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T-5794-79
Aldo Piccinin et Ginette Tremblay (Piclo Enrg: Piclo Reg'd) (Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé— Montréal, 19 juin; Ottawa, 16 juillet 1980.
Couronne Contrats Action de distributeurs grossistes des billets de Loto Canada en dommages-intérêts pour la résiliation prétendue illicite de leur contrat Contrat réputé résilié, selon son art. 21, si une mesure quelconque prise en vertu de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, a pour effet de liquider la société Il échet d'examiner si une résolution unanime des actionnaires ordonnant la liquidation, est une semblable mesure Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, S.C. 1974-75-76, c. 33, art. 204(3).
Des distributeurs de billets de Loto Canada, des grossistes, ont intenté cette action en dommages-intérêts, lesquels découle- raient de la résiliation prétendue illicite, le 31 décembre 1979, de leur contrat, qui devait avoir effet du 1»" avril 1979 au 31 mars 1982. L'article 21 du contrat stipule, entre autres choses, que si Loto Canada fait l'objet d'une liquidation en vertu de quelque mesure, quelle qu'elle soit, prise en application de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, et qui aurait pour effet d'opérer sa liquidation, le contrat sera alors résilié et le grossiste ne pourra faire valoir le contrat contre Loto Canada ou Sa Majesté. Il échet d'examiner si une «Résolution unanime des actionnaires», adoptée le 21 août 1979 et invitant le conseil d'administration de Loto Canada à commencer, méthodique- ment, les opérations de liquidation de la société, et ce immédia- tement, constitue une telle mesure.
Arrêt: l'action est rejetée. Selon le paragraphe 204(3) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, «la société peut prononcer sa liquidation et sa dissolution par résolution spéciale des actionnaires». Il est donc clair qu'une résolution spéciale de l'actionnaire du conseil d'administration de Loto Canada est un acte en application des dispositions de la Loi qui prononce la liquidation de Loto Canada: elle invite le conseil à commencer immédiatement, méthodiquement, la liquidation de ses activités.
ACTION. AVOCATS:
D. W. Seal, c.r., Leonard E. Seidman et Gerald Barry pour les demandeurs.
B. Bierbrier et P. Coderre, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Seal & Associates, Montréal, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DuBÉ: Des distributeurs de billets de Loto Canada pour la région de Montréal, des grossistes, ont intenté cette action en dommages- intérêts, lesquels s'élèveraient à $184,000 et décou- leraient de la résiliation prétendue illicite, le 31 décembre 1979, de leur contrat, qui devait avoir effet du ler avril 1979 au 31 mars 1982.
Les demandeurs soutiennent que la cessation de la loterie nationale, des activités de Loto Canada Inc. («Loto Canada») et la résiliation consécutive des droits des demandeurs de distribuer des billets de loterie et d'en retirer un revenu constitue une inexécution manifeste par la défenderesse de ses obligations conventionnelles, vu notamment que le contrat stipule un terme certain.
La défenderesse soutient que, d'après les stipula tions du contrat, Loto Canada n'avait aucune obli gation de procéder à un nombre quelconque de tirages au cours de sa durée, ni de fournir aux demandeurs telle ou telle quantité de billets de loterie, si on prend en compte que le contrat réservait à Loto Canada le droit subjectif, et dis- crétionnaire, de vendre ses billets directement aux détaillants ou aux clients du secteur alloué aux demandeurs sans aucune indemnité pour ceux-ci.
Elle soutient en outre que Loto Canada n'a aucune obligation, expresse ou tacite, selon le con- trat, de poursuivre ses activités pendant toute sa durée. Dans la modification qu'elle apporte sa défense, produite à l'ouverture de l'audience, elle ajoute le paragraphe suivant:
[TRADUCTION] 14 a). En fait les actionnaires de Loto Canada Inc., dans une résolution unanime du 21 août 1979, adoptée sur le fondement de l'article 204(3) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, invite le conseil d'administration de la société à engager immédiatement et méthodiquement la liquidation de ses activités.
Le contrat stipule que Piclo Enrg. sera l'unique grossiste chargé de la distribution des billets de loterie dans le secteur 34, lequel inclut la Ville de Montréal. Son article 2 prévoit qu'il lie les parties pour trois ans, à compter du 1" avril 1979, jus- qu'au 31 mars 1982, moins qu'il ne soit résilié auparavant en vertu d'une autre de ses stipula tions. Selon l'article 3 Loto Canada peut, à tout moment, remplacer, réduire, élargir ou autrement
modifier le secteur, sans que le grossiste ait quel- que recours. L'article 4 dispose qu'un seul gros- siste, exclusivement, est nommé par secteur mais que Loto Canada se réserve le droit, absolu, de vendre ses billets directement aux détaillants ou aux clients qui s'y trouvent, sans indemnité pour le grossiste. L'article 6 dit que c'est Loto Canada qui imprime les billets et en assure la distribution.
L'article 13 déclare qu'en cas de résiliation ou de non-renouvellement du contrat, le grossiste n'aura droit à aucune indemnité ni remboursement ni dommages-intérêts de la part de Loto Canada pour manque à gagner, frais, etc. L'article 17 signale que ni l'une ni l'autre partie ne seront liées par des déclarations, promesses ou stipulations qui ne seraient pas expressément énoncées dans le contrat.
L'article 21 qui, à mon avis, est crucial pour la solution du litige, stipule que si Loto Canada fait l'objet d'une liquidation en vertu d'une loi fédérale, ou d'un règlement, ou de quelque autre mesure, quelle qu'elle soit, prise en application de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, S.C. 1974-75-76, c. 33, S.C. 1978-79, c. 9, et qui aurait pour effet d'opérer sa liquidation, la convention sera alors résiliée et le grossiste ne pourra faire valoir le contrat contre Loto Canada ou Sa Majesté la Reine. Voici le texte de cette stipula tion fondamentale:
21. Dans l'éventualité où, suite à la signature du présent contrat, une Loi du Parlement du Canada était promulguée, un règlement adopté ou une mesure quelconque prise en vertu de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes qui aurait pour effet de liquider Loto Canada Inc., le présent accord serait réputé résilié. Le Grossiste ne pourra alors invoquer ledit contrat dans une réclamation contre Loto Canada Inc. ou Sa Majesté la Reine du chef du Canada.
Il est notoire que le Parlement du Canada n'a adopté aucune loi de liquidation de Loto Canada ni qu'aucun règlement à cet effet n'a été pris mais la défenderesse soutient qu'une mesure a été prise sur le fondement de la Loi sur les sociétés com- merciales canadiennes, laquelle a eu pour effet d'opérer la liquidation de Loto Canada.
Au début de l'audience l'avocat de la défende- resse a produit un acte intitulé [TRADUCTION] «Résolution unanime des actionnaires», signé par le secrétaire d'État et le ministre d'État à la santé, au sport amateur et au multiculturalisme. Le secré-
taire social a certifié l'acte comme copie conforme d'une résolution adoptée le 21 août 1979. Par cette résolution l'actionnaire invite le conseil d'adminis- tration de Loto Canada à commencer, méthodi- quement, les opérations de liquidation de la société, et ce immédiatement.
L'avocat de la défenderesse prétend à bon droit que ladite résolution constitue bien une «mesure quelconque» prise en application de la Loi précitée et ayant pour effet d'opérer la liquidation de Loto Canada. Selon le paragraphe 204(3) de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes, modifié «la société peut prononcer sa liquidation et sa dissolu tion par résolution spéciale des actionnaires ...». Il est donc clair qu'une résolution spéciale de l'ac- tionnaire du conseil d'administration de Loto Canada est un acte en application des dispositions de la Loi qui prononce la liquidation de Loto Canada: elle invite le conseil à commencer immé- diatement, méthodiquement, la liquidation de ses activités.
Les demandeurs se voient ainsi interdire de réclamer des dommages-intérêts à Loto Canada ou à Sa Majesté la Reine. Il n'est donc pas nécessaire dans les circonstances de traiter des autres moyens de défense qu'a fait valoir la Couronne en l'espèce.
L'action est rejetée mais vu la production tar- dive de la modification de la défense et celle de la résolution de Loto Canada, décisive pour le règle- ment du litige, (elle n'apparaissait pas sur la liste des pièces de la défenderesse)' aucun frais ne sera taxé aux dépens des demandeurs.
' On a appelé l'attention de l'avocat de la Couronne sur l'existence de cet acte que le 12 juin 1980; il en informa alors immédiatement le procureur des demandeurs.
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