus précisément que vous avez été déclaré coupable, le 20 novembre 1978,à Kansas City (Missouri), d'escroquerie au moyen du service postal des États-Unis en violation de l'article 1341, Titre 18, infraction qui, eût-elle été commise au Canada, serait punissable par voie d'accusation en vertu de l'article 339 intitulé Emploi du courrier pour frauder du Code criminel, d'une peine maximum de deux ans d'emprisonnement.
Une enquête a été tenue conformément à l'avis d'enquête décerné en application du paragraphe 27(4) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52. Dans cet avis, l'agent d'immigra- tion supérieur déclare avoir reçu une directive prévoyant l'ouverture d'une enquête, donnée con- formément au paragraphe 27(3) de la Loi 3 , ainsi que la copie d'un rapport concluant que [TRADUC- TION] «Shane G. Brannson est une personne visée par l'alinéa 27(2)a)» de la Loi.
L'alinéa 27(2)a) de la Loi porte: 27....
(2) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en posses sion de renseignements indiquant qu'une personne se trouvant au Canada, autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent,
3 Voici les paragraphes 27(3) et (4) de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976:
27....
(3) Sous réserve des instructions ou directives du Ministre, le sous-ministre saisi d'un rapport visé aux paragraphes (1) ou (2), doit, au cas il estime que la tenue d'une enquête s'impose, adresser à un agent d'immigration supérieur une copie de ce rapport et une directive prévoyant la tenue d'une enquête.
(4) L'agent d'immigration supérieur qui reçoit le rapport et la directive visés au paragraphe (3), doit, dès que les circonstances le permettent, faire tenir une enquête sur la personne en question.
a) pourrait se voir refuser l'autorisation de séjour du fait qu'elle fait partie d'une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c),
doit adresser à ce sujet un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre, à moins que la personne concernée n'ait été arrêtée sans mandat et détenue en vertu de l'article 104.
La catégorie des personnes non admissibles dont le requérant ferait partie est décrite à l'alinéa 19(2)a) que voici:
19....
(2) Ne peuvent obtenir l'admission, les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui
a) ont été déclarés coupables d'une infraction qui constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à l'étranger, une infraction qui peut être punissable par voie d'acte d'accusa- tion, en vertu d'une autre loi du Parlement, d'une peine maximale de moins de dix ans d'emprisonnement, à l'excep- tion de ceux qui établissent à la satisfaction du Ministre qu'ils se sont réhabilités et
(i) qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la date de l'expiration de leur peine, au cas l'auteur était âgé d'au moins vingt et un ans lors de la déclaration de culpabilité, ou
(ii) qu'au moins deux ans se sont écoulés depuis la date de l'expiration de leur peine, au cas l'auteur était âgé de moins de vingt et un ans lors de la déclaration de culpabilité;
L'avocat du requérant conclut à l'annulation de l'ordonnance d'expulsion en se fondant sur l'un quelconque des motifs suivants:
Il soutient que l'arbitre a commis une erreur de droit en décidant que si elle avait été commise au Canada, l'infraction dont le requérant a été déclaré coupable aux États-Unis «peut être punis- sable par voie d'acte d'accusation, en vertu d'une autre loi du Parlement, d'une peine maximale de moins de dix ans d'emprisonnement».
En deuxième lieu, il soutient que le requérant n'a pas consenti à ce que l'enquête fût reprise par un arbitre autre que celui qui l'a commencée, à la suite d'un ajournement ordonnée après que le re- quérant se fut prévalu du statut de réfugié au sens de la Convention.
En troisième lieu, l'avocat soutient qu'il n'y a pas eu enquête approfondie et proprement menée à cause d'une accumulation d'erreurs dont aucune, prise séparément, n'aurait été rédhibitoire.
L'enquête, commencée le 22 juin 1979 devant l'arbitre I. Healy, a été ajournée au 29 juin 1979. Le requérant était représenté à la reprise par M. Ramkissoon, membre d'un cabinet d'avocats de Toronto. L'enquête a été ajournée une seconde fois au 12 juillet 1979 pour permettre au requérant de préparer son dossier. A la reprise de l'enquête le 12 juillet 1979, le requérant, encore représenté par M. Ramkissoon, a été entendu. M. Ramkissoon a réclamé pour lui le statut de réfugié au sens de la Convention. Conformément au paragraphe 45(1) de la Loi, l'enquête s'est poursuivie. L'arbitre a conclu que les allégations portées contre le requé- rant ont été établies, ce qui revenait à décider que, n'eût été la prétention du requérant au statut de réfugié au sens de la Convention, une ordonnance d'expulsion ou de renvoi aurait été rendue contre lui. L'enquête a encore été ajournée en attendant une décision sur la conclusion du requérant au statut de réfugié.
Il appert que le Ministre a conclu que le requé- rant n'était pas un réfugié au sens de la Conven tion, et que la Commission d'appel de l'immigra- tion a rejeté une demande de réexamen de son statut de réfugié. A la suite d'une requête adressée à l'arbitre Paul J. Delaney par un agent d'immi- gration supérieur, conformément au paragraphe 46(1) de la Loi, l'enquête a été reprise le 7 mars 1980 devant cet arbitre. Après plusieurs ajourne- ments, l'arbitre a conclu, à l'audition du 25 mars 1980, qu'il lui fallait rendre une ordonnance d'ex- pulsion plutôt qu'un avis d'interdiction de séjour.
J'examine maintenant le premier argument du requérant, selon lequel l'arbitre I. Healey aurait commis une erreur de droit en concluant que le requérant était une personne visée par l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur l'immigration de 1976, en ce sens qu'il pourrait se voir refuser l'admission au Canada du fait qu'il faisait partie de la catégorie des personnes non admissibles que prévoit l'alinéa 19(2)a) de la Loi. En particulier, son avocat sou- tient que l'arbitre a commis une erreur en con-
cluant que, si elle avait été commise au Canada, l'infraction dont il a été déclaré coupable aux États-Unis, à savoir [TRADUCTION] «l'utilisation du service postal des États-Unis aux fins d'escro- querie», aurait été punissable par application de l'article 339 du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, qui vise l'«Emploi du courrier pour frauder». Cette erreur, si erreur il y avait, aurait vicié l'ordonnance d'expulsion rendue par M. Delaney.
Des preuves authentiques ont été produites, ainsi que les preuves testimoniales, à l'appui de l'alléga- tion que le requérant a été déclaré coupable aux États-Unis d'une infraction punissable par voie d'acte d'accusation si elle avait été commise au Canada.
Il a été versé au dossier un document daté du 20 novembre 1978 et intitulé [TRADUCTION] «Juge- ment et ordonnance de mise à l'épreuve» délivré par le tribunal fédéral du district de l'Ouest de l'État de Missouri. Il a été établi que ce document visait le requérant. On peut y lire notamment:
[TRADUCTION] Le défendeur a été déclaré coupablè des chefs d'accusation suivants: (Chef V) Utilisation du service postal des États-Unis aux fins d'escroquerie; (Chef XI) Utilisation des télécommunications inter-États aux fins d'escroquerie. Viola tion des articles 18:2, 18:1341 et 18:1343.
Ce document indique également que le défendeur a plaidé coupable.
Sous le chef d'accusation V, le requérant a été condamné à trois ans d'emprisonnement; sous le chef d'accusation XI, le tribunal a sursis à l'impo- sition de la peine et lui a imposé une période de mise à l'essai de quatre ans, à compter du jour de sa libération inconditionnelle de la peine prononcée sous le chef d'accusation V.
L'agent poursuivant n'a pas fait valoir la con- damnation du requérant pour «Utilisation des télé- communications inter-États aux fins d'escroque- rie». Il a déclaré ne pouvoir trouver aucune infraction correspondante dans le Code criminel du Canada.
A été également produit en preuve un extrait du Titre 18 du Code des États-Unis. L'article 1341, intitulé [TRADUCTION] «Fraude et escroquerie», fait partie du chapitre intitulé [TRADUCTION] «Chapitre 63. Escroquerie par voie postale». L'arti- cle 1341 porte:
[TRADUCTION] § 1341. Fraude et escroquerie
Quiconque, ayant ourdi ou ayant l'intention d'ourdir une manoeuvre ou ruse pour escroquer, pour obtenir de l'argent ou des biens par des déclarations ou promesses fausses ou fraudu- leuses, pour vendre, aliéner, prêter, échanger, modifier, céder, distribuer, fournir à des fins illicites, des pièces de monnaie, obligations, valeurs mobilières ou autres, fausses ou contrefai- tes, ou tout autre article présenté comme tel, en vue d'exécuter cette manoeuvre ou ruse, met à la poste quelque chose à envoyer ou à livrer par le service postal, ou le reçoit de celui-ci, ou provoque sciemment l'envoi postal de la chose à l'adresse qui y est indiquée ou conformément aux directives du destinataire, est passible d'une amende de $1,000 au maximum et d'une peine d'emprisonnement de cinq ans au maximum, ou l'une de ces deux peines seulement.
A été également versée au dossier la déclaration statutaire en date du 14 mai 1979 de l'agent d'immigration Scott Morris, qui déclare avoir interviewé le requérant le même jour, pour ajouter ce qui suit:
[TRADUCTION] M. Brannson m'a alors déclaré que, le 13 octobre 1978, à Kansas City (Missouri), il avait été condamné par le tribunal du district Ouest à trois ans d'emprisonnement pour escroquerie par voie postale. Il a aussi déclaré avoir purgé cinq mois de cette peine lorsqu'il s'évada le 25 avril 1979. Peu après, soit le 3 mai 1979, il était entré au Canada à Windsor (Ontario) à titre de visiteur. Il a également déclaré que cette escroquerie par voie postale portait sur quelque $250,000.00.
Le requérant a été interrogé par l'agent poursui- vant sur la nature de l'infraction pour laquelle il avait été condamné. A la question [TRADUCTION] «Qu'avez-vous fait pour être condamné?», il a répondu [TRADUCTION] «J'ai écrit un livre sur .. . J'ai écrit un manuel intitulé `Modern Solution to Age-Old Physical Problems' et je me suis servi du service postal pour en faire la publicité.» Il a aussi déclaré: [TRADUCTION] «Ce manuel était vendu par voie postale, grâce à la publicité.» Interrogé sur le prix de vente de ce manuel, il a répondu [TRA- DUCTION] «Le prix variait entre $5.00 et $9.95.»
D'autres questions lui ont été posées sur la manière dont il faisait la publicité de son livre. Voici ses dépositions à ce sujet:
[TRADUCTION] Q. OÎl avez-vous fait de la publicité pour votre livre?
R. Dans différentes villes des États-Unis. Je ne sais pas exactement lesquelles.
Q. Dans les journaux?
R. Oui.
Q. Dans des périodiques?
R. Seulement dans les journaux.
L'agent poursuivant a montré au requérant la déclaration statutaire de M. Morris et lui a demandé [TRADUCTION] «Dans cette déclaration statutaire, y a-t-il des points que vous contestez?» Voici la réponse du requérant [TRADUCTION] «Eh bien, je ne me suis pas évadé le 25 avril 1979, et je n'approuve pas le membre de phrase 1' `escroquerie ... portait sur quelque $250,000.00.'» Pressé de dire s'il avait mentionné un montant quelconque dans son entrevue avec M. Morris, il a répondu [TRADUCTION] «J'ai parler d'un chiffre quel- conque, mais je ne me le rappelle pas. Non ... Je peux présenter des documents qui montrent à com- bien s'élevait ce montant, mais je suis tout à fait sûr que ce n'était pas $250,000.00.»
Il échet donc d'examiner si l'arbitre a commis une erreur de droit en décidant que l'infraction dont le requérant avait été déclaré coupable aux États-Unis aurait été une infraction prévue à l'arti- cle 339 du Code criminel, si elle avait été commise au Canada.
On peut définir avec quelque précision l'infrac- tion dont le requérant a été déclaré coupable aux États-Unis. Il ressort du certificat de condamna- tion et de l'article 1341 du Titre 18 du Code des États-Unis, qu'il s'agit de l'infraction définie comme suit:
Quiconque, ayant ourdi ou ayant l'intention d'ourdir une manoeuvre ... pour escroquer ... en vue d'exécuter cette manoeuvre ... met à la poste quelque chose à envoyer ou à livrer par le service postal ... est passible d'une amende de $1,000 au maximum et d'une peine d'emprisonnement de cinq ans au maximum, ou l'une de ces deux peines seulement. [C'est moi qui souligne.]
L'article 339 du Code criminel porte:
339. Est coupable d'un acte criminel et passible de deux ans d'emprisonnement, quiconque se sert de la poste pour transmet- tre ou livrer des lettres ou circulaires concernant des projets conçus ou formés pour leurrer ou frauder le public, ou dans le dessein d'obtenir de l'argent par de faux semblants. [C'est moi qui souligne.]
L'article 339 a été interprété par la Cour d'ap- pel du Manitoba dans Regina c. Lavitch and Appel'. L'actuel article 339 portait alors le numéro 324. Rendant le jugement de la Cour, le juge Freedman (tel était alors son titre) s'est pro- noncé en ces termes à la page 414:
4 (1969) 69 W.W.R. 412.
[TRADUCTION] A mon avis, l'art. 324 prévoit deux infrac tions distinctes ....
Je conviens avec le juge Wilson que, sans faire partie de la Loi, la note marginale «Emploi du courrier pour frauder» donne une description précise et concise de l'objet de l'art. 324. La première infraction consiste à se servir de la poste pour envoyer des lettres ou circulaires concernant des projets conçus pour leurrer ou frauder le public. La seconde consiste à s'en servir pour obtenir de l'argent par de faux semblants. Théoriquement, cette dernière infraction peut avoir pour objet le public en général ou une personne en particulier. Elle n'est pas nécessai- rement commise au moyen de circulaires.
Cependant, l'emploi du courrier est un élément essentiel de la seconde infraction tout comme de la première ....
Il appert que l'infraction dont le requérant a été déclaré coupable n'est pas la seconde des deux infractions visées à l'article 339, savoir l'emploi du courrier pour obtenir de l'argent par de faux semblants. Selon l'article 1341 du Titre applicable du Code des États-Unis, constitue une infraction le fait d'envoyer par la poste quelque chose en vue d'un projet visant à obtenir de l'argent par de faux semblants. Cependant le requérant n'a pas été déclaré coupable de cette infraction.
Si elle avait été commise au Canada, l'infraction commise aux États-Unis eût-elle été la première des deux infractions prévues par l'article 339, à savoir «[l'emploi] de la poste pour transmettre ou livrer des lettres ou circulaires concernant des projets conçus ou formés pour leurrer ou frauder le public»?
Quoique l'arbitre, Mme Healy, ait permis à l'agent poursuivant d'interroger le requérant comme indiqué ci-dessus, il appert qu'elle n'avait cessé de penser qu'il n'était pas loisible au requé- rant de contester sa condamnation sur le fond. Pendant la plaidoirie de l'avocat du requérant, la Cour a fait savoir que Mme Healey avait raison sur ce point.
En l'espèce, les preuves portées à la connais- sance de la Cour comprennent le jugement et l'ordonnance de mise à l'épreuve ainsi que la défi- nition de l'infraction commise aux Etats-Unis; nous connaissons la définition de l'infraction invo- quée du côté canadien. A ce propos, je tiens à faire remarquer, que, lorsqu'il s'agit de déterminer si une infraction commise à l'étranger constitue une infraction prévue au Canada par un texte de loi canadien, il convient d'appliquer le principe sui- vant: Quels que soient les termes employés pour
désigner ces infractions ou pour les définir, il faut relever les éléments essentiels de l'une et de l'autre et s'assurer qu'ils correspondent. Naturellement, il faut s'attendre à des différences dans le langage employé pour définir les infractions dans les diffé- rents pays. Même en tenant compte de ce fait, je suis forcé de conclure que l'envoi ou la transmis sion de «lettres ou circulaires» est un élément essentiel de l'infraction invoquée du côté canadien. Nul ne peut être déclaré coupable de cette infrac tion s'il n'y a transmission ou livraison ni de lettres ni de circulaires.
Il s'ensuit qu'à mon avis, on ne saurait conclure de la définition de l'infraction dont le requérant a été déclaré coupable, qu'il s'agit de l'infraction prévue par l'article 339 du Code criminel. Pour qu'il y ait infraction au Canada, il faut qu'il y ait eu emploi du service postal pour transmettre ou livrer des lettres ou des circulaires.
En conséquence, je conclus que Mme Healy a commis une erreur de droit en se fondant sur la preuve produite pour conclure que l'infraction dont le requérant a été déclaré coupable constituerait une infraction à l'article 339 du Code criminel. A mon avis, il s'agit d'une erreur de droit car elle n'a pu parvenir à cette conclusion que par une interprétation erronée de l'article 339 du Code criminel ou de l'alinéa 19(2)a) de la Loi sur l'immigration de 1976, ou des deux à la fois, à la lumière des preuves sur l'infraction commise aux États-Unis. Naturellement, cette erreur a vicié la décision de M. Delaney.
En conséquence, j'annulerais la décision prise en vue d'une ordonnance d'expulsion ainsi que l'or- donnance d'expulsion elle-même.
Il conviendrait peut-être de souligner que dans les cas où, comme en l'espèce, la définition de l'infraction prévue par la loi étrangère est plus large que celle de l'infraction prévue par la loi canadienne, mais pourrait embrasser cette der- nière, il y aurait lieu d'autoriser l'admission de la preuve des détails de l'infraction pour laquelle l'intéressé a été condamné. Si, par exemple, le chef d'accusation (et de condamnation) retenu dans la poursuite intentée à l'étranger énumérait les détails de l'infraction, il y aurait lieu, à mon avis, de tenir compte de ces derniers pour établir que la
condamnation se rapportait à une infraction qui, eût-elle été commise au Canada, aurait été une infraction au sens de la loi canadienne. Il se pour- rait que ces détails ramènent cette condamnation dans les limites de l'infraction prévue par la loi canadienne.
C'est vrai que M. Brannson a été interrogé sur ce qu'il avait fait, mais sa condamnation dépend du ou des chefs d'accusation, non des preuves qui auraient pu être présentées s'il y avait eu procès. Eu égard aux éléments constitutifs de l'infraction, on ne peut conclure de ses dépositions que l'infrac- tion, dont il a plaidé coupable, consistait en la transmission ou la livraison de lettres ou de circu- laires par la poste. Il ressort du dossier que Mm» Healy n'a pas tiré une telle conclusion. D'après sa décision, vue à la lumière de ses observations antérieures sur l'inutilité des dépositions de M. Brannson concernant ce qu'il avait fait, elle a tout simplement conclu que l'infraction dont il avait été déclaré coupable aux Etats-Unis, telle qu'elle res- sort du jugement et dans l'ordonnance de mise à l'épreuve, aurait constitué l'infraction prévue à l'article 339 du Code criminel, eût-elle été com- mise au Canada. Je la cite:
[TRADUCTION] ... Les allégations faites contre vous ont été établies. Vous avez été condamné pour avoir employé le service postal des États-Unis dans l'exécution d'une manoeuvre d'escro- querie et pour avoir employé les télécommunications inter-États dans l'exécution d'une manoeuvre d'escroquerie, l'équivalent canadien du premier chef d'accusation étant l'infraction prévue à l'article 339 du Code criminel du Canada, sous le titre «Emploi du courrier pour frauder» ....
Il y aurait lieu de noter aussi qu'en l'espèce, les preuves portées à la connaissance de l'arbitre au sujet de l'infraction dont le requérant avait été déclaré coupable, étaient telles qu'il ne fallait pas se fonder sur les présomptions, à supposer même que, dans une affaire de ce genre, l'on puisse, dans certaines circonstances, recourir aux présomptions pour ce qui est de la loi étrangère s .
Ayant décidé l'annulation de l'ordonnance d'ex- pulsion, je renverrais l'affaire devant M. Delaney ou devant un autre arbitre à désigner par l'agent d'immigration supérieur compétent. Par ce renvoi,
5 Voir Button c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1975] C.F. 277, en particulier à la page 284.
l'enquête doit reprendre en l'état elle se trouvait au moment elle fut reprise le 7 mars 1980 devant M. Delaney. Il s'agit naturellement de l'en- quête prévue au paragraphe 27(4) de la Loi sur l'immigration de 1976 et ordonnée sur le compte du requérant.
A la reprise, l'arbitre devra se guider sur le fait que Mme Healy a commis une erreur de droit en décidant que l'infraction dont le requérant avait été déclaré coupable, constituerait l'infraction prévue à l'article 339 du Code criminel, si elle avait été commise au Canada. La nouvelle décision n'est pas définitive. Elle peut être modifiée après une enquête reprise conformément au paragraphe 46(1) de la Loi sur l'immigration de 1976. Citons à ce propos le passage suivant emprunté des motifs du jugement prononcés le 8 février 1980 par le juge Pratte dans Pincheira c. Le procureur général du Canada [[1980] 2 C.F. 265, la page 267]:
La conclusion à laquelle en arrive un arbitre au terme du premier stade d'une enquête ajournée conformément à l'article 45(1) n'est pas immuable; l'arbitre a le droit de la réviser à tout moment au cours de l'enquête et il a même le devoir de le faire s'il constate qu'elle est mal fondée ...
Eu égard à la deuxième allégation d'erreur faite par le requérant, je tiens à souligner que l'enquête pourra reprendre devant M. Delaney ou devant un autre arbitre désigné, que le requérant y consente ou non. Pour soutenir que le consentement de l'intéressé est nécessaire en cas de reprise d'en- quête conformément au paragraphe 46(1) de la Loi, l'avocat du requérant s'est fondé sur le para- graphe 35(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172. Voici ce que prévoit l'article 35:
35. (1) L'arbitre qui préside l'enquête peut l'ajourner à tout moment afin de veiller à ce qu'elle soit complète et régulière.
(2) L'enquête ajournée selon le présent règlement ou le paragraphe 29(5) de la Loi doit reprendre à l'heure et à l'endroit prescrits par l'arbitre présidant l'enquête.
(3) L'enquête ajournée selon la Loi ou le présent règlement peut, avec le consentement de la personne en cause ou lorsque aucune preuve réelle n'a été produite, être reprise par un arbitre autre que celui qui a présidé l'enquête ajournée.
(4) Lorsqu'une preuve réelle a été produite à une enquête ajournée et que la personne en cause refuse de consentir à la reprise de l'enquête par un arbitre autre que celui qui a présidé
l'enquête ajournée, il faut recommencer l'enquête.
Cet article du Règlement doit s'interpréter à la lumière du paragraphe 46(1) de la Loi même, lequel porte:
46. (1) L'agent d'immigration supérieur, informé conformé- ment au paragraphe 45(5) que la personne en cause n'est pas un réfugié au sens de la Convention, doit faire reprendre l'enquête, dès que les circonstances le permettent, par l'arbitre qui en était chargé ou par un autre arbitre, à moins que la personne en cause ne demande à la Commission, en vertu du paragraphe 70(1), de réexaminer sa revendication; dans ce cas, l'enquête est ajournée jusqu'à ce que la Commission notifie sa décision au Ministre.
Le paragraphe 46(1) est une disposition impéra- tive. L'enquête doit reprendre dans le cas prévu. Je ne peux concevoir que le paragraphe 35(3) du Règlement confère à l'intéressé le pouvoir d'empê- cher, par son refus, l'exécution d'une obligation prévue par la loi; à mon avis, il ne s'applique pas en l'espèce. Ce paragraphe du Règlement a un domaine d'application assez large à part le cas de la reprise d'enquête conformément au paragraphe 46(1) de la Loi.
Reste à examiner une dernière question. La troisième allégation d'erreur faite par l'avocat du requérant était que, vu l'accumulation des erreurs, il n'y a pas eu enquête en règle. A mon avis, les faits de la cause ne justifient pas un tel argument. Je me pencherai cependant sur l'un des points invoqués, attendu qu'il porte sur un fait survenu après l'ajournement accordé à la suite de la récla- mation du statut de réfugié, mais avant la reprise de l'enquête devant M. Delaney.
Au moment de l'ajournement, le requérant était en liberté sous caution. En fait, il l'avait été avant l'ajournement. Par la suite, il a été incarcéré de nouveau conformément au paragraphe 104(8) de la Loi. Il est établi que, pendant la longue période d'ajournement, il a été déclaré coupable de deux infractions au Code criminel, l'une consistant à frauder Bell Canada de quelque $15,000, l'autre à pénétrer dans une maison avec l'intention d'y com- mettre un acte criminel. Il appert que la détention s'expliquait plus ou moins par ces poursuites crimi- nelles, par le fait qu'il avait déménagé sans en informer les autorités compétentes et par le retrait de l'un des cosignataires de l'acte de cautionne- ment. Le requérant se plaint du défaut de notifica-
tion et de représentation aux procédures de dépôt. Le dossier est très insuffisant à cet égard. Le requérant a affirmé ne jamais savoir qu'il y avait une audition. Mais il n'y a pas suffisamment d'élé- ments dans le dossier pour permettre de conclure à une irrégularité. En tout cas, la détention n'a pas eu d'effet défavorable sur l'enquête elle-même. A la reprise de l'enquête, l'arbitre n'aura pas à se préoccuper de cette question, si jamais elle se pose.
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LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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