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A-65-80
Canadien Pacifique Limitée et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (Appelantes) (Intimées en l'instance devant la CCT)
c.
British Columbia Forest Products Limited, Canadian Cellulose Company Limited, Canadian Forest Products Limited, Cariboo Pulp and Paper Company, Crestbrook Forest Industries, Crown Zellerbach Canada Limited, Eurocan Pulp and Paper Company Ltd., Intercontinental Pulp Com pany, MacMillan Bloedel Limited, Northwood Pulp and Timber Limited, Prince George Pulp and Paper Limited, Rayonier Canada (B.C.) Lim ited, Weyerhaeuser Canada Limited, North West ern Pulp and Power Ltd., Procter and Gamble Company of Canada, Ltd. et Prince Albert Pulp Company Limited (Intimées) (Requérantes en l'instance devant la CCT)
et
La Commission canadienne des transports (Inti- mée)
et
The Akron, Canton and Youngstown Railroad Company, The Baltimore and Ohio Railway Com pany, Bangor and Aroostook Railroad Company, Bessemer and Lake Erie Railroad Company, Boston and Maine Corporation, The Chesapeake and Ohio Railway Company, Chicago South Shore and South Bend Railroad, Consolidated Rail Cor poration, Delaware and Hudson Railway Com pany, Detroit and Toledo Shore Line Railroad Company, Detroit, Toledo and Ironton Railroad Company, Grand Trunk Western Railroad Com pany, The Long Island Railroad, Louisville and Nashville Railroad Company, Maine Central Rail road Company, Norfolk and Western Railway Company, Pittsburgh and Lake Erie Railroad, Richmond Fredericksburg and Potomac Railroad Company et Western Maryland Railway, connues également sous le nom de Eastern Railroads (Intervenantes en l'instance devant la CCT)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, les juges Urie et Ryan—Ottawa, 16, 17, 18 et 20 juin 1980.
Chemins de fer Ordonnance du Comité des transports par chemin de fer requérant les appelantes de négocier avec les
compagnies ferroviaires américaines en vue de rétablir la parité entre les chargements de pâte de bois provenant du Canada et ceux des Etats-Unis transportés vers les marchés américains par les chemins de fer américains Appel sur le fondement de l'art. 64(2) de la Loi nationale sur les transports et demande d'examen judiciaire de cette ordonnance 11 échet d'examiner si le Comité a statué à tort Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 3, 23, 58 et 64(2) Loi sur les chemins de fer, S,R.C. 1970, c. R-2, art. 286(1), 289(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit ici d'un appel contre une ordonnance, rendue par le Comité des transports par chemin de fer, qui requiert les appelantes de tenter de négocier avec les compagnies ferroviai- res américaines en vue de rétablir la parité des taux, ou au cas elles ne parviendraient pas à un accord sur ce point, de prendre toutes mesures tarifaires nécessaires pour rétablir cette parité. Il fut établi que la décision du Comité fut en partie fondée sur certains renseignements relatifs à des détournements de chargements de pâte de bois obtenus après la clôture de l'instruction, renseignements qui n'avaient pas été communi- qués aux appelantes avant que le Comité ait rendu sa décision. Il échet d'examiner s'il fallait qu'il soit constaté qu'au sens du sous-alinéa 23(3)a)(ii) les majorations de tarifs étaient de nature à créer «un découragement déraisonnable du développe- ment des industries primaires ou secondaires ou du commerce d'exportation dans toute région du Canada ou en provenant», si la Commission n'avait pas omis d'observer un principe de justice naturelle, en privant les appelantes de leur droit d'être entendues relativement à des éléments de preuve préjudiciables que la Commission avait obtenus de l'une des intimées après la clôture des débats, si la Commission n'avait pas outrepassé sa compétence, en rendant une ordonnance cherchant à atteindre les transporteurs opérant aux États-Unis et si l'ordre n'était pas trop vague pour constituer un exercice valable de la discrétion conférée à la Commission.
Arrêt: l'appel est rejeté sauf en ce qui concerne le défaut par la Comité d'accorder aux appelantes une audition en bonne et due forme concernant le détournement des chargements de pâte de bois. Rien n'exige que le Comité constate expressément l'existence de telle ou telle chose mentionnée au sous-alinéa 23(3)a)(ii) ou à l'article 3. Ce que le paragraphe 23(3) requiert, c'est que la Commission en menant son enquête tienne compte de tous les facteurs qui lui semblent pertinents en l'occurrence, et notamment ceux dont les alinéas 23(3)a) et b) font état, s'il y a lieu. Le paragraphe 23(4) de la Loi nationale sur les transports exige qu'il y ait une audition avant que la Commission puisse juger qu'un taux nuit à l'intérêt public. Une telle audition requiert au moins que l'on observe les éléments minimums de justice naturelle relatifs au droit de se faire entendre. Or les appelantes n'ont pas eu l'occasion d'exprimer leur point de vue face aux résultats de l'enquête que le Comité a menée sur le détournement des chargements de pâte de bois après l'audition. Ces exigences minimums n'ont donc pas été observées. Il y a donc eu non seulement déni de justice natu- relle, mais aussi inobservation de la prescription légale de procéder par voie d'audition. La décision du Comité est mani- festement nulle. En ordonnant aux appelantes d'obtenir le concours volontaire des transporteurs américains pour rétablir la parité, la Commission visait les transporteurs canadiens et non les transporteurs américains. L'ordonnance a effet in per-
sonam. L'ordonnance vise des transporteurs relevant de la compétence de la Commission et ne s'étend pas à ceux sur lesquels elle n'a pas compétence. La Loi nationale sur les transports ne confie pas à la Commission le soin de fixer les taux, mais de s'assurer que les taux fixés par les transporteurs ne sont pas préjudiciables à l'intérêt public. Donc, la Commis sion n'est nullement obligée de prescrire aux transporteurs les mesures à prendre pour supprimer la cause du préjudice.
Arrêt mentionné: Kane c. Le Conseil d'administration de l'Université de la Colombie-Britannique [1980] 1 R.C.S. 1105.
APPEL et demande d'examen judiciaire. AVOCATS:
B. A. Crane, c.r. pour les appelantes (intimées en l'instance devant la CCT).
T. J. Moloney pour l'appelante Canadien Pacifique Limitée.
S. Cantin et F. C. Hume pour l'appelante la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
J. Foran, M. Rothstein, c.r. et M. Monnin pour les intimées (requérantes en l'instance devant la CCT).
G. W. Nadeau pour l'intimée la Commission canadienne des transports.
L. H. Harnden et D. Woods pour les interve- nantes en l'instance devant la CCT.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les appelantes (intimées en l'instance devant la CCT).
Service du contentieux du Canadien Pacifi- que Limitée, Montréal, pour l'appelante Canadien Pacifique Limitée.
Service du contentieux de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Mont- réal, pour l'appelante la Compagnie des che- mins de fer nationaux du Canada.
Aikins, McAulay & Thorvaldson, Winnipeg, pour les intimées (requérantes en l'instance devant la CCT).
Services juridiques de la Commission cana- dienne des transports, Hull, pour l'intimée la Commission canadienne des transports.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les intervenantes en l'instance devant la CCT.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LA COUR: Il s'agit ici d'un appel conjoint, inter- jeté en vertu du paragraphe 64(2) de la Loi natio- nale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, modifié, contre l'ordonnance R-29767, rendue par le Comité des transports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports, et d'une demande d'examen et d'annulation y afférente, présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), c. 10.
L'ordonnance a été rendue après une enquête menée par le Comité à la suite d'un appel que les intimées ont interjeté en vertu du paragraphe 23(2) de la Loi nationale sur les transports. En bref, l'ordonnance requiert les appelantes (1) de négocier avec les compagnies ferroviaires améri- caines qui transportent en divers lieux des États- Unis, la pâte de bois provenant d'usines de l'Ouest du Canada, en vue de rétablir la parité avec les taux que lesdites compagnies prélèvent pour trans porter dans les mêmes lieux ou presque la pâte de bois provenant d'usines de l'Ouest des Etats-Unis, et (2) au cas elles ne parviendraient pas à un accord sur ce point, de prendre toutes mesures tarifaires pour rétablir cette parité.
Étant donné le nombre des objections soulevées contre l'ordonnance et leur nature, il nous semble opportun de reproduire au complet l'article 23 et l'article 3 qui y est cité:
23. (1) Au présent article
«intérêt public» comprend, sans restreindre sa portée générale,
l'intérêt public décrit à l'article 3;
«transporteur» ou «voiturier» désigne toute personne qui entre- prend, par location ou contre rétribution, des transports par chemin de fer, par eau, par aéronef, par entreprise de transport par véhicule à moteur ou par pipe-line pour den- rées, lorsque ces transports relèvent de la compétence législa- tive du Parlement du Canada.
(2) Lorsqu'une personne a lieu de croire
a) que toute action ou omission d'un transporteur ou de deux transporteurs ou plus, ou
b) que l'effet de l'établissement d'un taux par un ou plusieurs transporteurs en conformité de la présente loi ou de la Loi sur les chemins de fer après le 19 septembre 1967,
peut nuire à l'intérêt public en ce qui concerne les taxes ou les conditions du transport à l'intérieur, à destination ou en prove nance du Canada, cette personne peut demander à la Commis sion l'autorisation d'interjeter appel de l'action, de l'omission ou
du taux et la Commission, si elle est convaincue que la demande est, de prime abord, bien fondée, doit faire l'enquête qu'elle estime justifiée sur l'action, l'omission, le taux ou son effet.
(3) Lorsqu'elle fait une enquête en vertu du présent article, la Commission doit tenir compte de tous les facteurs qui lui semblent pertinents et notamment, sans limiter la portée géné- rale de ce qui précède, voir
a) si les taxes ou conditions spécifiées pour le transport de marchandises au taux ainsi établi sont telles qu'elles entraînent
(i) un désavantage injuste excédant celui qui peut être considéré comme inhérent au lieu ou au volume du trafic, à l'échelle des opérations y afférentes ou au genre de trafic ou de service en question, ou
(ii) un obstacle excessif à l'échange des denrées entre des points au Canada ou un découragement déraisonnable du développement des industries primaires ou secondaires ou du commerce d'exportation dans toute région du Canada ou en provenant, ou du mouvement de denrées passant par des ports canadiens;
b) si le contrôle par un autre genre de service de transport, ou si les intérêts détenus par un transporteur dans un autre genre de service de transport, ou si le contrôle d'un transpor- teur par une compagnie ou une personne qui exploite un autre genre de service de transport ou si les intérêts détenus par ces dernières dans l'entreprise d'un transporteur, peuvent être en cause.
(4) Si la Commission, après une audition, conclut que l'ac- tion, l'omission ou le taux qui fait l'objet de l'appel nuit à l'intérêt public, elle peut, nonobstant la fixation d'un taux en conformité de l'article 278 de la Loi sur les chemins de fer mais en tenant compte des articles 276 et 277 de ladite loi, rendre une ordonnance sommant le transporteur de supprimer la cause du préjudice dans les taxes ou conditions pertinentes spécifiées pour le transport ou telle autre ordonnance qu'elle considère convenir aux circonstances ou elle peut faire un rapport à ce sujet au gouverneur en conseil aux fins de faire prendre toute mesure jugée appropriée.
3. Il est par les présentes déclaré qu'un système économique, efficace et adéquat de transport utilisant au mieux tous les moyens de transport disponibles au prix de revient global le plus bas est essentiel à la protection des intérêts des usagers des moyens de transport et au maintien de la prospérité et du développement économique du Canada, et que la façon la plus sûre de parvenir à ces objectifs est vraisemblablement de rendre tous les moyens de transport capables de soutenir la concur rence dans des conditions qui assureront, compte tenu de la politique nationale et des exigences juridiques et constitution- nelles,
a) que la réglementation de tous les moyens de transport ne sera pas de nature à restreindre la capacité de l'un d'eux de faire librement concurrence à tous les autres moyens de transport;
b) que chaque moyen de transport supporte, autant que possible, une juste part du prix de revient réel des ressources, des facilités et des services fournis à ce moyen de transport grâce aux deniers publics;
c) que chaque moyen de transport soit, autant que possible, indemnisé pour les ressources, les facilités et les services qu'il est tenu de fournir à titre de service public commandé; et
d) que chaque moyen de transport achemine, autant que possible, le trafic à destination ou en provenance de tout point au Canada à des prix et à des conditions qui ne constituent pas
(i) un désavantage déloyal à l'égard de ce trafic plus marqué que celui qui est inhérent à l'endroit desservi ou au volume de ce trafic, à l'ampleur de l'opération qui y est reliée ou au type du trafic ou du service en cause, ou
(ii) un obstacle excessif à l'échange des denrées entre des points au Canada ou un découragement déraisonnable du développement des industries primaires ou secondaires ou du commerce d'exportation dans toute région du Canada ou en provenant, ou du mouvement de denrées passant par des ports canadiens;
et la présente loi est édictée en conformité et pour la réalisation de ces objectifs dans toute la mesure ils sont du domaine des questions relevant de la compétence du Parlement en matière de transport.
Le Comité des transports par chemin de fer, après avoir exposé et discuté, dans 51 pages dacty- lographiées, les faits, la procédure suivie et les arguments soulevés, formule ses constatations de la manière suivante:
Le Comité est d'avis qu'une situation de taux paritaires, essentiellement telle que l'on [sic] invoquée les requérants, existait effectivement avant la mise en application du tarif de majoration ex parte 318 en avril 1976. Cette conviction s'ap- puie sur une correspondance remontant à une quarantaine d'années, sur le témoignage de fonctionnaires supérieurs des chemins de fer dans l'affaire Prince Albert Pulp Co. de 1972, sur nos propres statistiques et sur les données ici présentées, ainsi que surtout, sur les preuves et l'argumentation que nous avons entendues à Vancouver et à Ottawa lors de l'audience concernant la présente cause.
Le Comité a étudié les gros volumes de mouvements de marchandises des usines des requérants vers les principales destinations situées aux Etats-Unis. Les taux de fret applicables à ces mouvements, ainsi que le taux applicable au transport en provenance d'usines concurrentes du nord-ouest des Etats-Unis (Pacifique) ont été vérifiés et présentés sous forme de tableaux. Ceux-ci montrent, hors de tout doute, que la «parité» invoquée par les requérants signifie des taux égaux ou identiques au niveau antérieur à l'ex parte 318, avant les influences de taux de change et de la surtaxe applicable au taux de fret.
Le Comité a longuement étudié l'argumentation des intimés comparant les taux communs internationaux aux taux inté- rieurs des Etats-Unis, notamment en ce qui a trait à l'introduc- tion dans l'équation de taux de change et de la surtaxe applica ble au taux de fret. Des preuves ont été fournies pour montrer que le taux de change a connu, avec le temps, des fluctuations en hausse et en baisse et il a été reconnu que les mouvements dans un sens ou dans l'autre étaient imprévisibles à long terme. Dans l'affaire en cause, les devises canadiennes étaient à parité, ou l'écart entre elles était inférieur à 1%, au moment de l'entrée en vigueur de l'ex parte 318. A l'époque M. Brown, témoin
des intimés, a établi son témoignage, la monnaie américaine était approximativement 12% au-dessus du pair. A l'époque de l'audience, l'écart en faveur de la monnaie américaine attei- gnait près de 18%.
En ce qui concerne la surtaxe liée au taux de change et applicable au taux de fret, ce mécanisme a été introduit par la Commission des transports par chemin de fer en 1921, afin de permettre aux chemins de fer exerçant leurs activités au Canada de recevoir leur juste part des taxes et d'effectuer des règlements en monnaie américaine à leurs correspondants des Etats-Unis, pour les expéditions internationales de marchandi- ses. Ainsi, indépendamment de la situation en matière de change, les transporteurs ferroviaires sont protégés, parce que l'expéditeur des marchandises paie la surtaxe appropriée, qui est ajoutée au prix de base du fret.
Pour toutes les années antérieures à 1921, nous n'avons pu trouver aucun exemple d'un différend tarifaire l'on ait recouru à une comparaison analogue faisant intervenir dans les calculs le taux de change et une surtaxe liée à ce taux. Au regard des faits exposés ci-dessus, nous sommes arrivés à la conclusion que cette argumentation, telle qu'elle a été présen- tée, n'était pas convaincante et ne devrait pas influencer notre décision finale.
La question de savoir si les chemins de fer canadiens ont subi des pertes de tonnage résultant directement de la modification de la situation de taux a été examinée. Le directeur du trafic de l'usine Crown Zellerbach de Duncan Bay, (C.-B.) a fourni par écrit des renseignements détaillés concernant un détournement de tonnage, des chemins de fer canadiens à Vancouver vers les chemins de fer américains à Seattle. Il a déclaré que ce détournement de trafic résultait directement du niveau plus élevé des taux canadiens.
Les preuves fournies lors de l'audience montrent que les ventes de pâte de bois du Canada sur les marchés traditionnels des Etats-Unis n'ont pas été affectées par la situation de taux. Les usines requérantes ont simplement à supporter des frais de transport plus élevés. En fait, les requérantes ont -invoqué l'argument assez exceptionnel selon lequel, dans l'idée que la disparité de taux actuelle était une injustice manifeste à laquelle notre Comité ordonnerait qu'il soit remédié, ils n'avaient encore apporté aucun changement à leur commercia lisation. Nous estimons que le fait que la demande soit actuelle- ment forte et le fait que les recettes nettes soient favorables à cause de la situation existante en matière de change ont aussi une certaine influence sur la décision des requérants de s'abs- tenir d'apporter des changements.
Une autre question qui préoccupe manifestement les requé- rants est le fait que, face aux disparités existant actuellement, les transporteurs ne veulent donner aucune assurance que les majorations futures seront appliquées de façon uniforme aux taux communs internationaux du Canada et aux taux intérieurs des Etats-Unis. Cette assurance, tout en permettant l'élargisse- ment des différences de taux avec le temps, donnerait au moins certaines certitudes pour l'avenir aux producteurs canadiens. Mais les chemins de fer canadiens ne veulent pas aller aussi loin.
Le Comité estime que la situation tarifaire directement créée par l'action ou le défaut d'action, selon ce qu'il en est des chemins de fer canadiens en 1976 a perturbé une structure tarifaire de réciprocité existant de longue date, admise et bien
comprise, qui s'était établie et perfectionnée au cours de plus d'un demi siècle. Cette correspondance avec les usines concur- rentes de la région nord-ouest (Pacifique) des Etats-Unis en matière de taux était, et reste, d'une importance vitale pour la santé économique générale de l'industrie des pâtes et papiers de l'ouest du Canada.
Nonobstant la situation de gains favorable actuelle qui semble être attribuable à la situation monétaire et donc d'une durée indéterminée, les usines de l'ouest du Canada dépendent de la stabilité des taux de fret en ce que celle-ci influe sur les décisions à long terme de commercialisation. De plus, on a laissé entendre qu'une instabilité actuelle et potentielle des taux de fret constitue un élément défavorable décourageant toute capacité nouvelle ou accrue dans cette partie du pays.
Le Comité a pesé tous les témoignages et conclu que le fait que les intimés aient unilatéralement renversé cette structure de taux, cette relation concurrentielle, cette parité, réelle ou rela tive, constituait et constitue encore un acte préjudiciable à l'intérêt public.
En conséquence, il est accédé à la requête. Il y a donc lieu d'adopter des mesures qui mèneront au rétablissement aussi prompt que possible de la parité, réelle ou relative, qui existait entre les taux de fret en provenance de points d'origine situés respectivement au Canada et dans le nord-ouest des Etats-Unis avant la mise en application des tarifs ex parte 318 et 330.
Lors de l'audience, les limites assignées à notre propre juri- diction par l'existence d'une frontière internationale entre les points d'origine et de destination du trafic de pâte de bois en cause nous ont été rappelées plus d'une fois. Malgré cette barrière, il s'était établi, comme nous l'avons vu, une corres- pondance de taux de fret avantageuse de part et d'autre, qui a bien servi les industries de pâtes de bois de l'ouest du Canada et du nord-ouest des Etats-Unis, ainsi que les chemins de fer américains et canadiens. Cette relation s'était créée et dévelop- pée au cours des soixante années qui ont précédé les événements de 1976, sur la base du principe d'une entente, assortie des approbations ou des sanctions qui pouvaient paraître nécessai- res aux autorités de réglementation canadiennes et américaines. C'est la voie du rétablissement du statu quo ante, de l'ensemble de correspondances qui ont existé jusqu'à 1976.
Les intimés ont créé l'injustice à laquelle la présente décision porte remède. Il sera attendu d'eux qu'ils prennent les mesures nécessaires pour redresser la situation (mesures que, selon les déclarations du témoin Lawless, ils auraient pu prendre à l'époque toutes les difficultés sont apparues).
Dans le mémoire des appelantes, l'avocat sou- lève neuf objections contre l'ordonnance du Comité et réclame son annulation. Elles sont appuyées par les intervenantes qui soulèvent les neuf mêmes objections. Selon lui, les cinq premiè- res couvrent différents aspects du même problème, à savoir: le Comité a-t-il posé les bonnes questions et fait les bonnes constatations et la preuve admi- nistrée les justifie-t-elle? Et, en particulier, a-t-il considéré l'effet des majorations? Celles-ci ont- elles entraîné à l'égard du commerce d'exportation un découragement déraisonnable qui les ferait
tomber sous le coup de ce que l'avocat a soutenu être les critères statutaires créés par le libellé du sous-alinéa 23(3)a)(ii)? Selon lui, si nous compre- nons bien, pour qu'une ordonnance rendue au titre du paragraphe 23(4) soit fondée, il faut une cons- tatation établissant qu'au sens dudit sous-alinéa, les majorations de tarifs mises en oeuvre par ce qu'on a appelé les tarifs de majoration ex parte 318 et ex parte 330 sont de nature à créer «un découragement déraisonnable du développement des industries primaires ou secondaires ou du com merce d'exportation dans toute région du Canada ou en provenant»; or, le Comité n'a pas fait une telle constatation et en tout cas il n'existe aucune preuve à l'appui. Il prétend ensuite que le Comité a omis de considérer et de prendre en compte la politique nationale des transports énoncée à l'arti- cle 3 et, en particulier, d'examiner si l'état des recettes des appelantes exigeait ces majorations de tarifs.
Cette argumentation repose sur une interpréta- tion étroite de l'article 23 qu'à notre avis son libellé ne justifie pas. Il n'exige nullement à notre avis que le Comité constate expressément l'exis- tence de telle ou telle chose mentionnée au sous- alinéa 23(3)a)(ii) ou à l'article 3, ni qu'il y ait des preuves autorisant à conclure à la présence de l'une ou de plusieurs des choses mentionnées audit sous-alinéa.
Ce sur quoi le paragraphe 23(2) ordonne à la Commission d'enquêter c'est l'effet préjudiciable que l'action, l'omission ou le taux dont on se plaint peut avoir pour l'intérêt public en ce qui concerne les taxes ou les conditions du transport à l'inté- rieur, à destination ou en provenance du Canada. L'enquête qu'il lui faut mener est donc bien définie et quand elle a été faite après une audition, et que la Commission juge que l'acte, l'omission ou le taux nuit à l'intérêt public, elle peut en vertu du paragraphe 23(4), dans les limites qu'il fixe, rendre une ordonnance sommant le transporteur de supprimer la cause du préjudice dans les taxes ou conditions pertinentes, ou toute autre ordon- nance qu'elle considère convenir aux circonstances. Il n'est indiqué nulle part que les conclusions de la
Commission doivent constater l'un des points men- tionnés au sous-alinéa 23(3)a)(ii) ou s'y appuyer. Ce que le paragraphe 23(3) requiert, c'est que la Commission en menant son enquête tienne compte de tous les facteurs qui lui semblent pertinents en l'occurrence, et notamment ceux dont les alinéas 23(3)a) et b) font état, s'il y a lieu. Les facteurs à considérer sont donc définis dans le sens le plus large. Le législateur s'est fié à la Commission pour déceler ce qui est susceptible de nuire à l'intérêt public et lui a laissé le soin de décider ce qui est pertinent à cet égard; loin d'exiger d'elle qu'elle constate des choses analogues à celles énoncées aux alinéas a) et b), il lui a simplement ordonné d'en tenir compte lorsqu'elles sont présentes.
Nous estimons donc que l'argumentation des appelantes fondée sur leur interprétation du para- graphe 23(3), ne repose sur aucun élément valable.
Quant à la prétention selon laquelle le Comité n'a pas pris en considération les besoins des appe- lantes en matière de recettes, des preuves non contredites, bien que générales, établissent que les compagnies ferroviaires avaient besoin de majorer les tarifs pour augmenter leurs recettes et que la question a été débattue devant le Comité. Il en est question à la page 19 de la décision (dossier con joint, vol. 5, p. 714) dans la phrase suivante qui examine les arguments de l'avocat des Chemins de fer nationaux:
Il a émis l'avis que si les chemins de fer canadiens n'avaient pas refusé eux aussi de participer à la majoration ex parte 318, ce qui aurait maintenu la parité existante, c'était parce qu'ils estimaient que les recettes supplémentaires étaient justifiées et qu'elles leur étaient très nécessaires.
Le passage suivant de la page 21 de la décision (dossier conjoint, vol. 5, page 716) reprend la même question:
Le président a invité ensuite l'avocat à expliquer la position du CN et du CP si, tels étant les faits, cet usage ne traduisait rien de plus qu'une théorie. L'avocat a répondu que les trans- porteurs canadiens, à l'époque de la situation inhabituelle en rapport avec le tarif de majoration ex parte 318, avaient fait une évaluation des recettes qui leur étaient nécessaires et avaient décidé que ces besoins justifiaient le maintien intégral de la majoration initialement appliquée.
Le président a poursuivi en demandant pourquoi, si les chemins de fer canadiens avaient pris la décision susdite à cause
de besoins de recettes plus élevés, ils s'étaient contentés d'appli- quer la même majoration que les transporteurs américains dans le cas des quatre majorations ex parte ultérieures.
Il a fait remarquer que les transporteurs canadiens avaient fait preuve d'une certaine indépendance en ce qui concernait le tarif ex parte 318. Peut-être aurait-on pu s'attendre logique- ment à ce qu'ils continuent de faire preuve de cette indépen- dance à l'occasion des quatre majorations ex parte ultérieures, mais ils ne l'avaient pas fait. Au lieu de cela, ils étaient revenus au régime établi pendant quelque soixante ans avant 1976. Dans ces conditions, le Comité trouvait assez difficile de com- prendre que des besoins pressants de recettes accrues n'aient exigé que dans un cas seulement que l'on s'écarte d'une procé- dure existante et admise de longue date. L'avocat a promis de répondre à cette question dans les meilleurs délais.
Les constatations du Comité ne font aucune mention particulière de cette question, mais vu l'affirmation que «Le Comité a pesé tous les témoi- gnages et conclu» que la conduite des appelantes en renversant les structures de parité des taux «constituait et constitue encore un acte préjudicia- ble à l'intérêt public», on ne peut pas dire qu'il a omis d'examiner la question et de lui donner l'im- portance que, selon lui, elle mérite. Il avait toute latitude de considérer que non seulement pendant de nombreuses années avant 1967 les chemins de fer canadiens ont convenu de taux de parité et transporté la pâte de bois à ces taux, mais encore qu'ils ont continué à le faire encore pendant neuf ans, c'est-à-dire jusqu'à ce que la majoration ex parte 318 entre en vigueur, et que depuis lors ils ont à plusieurs reprises participé à des majorations de tarifs uniformes au titre d'arrangements du même genre. Il pouvait donc conclure qu'il n'exis- tait aucun besoin de revenus supplémentaires ou tout au moins aucun besoin assez sérieux pour justifier que les usines de l'Ouest du Canada soient placées dans une position désavantageuse par rap port à celles de l'Ouest des États-Unis qu'elles concurrencent.
Les deux autres points des cinq premiers du mémoire des appelantes n'ont pas été discutés et nous les jugeons sans valeur.
La sixième objection est la suivante: le Comité aurait fait erreur en droit ou sur le plan de la compétence en négligeant un point de toute pre- mière importance, à savoir l'effet que les fluctua tions du taux de change ont sur le degré de concur rence des industries canadiennes et américaines. Le Comité traite cette question dans les troisième, quatrième et cinquième paragraphes de ses consta-
tations, déjà citées dans ces motifs.
A notre avis, il entre tout à fait dans les attribu tions du Comité de décider quelle importance il convient de donner au fait qu'au moment de l'au- dition, les taux de change favorisaient les indus tries canadiennes et faisaient même plus que com- penser le désavantage créé par les majorations des tarifs de fret et nous ne voyons aucune erreur de droit ou de compétence à ce qu'il ait conclu que ce facteur n'influencerait nullement sa décision.
Nous estimons que l'erreur la plus sérieuse que les appelantes reprochent à la Commission, c'est d'avoir omis d'observer un principe de justice natu- relle en les privant de leur droit d'être entendues relativement à des éléments de preuve préjudicia- bles que la Commission a obtenus de l'une des intimées après la clôture des débats. L'allégation est fondée sur les circonstances suivantes:
Au cours de l'instruction devant la Commission, un témoin a déclaré que des chargements de pâte de bois étaient détournés sur les chemins de fer américains depuis le changement de taux en litige et en raison dudit changement. Ils proviennent de Duncan Bay (Colombie-Britannique) et sont détournés sur Seattle au lieu d'être dirigés sur Vancouver. S'ils étaient dirigés sur Vancouver, ils emprunteraient un chemin de fer canadien, mais à Seattle ils sont transportés vers l'Est par un chemin de fer américain. Dans son mémoire final à la Commission, l'avocat des chemins de fer prétend que la cause du détournement n'a pas été établie de façon satisfaisante. Il peut être dû, selon lui, à des causes autres que la différence des taux de transport.
Il ressort clairement de la décision que la Com mission a effectivement mené sa propre enquête sur le détournement de Duncan Bay «. .. en se mettant en rapport avec le Directeur du trafic de l'usine Crown Zellerbach de Duncan Bay, C.-B.» Les résultats figurent aux pages 47 et 48 de la décision. Un mémoire de la Commission en date du 28 décembre 1978 et une lettre, du 14 décem- bre 1978, signée par le directeur du trafic de Crown Zellerbach, fournissent aussi certains détails. Personne ne conteste que l'information a
été obtenue après la clôture de l'instruction et n'a pas été communiquée aux appelantes avant que la Commission ait rendu sa décision.
Les constatations de la Commission, exposées dans sa décision, et que nous venons de mention- ner, contiennent une référence directe à son enquête sur Duncan Bay. Elle y affirme entre autres que le directeur du trafic de l'usine Crown Zellerbach «a déclaré que ce détournement de trafic résultait directement du niveau plus élevé des taux canadiens».
Le paragraphe 23(4) de la Loi nationale sur les transports exige qu'il y ait une audition avant que la Commission puisse juger qu'un «taux» nuit à l'intérêt public. Selon nous, une telle audition requiert au moins que l'on observe les éléments minimums de justice naturelle relatifs au droit de se faire entendre. Or les appelantes n'ont pas eu l'occasion d'exprimer leur point de vue face aux résultats de l'enquête que la Commission a menée sur le détournement de Duncan Bay après l'audi- tion. Ces exigences minimums n'ont donc pas été observées. Il y a donc eu non seulement déni de justice naturelle, mais aussi inobservation de la prescription légale de procéder par voie d'audition. Il s'ensuit que la décision de la Commission est nulle.' Nous notons que ladite décision indique clairement que la Commission s'est fiée au moins dans une certaine mesure à l'information qu'elle a obtenue. Son annulation et celle de l'ordonnance y afférente ont comme conséquence que l'appel des intimées interjeté devant la Commission en vertu de l'article 23 de la Loi nationale sur les trans ports devra être jugé à nouveau lorsque le détour- nement de Duncan Bay aura fait l'objet d'une audition.
Les autres objections soulevées par les appelan- tes ont trait à la forme de l'ordonnance de la Commission. Elles prétendent que celle-ci [TRA- DUCTION] «a outrepassé sa compétence en rendant une ordonnance qui enjoint aux appelantes de chercher immédiatement le concours volontaire des transporteurs participant à des ententes sur les taux forfaitaires internationaux pour rétablir la parité des taux du transport de la pâte de bois, de points d'origine de l'Ouest du Canada et du Nord-
' Voir Kane c. Le Conseil d'administration de l'Université de la Colombie-Britannique [1980] 1 R.C.S. 1105.
Ouest des États-Unis, ou de prendre toute autre mesure en exécution de la décision du Comité.»
Voici les portions de l'ordonnance auxquelles les appelantes s'objectent:
1. Les intimés cherchent immédiatement à obtenir le concours volontaire des transporteurs participant aux ententes sur les taux forfaitaires internationaux conjoints pour rétablir la parité des taux du transport de la pâte de bois, de points d'origine de l'ouest du Canada et du nord-ouest des Etats-Unis vers les marchés américains de l'Official Territory du Western Truck Line Territory et du Southern Freight Association Territory, parité qui existait avant la majoration de tarif ex parte 318 d'avril 1976, en appliquant les majorations ex parte subséquen- tes des points d'origine de l'ouest du Canada et du nord-ouest des Etats-Unis et en incorporant, le cas échéant, les réductions et exceptions prévues pour les points d'origine du nord-ouest des Etats-Unis et que, dans les cinq jours suivant la réception dudit concours volontaire, les intimés prennent les mesures tarifaires se rapportant auxdits taux forfaitaires internationaux conjoints.
2. Les intimés présentent au Comité, dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance, des rapports périodiques sur les progrès accomplis en ce qui a trait au paragraphe 1 et, au cas ledit concours volontaire n'aurait pas été obtenu dans ledit délai, le Comité pourra accorder les prolongations jugées rai- sonnables s'il est d'avis que ce concours serait sur le point d'être obtenu.
3. Si les intimés établissent que le concours volontaire men- tionné au paragraphe 1, nécessaire pour prendre les mesures mentionnées au même paragraphe, n'est pas sur le point d'être obtenu, ils en avertiront immédiatement le Comité et, dans les 15 jours suivants, ils prendront toute autre mesure arrêtée par décision du Comité.
La Commission serait, soutient-on, incompé- tente pour rendre une ordonnance qui a un effet extra-territorial. En enjoignant aux appelantes de chercher immédiatement à obtenir le concours volontaire des transporteurs américains participant à des mesures visant les taux forfaitaires interna- tionaux, la Commission aurait fait indirectement ce qu'elle reconnaissait ne pouvoir faire directe- ment, à savoir fixer des taux internationaux com- muns. Selon les appelantes, la Loi nationale sur les transports confère à la Commission (si on la lit en même temps que les paragraphes 286(1) 2 et 289(1) 3 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C.
2 286. (1) Lorsque le transport doit s'effectuer sur un par- cours continu, d'un endroit à un autre au Canada, en passant par un pays étranger, ou d'un endroit au Canada à un pays étranger, et que ce parcours s'effectue par voie exploitée par deux compagnies ou plus, canadiennes ou étrangères, les diver- ses compagnies doivent déposer au bureau de la Commission un tarif commun pour ce parcours continu.
3 289. (1) Les tarifs communs, relativement à leur dépôt et à leur publication, sont assujettis aux dispositions de la présente
1970, c. R-2) la compétence de rejeter des taux seulement en ce qui concerne les transporteurs canadiens. Lesdits paragraphes doivent être lus, soutient leur avocat, avec le paragraphe 23(4) précité et l'article 58 4 de la Loi nationale sur les transports. De cette lecture conjointe, il ressorti- rait que la loi n'autorise pas la Commission à essayer d'obtenir le concours volontaire des trans- porteurs américains pour fixer des taux qui rétabli- ront la parité pour le transport de la pâte de bois en litige. L'ordonnance de la Commission, a-t-on prétendu, implique nécessairement une extension de sa [TRADUCTION] «portée», de façon à atteindre les transporteurs opérant aux États-Unis sur les- quels, comme elle le reconnaît dans sa décision, elle n'a aucune compétence. Les intervenantes appuient les prétentions des appelantes sur ce point.
Nous ne pouvons souscrire à ces prétentions. A notre avis, l'article 23 est un genre de code qui permet à la Commission d'agir dans les circons- tances mentionnées au paragraphe (2). Comme nous l'avons déjà dit, le paragraphe (3) énonce les points que la Commission doit considérer. Quant au paragraphe (4), il prévoit une audition et déter- mine ce que la Commission peut faire si, après cette audition, elle estime que «l'action, l'omission ou le taux qui fait l'objet de l'appel nuit à l'intérêt public». Il lui ordonne de tenir compte des articles 276 et 277 de la Loi sur les chemins de fer, qui stipulent que les taux de transport de marchandi- ses doivent être compensatoires. Toutes les parties
loi qui s'appliquent au dépôt et à la publication des tarifs locaux de même nature, sauf que les tarifs communs peuvent être déposés par un seul agent ou une seule compagnie, dûment autorisé par procuration de la compagnie qui a pris l'initiative. Sur le dépôt régulier de ce tarif commun au bureau de la Commission, les compagnies, jusqu'à ce que ce tarif soit rem- placé par un autre tarif ou rejeté par la Commission, doivent percevoir les taxes qui y sont indiquées; la Commission peut soustraire à l'application des dispositions du présent article de dépôt et la publication d'un tarif ou de tous les tarifs de voyageurs, établis par des compagnies de chemins de fer étran- gères. [Soulignés ajoutés.]
4 58. Sur toute requête présentée à la Commission, cette dernière peut rendre une ordonnance accordant cette requête en totalité ou en partie seulement, ou accorder un redressement plus étendu ou tout autre redressement de griefs, en sus ou au lieu de celui qui a été demandé, selon que la chose lui paraît juste et convenable, aussi amplement à tous égards que si la requête eût été faite pour obtenir ce redressement partiel, différent ou plus étendu.
s'accordent à dire qu'en l'espèce, il n'y a aucun litige sur ce point.
La Commission peut rendre alors une ordon- nance «sommant le transporteur de supprimer la cause du préjudice dans les taxes ... pertinentes ... ou telle autre ordonnance qu'elle considère convenir aux circonstances ....» Ayant jugé, comme l'indique le préambule de l'ordonnance, que le renversement unilatéral de la parité de taux «constituait et constitue encore un acte préjudicia- ble à l'intérêt public», elle a ordonné que les appe- lantes cherchent à obtenir le concours volontaire des transporteurs américains pour rétablir la parité. Ce faisant, elle a rendu cette ordonnance pour les transporteurs canadiens et non pas pour les transporteurs américains. L'ordonnance a effet in personam. Elle n'a pas pour objet de fixer des taux au Canada ni aux Etats-Unis; elle ordonne simplement aux appelantes de rechercher le con- cours des transporteurs américains qui participent aux ententes sur les taux forfaitaires internatio- naux pour rétablir l'état de choses antérieur, c'est-à-dire la parité de taux pour les producteurs de pâte de bois dans l'Ouest du Canada et le Nord-Ouest des États-Unis. L'ordonnance vise des transporteurs relevant de la compétence de la Commission et ne s'étend pas à ceux sur lesquels elle n'a pas compétence. La première objection que les appelantes soulèvent contre la forme de l'or- donnance échoue donc.
La seconde objection sur la forme a trait au paragraphe 3 de l'ordonnance. L'avocat des appe- lantes prétend que l'ordre qu'il adresse à ces der- nières de prendre «toute autre mesure arrêtée par décision du Comité», au cas elles ne parvien- draient pas à un accord avec les chemins de fer américains, est trop vague pour constituer un exer- cice valable de la discrétion que le paragraphe 23(4) ou l'article 58 de la Loi lui confère. Il soutient que la Commission a l'obligation d'indi- quer clairement ses exigences pour permettre à ceux que son ordonnance lie de se conformer à ses prescriptions.
Il convient d'abord de noter que le paragraphe 23(4) autorise la Commission à rendre «telle autre ordonnance qu'elle considère convenir aux circons- tances [de l'espèce]» et que les mesures qu'elle propose au paragraphe 3 n'ont pas besoin de porter sur les taux internationaux communs que prévoient
les articles 286 et 289 de la Loi sur les chemins de fer (précités). L'ordonnance se borne à dire en fait que si les appelantes ne parviennent pas à un accord avec les transporteurs américains sur le rétablissement de la parité, il leur faut prendre les mesures appropriées pour supprimer 'du tarif la cause du préjudice et réaliser ladite parité. Bien entendu, elles doivent aussi se conformer aux para- graphes 286(1) et 289(1).
Deuxièmement, il convient de rappeler que les appelantes, par requête du 23 octobre 1979, demandèrent à la Commission de reconsidérer l'or- donnance R-29767, qui est ici en litige. En voici le paragraphe 2:
[TRADUCTION] 2. Le paragraphe 3 de l'ordonnance est trop vague et par suite, selon les termes du sous-paragraphe 4b) de l'ordonnance, la question est traitée de façon insuffisante. La phrase «toute autre mesure arrêtée par décision du Comité» englobe plusieurs alternatives sans spécifier, comme ce devrait être le cas, les mesures que les intimées doivent prendre. Ce ne devrait pas être à elles à deviner. Les mesures devraient être indiquées en détail, de manière à ne laisser aucun doute; sinon, il est impossible de les exécuter.
Les avocats des intimées déclarent que le fait de reconnaître que les appelantes disposent de plu- sieurs alternatives est incompatible avec le fait de déclarer que l'ordonnance est vague. Ils attirent l'attention de la Cour sur la décision que la Com mission a rendue à propos de la demande de reconsidération et en adoptent les termes face aux prétentions que les appelantes arborent à cet égard. Les motifs de la Commission sont les suivants:
Nous ne pensons cependant pas que le paragraphe 3 est trop vague et ne peut pas par conséquent être appliqué. Selon nous, le paragraphe 3 est très clair: au cas les intimés ne soient pas en mesure de recueillir le concours volontaire des compagnies de chemin de fer américaines, la conclusion du Comité voulant que le renversement de parité qu'ils ont provoqué constituait et constitue encore un acte préjudiciable à l'intérêt public, est toujours valide. Aussi, quelles que soient les autres mesures tarifaires prises par les intimés, ils doivent dans tous les cas en informer le Comité de façon à pouvoir déterminer si le Comité juge ces mesures adéquates et conformes à l'ordonnance.
Nous approuvons la réponse de la Commission face à l'allégation que l'ordonnance est trop vague. La Loi nationale sur les transports ne confie pas à la Commission le soin de fixer les taux, mais de s'assurer, entre autres, que les taux fixés par les transporteurs en vertu de ladite Loi ou de la Loi sur les chemins de fer ne sont pas préjudiciables à l'intérêt public. Donc, à notre avis, la Commission
n'est nullement obligée de prescrire aux transpor- teurs les mesures à prendre pour supprimer la cause du préjudice. Ceux-ci ont le droit et l'obliga- tion de le faire et il faut présumer qu'ils connais- sent la meilleure manière d'y parvenir, non seule- ment du point de vue des expéditeurs, mais aussi du leur. Pour ces raisons, nous estimons que les appelantes échouent également dans leur seconde objection sur la forme de l'ordonnance.
Les appelantes prétendent enfin que la Commis sion a outrepassé sa compétence en traitant dans son ordonnance de prétendus [TRADUCTION] «taux réduits» dans des cas ceux-ci font l'objet d'une demande séparée à la Commission. Lesdits taux réduits ont trait à des chargements de wagons qui dépassent 150,000 livres. Dans le paragraphe l er de l'ordonnance, il convient de noter qu'en cherchant un concours volontaire pour rétablir la parité des taux, la Commission se réfère spécifiquement à des réductions. En outre, l'un des renvois de l'ordon- nance est rédigé de la manière suivante:
Tels que les rabais accordés aux points d'origine du nord- ouest des Etats-Unis pour les wagons complets de pâte de bois de 150 000 livres et plus, vers des destinations situées dans l'Official Territory.
Tout en reconnaissant que la Commission est actuellement saisie d'une demande séparée affé- rente aux taux réduits, les avocats des intimées déclarent que les parties ne sont pas les mêmes qu'en l'espèce et que la portée de cette affaire dépasse les taux réduits pour chargements de wagons excédant 150,000 livres. Toutefois, la question des taux réduits a été plaidée lors de l'appel que les intimées ont interjeté en vertu du paragraphe 23(2) et des preuves documentaires et orales ont été administrées. La Commission en est donc régulièrement saisie et, de toute évidence, puisque la preuve révèle que les expéditeurs améri- cains bénéficient de taux réduits en vertu du tarif de majoration ex parte 330, le Comité a toute latitude de régler ce point litigieux et de conclure que, dans l'optique de la parité de taux, les expédi- teurs canadiens doivent jouir des mêmes avanta- ges. Les constatations que nous avons mentionnées ne se réfèrent pas expressément aux taux réduits, mais nous ne doutons pas que le Comité a examiné la question et conclu qu'elle était l'un des éléments de la parité de taux qu'il souhaitait voir se rétablir.
En conséquence, nous n'accueillons l'appel qu'en ce qui concerne le défaut par le Comité d'accorder aux appelantes une audition en bonne et due forme concernant le détournement via Seattle, au profit des chemins de fer américains et au détriment de Vancouver et des chemins de fer canadiens, des chargements de pâte de bois en provenance de Duncan Bay (C.-B.). Sur tous les autres points, nous rejetons l'appel. En conséquence, la Cour certifiera à la Commission canadienne des trans ports qu'à son avis l'ordonnance R-29767 n'est pas valable et doit être annulée et lui enjoindra de connaître à nouveau de l'affaire, qui fait l'objet de ladite ordonnance, après avoir donné aux appelan- tes l'occasion de se faire entendre à une audition, au sens du paragraphe 24(4) de la Loi nationale sur les transports, concernant le détournement des chargements de pâte de bois en provenance de Duncan Bay.
Compte tenu des Règles 1312 et 1408, aucune des parties n'aura droit aux dépens.
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