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A-334-80
La Reine (Requérante)
c.
Christian Larsen (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Ryan et Le Dain— Ottawa, 25 septembre et 31 octobre 1980.
Examen judiciaire Fonction publique Demande d'an- nulation de la décision par laquelle le Comité d'appel a décidé que la Commission de la Fonction publique devait nommer l'intimé à un autre poste Le sous-chef avait recommandé le renvoi de l'intimé pour cause d'incompétence Il y avait à déterminer si le Comité a excédé ses pouvoirs Demande accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. art. 28 Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 31(1),(2),(3),(4),(5).
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
R. W. Côté pour la requérante. J. D. Richard, c.r. pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la requérante.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PRATTE: La requérante demande l'an- nulation d'une décision prononcée suivant le para- graphe 31(3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonc- tion publique, S.R.C. 1970, c. P-32, par un Comité
d'appel établi par la Commission de la Fonction publique.'
L'intimé était employé par le ministère de l'Ex- pansion économique régionale lorsqu'il fut prévenu que le sous-chef du Ministère, conformément au paragraphe 31(1) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, avait recommandé son renvoi pour cause d'incompétence. Se prévalant du droit d'appel que lui conférait le paragraphe 31(3), l'in- timé appela de cette recommandation à un Comité établi par la Commission de la Fonction publique. Au terme de son enquête, ce Comité exprima ses conclusions dans une longue décision prononcée le 9 mai 1980. On peut résumer l'essentiel de ces conclusions de la façon suivante:
(1) Le sous-chef du Ministère a raison de dire que l'intimé est incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste.
(2) L'intimé serait cependant capable de remplir d'autres fonctions; si, malgré cela, le sous-chef a recommandé son renvoi plutôt que sa mutation, c'est uniquement parce que, à ce moment-ci, il
' Aussi bien citer tout de suite l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique:
31. (1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou qu'il est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'em-
ployé soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
(2) Le sous-chef doit donner à un employé un avis écrit de toute recommandation visant la nomination de l'employé à un poste avec un traitement maximum inférieur ou son renvoi.
(3) Dans tel délai subséquent à la réception de l'avis mentionné au paragraphe (2) que prescrit la Commission, l'employé peut en appeler de la recommandation du sous- chef à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
(4) S'il n'est interjeté aucun appel d'une recommandation du sous-chef, la Commission peut prendre, relativement à cette recommandation, la mesure qu'elle estime opportune.
(5) La Commission peut renvoyer un employé en confor- mité d'une recommandation formulée aux termes du présent article; l'employé cesse dès lors d'être un employé.
n'existe pas au sein du Ministère de poste vacant que l'intimé ait la compétence de remplir.
(3) Dans ces circonstances, la Commission de- vrait, plutôt que de renvoyer l'intimé, le nommer à un autre poste.
C'est cette décision que la requérante veut au- jourd'hui faire annuler au motif que le Comité aurait excédé ses pouvoirs en ordonnant que l'in- timé soit nommé à un autre poste.
La seule question à résoudre est donc celle de savoir si, en vertu de l'article 31, un Comité saisi d'un appel d'une recommandation de renvoi a le pouvoir d'ordonner que l'employé incompétent soit nommé à un autre poste.
La dernière phrase du paragraphe 31(3) réfère de façon indirecte aux décisions qu'un Comité d'appel est habilité à prendre:
La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
En l'espèce, l'auteur de la décision attaquée a interprété ce texte comme lui conférant le pouvoir de rendre l'une ou l'autre de trois décisions:
1. ordonner qu'on ne donne pas suite à la recommandation,
2. ordonner qu'on nomme l'employé à un autre poste, ou
3. ordonner que l'employé soit renvoyé.
Cette interprétation ne doit pas, à mon avis, être retenue. La dernière phrase du paragraphe 31(3) ne décrit pas les décisions qu'un Comité peut rendre; elle prescrit plutôt ce que doit faire la Commission suite à la décision du Comité. Or, cette décision peut soit faire droit à l'appel, soit le rejeter. C'est à ces deux hypothèses que réfèrent les alinéas 31(3)a) et b). Si le Comité fait droit à l'appel, la Commission doit, suivant l'alinéa a), «avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation»; si le Comité rejette l'appel, la Commission doit alors, comme le dit l'alinéa b), donner suite à la recommandation faite par le sous-chef soit en renvoyant l'employé, soit en le nommant à un poste inférieur selon la
nature de la recommandation.
L'interprétation que la décision attaquée a donnée au paragraphe 31(3) conduit, de plus, à des conséquences qui me paraissent absurdes. En pre mier lieu, cette interprétation habiliterait un Comité d'appel à donner des ordres dont l'exécu- tion serait, en bien des cas, impossible. En effet, la Commission ne peut faire une nomination (et, par conséquent, ne peut muter un employé) qu'à la condition qu'il y ait un poste vacant que les auto- rités du ministère concerné lui demandent de com- bler. La Loi ne prévoit pas que la Commission puisse, à sa guise et de sa propre initiative, créer de nouveaux postes ou combler ceux qui sont vacants. Cette interprétation aurait aussi pour conséquence que, dans le cas le Comité ordonnerait qu'un employé incompétent soit muté plutôt que renvoyé, cet employé devrait, malgré son incompétence, conserver son poste aussi longtemps qu'on ne lui en aurait pas trouvé un autre.
Pour ces motifs, je ferais droit à la demande, je casserais la décision attaquée et je renverrais l'af- faire au Comité pour qu'il la décide en prenant pour acquis que, en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, un Comité saisi d'un appel d'une recommandation de renvoi n'a pas le pouvoir d'ordonner que l'employé con cerné soit nommé à un autre poste.
* * *
LE JUGE RYAN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
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