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T-4570-77
La Reine (Demanderesse)
c.
Kay Silver Inc. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, 24 novembre; Ottawa, 28 novembre 1980.
Douanes et accise Action en recouvrement de droits impayés et d'une pénalité contre la défenderesse La défen- deresse achetait les marchandises importées par l'intermé- diaire d'un agent auquel elle payait une commission de 10 p. 100 La défenderesse payait également une commission de financement de 81 p. 100 à son créancier, qui retenait le titre de propriété des marchandises en cause jusqu'à paiement intégral de la dette Le créancier versait directement à l'agent le prix d'achat plus la commission, puis facturait à la défenderesse ce total plus la commission de financement Il échet d'examiner si la défenderesse est tenue au paiement des droits sur la commission de financement et sur la commission payés au créancier Il échet d'examiner si la défenderesse est tenue à la pénalité = Action accueillie en partie Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, art. 41(1), 42(2), 192(1)c), 248.
La demanderesse réclame des droits impayés et une pénalité contre la défenderesse. Celle-ci reconnaît devoir des droits de douane sur les marchandises importées, au sujet desquelles elle a omis de déclarer qu'une partie contenait des appliqués, ou a omis d'inclure dans la valeur imposable la façon ou une com mission qu'elle avait payée. La défenderesse était l'acheteur au Canada des marchandises importées. L'exportateur apparent, Camden Trading Company, était en fait un agent de la défen- deresse et recevait pour ses services une commission égale à 10 p. 100 du prix d'achat. C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. (désignée ci-après Itoh) finançait les achats de la défenderesse à l'étran- ger moyennant une commission de 8 1 / 4 p. 100 des prélèvements faits sur les lettres de crédit. Itoh retenait le titre de propriété des marchandises jusqu'à parfait paiement des sommes dues, en garantie de la dette de la défenderesse. Camden Trading Com pany facturait à Itoh le prix des marchandises plus sa commis sion de 10 p. 100. Itoh facturait à son tour à la défenderesse la somme payée à Camden Trading Company plus sa commission de 8 1 / 4 p. 100. L'article 42(2) de la Loi sur les douanes prévoit qu'il faut ajouter à la valeur imposable le montant de la cause ou considération de tout arrangement spécial entre l'exporta- teur et l'importateur. Selon un mémorandum des Douanes, les paiements faits à un mandataire pour l'exécution de services normaux ne sont pas considérés comme des frais imposables, même si ce mandataire peut être l'exportateur enregistré aux fins des douanes. Il échet d'examiner si la défenderesse est tenue au paiement des droits sur la commission de 8 1 / 4 p. 100 et sur les frais d'inspection de 10 p. 100 payés à Itoh, et si elle est tenue à la pénalité revendiquée.
Arrêt: l'action est accueillie en partie. L'article 42(2) vise les arrangements spéciaux ayant pour effet de réduire la valeur réelle imposable des marchandises exportées. Les commissions payées par l'importateur à son acheteur en ce qui concerne des services rendus font partie du coût légitime entraîné par les
affaires qu'exerce l'importateur. Les frais de crédit n'ajoutent rien à la valeur imposable des marchandises. Itoh, même en conservant la propriété des marchandises jusqu'à paiement des sommes dues et en dépit du fait que Camden Trading Company facturait directement, ne peut être considérée comme l'acheteur ou l'importateur lorsqu'on analyse la véritable nature de la convention. Comme les frais d'inspection et les charges finan- cières ne peuvent être inclus dans valeur imposable et ne devraient pas être demandés, aucune pénalité ne peut être imposée relativement à ce montant. L'article 248(1) dispose que c'est à la personne qui avait l'obligation de respecter la Loi que revient la charge de la preuve. Pour qu'il y ait confiscation en vertu de l'article 192, il doit exister une intention de priver la Couronne de certains droits de douane. L'intention requise dans l'article 192 serait normalement implicite dans le fait que la déclaration relative à la valeur soit fausse, si la défenderesse n'apporte aucune preuve tendant à contredire une conduite ou une intention irrégulière. Rien dans la preuve administrée ne permet de conclure à une intention frauduleuse de la part de la défenderesse ou de ses agents. Lorsqu'une sous-évaluation aux fins de droits de douane a été établie, la défenderesse a l'obligation d'apporter quelque preuve valable de sa bonne foi et d'absence de conduite répréhensible de sa part. Il est imposé une pénalité égale à la somme des droits supplémentaires à payer.
Arrêt mentionné: R. c. Singer Manufacturing Co. [1968] 1 R.C.E. 129. Arrêt suivi: R. c. Mondev Corp. Ltd., T-866-72, 20 mars 1974.
ACTION. AVOCATS:
Françoise 011ivier et Gaspard Côté pour la
demanderesse.
Sidney Cutler pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Gliserman, Ackman, Cutler & Boidman, Montréal, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: L'espèce, une action dans laquelle la demanderesse demande de la défende- resse $14,196.21 à titre de droits demeurés impayés, ainsi qu'une somme semblable à titre de pénalité, a été instruite sur exposé conjoint des faits et du litige et sur pièces, déposés par les parties, sans qu'aucune preuve ne soit administrée, car le litige en est avant tout un ordre juridique, une question d'interprétation des articles 41(1) et 42(2), et de la clause pénale de l'article 192(1)c) de la Loi sur les douanes'.
' S.R.C. 1970, c. C-40.
Voici le texte (auquel j'ajoute mes paraphrases) des admissions faites:
1. La défenderesse admet les allégués contenus aux sous-paragraphes a), b) et c) du paragraphe 6 de la déclaration de la demanderesse, et admet en conséquence devoir des droits de douane, soit $1,152.12, quant au sous-paragraphe a), $58.83, quant au sous-paragraphe b), et $2,715.29 quant au sous-paragraphe c); (le sous-paragraphe a) était fondé sur le défaut de la part de la défende- resse de déclarer qu'une partie des marchandises importées contenaient des appliqués. Le sous-para- graphe b) se réfère au défaut d'inclure dans la valeur imposable d'une partie des marchandises importées la façon payée par la défenderesse et le sous-paragraphe c), au défaut d'inclure dans la valeur imposable des marchandises importées une commission de 10% que la défenderesse a payée à World Knits de New York).
2. La défenderesse admet la véracité du calcul mathématique représentant le montant que la demanderesse réclame en vertu du sous-paragra- phe d) du paragraphe 6, soit $10,270.27, mais nie devoir ledit montant, lequel est fondé sur les com missions de 8 1 / 4 % et les frais d'inspection de 10% que la défenderesse a payés à C. Itoh & Co. (Canada) Ltd.
3. La défenderesse nie être tenue de payer le montant réclamé à titre de pénalité, soit la somme de $14,196.21.
4. Les parties sont d'accord pour que tous les documents allégués sur leurs listes de documents soient produits de consentement. Ce qui fut fait sauf pour la pièce portant le 6, soit une copie du contrat intervenu entre Kay Silver Inc. et C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. le 19 septembre 1975, con- trat que la demanderesse n'a pu retrouver mais dont elle n'avait pas besoin pour que sa preuve soit concluante.
Les parties sont aussi tombées d'accord sur les faits suivants:
1. L'acheteur des marchandises en cause au Canada est la défenderesse Kay Silver Inc.;
2. Les factures douanières (M.A.) ont été émises à l'étranger par Camden Trading Company, l'expor- tateur apparent;
3. Le véritable statut de Camden Trading Com pany n'était pas celui de fournisseur de marchandi- ses, mais celui d'agent de la défenderesse, le tout suivant un contrat entre les parties en vertu duquel la défenderesse s'engageait à payer à Camden Trading Company une commission de 10% pour ses services;
4. C. Itoh & Co. (Canada) Ltd., par contrat avec Kay Silver Inc., s'est engagée à financer les achats de cette dernière à l'étranger au moyen de lettres de crédit émises en faveur de Camden Trading Company, à Hong Kong;
5. C. ltoh & Co. (Canada) Ltd., à titre de bailleur de fonds retenait le titre de propriété des marchan- dises importées par Kay Silver Inc. jusqu'à parfait paiement des sommes qui lui étaient dues;
6. Les factures douanières montrent comme ache- teurs soit, alternativement, Kay Silver Inc. ou C. Itoh & Co. (Canada) Ltd.;
7. La commission de 10% chargée par Camden Trading Company était remboursée à cette der- nière par C. Itoh & Co. (Canada) Ltd.;
8. C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. facturait à Kay Silver Inc. une commisson de 8 1 / 4 % libellée «Com- mission & Service Fee»;
9. Les factures commerciales étaient adressées par C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. à Kay Silver Inc. et incluaient le prix de la marchandise, la commission de 10% payée à Camden Trading Company le cas échéant et la commission de 8 1 / 4 % chargée, par C. Itoh & Co. (Canada) Ltd.
Au cours de l'audience la demanderesse a aussi reconnu fondée l'allégation suivante, apparaissant au paragraphe 13 de la défense:
[TRADUCTION] Que ladite Berncam ainsi que la défenderesse et les autres compagnies subsidiaires avaient éprouvé des diffi- cultés avec leurs banquiers, soit La Banque Toronto-Dominion, au cours de l'année 1975, lesdits banquiers ayant retiré leur appui financier à ladite Berncam et à la défenderesse.
La plupart des pièces produites portent sur les feuilles de travail de la demanderesse qui montrent comment les calculs des montants soi-disant dus et des pénalités ont été faits et la procédure suivie
pour réclamer leur paiement, y compris la décision ministérielle du 16 février 1978 selon laquelle, sur paiement de $28,393.02, la différence de la valeur confisquée des marchandises, évaluées par le Ministre à $397,732.21, serait remboursée.
Les montants en cause ne sont pas contestés et il n'est pas nécessaire d'en traiter plus longtemps. Comme pièces importantes produites, il y a la convention intervenue entre d'une part C. Itoh & Co. (Canada) Ltd., Kay Silver Inc. et al. d'autre part et Berncam International Industries Ltd., en troisième part, en date du 22 décembre 1975; la convention intervenue entre Camden Trading Ltd. et Kay Silver Inc., datée du 9 mai 1975; et deux pièces qu'a produites la défenderesse, soit une lettre de C. Itoh & Co. (Canada) Ltd., [ci-après appelée, à quelques reprises, Itoh] adressée à M. Lucien Mercier du Service des enquêtes, Douanes et Accise, en date du 5 juillet 1977 et une copie du memorandum D46-26 de Revenu Canada, Doua- nes et Accise, relatif au statut imposable des commissions.
Comme le montre la lettre du 5 juillet 1977 de ltoh à M. Lucien Mercier, de même que les aveux faits au procès, au printemps de 1975 La Banque Toronto-Dominion réclama le paiement de ses prêts au groupe de compagnies Berncam, auquel la défenderesse est associée, avec pour résultat que le groupe perdit son crédit et éprouva des difficultés à obtenir les fonds nécessaires à ses opérations. Itoh consentit alors à souscrire des lettres de crédit en faveur des agents du groupe Berncam à Hong Kong pour que les commandes faites par ses com- pagnies subsidiaires, y inclus la défenderesse, soient respectées. Le groupe Berncam serait res- ponsable du développement, de l'achat, de la livrai- son et de l'examen de la marchandise ainsi que de son importation, y compris de tous les frais, même des droits de douane. Les avances autorisées par les lettres de crédit Itoh seraient limitées à la valeur des marchandises de Hong Kong f.o.b., plus les frais d'inspection le cas échéant. Dans la lettre, Itoh dit n'être aucunement impliquée dans la fixa tion de la valeur ou dans les arrangements faits avec le pays d'origine. En retour de ce crédit, Itoh devait recevoir une commission de 8.25% des pré- lèvements faits sur les lettres de crédit, ses avances devant être remboursées dans les 90 jours de la
date du connaissement pour chaque prélèvement. La lettre rappelle que la valeur des marchandises au moment de l'importation n'est pas haussée par cette commission qui n'est qu'une charge finan- cière fournie en contrepartie des lettres de crédit, incluant le coût intérimaire (standby) du crédit pour la période de la fabrication et pour les 90 jours de délai à compter de la date du connaisse- ment, plus un coussin pour les frais généraux et d'administration. En guise de sûreté supplémen- taire, les compagnies Berncam transportèrent à Itoh ses comptes à recevoir provenant de la vente des vêtements importés en vertu desdites lettres de crédit et il fut stipulé qu'Itoh conserverait la pro- priété des vêtements tant que la dette ne serait pas entièrement remboursée. Les avocats d'Itoh l'avaient avisée que sa position, pendant que les vêtements demeuraient en transit, avant vente et expédition par les compagnies Berncam à leurs clients, serait précaire, aussi fut-il stipulé qu'Itoh
conserverait la propriété des marchandises jusqu'à paiement complet.
Cette lettre paraît confirmer le contenu de la convention conclue le 22 décembre 1975 par Itoh et le groupe de compagnies Berncam, y inclus la défenderesse en l'espèce, Kay Silver Inc. La demanderesse invoque le paragraphe 1 de la con
vention, que voici:
[TRADUCTION] Le garant* et les compagnies sont convenues que les marchandises et vêtements importés en vertu des lettres de crédit fournies par Itoh seront séparés des autres stocks des compagnies et ils reconnaissent qu'Itoh conservera la propriété de ces marchandises et vêtements qui ne passera pas au garant ni aux autres compagnies acheteuses avant paiement complet desdits marchandises et vêtements, aux risques de l'acheteur, sur acceptation de l'expédition, par un transporteur public, acceptation qui sera présumée constituer bonne delivrance.
La convention du 9 mai 1975, intervenue entre Kay Silver Inc. et Camden Trading Ltd., stipulait que Camden Trading Ltd. achèterait les vêtements au nom de Kay Silver Inc. à Hong Kong, les inspecterait, en vérifierait même l'emballage, et payerait les fabricants une fois assurée du respect des conditions des commandes. Camden Trading Ltd. s'occuperait aussi de toutes les mesures subsé- quentes nécessaires mais tout changement dans les conditions d'achats devrait être confirmé par Kay Silver Inc. En contrepartie Camden Trading Ltd.
* La Berncam International Industries Ltd. était le garant selon la convention.
recevrait de Kay Silver Inc. 10% du prix des marchandises achetées à Hong Kong. Dans les admissions produites, il est reconnu que Camden Trading Company n'était pas le fournisseur mais uniquement l'agent de la défenderesse Kay Silver Inc.; d'ailleurs cela ressort des stipulations de cette convention.
Il est aussi évident qu'Itoh n'achetait pas vrai- ment les marchandises ni ne les importait pour son propre compte pour les revendre à la défenderesse ou à une autre des compagnies Berncam. Si cela avait été le cas, la majoration aurait sûrement été supérieure au 8 1 / 4 % demandé pour le crédit fourni.
Ce qui semble avoir été à l'origine du problème, c'est que Camden Trading Ltd., au lieu d'agir par l'intermédiaire de son mandant, Kay Silver Inc., avait pris l'habitude de facturer à C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. le montant de la marchandise, plus un droit de 10%, ltoh facturant à son tour Kay Silver Inc. pour le montant de la facture payée à Camden Trading Ltd., ajoutant aussi son 8V/4% de commission. Pourquoi Camden Trading Ltd. a- t-elle adopté cette pratique au lieu de présenter le compte à son mandant, Kay Silver Inc., qui à son tour aurait demandé paiement d'Itoh, puisque c'était Itoh qui fournissait les fonds, demeure inex- pliqué; rien dans les conventions ne permet de découvrir une relation quelconque entre Camden Trading Ltd. et C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. Camden Trading Ltd. doit cependant avoir appris que c'était Itoh qui fournissait les fonds et lui a simplement présenté directement le compte.
Les articles 41(1) et 42(2) de la Loi sur les douanes se lisent comme suit:
41. (I) Nonobstant toute disposition de la présente loi, lorsque la valeur imposable déterminée selon les articles 36 40 est inférieure au montant auquel les effets ont été vendus à l'acheteur, au Canada, non compris les frais sur lesdits effets après leur expédition du pays d'exportation, la valeur imposable doit être le montant auquel les effets ont été vendus, moins le montant, le cas échéant, qui représente la diminution de la juste valeur marchande des effets entre le moment de l'achat et celui de l'exportation.
42....
(2) On doit ajouter à la valeur imposable, déterminée selon les articles 36 41, le montant de la cause ou considération ou de la valeur en argent de tout arrangement spécial entre l'exportateur et l'importateur, ou entre toutes personnes y
intéressées, en raison de l'exportation desdits effets, ou de leur exportation projetée, ou du droit à des limites territoriales en vue de leur vente ou utilisation.
Le mémorandum des douanes D46-26 se lit en partie comme suit:
Les fonctions normales d'un commissionnaire d'achat sont de faciliter l'achat, la documentation, l'inspection, l'expédition et le paiement des marchandises en se servant des fonds fournis par l'acheteur. Les paiements faits par les acheteurs au Canada à leurs mandataires pour l'exécution des services normaux d'un commissionnaire d'achat ne sont pas considérés comme des frais imposables, même si ce commissionnaire peut être l'expor- tateur enregistré aux fins des douanes.
Cependant, si un agent acquiert la propriété des marchandi- ses et devient un commettant dans la transaction, tous frais supplémentaires imputés à l'acheteur au Canada sont considé- rés comme faisant partie du montant pour lequel les marchan- dises ont été vendues et peuvent, en conséquence, être imposa- bles en vertu des dispositions de l'article 41(1).
Les deux parties se sont référées à l'appel de la Commission du tarif 1060, Woodward Stores Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et attisez, dans lequel, en vertu d'un arrangement fort semblable à celui en l'es- pèce, Woodward Stores Limited de Vancouver achetait des marchandises au Japon par l'intermé- diaire de son agent Amerex, lequel lui fournissait des services forts similaires à ceux fournis par Camden Trading Company en l'espèce. Pour résoudre le litige, la Commission a interpréter l'article 42(2) de la Loi sur les douanes (précitée). Amerex agissait comme exportateur et avait pré- paré les documents d'exportation; cependant on a cité une décision du président Jackett, alors juge à la Cour de l'Échiquier, dans l'affaire La Reine c. Singer Manufacturing Company', il a dit, aux pages 135 et 136:
[TRADUCTION] ... si un homme d'affaires au Canada com- mande des marchandises d'un fabricant des États-Unis pour qu'elles lui soient envoyées à sa place d'affaires au Canada, le fabricant américain devient l'exportateur et l'homme d'affaires canadien, l'importateur, indépendamment du fait que les mar- chandises aient été expédiées en vertu d'un contrat de transport qui attribue la possession, la propriété et le risque à l'acheteur alors que les marchandises sont encore aux États-Unis. Non seulement suis-je d'avis que c'est l'usage habituel de ces termes lorsque celui qui fait affaires au Canada est un Cana- dien qui ne quitte jamais le Canada et fait tous ses arrange ments par la poste, mais je pense aussi que celui qui fait affaires au Canada n'en est pas moins un importateur (et son fournisseur un exportateur) même s'il fait tous ses arrange ments relatifs aux marchandises qu'un fabricant américain lui
2 La Gazette du Canada, Partie I, 26 avril 1975, page 1574.
3 [1968] 1 R.C.É. 129.
envoie, au Canada, par l'intermédiaire d'une de ses succursales aux États-Unis. La caractéristique essentielle, à mon avis, c'est que l'exportateur est un résident d'un pays étranger qui expédie des marchandises au Canada et l'importateur, celui à qui elles sont envoyées au Canada.
Dans sa décision la Commission dit à la page 1580:
De l'avis de la Commission, l'opération exposée dans le présent appel a manifestement eu lieu entre un acheteur cana- dien, l'appelante, et un vendeur japonais, la Sakai Export Bicycle Co. Ltd. Il ne peut y avoir aucun doute que cette relation acheteur/vendeur a existé à partir du moment l'acheteur de l'appelante, M. Campbell, a convenu d'acheter les marchandises en litige jusqu'à ce qu'elles eurent été payées et expédiées du Japon. De plus, il est clair que les deux parties ont pleinement compris le rôle de l'Amerex dans l'opération, soit celui d'intermédiaire engagé par l'appelante pour faciliter l'achat, la documentation, l'inspection, l'expédition et le paie- ment des marchandises.
Cette opération simple n'aurait pas été soumise à la Commis sion si l'Amerex n'avait pas figuré sur les documents en tant que l'acheteur, pour le compte de la Woodward, des marchan- dises en provenance de la Sakai, en tant que l'auteur des factures adressées à l'appelante, le tireur d'une lettre de change, l'expéditeur inscrit sur un connaissement et l'exporta- teur des marchandises sur la formule M-A des douanes cana- diennes. Par ces actions, l'Amerex est devenue l'exportateur inscrit aux fins de la Loi sur les douanes.
La Commission jugea que l'article 42(2) ne s'ap- pliquait pas puisque la convention intervenue entre Woodward's et Amerex n'était pas «un arrange ment spécial» au sens de cet article, lequel vise les arrangements spéciaux ayant pour effet de réduire la valeur réelle imposable des marchandises expor- tées. L'arrangement fut jugé normal. A la page 1581 la Commission dit:
Les commissions payées par l'importateur à son acheteur en ce qui concerne des services rendus font partie du coût légitime entraîné par les affaires qu'exercent l'importateur; tout comme les frais de voyage des acheteurs ou l'entretien de bureaux d'achat à l'étranger sont des coûts d'importation légitimes.
Rien aux articles 36 44 ne donne à entendre que les frais d'achat d'un importateur doivent être compris dans le calcul de la valeur imposable.
La Commission conclut à la même page:
De l'avis de la Commission, l'arrangement conclu entre l'appelante et l'Amerex semble avoir été un arrangement normal en vue de la manutention des marchandises en litige, et le coût de cet arrangement, sous la forme d'une commission payée à l'Amerex, semble constituer des frais d'achat normaux. La mention du nom de l'Amerex sur les documents d'exporta- tion fait d'elle l'exportateur aux fins des douanes, mais ne change son rôle d'aucune façon en tant que représentant. Il n'a été présentée aucune preuve que les services de l'Amerex aient été autre chose que ceux d'un représentant agissant au nom d'un importateur ....
J'ajouterais que cette décision, à laquelle je souscris, est entièrement dans la ligne du mémo- randum D46-26 (précité) de douanes et accise relatif aux commissions d'achat (précité).
Les frais de crédit de C. Itoh & Co. (Canada) Ltd. tombent dans la même catégorie et n'ajoutent rien à la valeur imposable des marchandises. C. Itoh & Co. (Canada) Ltd., même en conservant la propriété des marchandises jusqu'à paiement de ce que lui devait Kay Silver Inc., afin de garantir les sommes qu'avançaient les lettres de crédit et la commission que Camden Trading Company perce- vait pour ses services, et même en dépit du fait que Camden Trading Company facturait directement, ne peut être considérée comme l'acheteur ou l'im- portateur lorsqu'on analyse la véritable nature de la convention.
J'examine maintenant la question de la pénalité. Comme j'ai déjà jugé que les $10,270.27 réclamés par suite des calculs faits conformément au sous- paragraphe d) du paragraphe 6, pour les frais d'inspection de 10% de Camden Trading Company et les charges financières de 8 1 / 4 % de C. Itoh & Co. (Canada) Ltd., ne peuvent être inclus dans la valeur imposable et ne devraient pas être deman dés, aucune pénalité ne peut être imposée relative- ment à ce montant. Toutefois il reste à savoir si, en général, une pénalité peut à bon droit être exigée conformément à l'article 192(1)c) de la Loi sur les douanes et si cela s'applique aux autres droits supplémentaires que la défenderesse reconnaît maintenant devoir conformément aux sous-para- graphes a), b) et c) du paragraphe 6 de la déclaration.
Voici le texte dudit article 192(1)c):
192. (1) Si quelqu'un
c) tente, de quelque manière de frauder le revenu en évitant de payer les droits ou quelque partie des droits sur des marchandises de quelque valeur que ce soit;
ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confis- quées, ou, si elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur établie de ces marchandises, cette remise devant être faite sans faculté de recouvrement dans le cas de contraventions prévues à l'alinéa a).
On notera que l'article apparaît dans une section de la Loi intitulée «Contrebande». Les alinéas a) et b) portent sur la contrebande, sur l'introduction clandestine de marchandises au Canada et sur les
tentatives de faire passer à la douane des factures fausses, forgées ou frauduleuses. L'alinéa c) parle de «[tentative] de frauder le revenu>. Tout cela laisse supposer l'existence de ce qu'en droit pénal on appelle l'élément moral, la «mens rea». Cepen- dant, l'article 248 (1) de la Loi dispose que c'est au propriétaire des marchandises, à celui qui les réclame ou à la personne qui avait l'obligation de respecter la Loi que revient la charge de la preuve, de sorte que la jurisprudence a interprété étroite- ment ces articles de la Loi. Dans l'affaire, non publiée, La Reine c. Mondev Corporation Limited, du greffe T-866-72, un jugement daté du 20 mars 1974, le juge Addy fait une revue fort exhaustive de la jurisprudence en la matière, quoi- que la pénalité impliquée ait été de $35.76 unique- ment, pour une dette de $60.76, reconnue par la défenderesse, sur une réclamation totale de $21,283.87. Dans cette affaire, c'est l'alinéa b) du paragraphe 192(1), relatif à l'établissement d'une facture fausse, qui était en cause. Aux pages 10 et 11 de son jugement, le juge Addy dit:
Tous [ces mots] impliquent quelque chose de frauduleux, quel- que chose de furtif ou une intention de priver la Couronne d'un revenu. De l'élément de fraude contenu dans toutes et chacune de ces expressions, il ressort que le Parlement a voulu inclure dans le mot «fausse» un élément d'intention repréhensible et n'a pas voulu que ce mot soit un simple synonyme d'«incorrecte» ou d'oerronée». Par conséquent, il semble que pour qu'il y ait confiscation en vertu de l'article 192, il doit exister, de la part d'une personne, une intention de priver la Couronne de certains droits de douane. Sans rapport aucun avec l'article 248 de la Loi, lequel a trait au fardeau de la preuve, l'intention requise dans l'article 192 serait normalement implicite dans le simple fait que la déclaration relative à la valeur soit fausse, si la défenderesse n'apporte aucune preuve tendant à contredire ou nier une conduite ou une intention volontairement frauduleuse ou irrégulière de la part de l'importateur de marchandises.
En l'espèce, bien qu'il n'y ait aucune preuve qui explique pourquoi les déclarations des agents de la défenderesse relatives aux sous-paragraphes a), b) et c) du paragraphe 6 de la déclaration de la demanderesse ne disent pas qu'une partie des mar- chandises contenait des appliqués, ce qui évitait de payer des droits de $1,152.12, pourquoi elles n'in- cluent pas, dans la valeur imposable d'une partie des marchandises, la façon payée par la défende- resse, évitant ainsi des droits de $58.83, et pour- quoi elles n'incluent pas non plus, dans la valeur imposable d'une partie des marchandises, la com mission de 10% payée à World Knits de New York aux États-Unis, évitant par des droits de $2,715.29, il apparaît hautement improbable que
dans des déclarations impliquant un total de $261,- 264.17, l'omission d'expliquer des inexactitudes comparativement mineures, n'autorisant de récla- mer que des droits supplémentaires relativement peu importants, ont été irrégulièrement faites, avec intention de réduire les droits payables. La deman- deresse soutient que ces omissions, que reconnaît la défenderesse, montrent que de fausses factures ont été faites au moins en ce qui concerne certaines marchandises et que cela vicie toutes les déclara- tions, constituant une tentative de ne pas payer une partie des droits; je ne saurais cependant conclure que ces omissions, par les agents de la défenderesse, dans quelques-unes seulement des déclarations (et il y avait un grand nombre de déclarations) révèlent une intention générale de frauder, qu'il ne s'agit pas au contraire de simples inexactitudes d'écriture, faites de bonne foi. Rien dans la preuve administrée ne permet de conclure à une intention frauduleuse de la part de la défen- deresse ou de ses agents. Mais dans l'affaire dont il était saisi, le juge Addy a conclu, à la page 11:
En l'espèce, bien que l'exposé de la défense fasse valoir l'innocence de l'intention et l'existence d'une erreur involontaire de calcul, aucune preuve n'a été apportée au procès sur ce en quoi consistait cette erreur et sur la façon dont elle s'est produite; de plus, la défenderesse n'a pas tenté d'établir sa bonne foi ou son absence d'intention de sous-évaluer; la simple déclaration, sans plus, qu'il y avait eu erreur de calcul, n'est pas suffisante. Même si la preuve de bonne foi ou d'intention innocente exempterait une personne de l'application de l'article 192, il est clair à mes yeux que lorsqu'une sous-évaluation aux fins de droits de douane a été établie, la défenderesse a l'obligation d'apporter quelque preuve valable de sa bonne foi et d'absence de conduite répréhensible de sa part.
Je maintiens donc la pénalité.
J'en viens à la même conclusion pour ce qui est des trois montants que la défenderesse reconnaît maintenant devoir, soit un total de $3,926.24; aussi une pénalité d'un montant semblable pourra à bon droit être imposée conformément à la politique qu'a adoptée le Ministre d'abandonner la demande de confiscation mais d'imposer une pénalité égale à la somme des droits supplémentaires à payer.
Jugement sera donc rendu sur cette base, en faveur de la demanderesse, pour $7,852.48, avec les dépens d'une action de ce montant.
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