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T-3324-75
Warwick Shipping Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, 6 juin; Ottawa, 13 juin 1980.
Pratique Frais et dépens Requête, introduite par les représentants légaux du défunt défendeur dans cette action et dans deux autres, tendant à la fixation d'une somme forfai- taire tenant lieu de dépens taxés Les procureurs du défunt ont consacré de nombreuses heures à la préparation du procès, qui portait sur de grosses sommes Les procédures engagées contre le défunt ont fait l'objet de désistements après sa mort, mais ses procureurs savaient dès avant sa mort qu'on entendait se désister de toutes les réclamations contre lui; ils ont conti- nué à occuper pour lui après sa mort jusqu'au moment du désistement Requête rejetée au motif qu'après le décès de M. Fearon, rien n'a été fait pour que ses exécuteurs testamen- taires reprennent la procédure à leur compte, conformément aux Règles 1724 et 1725 Règles 2(2), 5, 344(1),(7)b), 406(1),(3), 1724, 1725(1) de la Cour fédérale.
Requête, introduite par les représentants légaux d'un défen- deur décédé, Joseph Fearon, tendant à la fixation d'une somme forfaitaire tenant lieu de dépens taxés dans cette action en dommages-intérêts et dans deux autres. M. Fearon est décédé avant que toutes les procédures engagées contre lui n'aient fait l'objet d'un désistement. Mais lorsque le désistement est inter- venu, ses procureurs savaient depuis quelque temps déjà qu'on entendait se désister de toutes les réclamations contre lui. Les procureurs ont assisté à beaucoup de réunions et d'interrogatoi- res préalables dans les provinces maritimes, en Ontario et au Québec, et consacré de nombreuses heures à l'étude de la responsabilité de Fearon et de la limitation de celle-ci sous le régime de la législation fédérale et provinciale. Ils ont continué à occuper pour lui après sa mort, jusqu'au moment du désiste- ment. Il a été allégué que les frais èt dépens prévus au tarif sont insuffisants. Il y avait à déterminer si les procureurs de Fearon étaient en droit de demander la fixation d'une somme forfai- taire tenant lieu de dépens taxés.
Arrêt: la requête est rejetée. Un obstacle majeur s'oppose, sur le plan de la procédure, à l'accueil des requêtes en instance. Après le décès de M. Fearon, rien n'a été fait pour que ses exécuteurs testamentaires reprennent la procédure à leur compte, conformément aux Règles 1724 et 1725. A la diffé- rence de l'article 479 du Code de procédure civile du Québec, les Règles de la Cour fédérale ne prévoient pas la distraction des dépens en faveur des avocats de la partie qui y a droit. Les requérants soutiennent que la Règle 2(2) ou la Règle 5 (la règle des lacunes) pourraient s'appliquer de façon à mettre en oeuvre les pratiques du Québec dans ce domaine, mais cet argument doit être rejeté. Les Règles de la Cour fédérale prévoient les dépens et il n'y a lieu de suppléer à aucune omission du fait de l'absence d'une disposition sur la distraction des dépens en faveur des avocats d'une partie. Les avocats de M. Fearon, qui ont présenté ces requêtes, ne sont donc pas parties ayant droit au recouvrement des dépens. Ils prétendent représenter en fait l'Administration de pilotage de l'Atlantique. Ils font valoir que
celle-ci leur a confié la défense de M. Fearon et que, conformé- ment à l'accord conclu avec l'Administration, ils ont droit aux dépens entre les parties, tels que ces dépens sont taxés par un tribunal. Cet accord n'est pas opposable à la Reine.
Arrêts mentionnés: Smerchanski c. Le ministre du Revenu national [1979] 1 C.F. 801; Manitoba Fisheries Ltd. c. La Reine [1980] 1 C.F. 36; Aladdin Industries Inc. c. Canadian Thermos Products Ltd. [1973] C.F. 942; Hills- dale Golf & Country Club Inc. c. La Reine [1979] 1 C.F. 809; Crabbe e. Le ministre des Transports [1973] C.F. 1091; McCain Foods Ltd. c. C. M. McLean Ltd. [1980] 2 C.F. 580. Arrêts appliqués: Commission de la Capitale nationale c. Bourque [N° 2] [1971] C.F. 133; Osborn Refrigeration Sales and Service Inc. c. L'«Atlantean
[1979] 2 C.F. 661.
REQUÊTE. AVOCATS:
Personne n'a comparu pour la demanderesse. Michel Bourgeois pour Joseph Fearon. James Mabbutt pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Ogilvy Renault, Montréal, pour la demande- resse.
Major & Associates, Montréal, pour Joseph Fearon.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Les représentants légaux de feu Joseph Fearon a introduit une requête tendant à la fixation d'une somme forfaitaire tenant lieu de dépens taxés dans cette action et dans deux autres, savoir Golden Eagle Canada Ltd. et la Commis sion d'énergie électrique du Nouveau-Brunswick c. Sa Majesté la Reine, The Foundation Company of Canada Ltd., mise-en-cause de première part, et J. P. Porter Company Ltd., Henry J. Kaiser Company (Canada) Ltd. et Standard Construc tion Company Ltd., mises-en-cause de seconde part, enregistrée au greffe sous le T-3325-75, et Sa Majesté la Reine c. Le navire «Golden Robin», Warwick Shipping Limited, James T. Reid et Golden Eagle Canada Limited, enregistrée au greffe sous le T-553-76. Sans entrer dans les détails, il est nécessaire de résumer brièvement les faits. Feu Joseph Fearon pilotait le N.M. Golden Robin lorsque survint, à Port Dalhousie (Nouveau-
Brunswick), un accident caractérisé par de multi ples complications tant dans les faits que sur le plan juridique. Par suite de cet accident, Warwick Shipping Limited, d'une part, et Golden Eagle Canada Ltd. et New Brunswick Electric Power Commission, d'autre part, ont poursuivi la défen- deresse en alléguant que l'accident était au fait que le navire avait heurté un obstacle submergé. La défenderesse a mis en cause des tiers, dont Joseph Fearon, et fait valoir que, si elle était jugée responsable envers les demanderesses, elle aurait le droit de recouvrer des contributions auprès de Fearon, conformément aux lois applicables du Nouveau-Brunswick. Les mises-en-cause de seconde part ont été citées en temps utile. Le même accident a donné lieu à une troisième action, intentée par Sa Majesté pour pollution au mazout. Fearon était poursuivi dans cette dernière action, et mis en cause dans les deux autres. D'après les requérants, plus de 50 requêtes et autres actes de procédure ont été présentés par les différentes parties. Fearon a été interrogé pendant deux jours par la défenderesse à l'action T-3325-75, au cours d'un interrogatoire préalable auquel partici- paient six parties représentées par neuf avocats. Les dépositions, dont la transcription occupe 220 pages de papier, auraient porté sur des questions techniques telles que les abords du port, les che- naux à suivre, les aides à la navigation disponibles, le degré de dragage accompli par les mises-en- cause de seconde part, les marées, des courants, etc. Son avocat soutient que pour le représenter proprement, il a le rencontrer plusieurs fois en présence d'experts afin de se faire une idée exacte des environs de Port Dalhousie. Il fallait aussi étudier les questions juridiques relatives à l'appli- cation de la Loi sur la négligence contributive, L.N.-B. 1973, c. C-19, et de la Loi sur les auteurs de délits civils, L.N.-B. 1973, c. T-8 du Nouveau- Brunswick, ainsi que les questions relatives à la limitation de responsabilité prévue par la Loi, sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52, et à l'applica- tion de la Partie XX de la Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9. Autant de questions qui auraient nécessité 100 heures de travail de recherche. Le capitaine du Golden Robin a, lui aussi, été interrogé pendant trois jours, et son témoignage occupe 387 pages de transcription. Les avocats de Fearon, établis à Montréal, ont assister aux interrogatoires préa- lables comme aux réunions à Dalhousie (Nouveau-
Brunswick), à Halifax (Nouvelle-Écosse), à Ottawa, à Toronto et à Montréal. Ils concluent à l'insuffisance des frais et dépens prévus au tarif, à la suite de l'application des Règles 344 et 345 de la Cour fédérale, comme l'application par analogie de la Règle 14 du Tarif du Barreau du Québec, et compte tenu du fait que Joseph Fearon fut mis en cause dans l'action T-3324-75 qui portait sur la somme de $2,284,104.08, et qu'il était poursuivi par Sa Majesté, pour la somme de $195,000 dans l'action T-553-76. Malheureusement, Joseph Fearon est décédé le 12 octobre 1977; le 4 ou 5 janvier 1978, la défenderesse s'est désistée de toutes les procédures engagées contre lui, et le 18 juillet 1978, les intitulés de cause ont été modifiés en conséquence. Les avocats de Fearon soutiennent que ces désistements (en anglais: discontinuances dans les Règles de la Cour) ne tenaient pas à la mort de celui-ci, mais qu'ils en avaient été infor més auparavant, Sa Majesté s'étant manifestement rendue à l'affirmation faite par M. Fearon que sa responsabilité était limitée de par la Loi sur le pilotage, et certains règlements étant intervenus entre-temps, dont le règlement de la poursuite en pollution.
Tout en admettant que le gros du travail fait pour le compte de feu M. Fearon est commun aux trois actions, ses avocats ont essayé d'établir un décompte des frais réclamés par action, en fonc- tion des sommes en cause. Dans l'action au T-3324-75, le montant réclamé, qui est de loin le plus élevé, s'élève à $16,897 alors que les honorai- res prévus au tarif se montent seulement à $1,575. Dans l'action T-3325-75, la somme réclamée est de $4,852.45 et les honoraires prévus au tarif, seulement de $1,500, et dans l'action T-553-76, les honoraires prévus au tarif se montent à $1,425 alors que la somme réclamée est de $5,691. Ils admettent qu'en cas d'application des limitations de responsabilité prévues par la Loi sur le pilotage, la responsabilité de feu M. Fearon eût été seule- ment de $500, mais soutiennent que des difficultés juridiques se sont fait jour quant à la question de savoir si le pilotage accompli était nécessaire ou non, et qu'en tout cas, il encourait, du moins en théorie, l'intégralité des dommages-intérêts récla- més avant que la question de la limitation de responsabilité ne se fût posée dans les plaidoiries. Ils reconnaissent aussi qu'ils étaient au courant au préalable de l'intention de Sa Majesté de se désis-
ter de toutes ses réclamations contre M. Fearon mais que, même après sa mort, ils ont continué à occuper pour lui jusqu'au moment du désistement. La défenderesse ne conteste pas que les deux avo- cats de l'étude représentant M. Fearon ont pu passer le temps indiqué dans leurs affidavits à faire des recherches, à assister aux interrogatoires préa- lables, etc. Elle souligne cependant, qu'il est éton- nant que des experts reconnus en affaires de pilo- tage aient nécessité tant de temps pour faire des recherches sur les différentes questions de droit en jeu, en particulier dans une matière de limitation de responsabilité. Dans l'arrêt Smerchanski c. M.R.N. 1 , qui fait jurisprudence, le juge en chef Jackett a rejeté une demande fondée sur la Règle 344(7) et tendant aux directives spéciales sur les dépens prévus au tarif B, par ces motifs que le délai imparti était expiré et que rien ne justifiait une prorogation du délai de dépôt de cette demande qui, conformément à la Règle 337(5) eût être formulée dans les 10 jours du jugement. Dans un passage qui est en fait un obiter dictum, le savant juge en chef, qui instruisait seul cette demande, s'est prononcé en ces termes à la page 805:
Finalement, j'estime que les documents à l'appui de la pré- sente requête n'apportent rien qui puisse donner raisonnable- ment ouverture à l'exercice par le juge du pouvoir discrétion- naire d'augmenter les honoraires au titre des services de solicitors et de conseils dans le cadre du présent appel. De telles instructions doivent s'appuyer sur des motifs pertinents et ne pas être arbitraires. On a seulement démontré en l'espèce que l'intimé avait reçu un compte de frais extrajudiciaires très élevé dans le cadre du présent appel. Ce fait aurait été pertinent si les frais avaient été adjugés sur la base procureur-client; il ne l'est généralement pas quand il s'agit de fixer les frais entre parties. Rien n'indique que le déroulement de l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre parties.
Après avoir fait ressortir qu'il n'y a aucun principe régissant la fixation des frais ordinaires entre par ties, lesquels ne visent pas à indemniser intégrale- ment la partie qui a gain de cause de ses frais calculés sur la base procureur-client, il a ajouté à la page 806:
J'hésite à admettre que le travail de préparation à lui seul, ou doublé d'autres facteurs comme la difficulté ou l'importance d'une affaire, justifie l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge d'augmenter le montant des frais prévus au tarif B.
et plus loin la page 8061:
' [1979] 1 C.F. 801.
Si, ainsi que je le pense, les dépens entre parties en Cour fédérale ne sont pas destinés à indemniser intégralement la partie à laquelle ils seront versés, ils sont censés se limiter aux sommes tout à fait arbitraires prévues par les règles, sous réserve des modifications autorisées se fondant sur des facteurs relatifs au déroulement de la procédure dont il s'agit.
Dans une décision plus récente, Manitoba Fish eries Limited c. La Reine 2 , le juge suppléant Smith a examiné en détail la jurisprudence anté- rieure, y compris l'arrêt Aladdin Industries Incor porated c. Canadian Thermos Products Limited [1973] C.F. 942 (auquel s'opposait l'arrêt Smer- chanski), l'arrêt Smerchanski lui-même et l'arrêt Hillsdale Golf & Country Club Inc. c. La Reine j'ai interprété les conséquences de Smerchanski et de l'arrêt Crabbe c. Le ministre des Transports 4 de la Cour d'appel fédérale. Le juge suppléant Smith a conclu que, comme il s'agissait d'une cause-type, il fallait allouer des honoraires raison- nables et équitables.
Dans McCain Foods Limited c. C. M. McLean Limited [1980] 2 C.F. 580, jugement en date du 13 décembre 1979 (j'ai appris qu'il a été porté en appel*) j'ai eu encore une fois l'occasion d'exa- miner la jurisprudence Smerchanski, j'ai conclu la page 583] des observations du savant juge en chef selon lesquelles «Rien n'indique que le déroulement de l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre parties» et «sous réserve des modifications autorisées se fondant sur des fac- teurs relatifs au déroulement de la procédure dont il s'agit» que la Cour peut accorder une somme plus élevée sur la foi des preuves soumises en la matière, lors même qu'en principe, les frais entre les parties ne visent pas à indemniser intégrale- ment le temps et l'effort dépensés. Ce jugement a été rendu à la suite d'un désistement tardivement effectué après que la défenderesse eut engagé des dépenses importantes pour s'opposer à l'action en violation de marque de commerce. Dans ce juge- ment, j'ai distingué la Règle 344(1) qui porte:
Règle 344. (1) Les dépens et autres frais de toutes les procé- dures devant la Cour sont laissés à la discrétion de la Cour et suivent le sort de l'affaire sauf ordonnance contraire. Sans
2 [1980] 1 C.F. 36. [1979] 1 C.F. 809. 4 [1973] C.F. 1091. * [[1981] 1 C.F. 534.]
limiter la portée générale, la Cour pourra prescrire le paiement d'une somme fixe ou globale au lieu de frais taxés.
de la Règle 344(7)b) qui porte:
Règle 344...
(7) Une partie peut
b) après que la Cour aura décidé du jugement à prononcer, au moment la requête pour l'obtention d'un jugement est présentée,
que le jugement ait ou non réglé la question des dépens, requérir la Cour de donner, au sujet des dépens, des directives spéciales aux termes de la présente Règle, y compris une directive visée au tarif B, et de statuer sur tout point relatif à l'application de tout ou partie des dispositions de la Règle 346.
parce que j'avais des doutes quant à l'applicabilité de cette dernière Règle alors que j'étais convaincu du caractère général de la Règle 344(1) qui exclut toute taxation.
En l'espèce, la défenderesse conteste la nécessité de nombreuses dépenses réelles faites par les avo- cats représentant feu M. Fearon, et, en tout cas, comme je l'ai souligné dans McCain (supra), il ne faut pas, par l'application de la Règle 344(1) et par la fixation d'une somme forfaitaire au lieu de frais taxés, demander à un officier taxateur de déterminer et de taxer les débours pour y ajouter une somme forfaitaire afin d'en faire des honorai- res. Je suis convaincu qu'il faut laisser de côté la question des débours séparés et allouer un seul ensemble de frais car le travail fait pour le compte de M. Fearon est essentiellement le même dans les trois actions. L'avocat de Sa Majesté émet égale- ment des doutes sur la possibilité d'indemniser les frais de voyage subis par les avocats de Fearon pour assister aux interrogatoires préalables à Fre- dericton et ailleurs, parce que si Fearon s'était fait représenter par des avocats établis dans la ville même de sa résidence, il ne leur aurait pas été nécessaire d'engager ces dépenses. Il allègue aussi que le gros de leur travail n'était pas nécessaire pour protéger Fearon dans les différentes actions. Ils ont certainement occupé avec diligence pour lui. Un calcul précis serait très difficile, mais je pense qu'il serait juste et équitable d'allouer une somme forfaitaire de $10,000 pour couvrir à la fois les honoraires et les débours relatifs aux trois actions, et j'ordonnerais le versement de ce mon- tant si je pouvais conclure au bien-fondé de cette demande.
Il se pose à cet égard quelques points de droit fort intéressants que je vais examiner. La Règle 406(1), qui traite du désistement, porte:
Règle 406. (1) Le demandeur peut, en tout temps antérieur à la signification de la défense du défendeur, ou après cette signification mais avant d''engager toute autre procédure dans l'action (sauf une demande de décision interlocutoire), en dépo- sant et signifiant un avis écrit approprié, se désister complète- ment de son action ou retirer une des réclamations qu'il a faites, et il doit dès lors payer les frais engagés par le défendeur dans l'action, ou s'il ne s'est pas entièrement désisté de l'action, les frais occasionnés au défendeur par la question ainsi retirée. Ces frais, à défaut d'accord, peuvent être taxés.
et la Règle 406(3):
Règle 406... .
(3) Sauf dispositions contraires de la présente Règle, un demandeur ne peut se désister d'une action sans permission de la Cour; mais la Cour pourra, avant ou après une audition, aux conditions qui semblent justes quant aux frais, à l'introduction d'une action subséquente ou à d'autres questions, par ordon- nance, donner suite à la demande de désistement de l'action ou de radiation de toute partie des moyens invoqués à l'appui de la plainte.
Lorsque Sa Majesté s'est désistée des trois actions, il est manifeste qu'elle a déposé les avis de désiste- ment, le 4 ou 5 janvier 1978, en application de la Règle 406(1). M. Fearon étant décédé, elle n'a pas demandé la permission de la Cour pour se désister. Mais des mémoires de défense avaient été déposés et Fearon avait comparu par la suite à l'interroga- toire préalable. L'avocat de Sa Majesté soutient que cet interrogatoire préalable ne constitue pas [TRADUCTION] ((un incident de procédure dans cette action». Si cet argument était fondé, les avocats de Fearon ne pourraient pas réclamer une majoration des dépens, lesquels seraient taxés en cas de désaccord entre les parties, mais par contre, si c'est le paragraphe (3) de la Règle 406 qui s'applique et que la permission de la Cour soit nécessaire en cas de désistement, la Cour peut fixer des conditions spéciales pour les dépens. A mon avis, ce serait une interprétation excessive- ment restrictive du paragraphe (1) que de permet- tre le désistement sans que les représentants de Fearon soient consultés et sans qu'ils aient la possibilité d'exprimer leurs vues au sujet des dépens, alors qu'ils peuvent le faire lorsqu'une ordonnance de la Cour est requise. L'action était alors déjà très avancée et, en fait à part le procès proprement dit, les avocats de Fearon avaient déjà fait presque tout ce qu'il y avait à faire pour son compte; ils y ont consacré des heures de travail et
des dépenses dépassant de loin les dépens qui eussent été taxés en l'absence de toute directive spéciale. A cet égard, il y a lieu de noter que les représentants légaux de Fearon ne s'opposent nul- lement au désistement, mais si celui-ci est réputé avoir lieu le 5 janvier 1978, il leur serait mainte- nant trop tard pour requérir une ordonnance spé- ciale en matière de frais. Il est vrai que, dans les trois actions, la Cour a ordonné la modification des intitulés de cause pour en exclure le nom de Fearon par suite des désistements. Le juge Maho- ney a autorisé cette modification le 15 décembre 1978 dans l'action enregistrée sous le T-3324-75, le juge Gibson l'a fait le 18 juillet 1978 dans l'action enregistrée sous le T-3325-75 et le 17 juillet 1978 dans l'action enregistrée au T-553-76. Les ordonnances ont toutes été rendues sur demande des avocats de feu M. Fearon, con- formément à la Règle 324 et, bien qu'elles opèrent acquiescement tacite aux désistements, elles ne constituent pas des permissions de désistement telles que les prévoit la Règle 406(3). La Cour n'a même pas été saisie d'une demande formelle de permission de désistement, qui eût été certaine- ment accueillie, parce que de l'avis de toutes les parties, il y avait lieu à désistement, lequel a été opéré, par la modification des intitulés de cause. On serait cependant fondé à conclure qu'il ne faut pas considérer les présentes requêtes comme tardi- ves, la Cour n'ayant pas été requise auparavant de se prononcer sur les effets du désistement sur les frais à allouer à feu M. Fearon, et ses avocats n'ayant pas eu l'occasion de soulever ce point.
Cependant, un obstacle majeur s'oppose, sur le plan de la procédure, à l'accueil des requêtes en instance. Après le décès de M. Fearon, rien n'a été fait pour que ses exécuteurs testamentaires repren- nent la procédure à leur compte, conformément aux Règles 1724 et 1725. A la différence de l'article 479 du Code de procédure civile du Québec, les Règles de la Cour fédérale ne pré- voient pas la distraction des dépens en faveur des avocats de la partie qui y a droit. Ce point a été souligné par le juge en chef adjoint Noël dans Commission de la Capitale nationale c. Bourque [No 2] 5 et réitéré dans Osborn Refrigeration Sales
5 [1971] C.F. 133.
and Service Inc. c. L'<.Atlantean I» 6 . Les requé- rants soutiennent que la Règle 2(2) et la Règle 5 (la règle des lacunes) des Règles de la Cour pour- raient s'appliquer de façon à mettre en oeuvre les pratiques du Québec dans ce domaine, mais cet argument doit être rejeté. Les Règles de la Cour fédérale prévoient les dépens et il n'y a lieu de suppléer à aucune omission du fait de l'absence d'une disposition sur la distraction des dépens en faveur des avocats d'une partie. En conséquence, les avocats de feu M. Fearon, qui ont introduit ces requêtes, ne sont pas parties ayant droit au recou- vrement des dépens. Ils prétendent représenter en fait l'Administration de pilotage de l'Atlantique et produisent, à l'appui de l'affidavit de M. Major, un message télex en date du 23 janvier 1976 de cet organisme leur confiant la défense de Joseph Fearon, son employé, et leur confirmant que, con- formément à un accord conclu entre l'Administra- tion et M. Major, ils ont droit aux dépens entre les parties, tels que ces dépens sont taxés et judiciaire- ment établis par un tribunal. Cet accord conclu entre les avocats de M. Fearon et l'Administration de pilotage de l'Atlantique n'est cependant pas opposable à Sa Majesté la Reine, contre qui ils réclament des dépens sous forme de somme forfai- taire, pas plus qu'il n'impose à la Cour fédérale l'obligation de leur allouer des dépens. D'après l'affidavit de Michael R. McGrath, trésorier de l'Administration de pilotage de l'Atlantique, cel- le-ci assumait toutes les dépenses engagées pour le compte de Joseph Fearon dans les actions en jus tice faisant suite à l'échouage du navire Golden Robin, dont les honoraires d'avocats et les frais du pilote Fearon dont l'affidavit énonce les détails. S'il est vrai que c'est l'Administration de pilotage de l'Atlantique qui recouvrera, en fin de compte, les débours sous forme de dépens alloués par suite du désistement dans les procédures intentées contre M. Fearon, les avocats de ce dernier n'en sont pas pour autant fondés à en réclamer le recouvrement. Bien que la procédure la plus cor- recte eût consisté dans l'introduction de ces requê- tes par les exécuteurs testamentaires du défunt eux-mêmes, la Cour pourrait permettre, à cette fin à l'Administration de pilotage de l'Atlantique de se constituer partie conformément à la Règle 1725(1) qui porte ainsi:
6 [1979] 2 C.F. 661, la page 691.
Règle 1725. (1) Lorsque, à quelque stade d'une procédure, le droit ou l'obligation d'une partie quelconque est cédé ou trans- mis à quelque autre personne ou lui est dévolu, la Cour pourra, si elle l'estime nécessaire pour assurer qu'elle pourra, valable- ment et complètement, juger toutes les questions en litige dans la procédure et statuer sur elles, ordonner que cette autre personne soit constituée partie à la procédure et, lorsque cela s'applique, pourra aussi ordonner que les procédures se poursui- vent comme si elle avait été substituée à la partie mentionnée en premier lieu.
Cependant, je ne statue pas sur ce point qui n'a pas été soumis à ma décision. En conséquence, il faut rejeter les requêtes introduites par les avocats de feu M. Fearon, sous réserve de leur droit de les introduire de nouveau au nom de la ou des parties ayant légitimement droit aux dépens par suite des désistements, lorsque ces parties sont représentées dans la procédure à la place de feu Joseph Fearon. MM. Major et associés sont condamnés aux dépens des requêtes en instance, qu'ils ont intro- duites, ces dépens étant calculés pour les trois requêtes considérées comme un tout.
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