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T-3972-78
Pacific Western Airlines Ltd. et Canadian Acceptance Corporation Limited (Demanderesses)
C.
La Reine du chef du Canada (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Toronto, 26 mai; Ottawa, 3 juin 1980.
Pratique Interrogatoire préalable Requêtes présentées par la défenderesse demandant qu'un dirigeant et un employé de Pacific Western Airlines soient tenus de comparaître de nouveau Interrogatoire supplémentaire relatif aux rensei- gnements contenus dans un rapport d'accident d'aviation et obtenus lors d'enquêtes menées par P.W.A. Requête présen- tée par les demanderesses pour obtenir de la défenderesse un affidavit supplémentaire plus complet Les demanderesses prétendent que les détails de ses enquêtes poussées sont privi- légiés du fait que les documents ont été rédigés au cours de l'enquête faite par la compagnie en prévision d'éventuelles poursuites Règles 319(2),(4), 320, 451, 461, 465(15),(17), (18),(19) de la Cour fédérale Règlement de l'Air, DORS/ 61-10, et ses modifications, art. 829(1) Loi sur l'aéronauti- que, S.R.C. 1970, c. A-3.
Dans sa première requête, la défenderesse demande qu'il soit enjoint au commandant Fransbergen, dirigeant de la demande- resse Pacific Western Airlines Ltd. (P.W.A.) de comparaître de nouveau pour répondre à des questions sur a) des faits se rapportant au contenu de certains alinéas du rapport d'accident d'aviation fait à la suite d'un écrasement d'avion survenu à Cranbrook (C.-B.); b) les noms des personnes interrogées et la date et le lieu de ces entrevues; c) la possibilité que des employés de la P.W.A. ou d'autres personnes autorisées par celle-ci, autres qu'un avocat, aient eu accès à certaines pièces ou pris connaissance de leur contenu; et d) les faits dont des dirigeants de la P.W.A. ont pris connaissance à la suite de l'accident alors qu'ils agissaient en tant que membres de l'équipe d'enquête sur l'accident. La défenderesse demande également qu'il soit enjoint au commandant Husband, pilote et employé de la P.W.A., de comparaître de nouveau pour répon- dre à des questions sur les conversations qu'il a eues avec le commandant de l'avion écrasé ou qu'il a entendu ce dernier tenir avec d'autres. Les demanderesses, qui demandent que la défenderesse dépose un affidavit supplémentaire plus complet, prétendent que les détails de ses enquêtes poussées sont privilé- giés du fait que les documents ont été rédigés au cours de l'enquête faite par la compagnie en prévision d'éventuelles poursuites.
Arrêt: les requêtes sont accueillies. a) Le principe de l'intérêt public de la sécurité aérienne exige la divulgation des faits dont les employés de la P.W.A. ont connaissance. Cet intérêt public l'emporte sur tout avantage tactique qui pourrait être obtenu en ne divulguant pas les renseignements obtenus au cours de leur enquête et en ne les communiquant qu'à l'avocat-conseil de la compagnie. b) Les renseignements obtenus au cours de ces entrevues ne sont recevables en preuve que dans la mesure ils se rapportent à des faits mentionnés dans les plaidoiries, dans les listes de documents ou à des faits divulgués au cours de
l'enquête de la Commission. Aller plus loin constituerait une simple «recherche à l'aveuglette» et ne saurait être permis. c) Il y a lieu de répondre à cette question. Il semble que d'une façon ou d'une autre, certains des faits qui sont mentionnés dans ces pièces seront tôt ou tard apportés en preuve. d) L'objet princi pal d'une enquête faite par les dirigeants de la P.W.A. aurait être d'établir la cause de l'accident; on ne peut en aucune façon conclure que le seul ou même le principal objet de l'enquête était de recueillir des renseignements en prévision et en vue d'un litige. La deuxième requête est accueillie, s'agissant d'un cas «exceptionnellement» au sens de la Règle 465(19). Il est possible que l'on puisse obtenir du commandant Fransber- gen les renseignements nécessaires, mais dans les circonstances spéciales de l'espèce, il conviendrait d'interroger Husband à cet égard étant donné que toute information que pourrait donner Fransbergen, après s'être renseigné, serait du ouï-dire sur une question très importante. Pour ce qui concerne la requête des demanderesses, comme il n'est pas souhaitable d'encombrer le dossier de la Cour en énumérant des documents qui ne seront jamais utilisés par les parties, l'avocat de la défenderesse a consenti à déposer une liste supplémentaire et plus complète de documents, attestée par affidavit.
Arrêts suivis: Waugh c. British Railways Board [1979] 2 All E.R. 1169; Imperial Marine Industries Ltd. c. Fire- man's Fund Insurance Co. [1977] 1 C.F. 747. Arrêt appliqué: Churchill Falls (Labrador) Corp. Ltd. c. La Reine non publié, T-1414-71. Arrêts mentionnés: Cham pion Packaging Corp. c. Triumph Packaging Corp. [ 1977] 1 C.F. 191; Ross (Executrix of Ross Estate) c. Scarlett [1946] 3 W.W.R. 533.
REQUÊTES. AVOCATS:
E. M. Lane et R. J. Allen pour les
demanderesses.
W. J. A. Hobson, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lane, Breck, Toronto, pour les demanderes- ses.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Deux avis de requête présen- tés au nom de la défenderesse ont été entendus à Toronto le 26 mai 1980. La première requête, déposée le 8 mai 1980, demandait que soit rendue une ordonnance en vertu de la Règle 465(18) enjoignant au commandant Kaees Fransbergen, dirigeant de la société demanderesse Pacific West ern Airlines Ltd. [ci-après appelée, à certains moments, la «P.W.A.»], de comparaître de nou-
veau devant l'examinateur qui a présidé à son interrogatoire préalable, à une date qui sera fixée ultérieurement, et de répondre aux questions sui- vantes ainsi qu'à toutes celles qui pourront se poser à la suite des réponses qui seront données, pourvu qu'elles se rapportent aux points soulevés:
a) De quels faits étaient au courant les employés, dirigeants et préposés de la Pacific Western Air lines Ltd. relativement au contenu de certains alinéas des pages 32 et 40 du rapport d'accident d'aviation H80001 de la Division des enquêtes sur la sécurité aérienne du ministère des Trans ports, document coté 53 dans la Partie I de l'annexe I de la liste complémentaire de documents déposée par les demanderesses conformément à la Règle 447? Les alinéas en question, aux pages 32 et 40, sont ainsi rédigés:
A la page 32:
Ces renseignements proviennent de témoins oculaires, de survivants, du personnel technique ou cadre des divers organis- mes, d'équipages ainsi que de pilotes.
Outre ces témoignages, on a interviewé des équipages qui volaient dans la région lorsque l'accident s'est produit. Les pilotes de deux avions différents ont signalé qu'ils avaient entendu le commandant du vol 314 parler à un autre pilote sur la fréquence de la compagnie. On a pu établir que cette conversation avait eu lieu vers 19h482, donc au moment la station radioaéronautique de Cranbrook aurait transmis des renseignements sur l'état de la piste.
A la page 40:
L'omission du compte rendu en approche finale et le verbiage superflu sur la fréquence de la compagnie constituent une pratique inacceptable dans le poste de pilotage ainsi qu'une dérogation grave à la discipline de l'air.
b) Quels sont les noms des personnes interviewées, quand et ces interviews ont-elles eu lieu, au cours de la période pendant laquelle des dirigeants de la Pacific Western Airlines Ltd. agissaient en tant que membres de l'équipe d'enquête sur l'acci- dent mentionné dans l'affidavit de John Robert Haig?
c) Des employés de la Pacific Western Airlines Ltd. ou toute autre personne autorisée par celle-ci, autre qu'un avocat, ont-ils vu ou eu accès aux pièces C et D ou pris connaissance du contenu de ces pièces?
d) Préciser le rôle joué par les dirigeants de la Pacific Western Airlines Ltd. qui ont pu être membres de ladite équipe d'enquête sur l'accident
et les faits, le cas échéant, dont ils ont pu prendre connaissance à la suite de l'accident alors qu'ils agissaient en tant que membres de ladite équipe?
La deuxième requête, déposée le 14 mai 1980, demande que soit rendue une ordonnance enjoi- gnant au commandant Bud Husband, pilote et employé de la Pacific Western Airlines Ltd., de comparaître en qualité de membre de ladite com- pagnie demanderesse pour subir un interrogatoire supplémentaire à une date qui sera fixée ulté- rieurement et de répondre à toute question concer- nant les conversations qu'il a eues avec le comman dant Christopher Miles sur la fréquence de la compagnie le 11 février 1978 ou qu'il a entendu ce dernier tenir avec d'autres et de répondre à toute autre question qui pourra se poser par suite des réponses qui seront données, pourvu qu'elle se rapporte aux points soulevés par les plaidoiries. Les deux requêtes, qui ont été entendues ensemble, sont appuyées par un affidavit de John Robert Haig daté du 8 mai 1980 et, pour ce qui concerne la seconde requête, elle serait également appuyée par les pages 21 62 de la transcription de l'inter- rogatoire préalable subi par le commandant Kaees Fransbergen datée des 7 et 8 mai 1980.
Immédiatement après les débats relatifs à ces deux requêtes, il fut procédé à l'audition d'une requête déposée par les demanderesses le 20 mai 1980 et tendant à ce qu'il soit ordonné à la défen- deresse en vertu de la Règle 461 de déposer un affidavit supplémentaire plus complet et à ce qu'il soit ordonné à la défenderesse, en vertu de la Règle 451, de fournir un affidavit précisant si les docu ments mentionnés dans la pièce B de l'affidavit de Donald Bruce Garrow, déposé à l'appui de ladite demande, sont ou ont été en la possession ou sous le contrôle de la défenderesse et, dans la négative, quand la défenderesse s'en est dessaisie et ce qu'ils sont devenus. Cette requête est appuyée par l'affi- davit de Donald Bruce Garrow.
Pour faire opposition aux deux requêtes de la défenderesse, on a voulu déposer, à l'ouverture de l'audition, le 26 mai, un affidavit de Robert Allen, employé du cabinet d'avocats représentant les demanderesses, en date du 23 mai 1980. Le dépo- sant y déclare que le commandant Fransbergen lui a appris que Eric M. Lane, l'avocat des demande- resses, avait rencontré Fransbergen et d'autres employés de la Pacific Western Airlines Ltd. à
Cranbrook (Colombie-Britannique) le 12 février 1978, le lendemain de l'accident qui fait l'objet du présent litige et qu'au cours de cette réunion, les employés de la demanderesse, Pacific Western Airlines Ltd., avaient reçu la directive de collabo- rer avec les fonctionnaires de la Section des enquê- tes en matière d'aviation du ministère des Trans ports mais, en même temps, on avait demandé aux employés de cette demanderesse d'agir en qualité d'agents aux fins de recueillir des renseignements en prévision et en préparation de procédures judi- ciaires envisagées. Le déposant déclare en outre que le commandant Fransbergen lui a également appris qu'il avait été permis au commandant Victor Bentley, pilote de la Pacific Western Air lines Ltd., d'observer certaines parties de l'enquête officielle sur l'accident à titre de représentant de l'Association canadienne des pilotes de lignes aériennes. Cet affidavit a évidemment été soumis à l'appui de la demande d'exemption de communica tion faite par les demanderesses relativement aux renseignements complémentaires que la défende- resse cherche à obtenir des commandants Frans- bergen et Bud Husband. L'avocat de la défende- resse a tenté d'empêcher que cet affidavit soit reçu, au motif qu'il serait tardif, et a demandé, au cas il serait reçu, la permission de contredire les allégations qui y sont faites en faisant référence à certains passages de l'enquête sur la sécurité aérienne ou aux parties qui se rapportent à l'en- quête sur l'accident de Cranbrook. Les demande- resses s'y sont opposées, invoquant qu'elles n'étaient pas représentées et n'avaient pas com- paru à ladite enquête et elles ont en outre demandé une remise de l'audition des requêtes jusqu'à ce que soit disponible la transcription de l'interroga- toire préalable complet subi par le commandant Kaees Fransbergen pendant quatre jours à comp- ter du 5 mai. La défenderesse s'est opposée à toute remise et je crois qu'elle avait raison de le faire. La Règle 319 prévoit qu'une requête doit être appuyée par un affidavit certifiant tous les faits sur lesquels elle se fonde sauf ceux qui ressortent du dossier. L'alinéa (2) prévoit qu'une partie adverse peut déposer un affidavit en réponse. Toutefois, la Règle 320 prévoit qu'un avis de requête, autre qu'une demande ex parte, doit être déposé avec affidavits à l'appui, au moins 2 jours avant le moment fixé pour la présentation, sauf ordre con- traire de la Cour. La date de l'audition des requê- tes de la défenderesse ayant été fixée longtemps
d'avance et un juge ayant été spécialement désigné pour les entendre à Toronto, il ne serait manifeste- ment pas raisonnable de permettre aux demande- resses de retarder l'audition par le dépôt à la toute dernière minute de ce qui est essentiellement un affidavit très ordinaire simplement déposé à l'ap- pui d'une demande d'exemption de communica tion. Même si les demanderesses ont offert de permettre que Allen, qui était présent, soit immé- diatement contre-interrogé relativement à son affi davit, cette question relève également du pouvoir discrétionnaire de la Cour et, selon la Règle 319(4), il faudrait y avoir une raison spéciale pour permettre ce contre-interrogatoire dans le cadre d'une requête; aucun sténographe n'était présent et un tel interrogatoire aurait simplement eu pour effet de retarder l'audition des requêtes. D'autre part, la défenderesse ne devrait pas subir de préju- dice du fait du dépôt très tardif d'un affidavit sans possibilité d'en réfuter les déclarations soit par contre-interrogatoire ou par d'autres éléments de preuve. Par conséquent, la Cour a dit à l'avocat des demanderesses qu'elle permettrait le dépôt de cet affidavit uniquement s'il était donné à la défen- deresse la possibilité de consigner au dossier, à cette fin seulement, les passages de ladite enquête sur la sécurité aérienne qui permettraient de réfu- ter les allégations faites dans l'affidavit. Les passa ges lus et mentionnés aux fins du débat seraient ensuite immédiatement transcrits et déposés avec un affidavit à l'appui souscrit par l'avocat de la défenderesse, pour faire partie du dossier unique- ment aux fins de l'examen des présentes requêtes. Même si l'avocat des demanderesses n'a pas for- mellement donné son accord à cette procédure, c'est à ces conditions seulement que la Cour a permis la production de l'affidavit d'Allen.
L'ordonnance rendue à cet égard est ainsi conçue:
[TRADUCTION] Au lieu du contre-interrogatoire relatif à l'affidavit de Robert Allen qui est tardif et dont la pertinence n'est pas établie, la défenderesse peut produire des parties du texte de l'enquête sur la sécurité aérienne, lesdites parties ne devant comprendre que des questions et réponses et ne devant inclure aucun argument ou commentaire du commissaire ou de l'avocat de la Commission. Ces questions et ces réponses se limiteront aux questions soulevées par les avis de requête de la défenderesse. L'authenticité de ces éléments de preuve présen- tés verbalement à l'audience aujourd'hui sera attestée subsé- quemment par un affidavit de l'avocat de la défenderesse faisant référence auxdits extraits du texte de l'enquête qui seront considérés comme conformes sans autre attestation; ceci,
nonobstant le fait que les demanderesses n'étaient pas parties à l'enquête et n'y étaient pas représentées, à seule fin d'éviter de devoir ajourner lesdites requêtes pour permettre un contre- interrogatoire relativement à l'affidavit d'Allen, ou encore de devoir refuser de permettre le dépôt de cet affidavit au motif qu'il n'aurait pas été produit dans un délai convenable avant la date fixée pour l'audition des requêtes.
Il fut ensuite procédé à l'audition des requêtes de la défenderesse. Pour bien comprendre la situa tion, il est nécessaire d'examiner assez attentive- ment le contexte dans lequel se situe le litige et il sera également nécessaire d'examiner de façon générale les motifs pour lesquels l'avocat des demanderesses s'oppose à la communication des renseignements demandés, de même que les argu ments de l'avocat de la défenderesse qui les demande, avant d'appliquer les conclusions aux- quelles je serai arrivé aux renseignements que l'on tente d'obtenir dans ces requêtes. A l'origine du litige: un écrasement d'avion survenu à Cranbrook (Colombie-Britannique) le 11 février 1978, cau- sant la mort de 43 personnes. Il s'agissait du vol 314 de la Pacific Western Airlines Ltd. On a allégué dans de très longues plaidoiries, qu'après que l'avion se fut posé, le pilote a été forcé d'amor- cer d'urgence une manoeuvre pour dépasser la piste d'atterrissage lorsqu'il s'est aperçu qu'un véhicule de déneigement se trouvait sur la piste, que l'avion est alors devenu impossible à maîtriser et qu'il s'est écrasé. Le pilote et le copilote sont au nombre des morts. Il a été statué sur le nombre important de requêtes préliminaires qui ont été déposées en l'espèce. Il est allégué dans la défense que l'acci- dent est attribuable à la faute du pilote Van Oort et du copilote Miles de même qu'à celle de la demanderesse, Pacific Western Airlines Ltd., qui aurait négligé de donner à l'équipage les instruc tions et l'entraînement appropriés pour le respect de tous les règlements; mais la présente question se pose plus particulièrement parce qu'il a été décou- vert que Miles aurait, immédiatement avant l'at- terrissage qui dut être interrompu, communiqué, sur la fréquence radio de la compagnie, avec le commandant Bud Husband, un autre pilote de la compagnie aux commandes du vol 305, relative- ment à des questions ne se rapportant pas au vol. Cette conversation aurait été entendue par deux autres pilotes dont les noms ne sont pas connus de la défenderesse mais que les demanderesses connaîtraient.
La portée de l'interrogatoire préalable qu'on permet dans cette Cour est prévue à la Règle 465(15):
Règle 465... .
(15) A un interrogatoire préalable autre qu'un interrogatoire en vertu de l'alinéa (5), l'individu qui est interrogé doit répon- dre à toute question sur tout fait que la partie interrogée au préalable connaît ou a les moyens de connaître et qui peut soit démontrer ou tendre à démontrer ou réfuter ou tendre à réfuter une allégation de fait non admis dans une plaidoirie à la cause de la partie qui est interrogée au préalable ou de la partie qui procède à l'interrogatoire.
Il convient donc de poser des questions se rappor- tant non seulement à la déclaration des demande- resses mais également à la défense de la défende- resse. Pour ce qui concerne le commandant Fransbergen, il était le témoin principal désigné aux fins de l'interrogatoire préalable pour les demanderesses et dans la mesure il n'aurait pas personnellement connaissance d'une partie impor- tante des faits ayant précédé l'accident, il serait tenu de se renseigner et de répondre à de telles questions, pourvu qu'elles soient admissibles, à la reprise de l'interrogatoire. L'alinéa (17) de la Règle 465 est ainsi rédigé:
Règle 465... .
(17) Afin de se conformer à l'alinéa (15), l'individu interrogé peut être requis de se renseigner et, à cet égard, l'interrogatoire peut être ajourné si nécessaire.
Par suite de ce très sérieux accident, il y eut non seulement une enquête approfondie sur l'écrase- ment même mais également une enquête sur la sécurité aérienne en général à laquelle, comme on pouvait s'y attendre, un certain nombre de repré- sentants des demanderesses ont assisté de même que divers représentants du ministère des Trans ports. Et il va sans dire que la Pacific Western Airlines Ltd. a mené des enquêtes internes très poussées et prévoyait sans doute qu'elle aurait tôt ou tard à faire face à des litiges relatifs à l'acci- dent. Il est allégué que certains documents qui pourraient être pertinents ont, sans justification, été détruits ou déchiquetés par un certain docteur Dubé, un représentant du ministère des Trans ports, soit de son propre chef, soit conformément à des directives, et bien qu'il ne soit pas question en l'espèce de poursuites à cet égard, il en résulte que la défenderesse ne peut maintenant, par suite d'ac- tes d'un ou de plusieurs de ses propres représen- tants, soumettre certains éléments de preuve. On allègue toutefois que des copies ou les originaux,
selon le cas, des documents détruits sont en la possession des demanderesses et que celles-ci ont connaissance de leur contenu. Cette espèce pré- sente donc une situation extraordinaire et peut-être inédite la défenderesse est obligée de tenter d'obtenir des demanderesses une preuve que la défenderesse elle-même devrait faire au moyen de ses propres témoins et documents.
Il est admis que l'enquête effectuée par la Com mission n'était pas une enquête faite par un enquê- teur sur les accidents d'aviation nommé en vertu de l'article 829(1) du Règlement de l'Air du minis- tère des Transports [DORS/61-10, modifié] mais que les témoins ont déposé volontairement devant celle-ci. Parmi ceux qui participaient à l'enquête il y avait un certain nombre de représentants de la demanderesse Pacific Western Airlines Ltd., notamment le commandant Kaees Fransbergen, Russ Revel, chef pilote de la région de l'Ouest, A. Hunger, (entretien P.W.A.) et d'autres, y compris le commandant Victor Bentley, qui, d'après les demanderesses, a participé à l'enquête mais en sa qualité de représentant de l'Association cana- dienne des pilotes de lignes aériennes. La question de savoir si une partie de la preuve faite devant la Commission peut être produite à l'instruction n'a pas été soulevée devant la Cour aux fins, des présentes requêtes mais il est fait mention de passages de ces témoignages, tel qu'indiqué précé- demment, à titre d'indication que les comman dants Fransbergen et Husband seraient en mesure de prendre connaissance des renseignements recherchés, à moins que les demanderesses ne réus- sissent à prouver qu'ils doivent faire l'objet de l'exemption de communication du fait que les documents ont été rédigés au cours de l'enquête faite par la compagnie en prévision d'éventuelles poursuites.
La défenderesse s'appuie également sur une lettre datée du 3 mars 1978, de Russ Revel, chef pilote de la région de l'Ouest de la P.W.A. à W. M. Howes, chef intérimaire du Bureau des enquê- tes sur la sécurité aérienne, dans laquelle il consent à des entrevues avec Husband, Leschiutta, Bisail- Ion et Rodgers, employés de la compagnie. Il a également été fait mention d'un document intitulé [TRADUCTION] «Historique du vol» joint à l'affida- vit de Haig, dont l'avocat des demanderesses a vigoureusement contesté l'admissibilité parce qu'il
serait fondé sur du ouï-dire et serait peu fiable et un document qui n'a pas été utilisé dans le rapport, qui mentionne une conversation entre Bud Hus band au moment du décollage à Calgary à bord du vol 305 et Christopher Miles, les deux discutant de tuyaux relatifs à la bourse, conversation assez longue qui avait lieu au moment même Van Oort recevait des instructions de l'opérateur de la station radioaéronautique au sujet des conditions météorologiques et au sujet d'une souffleuse se trouvant sur la piste d'atterrissage, instructions dont on prétend qu'il aurait accusé réception. Ce n'est pas clair si c'était Miles ou Van Oort qui était aux commandes mais ce rapport (entièrement officieux) suggère que c'était Miles et que peut- être Van Oort n'a jamais signalé à Miles la pré- sence de la souffleuse. Il faut souligner que même si ce document n'est pas admissible en preuve à l'instruction, il fournit des indices que des conver sations inutiles ont pu avoir lieu entre un officier- pilote de l'équipage du vol 314 et le commandant Bud Husband juste avant l'accident.
Il est en outre fait référence au rapport d'acci- dent d'aviation de la Division des enquêtes sur la sécurité aérienne du ministère des Transports figu- rant sur la liste supplémentaire de documents des demanderesses et plus particulièrement à certains alinéas des pages 32 et 40 de ce rapport qui sont ainsi rédigés:
Ces renseignements proviennent de témoins oculaires, de survivants, du personnel technique ou cadre des divers organis- mes, d'équipages ainsi que de pilotes.
Outre ces témoignages, on a interviewé des équipages qui volaient dans la région lorsque l'accident s'est produit. Les pilotes de deux avions différents ont signalé qu'ils avaient entendu le commandant du Vol 314 parler à un autre pilote sur la fréquence de la compagnie. On a pu établir que cette conversation avait eu lieu vers 19h482, donc au moment la station radioaéronautique de Cranbrook aurait transmis des renseignements sur l'état de la piste. (C'est moi qui souligne.) [Page 32.]
L'omission du compte rendu en approche finale et le verbiage superflu sur la fréquence de la compagnie constituent une pratique inacceptable dans le poste de pilotage ainsi qu'une dérogation grave à la discipline de l'air. [Page 40.]
Il est évident qu'il s'agit de renseignements très pertinents et que la défenderesse est justifiée de chercher des renseignements relativement aux noms des pilotes de deux avions différents qui auraient entendu ladite conversation. En temps utile on demanda à la G.R.C. de faire une enquête
pour trouver certains documents et déterminer si certains d'entre eux avaient été déchiquetés. Des mandats de perquisition furent obtenus. La défen- deresse fait valoir que l'avocat des demanderesses a été autorisé à examiner tous les documents ainsi obtenus.
Des extraits de la transcription de la déposition de Champion devant la Commission contiennent les noms de personnes interrogées au cours de l'enquête de la compagnie mais Husband n'y est pas mentionné. Il ressort de certains passages de la transcription de la déposition faite devant la Com mission d'enquête par W. M. Howes, l'enquêteur responsable, que R. Poole, président des Opéra- tions du ministère des Transports, lui avait appris qu'une entrevue avec Husband avait été enregis- trée et qu'une transcription en avait été faite, à la demande de Poole, afin de mettre le chef pilote de la compagnie aérienne en présence de celle-ci. Une autre réponse indique qu'il était conscient du fait que la cause réelle de l'accident était enfouie dans le rapport (comme le prétend maintenant la défen- deresse) mais il nie que cela fût intentionnel. Il admet qu'on a exercé sur lui des pressions au cours de l'enquête relativement au rapport fait par la compagnie. Il a confirmé qu'il existait des rensei- gnements selon lesquels quelqu'un avait entendu deux pilotes parlant sur la fréquence de la compa- gnie de sujets n'ayant aucun rapport avec le vol, un des interlocuteurs étant le commandant Husband.
Poole a déclaré devant la Commission qu'il avait eu deux entrevues avec le commandant Husband, la première enregistrée, mais que par la suite, la compagnie avait prétendu que Husband n'avait pas vraiment dit ce qu'on prétendait qu'il avait dit; une seconde entrevue fut donc organisée mais elle ne fut pas fructueuse. Il ressort de la transcription du témoignage, devant la Commission, de Johnson, un fonctionnaire du ministère des Transports, que les commandants de bord des vols 305 (Husband) et 314 avaient discuté sur la fréquence de la compagnie des connaissances de Miles relative- ment au marché boursier.
Poole a également déclaré qu'une réunion avait eu lieu à Vancouver entre le docteur Dubé et le commandant Revel et, lors d'un voyage subsé- quent, avec un dénommé Mackie, un autre employé des demanderesses. Puisque Dubé admet avoir déchiqueté des documents constituant des
éléments de preuve, l'avocat de la défenderesse déclare que cela permet de conclure que cet élé- ment de preuve avait été mis à la disposition de la P.W.A. I1 n'est personne chez les gens du gouver- nement qui puisse donner le nom des autres pilotes qui auraient entendu la conversation et il existe également des indices que Husband aurait subsé- quemment essayé de nier ou de modifier les décla- rations qu'il avait faites à l'entrevue, entrevue à laquelle la compagnie avait consenti. Il est certain que la P.W.A. avait été mise en présence de son témoignage.
Comme il a déjà été dit, cette transcription peut très bien ne pas être admissible en preuve au procès mais, dans le cadre de l'examen des requê- tes de la défenderesse, il est important de noter que la demanderesse Pacific Western Airlines Ltd. possède une bonne partie des renseignements que la défenderesse tente d'obtenir et auxquels elle ne peut avoir accès (même s'il semble que cela soit attribuable, en partie au moins, à des actes repré- hensibles—destruction d'éléments de preuve—de certains de ses propres fonctionnaires) et qu'ils peuvent être fournis par le commandant Fransber- gen à moins que la demande d'exemption de com munication des demanderesses ne soit valide.
Venons-en à la jurisprudence relative à cette question.
Je crois que l'arrêt de la Chambre des Lords Waugh c. British Railways Board' s'applique très bien à la présente affaire. Le sommaire est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] La cour est en présence de deux principes opposés: d'une part, que tous les éléments de preuve pertinents devraient être mis à la disposition de la cour et, d'autre part, que les communications entre un avocat et son client devraient pouvoir demeurer confidentielles et privilégiées. Dans la conci liation de ces deux principes, l'intérêt public est somme toute mieux servi en contenant rigoureusement dans des limites étroites le privilège de refuser légalement de communiquer des documents ou des éléments de preuve relatifs à un litige. Par conséquent, un document ne sera donc exempt de production pour motif de secret professionnel que si le but principal pour lequel il a été rédigé était de le soumettre à un avocat pour obtenir un avis juridique et pour l'utiliser dans des procédures judiciaires. Puisqu'en l'espèce, l'obtention d'un avis juridique pour l'utiliser dans les procédures judiciaires ne constituait qu'un des buts pour lesquels le rapport sur l'enquête interne avait été rédigé et non le but principal, la demande d'exemption de production présentée par la commission est rejetée et le rapport devra être produit.
' [1979] 2 All E.R. 1169.
Le lord Wilberforce déclare à la page 1172:
[TRADUCTION] ... il ressort clairement de l'affidavit que le rapport a été préparé dans un double but: pour ce qui peut être appelé l'exploitation et la sécurité du chemin de fer d'une part et pour obtenir un avis juridique en prévision d'un litige d'autre part, le premier motif étant d'un intérêt plus immédiat que le second mais les deux étant décrits comme étant de rang et d'importance égale. La question se pose donc de savoir si cela suffit à fonder une demande d'exemption de production ou si, pour ce faire, le second but doit être l'unique ou le principal but ou le plus important. Si l'une ou l'autre de ces deux dernières propositions est correcte, la demande d'exemption de produc tion en l'espèce doit être rejetée.
et plus loin, à la page 1173:
[TRADUCTION] Il est clair que la bonne administration de la justice exige fortement la divulgation et la production de ce rapport: il était contemporain; il contenait la déclaration de témoins présents sur les lieux; il constituerait non seulement une preuve pertinente mais presque certainement la meilleure preuve quant à la cause de l'accident. Si l'on accepte la proposition selon laquelle il faut passer outre à cette question d'intérêt public importante afin que le défendeur puisse conve- nablement préparer sa cause, quelle est l'étroitesse du lien qui doit exister entre la préparation du document et la prévision d'un litige? En principe, je serais porté à croire que la prépara- tion en vue d'un litige devrait être l'unique ou, au moins, le principal but; étendre cette protection à des cas le but serait secondaire ou d'importance égale à celle d'un autre but me semblerait excessif et non nécessaire si l'on veut encourager la divulgation fidèle des faits. Pour le moins, l'opportunité d'assu- rer une protection dans de tels cas n'est pas assez forte pour l'emporter sur la nécessité que tous les documents pertinents soient disponibles.
En l'espèce, les employés de la P.W.A. avaient une double allégeance. Ils avaient l'obligation, en vertu de la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3, et du Règlement d'application, de faire enquête sur l'accident et de témoigner relativement aux résultats de leur enquête. Bien que les enquêteurs n'aient peut-être pas été désignés expressément pour remplir ces fonctions prévues par la loi, leur enquête a été faite volontairement. Comme le signale l'affidavit d'Allen, les employés reçurent la directive de collaborer avec les fonctionnaires de la Section des enquêtes en matière d'aviation du ministère des Transports. Il ajoute au paragraphe 3 [TRADUCTION] «En même temps, on demandait aux employés de la demanderesse d'agir en qualité d'agents aux fins de recueillir des renseignements en prévision et en préparation de procédures judi- ciaires envisagées». Ils exécutaient manifestement leur travail en une double qualité mais l'intérêt public de la sécurité aérienne doit l'emporter sur tout avantage tactique qui pourrait être obtenu en ne divulguant pas les renseignements obtenus au
cours de leur enquête qui pourraient constituer un embarras pour la P.W.A., leur employeur, et en ne les communiquant qu'à l'avocat-conseil de la com- pagnie. Dans l'affaire (non publiée) Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited c. La Reine, du greffe T-1414-71 (jugement rendu par le juge Gibson), il n'est pas question du privi- lège relatif aux communications entre un avocat et son client mais plutôt du privilège revendiqué en vertu de l'article 41 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. Il s'agit également dans cette affaire d'une enquête sur un accident d'aviation. Le jugement conclut en ces termes:
Après avoir attentivement étudié la présente affaire, en ce qui concerne le droit de la Couronne de bénéficier du privilège conformément à l'article 41 de la Loi sur la Cour fédérale, je suis d'avis que, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'intérêt public concernant la bonne administration de la justice l'emporte sur l'intérêt public spécifié dans l'affidavit et qu'il n'y a pas lieu d'imposer de restrictions à la production et à la communication des documents.
En ce qui concerne le droit de bénéficier du privilège fondé sur le caractère confidentiel des pièces, que tout plaideur est présumé posséder, je suis d'avis qu'il n'existe pas en l'espèce.
Je crois que le même principe devrait s'appliquer en l'espèce.
L'avocat des demanderesses établit une distinc tion entre un privilège relatif aux circonstances de l'accident et un privilège relatif à l'enquête effec- tuée pour déterminer ces circonstances. Bien qu'il admette que les demanderesses doivent divulguer tout fait dont elles ont connaissance et qui est pertinent à l'accident, il fait valoir que les détails des enquêtes poussées faites par les demanderesses en prévision d'un litige sont privilégiés. 11 déclare qu'au quatrième jour de l'interrogatoire préalable du commandant Fransbergen, on avait déjà répondu à toutes les questions portant sur les faits relatifs à l'accident et dont avaient connaissance les témoins ou autres personnes connues de Frans- bergen et qu'il ne convient pas de l'interroger relativement à des affirmations faites dans un rapport d'accident. Il admet que s'il y avait en la possession des demanderesses des documents que la défenderesse tente d'obtenir, ils devraient être inscrits dans sa liste de documents et une demande d'exemption devrait être faite à leur égard mais il ajoute qu'il n'existe pas de tels documents. Il prétend que dans l'affaire Churchill Falls, préci- tée, la question était de savoir si les déclarations obtenues de membres du public et autres personnes
étaient ou non privilégiées. Il ne prétend pas qu'il s'attache quelque privilège que ce soit à ce que le commandant Bentley a appris alors qu'il assistait à l'enquête de la Commission en sa qualité de diri- geant de l'Association canadienne des pilotes de lignes aériennes même s'il est également employé
de la P.W.A. mais que d'autres personnes y assis- taient en leur qualité d'employés et non à titre de membres de l'équipe d'enquête comme le prétend la défenderesse. Il cite la décision de la Cour d'appel fédérale Champion Packaging Corp. c. Triumph Packaging Corporation 2 concernant une requête en radiation, dans laquelle le juge Heald déclare aux pages 192 et 193:
... il faut statuer sur la régularité de toute question concernant l'interrogatoire en fonction de son rapport avec les faits plaidés dans la déclaration dans la mesure ils sont à l'origine de la cause d'action plutôt qu'en fonction de son rapport avec les faits que la demanderesse a l'intention de prouver pour démon- trer les faits à l'origine de sa cause d'action.
Il cite également la publication récente de C. E. Choate intitulée Discovery in Canada il est dit à la page 91, alinéa A328, qu'il n'est pas permis de demander les noms des témoins ni comment on se propose de faire la preuve d'un fait. On a égale- ment mentionné l'affaire Ross (Executrix of Ross Estate) c. Scarlett 3 , une décision de l'Alberta dont le sommaire est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] Nonobstant la vaste gamme de questions qui peuvent être posées lors de l'interrogatoire préalable, qui est un genre de contre-interrogatoire et qui semble n'avoir pour limite, sous réserve de certaines exceptions, que les points en litige, les questions ne peuvent porter sur la preuve qu'entend faire une partie, dont les noms des témoins, à moins que ces noms ne soient nécessaires parce que faisant partie de la preuve relative à la question. La partie qui interroge n'a pas le droit de s'enquérir de la façon dont la partie adverse entend faire la preuve de ses allégations, il a seulement le droit de savoir quelles sont ces allégations.
Toutefois, le problème inhabituel auquel nous devons faire face en l'espèce se présente comme suit: la défenderesse ne tente pas d'obtenir des renseignements quant à la façon dont la partie adverse entend faire la preuve de ses prétentions, mais plutôt des renseignements qui sont en la possession des demanderesses et que la défende- resse croit de nature à l'aider à prouver ses propres prétentions. Après avoir lu la transcription d'ex- traits du témoignage du commandant Fransbergen
2 [1977] 1 C.F. 191.
3 [1946] 3 W.W.R. 533.
aux fins des présentes requêtes, laquelle précise avec force détails les raisons pour lesquelles les demanderesses s'opposent à ce qu'il réponde à d'autres questions et pris en considération les autres arguments des parties ainsi que la jurispru dence soumise, je peux maintenant me prononcer plus précisément sur ce qui est demandé dans les requêtes. Pour ce qui concerne la requête tendant à ce que le commandant Fransbergen comparaisse de nouveau pour répondre à d'autres questions, je conclus comme suit:
Pour ce qui concerne l'alinéa a) des demande- resses, il peut lui être posé des questions portant sur les faits dont ont connaissance les employés, les dirigeants et les préposés de la P.W.A. relative- ment au contenu des alinéas se trouvant aux pages 32 et 40, du rapport d'accident de la Division des enquêtes sur la sécurité aérienne du ministère des Transports, tels qu'ils sont reproduits dans la requête, étant donné que j'estime que le principe prépondérant de l'intérêt public exige cette divul- gation, conformément aux conclusions de l'arrêt Waugh précité.
A l'alinéa b), on tente d'obtenir les noms des personnes interrogées ainsi que le moment et l'en- droit ces entrevues ont eu lieu au cours de la période les dirigeants de la P.W.A. faisaient enquête sur la cause de l'accident (qu'ils puissent ou non être considérés comme membres de l'équipe d'enquête sur l'accident comme l'indique l'affida- vit de Haig, ce que l'avocat des demanderesses conteste, soutenant qu'ils faisaient enquête en leur qualité d'employés et non en tant que membres de l'équipe d'enquête). Les renseignements obtenus au cours de ces entrevues ne sont recevables en preuve que dans la mesure ils se rapportent aux faits mentionnés dans les plaidoiries, dans les listes de documents ou, comme je l'ai permis, à des faits divulgués au cours de l'enquête de la Commission. Aller plus loin constituerait une simple [TRADUC- TION] «recherche à l'aveuglette» et ne saurait être permis. Sous réserve de la présente décision, les noms des personnes interrogées et l'endroit les entrevues ont eu lieu devraient être divulgués.
Pour ce qui concerne l'alinéa c), la question de savoir si un employé de la Pacific Western Airlines Ltd. ou quelque autre personne autorisée par cel- le-ci, à l'exclusion de son avocat, a vu ou a eu accès aux pièces C et D à l'appui de l'affidavit de Haig
est une question simple et il y a lieu d'y répondre. Si la question est affirmative, cela pourra éventuel- lement mener à la production de ces pièces. Pour ce qui est de leur valeur probante, et plus particu- lièrement celle de la pièce D, le document officieux intitulé «Historique du vol», c'est évidemment une toute autre affaire; quoi qu'il en soit, il semble que d'une façon ou d'une autre, certains des faits qui y sont mentionnés seront tôt ou tard apportés en preuve.
Pour ce qui concerne l'alinéa d), il est, encore ici, fait mention, mention à laquelle l'avocat des demanderesses s'oppose, de l'affirmation que les dirigeants de la Pacific Western Airlines Ltd. étaient membres de l'«équipe d'enquête sur l'acci- dent». Si l'on fait abstraction des questions de sémantique, il est évident que l'objet principal d'une enquête faite par eux aurait être d'établir la cause de l'accident et qu'on ne peut en aucune façon conclure que le seul objet de l'enquête ou même que l'objet principal était de recueillir des renseignements en prévision et en vue d'un litige. Les questions portant, le cas échéant, sur les faits relatifs à l'accident, à l'égard desquels des rensei- gnements ont effectivement été obtenus, devraient être précises, parce qu'autrement, il ne s'agirait que d'une «recherche à l'aveuglette», ce qui n'est pas permis, comme je l'ai indiqué dans ma décision relative à l'alinéa b) ci-dessus.
Bien que ces décisions puissent entraîner la divulgation à la défenderesse de certains noms de témoins ou de renseignements relatifs à des faits que les demanderesses peuvent ne pas vouloir invo- quer, ce qui constitue normalement une pratique irrégulière, c'est néanmoins justifiable d'après moi pour assurer que le juge de première instance dispose de tous les renseignements pertinents lui permettant de déterminer à qui est imputable sur le plan juridique la responsabilité de l'accident.
Pour ce qui concerne la requête demandant qu'il soit enjoint au commandant Bud Husband de com- paraître de nouveau, c'est essentiellement le même argument qui est applicable, auquel vient toutefois s'ajouter celui voulant qu'il ait été le second témoin à subir un interrogatoire préalable. On a cité l'affaire Imperial Marine Industries Ltd. c. Fireman's Fund Insurance Company [[1977] 1 C.F. 747] dans laquelle le juge Mahoney, saisi d'une demande présentée en vertu de la Règle
465(19), après avoir cité ladite Règle (qui est ainsi rédigée):
Règle 465... .
(19) La Cour pourra, pour des raisons spéciales, mais excep- tionnellement, et dans sa discrétion, ordonner un autre examen préalable après qu'une partie ou cessionnaire aura été examiné au préalable en vertu de la présente Règle.
dit aux pages 748 et 749:
C'est un langage énergique. La personne qui désire procéder à un nouvel interrogatoire au préalable, doit établir qu'elle le fait pour «des raisons spéciales, mais exceptionnellement» avant que la Cour puisse exercer son pouvoir discrétionnaire. Il me semble que l'un des éléments d'une «raison spéciale» doit être que l'information demandée ait un rapport direct avec le litige dont la Cour est saisie. Si je comprend bien, le critère «excep- tionnellement» s'appliquerait au cas la Cour est convaincue que la procédure habituelle, selon laquelle la personne interro- gée s'informe de points dont elle n'a pas une connaissance personnelle, ne satisferait pas vraiment les fins de la justice. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse en l'espèce d'un cas vrai- ment exceptionnel ni, si c'était le cas, que l'on ait établi l'existence de «raisons spéciales».
L'avocat des demanderesses prétend que Fransber- gen pourrait très bien être interrogé pour détermi- ner s'il a connaissance de la prétendue conversa tion entre Husband et Miles sur la fréquence radio de la compagnie et être requis de se renseigner à cet égard; s'il n'en a pas connaissance, l'avocat admet que Husband pourrait être cité à comparaî- tre à cette fin. Il est possible que l'on puisse obtenir du commandant Fransbergen la reconnais sance nécessaire, mais il me semble que dans les circonstances spéciales de l'espèce il conviendrait d'interroger Husband à cet égard étant donné que toute information que pourrait donner Fransber- gen, après s'être renseigné, serait du ouï-dire sur une question très importante. Je suis donc d'avis qu'il s'agit d'un cas «exceptionnellement» prévu à la Règle 465(19) et qu'il est souhaitable que le commandant Husband soit sommé de comparaître pour un nouvel interrogatoire afin qu'il réponde à toute question relative à la conversation entre lui- même et le commandant Miles ou qu'il aurait entendu ce dernier tenir avec un tiers sur la fré- quence radio de la compagnie le 11 février 1978, ou à toute autre question, qui pourrait se poser par suite des réponses données et qui se rapporterait aux questions soulevées dans les plaidoiries.
Pour ce qui concerne la requête des demanderes- ses demandant que la défenderesse soit tenue de produire une autre liste de documents attestée par affidavit, il est admis que (par suite des perquisi-
tions effectuées par la G.R.C.) un certain nombre de documents ont été trouvés après le dépôt de la liste de documents originale attestée par affidavit. Comme il a déjà été dit, l'avocat des demanderes- ses a eu accès à ces documents et, si je comprends bien, un bon nombre de ceux-ci ne seraient pas pertinents et il n'est certainement pas souhaitable d'encombrer le dossier de la Cour en énumérant des documents qui ne seront jamais utilisés par les parties. L'avocat de la défenderesse a consenti à déposer une liste supplémentaire de documents plus complète, attestée par affidavit, en conformité avec la Règle 461, de même qu'un affidavit préci- sant si les documents mentionnés dans la pièce B de l'affidavit de Donald Bruce Garrow sont ou ont été en la possession de la défenderesse, sinon, quand la défenderesse a cessé de les avoir en sa possession, et ce qu'ils sont devenus, dans la mesure cela est possible. Il fut convenu que cette liste serait déposée avant le 11 juillet 1980, sous réserve du droit pour la défenderesse d'y ajouter d'autres documents plus tard si nécessaire. L'avocat de la défenderesse prétend que les répon- ses à certaines des questions aideront à préparer cette liste. Une ordonnance sera donc rendue à cet effet.
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