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T-4882-80
Jose Augustin Vega Chacana (Requérant) c.
La Commission d'appel de l'immigration et A. B. Weselak, B. M. Suppa et W. Hlady en leur qualité de membres de ladite Commission (Intimés)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Jerome—Toronto, 17 novembre; Ottawa, 21 novembre 1980.
Pratique Requête tendant à la délivrance d'un bref de mandamus qui enjoindrait aux intimés de prendre en considé- ration une demande de réexamen de revendication du statut de réfugié et d'un bref de certiorari qui annulerait l'ordonnance par laquelle la Commission a rejeté ladite demande La Commission a ordonné le rejet de la demande pour défaut de compétence, puisque celle-ci n'avait pas été déposée dans le délai prescrit Il y avait à déterminer si, au sens de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, la Commission avait rendu une décision, auquel cas l'affaire relevait de la Cour d'appel, ou si l'affaire relevait bien du juge de première instance en vertu de l'art. 18 Requête rejetée puisque la décision de la Commis sion était bien une décision aux fins de l'art. 28 Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 71(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18, 28.
Distinction faite avec l'arrêt: Le procureur général du Canada c. Cylien [1973] C.F. 1166.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
G. W. Bell pour le requérant. G. R. Garton pour les intimés.
PROCUREURS:
Parkdale Community Legal Services, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente requête tend à la délivrance d'un bref de mandamus qui enjoindrait aux intimés de prendre en considération, en vertu de l'article 71(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, une demande de réexamen, et d'un bref de certiorari qui annulerait l'ordonnance par laquelle, le 22 septembre 1980, la Commission d'appel de l'immigration a rejeté ladite demande.
La décision de la Commission d'appel de l'immi- gration est brève et porte ce qui suit:
[TRADUCTION] Il s'agit d'une demande de réexamen de revendication du statut de réfugié au sens de la Convention déposée par Jose Agustin [sic] Vega CHACANA conformément à l'article 70 de la Loi sur l'immigration de 1976.
Dans une lettre datée du 22 mai 1980, le Ministre a, en vertu du paragraphe 45(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, avisé le requérant qu'il n'était pas, selon la définition du paragraphe 2(1) de ladite Loi, un réfugié au sens de la Convention. Il ressort de l'affidavit de signification que cette lettre a été envoyée au requérant, en recommandé, le 16 juin 1980. Il ressort également du dossier que ce dernier a déposé sa demande de réexamen de revendication du statut de réfugié au sens de la Convention le 24 juin 1980.
Le paragraphe 40(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, tel qu'il était au mois de juin 1980, prévoyait qu'une demande de réexamen doit être déposée dans un délai de sept jours après que le requérant a été informé du refus du Ministre.
Le paragraphe 70(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 est ainsi conçu:
«70(1) La personne qui a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention et à qui le Ministre a fait savoir par écrit, conformément au paragraphe 45(5), qu'elle n'avait pas ce statut, peut, dans le délai prescrit, présenter à la Commis sion une demande de réexamen de sa revendication.»
L'article 81 de la Loi sur l'immigration de 1976 dispose également que:
«81 La personne qui désire interjeter appel à la Commission doit donner avis de cet appel dans la forme et le délai prescrits par les règles de la Commission.»
La Règle 5 des Règles de la Commission d'appel de l'immi- gration (1978) est ainsi rédigée:
«5. Si la signification se fait par courrier recommandé, la date de mise à la poste est la date effective de signification.» Le paragraphe 25(6) de la Loi d'interprétation, 1967-68, c.
7, art. 1 définit l'expression «dans un délai» comme suit: «(6) Lorsqu'une chose doit être accomplie dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ou dans un délai à partir d'un tel jour, ce délai ne comprend pas le jour en question.» En l'espèce, le délai a expiré le 23 juin 1980, qui était un
lundi et non un jour de congé.
La Commission en arrive donc à la conclusion que la demande n'a pas été déposée dans le délai de sept jours et ordonne le rejet de la demande de réexamen pour défaut de compétence.
Les avocats s'accordent pour dire que la Com mission a eu tort d'exiger que la demande soit déposée dans un délai de 7 jours à partir de la date de mise à la poste et qu'elle aurait plutôt accorder au requérant 7 jours à compter de la réception effective de la décision du Ministre. La seule question est donc de savoir si, au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), c. 10, la Commission a rendu une «décision», auquel cas l'affaire relève de la Cour d'appel, ou si l'affaire relève bien de la présente Cour en vertu de l'article 18. Le requérant appuie sa prétention sur les motifs prononcés par le juge en chef d'alors, le juge Jackett, dans l'affaire Le procureur général du Canada c. Cylien'. Voici la partie pertinente du sommaire:
Le 30 août 1973, l'intimé interjeta appel d'une ordonnance d'expulsion et, le 5 septembre 1973, fit une déclaration expli- quant les raisons pour lesquelles il réclamait le statut de «réfugié». Un comité de trois membres de la Commission rendit une ordonnance demandant que le «dossier» de l'enquête ayant abouti à l'ordonnance d'expulsion lui soit transmis en vertu du Règlement 4(4)a). Le procureur général du Canada demande un examen judiciaire, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, au motif que la Commission devait décider si l'appel devait suivre son cours en se fondant seulement sur l'examen de la «déclaration* et non sur celui du «dossier».
Arrêt: la requête est rejetée. L'opinion de la Commission sur la nature de ses obligations prévues par la loi à l'article 11(3) n'est pas une décision rendue en vertu de sa «compétence ou de ses pouvoirs» de rendre des décisions et n'est donc pas une «décision» que cette Cour a le pouvoir d'annuler en vertu de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale.
A la page 1173, le juge en chef Jackett s'exprime en ces termes:
Dans l'arrêt National Indian Brotherhood c. Juneau [1971] C.F. 66, j'ai discuté, sans me prononcer, aux pages 77 et suiv., certains des problèmes que peut soulever la délimitation de la portée des mots «décision ou ordonnance» à l'article 28(1). Je me réfère notamment au passage suivant:
La question la plus importante à trancher relativement à l'application de l'art. 28(1) est probablement celle de la signification des termes «décision ou ordonnance». Ces termes s'appliquent clairement à la décision ou ordonnance émanant d'un tribunal en réponse à une requête lui demandant d'exer- cer ses pouvoirs après avoir adopté la procédure qu'il décide d'adopter pour conclure sur ce qu'il doit faire en réponse à la demande. Je suis enclin à croire, cependant, qu'il est douteux que ces termes—i.e., décision ou ordonnance—s'appliquent aux innombrables décisions ou ordonnances que le tribunal doit rendre au cours des procédures qui aboutissent au prononcé du jugement. J'ai à l'esprit des décisions telles que
a) des décisions relatives aux dates d'audition,
b) des décisions sur des requêtes en ajournement,
c) des décisions concernant l'ordre d'audition des parties,
d) des décisions ayant trait à l'admissibilité de la preuve,
e) des décisions sur des objections à des questions posées aux témoins, et
J) des décisions sur l'autorisation de présenter une argu mentation écrite ou orale.
' [1973] C.F. 1166.
Chacune de ces décisions peut fort bien faire partie du tableau lors d'un pourvoi à l'encontre de la décision ultime du tribunal au motif qu'il n'y a pas eu une audition loyale. Cependant, si une partie intéressée a le droit de s'adresser à cette cour en vertu de l'art. 28 chaque fois qu'une décision de ce genre est rendue, il semble qu'on ait mis entre les mains de parties peu disposées à ce qu'un tribunal exerce sa compé- tence un moyen dilatoire et frustratoirc incompatible avec l'esprit de l'art. 28(5).
Je doute également que le refus d'un tribunal de connaître d'une requête ou sa décision de procéder à une enquête entrent dans le cadre de l'art. 28(1). A ce sujet, il se peut fort bien que la ligne de partage se situe entre des décisions d'un tribunal avant qu'il n'entreprenne et n'achève l'instruction d'une affaire une partie doit procéder par la voie des anciennes procédures de la Couronne et instituer une action la Cour peut décider s'il a droit à réparation, et des décisions fondées sur une action déjà présentée au tribunal la Cour d'appel peut fonder sa décision sur ce qui a été fait ou ne l'a pas été devant ce tribunal.
Je ne prétends pas avoir formulé d'opinion quant au sens des termes «décision ou ordonnance» dans le contexte de l'art. 28(1), mais il me semble que l'on veut dire qu'il s'agit d'une décision ou ordonnance ultime prise ou rendue par le tribunal en vertu de sa constitution et non pas la myriade d'ordonnan- ces ou de décisions accessoires qui doivent être rendues avant de trancher définitivement l'affaire.
Plus loin, à la page 1176, il poursuit:
En l'espèce, le problème est différent. La Commission a «la compétence ou les pouvoirs» en vertu de l'article 11(3) de décider à un stade préliminaire si elle permettra à l'appel de l'intimé de suivre son cours. Cependant, elle n'a pas encore pris de décision à ce sujet. Le problème soulevé, et à l'égard duquel . la Commission a pris position, porte sur le point de savoir si l'article I 1, interprété correctement, exige que la Commission prenne une décision en vertu de l'article 11(3) après avoir examiné la déclaration mentionnée à l'article 11(2) et rien d'autre, ou si, selon la loi, la Commission peut ou doit examiner d'autres documents avant de prendre cette décision. C'est une question de droit que la Commission n'a pas «la compétence ni les pouvoirs» de trancher. Elle doit, bien sûr, se faire une opinion sur cette question, mais cette opinion n'a aucun effet juridique.
De toute évidence, la question à trancher en l'espèce comporte des éléments de deux types de décision, puisque d'une part, il ne s'agit pas de statuer sur le fond du litige, mais seulement sur la question de l'observation du délai prescrit par le Règlement. D'autre part, la décision de la Com mission ne porte pas sur une question accessoire à la poursuite de la demande, mais sur le rejet de celle-ci. A mon avis, c'est ce dernier aspect qui distingue nettement l'espèce de l'affaire Cylien.
J'estime aussi que la mention de compétence dans la décision de la Commission est, dans une certaine mesure, de nature à induire en erreur puisque, je le répète, contrairement à l'affaire Cylien, la Commission ne tente nullement de déterminer ici sa compétence, au sens propre du terme, mais conclut à son incompétence du seul fait que le requérant n'a pas observé le délai prescrit par le Règlement, DORS/78-172, pris en application de la Loi sur l'immigration de 1976.
En l'espèce, la Commission a reçu et examiné une demande, procédé à la constatation des faits et, compte tenu de ceux-ci, interprété les disposi tions applicables de la Loi sur l'immigration de 1976, pour décider que la demande ne pouvait suivre son cours. Il me semble en outre que la dernière partie de l'article 71(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, que j'ai soulignée dans la citation qui suit, a pour effet de déterminer auto- matiquement le statut du requérant en cas de refus par la Commission de permettre que la demande suive son cours:
71. (I) La Commission, saisie d'une demande visée au para- graphe 70(2), doit l'examiner sans délai. A la suite de cet examen, la demande suivra son cours au cas la Commission estime que le demandeur pourra vraisemblablement en établir le bien-fondé à l'audition; dans le cas contraire, aucune suite n'y est donnée et la Commission doit décider que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
Par ces motifs, j'estime que la décision de la Commission est bien une décision aux fins de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, et que la présente affaire doit être, conformément à cet article, portée devant la Cour d'appel. Par consé- quent, la présente requête sera rejetée.
ORDONNANCE
Par les motifs qui précèdent, la présente requête est rejetée.
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