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T-3106-72
Swiss Bank Corporation (Demanderesse) c.
Air Canada, Swissair et Swiss Air Transport Co. Ltd. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, 6, 7 et 8 octobre; Ottawa, 22 octobre 1981.
Aéronautique Réclamation d'un colis expédié mais perdu Reconnaissance par la défenderesse Air Canada de sa responsabilité mais prétendue limitation de celle-ci à $1,000 en vertu de la Convention de Varsovie incorporée dans la Loi sur les transports aériens Invocation par la demanderesse de l'art. 25 de la Convention de Varsovie, modifié, lequel exclut la limitation de responsabilité prévue à l'art. 22 de la Convention Limitation ou non de la responsabilité de la défenderesse Air Canada Intérêts, au taux commercial ou non, courant à compter du jour de la perte, jusqu'au jour du jugement Loi sur les transports aériens, S.R.C. 1970, c. C-14, annexe I, art. 22, 25 et annexe III, art. XI et XIII Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.). c. 10, art. 40 Règles 5, 406, 456 et 1212 de la Cour fédérale Code civil du Québec, art. 1054 Code de procédure civile du Québec, art. 476.
Cette espèce est une demande d'indemnisation à la suite de la perte d'un colis contenant des billets de banque canadiens, totalisant $60,400, remis par la demanderesse à la défenderesse Swissair pour être transporté par Swissair et Air Canada à destination de Montréal, le destinataire étant La Banque Royale du Canada. Il est établi que le colis fut remis à un responsable d'aire de trafic à Montréal, lequel l'aurait livré au responsable du casier des marchandises de valeur. Il est aussi établi que les documents relatifs au colis ont disparu. Air Canada reconnaît sa responsabilité mais soutient qu'elle est limitée à $1,000, soit la limite de responsabilité selon la Con vention de Varsovie pour le transport aérien international, Convention qu'incorpore et adopte la Loi sur les transports aériens. La demanderesse fait valoir l'article 25 de la Conven tion, modifié par la Convention de La Haye, laquelle exclut les limites de responsabilité prévues à l'article 22 de la Convention lorsque le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses préposés fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement, pour autant que, en ce dernier cas, le préposé ait agi dans l'exercice de ses fonc- tions. Il échet d'examiner si la défenderesse Air Canada peut limiter sa responsabilité ou si cela est exclu par l'article 25 de la Convention de Varsovie, modifié. La demanderesse conclut aussi à l'intérêt, au taux commercial, courant à compter du jour de la perte, jusqu'à celui du jugement.
Arrêt: l'action de la demanderesse est accueillie. Pour ce qui est de la responsabilité directe d'Air Canada, la Cour ne peut conclure que la perte a résulté d'un acte ou d'une omission de sa part «fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résul- tera probablement». Certes, les mesures de sécurité prises par Air Canada à l'époque pour assurer la protection des marchan-
dises de valeur étaient loin d'être parfaites; il ne peut cependant être conclu, d'après la preuve administrée, que c'est l'absence de ces mesures ou le défaut de les respecter à la lettre qui est responsable de la perte. Les erreurs d'Air Canada sont la cause du retard mis à découvrir l'absence du colis et à ouvrir une enquête pour le retrouver. Elles ne sont pas la cause de sa disparition. Il était aussi fautif d'employer un individu non au-dessus des soupçons comme responsable du casier des mar- chandises de valeur, mais à cette époque, on n'avait pas encore grand motif de le soupçonner. Au sujet de la responsabilité du transporteur pour le fait de ses préposés, la Cour a fait sienne l'interprétation objective, adoptée par la Cour de cassation française, de l'article 25 de la Convention. S'il s'avérait néces- saire d'identifier spécifiquement le voleur dans les cas il a été conclu que les marchandises ont bien été volées en transit par un préposé ou quelque mandataire agissant dans l'exécution de ses fonctions, pour sonder ses intentions, avant de conclure que ce faisant, il les a volées avec l'intention de causer un dommage, ou témérairement et avec conscience qu'il en résul- tera probablement un dommage, l'exclusion de la limitation de responsabilité ne recevrait que fort rarement application. Il devient alors spécieux de soutenir, lorsque le vol a eu lieu par suite de la participation d'un ou de plusieurs individus incon- nus, agissant dans l'exercice de leurs fonctions, que l'intention de causer un dommage ou la conscience qu'un dommage en résultera probablement ne peuvent être prouvées parce qu'il est impossible d'identifier ceux dont on doit examiner les inten tions. Tout voleur, tous les voleurs, doivent savoir qu'un dom- mage résultera probablement de leur geste même si ce n'est pas l'intention particulière qu'ils ont lorsqu'ils volent le colis en cause. Interpréter l'article 25 autrement aurait pour effet de lui enlever toute signification. En outre, le vol présumé du colis par un ou des employés d'Air Canada peut être considéré comme régi par les dispositions de l'article 25 parce qu'il s'est produit dans l'exercice de leurs fonctions, la possibilité de le faire étant apparue alors qu'ils travaillaient dans le hangar réservé aux marchandises, à manipuler des marchandises, dont le colis précieux en cause. Il n'existe aucun précédent autorisant à accorder au nom de l'équité la demande d'intérêt avant juge- ment de la demanderesse. Ce sont les dispositions de la Conven tion de Varsovie, modifiées par la Convention de La Haye, qui doivent être appliquées en l'espèce, non les dispositions du droit fédéral ou provincial, qu'un intérêt de ce genre ait ou non été accordé selon le droit de la province de Québec l'action a été instruite. La Cour ne devrait pas s'écarter de sa pratique habituelle et accorder l'intérêt au taux commercial plutôt qu'au taux légal à compter du jugement.
Arrêt appliqué: Bensol Customs Brokers Ltd. c. Air Canada [1979] 2 C.F. 575. Arrêts approuvés: Lacroix Baartmans, Callens, Und, Van Tichelen S.A. c. Swiss Air 1974 R.F.D.A. 75; C` Air-France c. Moinot 1976 R.F.D.A. 105; C" Le Languedoc c. Société Hernu-Peron 1976 R.F.D.A. 109; Rustenburg Platinum Mines Ltd. c. South African Airways [1977] 1 Lloyd's Rep. 564; [1979] 1 Lloyd's Rep. 19 (C.A.). Arrêts examinés: Tondriau c. Cie Air India 1977 R.F.D.A. 193; Rashap c. American Airlines Inc. 1955 US& Civ. AvR 593; The Governor and Company of Gentlemen Adventurers of England c. Vail- lancourt [1923] R.C.S. 414; Velan-Hattersley Valve Co. Ltd. c. Johnson [1971] C.A. 190. Arrêt critiqué: Syndicat d'assurances des Lloyds c. Sté Aérofret 1969 R.F.D.A.
397. Arrêt mentionné: Curley c. Latreille (1920) 60 R.C.S. 131.
ACTION. AVOCATS:
V. Prager et P. Cullen pour la demanderesse. Jean Clerk pour la défenderesse Air Canada. Peter Richardson pour les défenderesses Swissair et Swiss Air Transport Co. Ltd.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour la demanderesse.
Boudreau, Giard, Gagnon & Clerk, Montréal, pour la défenderesse Air Canada.
Doheny, Mackenzie, Grivakes, Gervais & LeMoyne, Montréal, pour les défenderesses
Swissair et Swiss Air Transport Co. Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: LES FAITS
Cette espèce est une demande d'indemnisation à la suite de la perte, apparemment par vol, à l'aéro- port de Dorval, à Montréal, d'un colis contenant des billets de banque canadiens, totalisant $60,400, reçus par la défenderesse Swissair de la demande- resse à Bâle, en Suisse, pour être transportés par ladite défenderesse Swissair de Bâle via Zurich à destination de Montréal, le destinataire étant La Banque Royale du Canada. Swissair a délivré la lettre de transport aérien pour marchandises de valeur portant le numéro 085-626-4641-5 et pré- voyant le transport par la défenderesse Swissair, de Bâle à Zurich, sur le vol Swissair SR 749 du 4 novembre 1970, et de Zurich à Montréal, sur le vol Swissair SR 160 du 5 novembre 1970. C'est MAT Transport Limited qui a conclu les arrangements pour le transport à titre d'agents de la demande- resse conformément à leur pratique commune habituelle. Éventuellement, on constata que le vol SR 160 de Zurich à Montréal était un vol nolisé auquel il était interdit de transporter des marchan- dises, aussi l'agent arrangea-t-il une expédition par le vol d'Air Canada 879 du 6 novembre 1970. On n'avisa pas la demanderesse, Swiss Bank Corpora tion, du changement mais celle-ci ne prétend pas
que s'être adressée à Air Canada plutôt . qu'à Swissair pour le vol transatlantique ait constitué une faute.
Le service de sécurité de Swissair a remis le colis au capitaine Proctor, le capitaine du vol d'Air Canada, peu avant le départ; celui-ci l'a accepté et a signé le reçu de marchandises de valeur numéro 95042. Rien ne l'y obligeait; il a accepté volontai- rement de s'y conformer. Edward Johnson, un enquêteur au service d'Air Canada à Dorval à l'époque, aujourd'hui chef du service de sécurité d'Air Canada, a déclaré dans son témoignage que, bien que des tentatives aient été faites pour que l'Association canadienne des pilotes de lignes aériennes accepte d'assumer la responsabilité des marchandises de valeur, on n'est jamais parvenu à un accord; il n'est pas inhabituel cependant pour les pilotes d'accepter volontairement de petits colis de valeur qu'ils prennent avec eux dans le cockpit. En l'espèce, le capitaine Proctor transporta le colis sous son siège, les parties admettant que celui-ci faisait environ 12 pouces carrés par approximati- vement 4 pouces de haut.
Conformément à sa pratique habituelle, Swiss- air n'a pas déclaré la valeur de ce transport, ce qui aurait exigé le paiement d'une surtaxe importante car elle fait de fréquentes expéditions d'argent et autres sûretés, ayant souscrit sa propre assurance au cas de pertes. On a expliqué qu'en déclarant la valeur d'un colis, on n'assure nullement par une manutention spéciale ni même qu'il s'agit d'une marchandise d'une grande valeur puisque le colis est quand même placé dans la soute de l'avion avec la cargaison ordinaire. Tout passager, par exemple, peut faire une déclaration de valeur pour une partie de ses bagages, ce qui assure qu'en cas de perte sa réclamation ne sera pas limitée à la somme réglementaire. Cela équivaut à une forme d'assurance. Le fait que cela n'ait pas été fait en l'espèce n'a pas d'importance. Comme objet de valeur, toutefois, le colis tombait sous le régime de l'Air Cargo Tariff Worldwide en vigueur à l'épo- que, lequel exige le paiement d'une surtaxe, ce qui fut fait, le droit minimum applicable étant versé. La lettre de transport aérien, une formule Swiss- air, indique qu'il s'agissait d'une marchandise de valeur; aucune valeur n'est déclarée.
Le vol d'Air Canada en question, après escale à Montréal, se poursuivait vers Toronto; or, le capi-
taine Proctor avait aussi reçu un colis semblable à destination de Toronto; il le livra éventuellement; aussi n'est-il pas en cause. Le reçu que le capitaine Proctor signa est appelé un reçu de marchandises de valeur; plusieurs copies accompagnent la mar- chandise. Alors qu'il approchait de Montréal, il a prévenu par radio l'opérateur d'Air Canada de voir à ce qu'une personne responsable monte à bord pour prendre livraison de la marchandise. Ce mes sage fut envoyé quelque 15 minutes avant l'atter- rissage. A l'arrivée, il remit les colis au responsable d'aire de trafic, ci-après appelé X, puisqu'il n'a pas, bien que soupçonné d'être lié à la perte du colis, été poursuivi, faute de preuve. X signa des copies des formules de reçu de marchandises de valeur et, heureusement, le capitaine Proctor les conserva, ce qui l'exonère de toute responsabilité pour la perte du colis.
Il faut mentionner que ces colis étaient marqués comme étant de la marchandise de valeur de sorte que, même s'ils avaient été placés dans la soute, on aurait pu facilement les identifier. On a mis en cause cette pratique qui permet à n'importe quel manutentionnaire, et même à quiconque se trouve sur le tarmac ou dans le hangar des marchandises, et qui connaît le système, de répérer immédiate- ment les colis de valeur; on a aussi reproché au capitaine d'avoir communiqué à l'avance par radio qu'il transportait des colis de valeur, de sorte que tous ceux qui ont pu entendre cette communica tion, s'ils avaient quelque intention criminelle, ont été prévenus. Je ne considère pas que l'un ou l'autre de ces comportements soit fautif. Comme l'a dit dans son témoignage M. Johnson, c'était de deux maux le moindre; cela avertissait les préposés autorisés à la réception, à l'aéroport, d'être prêts à recevoir la marchandise et de prendre les mesures appropriées pour la retrouver rapidement et en assurer la protection.
Conformément à la pratique habituelle, le ser vice de sécurité de Swissair envoya un message urgent au service Fret aérien d'Air Canada, à Zurich et à Dorval disant que le capitaine empor- tait des colis, donnant le numéro de la lettre de transport aérien et leur poids. Air Canada nie avoir reçu ce message. Un témoin, Jean Bergeron, cadre aux Télécommunications C.N.C.P. a expli-
qué qu'il s'agissait de ce qu'on désignait comme un message de routine qui peut avoir passé par Zurich, Francfort, New York et Toronto avant d'arriver à Montréal; il était possible qu'il ne soit jamais parvenu à destination, la copie de la trans mission du message ne faisant pas preuve de sa réception. Toutefois, en l'absence de toute indica tion de panne du matériel d'Air Canada, qui aurait recevoir le message, à cette date, ou de quelque difficulté de transmission en cours de route, il me paraît plus vraisemblable qu'il a été reçu et égaré ou qu'il a disparu comme les autres documents dont il sera question plus loin. Le témoin Johnson a affirmé que si le message avait été reçu, l'agent d'aire de trafic à Montréal l'aurait obtenu pour notifier le personnel de déchargement. De toute façon, le message radio du capitaine Proctor, alors qu'il approchait de Montréal, a fait connaître qu'il y avait à bord de ce vol de la marchandise de valeur quoique ce soit-là une publicité moins sus ceptible de parvenir jusqu'aux manutentionnaires de la marchandise que si le premier message avait été reçu et qu'on ait agi en conséquence.
Swissair prépara aussi le manifeste pour la car- gaison à destination de Montréal et le plaça dans le sac de la société Air Canada à bord de l'avion. Air Canada prépara le registre des marchandises de valeur Air Canada ZRH FF 4641 mais le nom du chargeur n'y apparaît pas et le message d'ache- minement de fret ne mentionne pas non plus le colis perdu. On a expliqué cela comme étant sans doute au fait que le colis en question a été remis personnellement au capitaine Proctor peu avant le décollage. Le colis de Toronto provenait de Zurich et peut s'être trouvé en la possession d'Air Canada antérieurement, ce qui expliquerait qu'il apparaît sur le message. D'après M. Johnson, le colis man- quant n'aurait pas été inscrit sur le message d'acheminement du fret de toute façon car il n'a pas été placé dans la soute.
Le responsable d'aire de trafic X, lorsqu'il a reçu le colis du capitaine Proctor, n'a pas vérifié la lettre de transport aérien ni le registre des mar- chandises de valeur qui tous deux devaient se trouver dans le sac aux documents, ce qui était contraire au Règlement d'Air Canada 170.18-4. Selon M. Johnson, cela n'était pas nécessaire puis- que les colis lui ont été remis directement par le capitaine et ne se trouvaient pas dans la soute.
Les Règlements requièrent, lorsqu'il faut trans porter des colis de valeur d'un lieu à un autre dans un aéroport, outre la présence du conducteur du véhicule automobile ou des remorques porte-baga- ges, la présence d'un autre employé responsable pour les surveiller au cours du transfert; le respon- sable d'aire de trafic X s'est chargé seul des colis, les transportant dans sa familiale, laquelle lui est fournie pour surveiller le chargement et le déchar- gement des avions, le transfert des équipages, etc. Le témoin Johnson a expliqué que l'objet du Règlement est de voir à ce qu'il y ait, lorsque les objets précieux sont transportés dans les véhicules habituellement affectés au transport des marchan- dises, remorqués par un tracteur, avec les autres bagages, comme ils peuvent en tomber ou être subrepticement soutirés au cours du parcours, un responsable qui les ait toujours sous les yeux tant que dure le transport; cela ne fut cependant pas nécessaire puisque X emporta les deux petits colis avec lui à bord de son propre véhicule; en dési- gnant deux employés responsables du transport, on n'avait pas pour but que l'un surveille l'autre. Ce responsable d'aire de trafic ne semble toutefois pas avoir fait preuve de diligence à l'égard de ces deux colis de valeur puisqu'il laissa celui qui devait être replacé à bord de l'avion pour être transporté à Toronto sur le siège de sa familiale pendant qu'il allait livrer l'autre. Le colis de Toronto n'a pas été perdu; il l'a remis au capitaine Proctor et il a éventuellement été livré à Toronto. Aussi ce com- portement n'a aucun rapport avec la disparition du colis de Montréal.
Air Canada a eu connaissance de l'expédition de ce colis puisque la pièce P-31 est un registre des marchandises de valeur non signé pour une expédi- tion de Zurich à Montréal. Sur cette formule apparaît la phrase suivante: [TRADUCTION] «L'ar- rivée des colis doit immédiatement être notifiée par téléscripteur à la station expéditrice.» Aucun message téléscripté de ce genre n'a jamais été envoyé et cette pièce, de même que la copie mont- réalaise de la lettre de transport aérien, le mani- feste de la cargaison et la notification de marchan- dises de valeur, qui devaient se trouver dans le sac aux documents, ont disparu et n'ont jamais pu être retrouvés à Montréal. Ce qu'il y a d'étrange, c'est que, d'après le témoin Johnson, les seuls docu ments qui ont disparu sont ceux relatifs à cette marchandise, outre le manifeste qui couvre l'en-
semble de la cargaison de l'avion. Ces documents sont dirigés vers un secteur de l'aéroport totale- ment différent de celui la marchandise est entreposée et, s'ils n'avaient pas disparu, la perte du colis précieux aurait été découverte beaucoup plus tôt et l'enquête ouverte de même. En fait, le département d'enquête apprit la perte pour la pre- mière fois le 5 décembre, presque un mois après l'expédition, lorsqu'une secrétaire de chez Hayes, Stuart téléphona, au nom des destinataires, pour signaler que le colis manquait; elle avait eu une conversation à ce sujet avec les responsables de la cargaison à Air Canada un ou deux jours aupara- vant. M. Johnson ordonna alors de procéder à un inventaire des entrepôts tant à Dorval qu'à Toronto puisque aucun document ne permettait de savoir si le colis avait été perdu bien que le mani- feste des douanes, la lettre de transport aérien, le reçu de marchandises de valeur et les inscriptions au registre des marchandises de valeur auraient se trouver à Dorval. Cela inquiéta beaucoup car on en déduisit que quelqu'un avait délibérément manipulé les documents puisque si ceux-ci avaient existé sans la cargaison, cela aurait immédiate- ment provoqué une enquête alors que dans le cas contraire, la présence de quelque marchandise sans les documents ne pose aucun problème insurmon- table puisqu'il peut y avoir délivrance d'une sous- lettre de transport aérien. S'il y avait eu un mani- feste, on y aurait pointé les marchandises, ce qui est fait normalement le même jour. Il fallut obte- nir les documents de Suisse et ce n'est qu'après avoir interrogé le capitaine Proctor pour savoir à qui il avait remis les colis que le responsable d'aire de trafic X a été interrogé. Les Règlements demandent qu'un préposé spécialement désigné prenne livraison des objets précieux; X n'en était pas un mais le témoin Johnson a insisté pour dire que cela valait tout aussi bien puisqu'il occupait un poste supérieur, considéré comme faisant partie de la direction. Néanmoins, il était responsable du chargement et du déchargement de quatre ou cinq avions à ce moment-là; ce n'était pas dans le but spécifique de prendre livraison du colis et de le placer dans le casier de sécurité qu'il était venu des hangars des marchandises.
Lorsqu'il a été interrogé pour la première fois, un mois après les événements naturellement, ledit employé X n'a pu se rappeler le colis que quelques jours plus tard, lorsqu'on lui a rafraîchi la
mémoire. Sur l'avion en question certaines palettes de cargaison destinées à être livrées à Toronto avaient par erreur été chargées devant celles desti nées à Montréal, ce qui obligeait à les décharger pour atteindre celles de Montréal puis à les rechar- ger à nouveau. Il en est résulté que ledit X s'est rendu au hangar des marchandises pour savoir s'il ne serait pas préférable de laisser les palettes de Montréal à bord de l'avion se rendant à Toronto puis revenir à Montréal pour éviter un double déchargement. Il s'est alors souvenu que lorsqu'il avait franchi le secteur des arrivées de la cargai- son, il s'était rendu jusqu'au casier des marchandi- ses de valeur avec le colis de Montréal pour le remettre à l'employé responsable du casier ce jour-là, que j'appellerai l'employé Y. Il croit avoir obtenu un reçu qui aurait alors être acheminé au bureau des marchandises de l'aire de trafic. Le reçu y aurait été conservé pour un mois mais, s'il a jamais existé, aurait été perdu ou jeté le mois écoulé, avant même que l'enquête ne soit commen cée. Il n'a pu se rappeler le nom du préposé auquel il aurait prétendument remis le colis.
En tout état de cause, aucune inscription rela tive à ce colis n'a été faite au registre des mar- chandises de valeur, comme cela aurait être le cas, tant lorsque le colis fut déposé que lorsqu'il fut retiré du casier, des marchandises de valeur.
L'employé d'Air Canada responsable du casier des marchandises de valeur et du registre des marchandises de valeur aux époques en cause, l'employé Y, avait déjà fait l'objet de certains soupçons de la part du personnel de sécurité d'Air Canada et de la police de Dorval au sujet de marchandises égarées à l'aéroport de Dorval anté- rieurement. Par après, quelque six ans plus tard, il a été reconnu coupable, de même que certains autres employés, dans une affaire d'importation de stupéfiants et de vol de pièces de monnaie olympi- que. Cette condamnation, plusieurs années plus tard, ne saurait avoir aucune portée sur la négli- gence d'Air Canada à l'époque. Toutefois, comme l'a déclaré M. Johnson, corroboré en cela par un témoin qui occupait un poste supérieur dans la police de Dorval à l'époque, le nom de cet employé Y apparaissait sur la liste des noms des personnes travaillant dans le secteur des marchandises lors de deux ou trois disparitions antérieures de marchan-
dises précieuses du hangar, ce qui donnait quelque motif de le soupçonner. D'après le témoin Johnson, lorsqu'un employé est engagé pour la première fois pour travailler dans les hangars des marchandises d'Air Canada, une enquête de sécurité a lieu mais il n'y a, par la suite, aucun contrôle ultérieur, même en cas de promotion, de sorte que l'agent X, devenu responsable d'aire de trafic, n'a subi aucun contrôle de sécurité depuis l'époque il fut engagé pour la première fois; ce serait aussi le cas de l'employé Y. Il est curieux cependant qu'un employé soupçonné à l'époque, si peu fondés qu'aient été les soupçons, se soit vu confier la responsabilité importante du casier de sécurité sont gardées les marchandises de valeur. M. John- son a dit que vers la fin des années 60, et au début des années 70, l'aéroport de Dorval faisait l'objet d'une attention spéciale de la part du service de sécurité d'Air Canada ainsi qu'une demi-douzaine d'autres aérogares. Le problème devenait aigu à Dorval, à Toronto et à Vancouver. Les Règlements de sécurité de la compagnie sont constamment mis à jour lorsque les conditions le justifient. Les ins- pecteurs d'Air Canada toutefois, contrairement aux inspecteurs de chemins de fer, ne prêtent pas serment comme agents de la paix. La Gendarmerie royale du Canada surveille l'aéroport de Dorval mais il arrive que des gardes de sécurité privés soient engagés pour accompagner un conducteur d'Air Canada à l'avion pour livrer ou recevoir quelque objet particulièrement précieux. L'expédi- teur ou le destinataire est alors facturé pour ce service spécial qui doit être organisé à l'avance.
Air Canada à Dorval n'a envoyé aucun télex à Air Canada à Zurich pour confirmer réception de l'expédition dans les douze heures comme les Règlements de traitement du fret précieux et les dispositions du registre des marchandises de valeur l'exigent. Fort probablement cela est à la dispa- rition des papiers la concernant; il ne peut cepen- dant être soutenu qu'Air Canada ne savait pas que la marchandise avait été reçue. D'ailleurs, Air Canada à Zurich n'a pas communiqué avec Air Canada à Dorval dans les douze heures pour demander confirmation de la bonne réception de l'expédition, ce que les Règlements de traitement du fret précieux requièrent aussi. Les Règlements requièrent ces contrôles afin que l'on puisse s'aper- cevoir de la disparition d'une marchandise pré- cieuse, organiser la recherche et ouvrir une
enquête dès que possible; sa disparition, qui retarda presque d'un mois le moment Air Canada se rendit seulement compte que le colis manquait, a, nul doute, anéanti tout espoir de le retrouver. Je ne puis toutefois conclure que le fait de n'avoir pas suivi cette procédure a contribué à sa disparition. La preuve administrée amène obli- gatoirement à présumer que le colis n'a pas été simplement égaré mais a été volé par un employé, ou plus vraisemblablement par un groupe d'em- ployés d'Air Canada agissant de concert et fami- liers avec la procédure de traitement de ces mar- chandises et celle subséquente de vérification de ce traitement et aussi à même d'enlever, d'un autre secteur de l'aéroport, les documents y relatifs, qui auraient permis de se rendre compte rapidement du vol. Il est peu probable que ce colis toutefois, vu sa nature, ait pu être retrouvé même si l'enquête avait commencé le jour suivant. Le colis était d'un format et d'un poids permettant facilement de le porter sous le bras en jetant par-dessus, par exem- ple, un manteau pour le cacher% L'horloge doivent pointer les ouvriers avant de quitter le travail est à côté du bureau du responsable et les employés qui s'en vont doivent passer sous le regard de la ou des personnes se trouvant dans le bureau; ils ne sont pas fouillés cependant; il est d'ailleurs fort improbable que le syndicat permette une telle pratique. Enfin, il aurait été facile de placer un aussi petit paquet dans un véhicule quelconque quittant les lieux à un moment ou à un autre, le conducteur pouvant être partie au com- plot. Il pouvait facilement être lancé au-dessus de la clôture du périmètre de sécurité ou quitter l'aéroport d'une autre façon. Le contenu, des bil lets de différentes coupures, non marqués, les numéros n'ayant pas été notés, se sera rapidement évanoui.
L'écoulement du temps avant la découverte du vol et la disparition de certains documents impor- tants font qu'il est impossible d'attribuer le vol à un ou des individus déterminés. Le responsable d'aire de trafic X, un employé respecté que per- sonne ne soupçonnait à l'époque, n'a pu malheu- reusement produire le reçu de l'employé à qui il aurait remis le colis, ce qui l'aurait innocenté. Nul doute que si l'enquête avait été ouverte immédiate- ment après le vol, il n'aurait pu prétendre, comme il l'a fait au début, qu'il avait oublié ce qu'il avait fait du colis ni qu'il avait effectivement obtenu un
reçu mais qu'il avait été détruit quelque 30 jours plus tard au bureau du responsable d'aire de trafic. Certainement, il est la dernière personne connue à avoir eu le colis en sa possession et il est difficile de comprendre comment, même 30 jours plus tard, il ne se soit pas tout de suite souvenu de ce qu'il en avait fait tant qu'on ne lui eût pas rafraîchi la mémoire. Même lorsque finalement Johnson appela la police de Dorval, le 11 décembre, il ne parlait pas encore de vol, aussi la police qualifia dans ses dossiers la chose d'incident. D'après le témoignage du capitaine détective Boyer, le trans- porteur aérien attend habituellement 30 jours avant de déposer une plainte pour, vol, de toute façon. Naturellement, beaucoup de colis sont sim- plement mal placés, égarés, envoyés à la mauvaise destination ou temporairement perdus plutôt que volés, de sorte qu'il n'est pas déraisonnable de laisser un peu de temps s'écouler avant de considé- rer une disparition comme un vol. Le capitaine détective Boyer suggéra de soumettre X au détec- teur de mensonge puisqu'il était la dernière per- sonne connue à avoir eu le colis en main. Malheu- reusement, peu après l'incident en cause, et bien que l'on ne sache pas si l'incident en question en est ou non la cause, ledit X a fait une dépression nerveuse. L'un des employés de son aire de trafic avait été blessé et il le conduisait au service d'ur- gence lorsque dans son énervement il fit marche arrière avec sa voiture involontairement, renver- sant un autre employé. C'est alors qu'il a fait sa dépression nerveuse. Suivant le conseil des méde- cins, la compagnie refusa de le soumettre au détec- teur de mensonge, ce qui était compréhensible dans les circonstances. Toutefois, M. Johnson a insisté pour dire que, lorsqu'on a parlé du détec- teur de mensonge, il a refusé absolument que le test ait lieu au cours des heures de travail sur les lieux de la compagnie. Vu la condition mentale de X, cette position paraît justifiée mais, n'était cela, elle serait entièrement inacceptable car l'on doit attendre la plus complète coopération entre les inspecteurs du transporteur aérien et la police locale lorsqu'on cherche à prouver un vol. Les divers employés qui travaillaient dans le hangar à l'époque furent interrogés, particulièrement ceux que l'on soupçonnait parce qu'ils avaient été pré- sents lors de vols antérieurs. L'employé Y était responsable du casier de sécurité ce jour-là. On a jugé sa déposition protégée par le secret profes- sionnel en un état antérieur de l'instance, sur une
demande de communication de pièces. La deman- deresse n'a pu localiser l'employé Y après qu'il eut été relaxé, après sa condamnation pour le vol de 1976, pour le citer à témoigner. Le responsable d'aire de trafic X fut cité à comparaître mais la demanderesse ne l'appela pas à la barre car son avocat croyait que la défenderesse Air Canada s'en chargerait. Il n'a pas été appelé cependant. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une instance au criminel et aucune accusation n'a d'ailleurs été retenue contre lui. La Cour peut tirer certaines conclusions de son défaut de témoigner. Il n'existe aucune preuve quant à son état de santé présent mais il se peut bien que la défenderesse Air Canada ait choisi de ne pas le soumettre aux rigueurs d'un contre- interrogatoire. Il est plus probable, cependant, qu'appelé à la barre, il se serait borné à réitérer les renseignements donnés à l'inspecteur Johnson (la défenderesse Air Canada n'a pas excipé de ce ouï-dire) qu'il a livré le colis au responsable du casier de sécurité pour qu'il y soit placé et en a obtenu un reçu qu'il a donné au bureau du respon- sable d'aire de trafic il a subséquemment été détruit après 30 jours. Une chose est claire: il n'y a aucune inscription comme quoi le colis aurait été déposé dans le casier de sécurité ou en aurait été retiré et comme c'est l'employé Y déjà soupçonné qui aurait été responsable de cela, il est hautement probable que si ce dernier avait témoigné, il se serait borné à nier toute connaissance du colis ou l'avoir reçu de X et lui avoir remis un reçu. Ce serait pure spéculation, toutefois, que de conclure qu'il l'a volé. Il peut avoir été aussi négligent à cet égard que X avec le colis de Toronto, l'avoir laissé quelque part, avec l'intention de l'inscrire sur le registre et le placer dans le casier plus tard. Tout employé et même quiconque avait accès au hangar aurait pu alors le prendre et Y chercherait à couvrir sa négligence en prétendant ne l'avoir jamais reçu. Il peut l'avoir placé dans le casier sans l'inscrire comme le veut la consigne puis l'avoir repris plus tard. L'avocat de la défenderesse Air Canada a laissé entendre que tous ceux qui ont accès aux hangars, tels les employés des autres transporteurs et même les étrangers qui se trou- vent dans l'aéroport, bien qu'ils n'aient aucun droit de s'y trouver, auraient pu le prendre; mais c'est une possibilité fort improbable vu les preuves de vols antérieurs et subséquents de marchandises par des employés d'Air Canada dans les hangars réser-
liés aux marchandises à l'aéroport de Dorval et la , disparition inexpliquée des documents d'accompa- gnement.
Comme l'enquête à l'époque n'a révélé aucune preuve permettant de blâmer un individu en parti- culier, cela certainement ne saurait être fait main- tenant; mais je ne doute pas, comme je l'ai déjà dit, que le colis a été volé par un ou des employés d'Air Canada y ayant accès, ainsi qu'aux docu ments d'accompagnement, ce qui a permis de retarder l'enquête sur le vol.
Air Canada a reconnu sa responsabilité et offert en paiement $1,000, la limite de sa responsabilité selon la Convention de Varsovie pour le transport aérien international à laquelle le chapitre C-14 des Statuts revisés du Canada de 1970 [Loi sur le transport aérien] donne effet au Canada. Il échet d'examiner dans le présent litige si le transporteur Air Canada peut limiter sa responsabilité ou si cela est exclu par l'article 25 de ladite Convention de Varsovie, modifiée par la Convention de La Haye.
QUESTIONS PROCÉDURALES ET AVEUX
Une question procédurale sérieuse se pose d'abord, laquelle, bien qu'elle ait été résolue, de sorte que l'action a pu être instruite au fond, doit être mentionnée puisqu'un vice apparemment fatal, quoique circoncis avant l'ouverture de l'ins- truction, apparaît au dossier. Dans les premiers états de l'instance, la défenderesse Air Canada a excipé du déclinatoire, contestant la compétence de la Cour et, par jugement en date du 18 décem- bre 1974, fondé sur la jurisprudence de l'époque, il a été dit que notre juridiction était incompétente et l'action de la demanderesse a été rejetée avec dépens. On forma appel de ce jugement. Plusieurs années s'écoulèrent et, dans l'intervalle, la Cour d'appel prononça son arrêt dans Bensol Customs Brokers Limited c. Air Canada' et jugea que notre juridiction est compétente en matière de demandes relatives au transport aérien international. Toutes les parties étant convaincues que cela représente l'état actuel du droit, elles désirent maintenant procéder au fond devant notre juridiction. On aurait pu arriver à ce résultat simplement par un consentement à l'appel, sur lequel la Cour d'appel,
1 [1979] 2 C.F. 575.
nul doute, aurait agi, suivant ainsi l'arrêt Bensol Customs Brokers. Toutefois, par inadvertance, les parties ont versé au dossier d'appel, numéro du greffe A-339-75, des actes ayant l'effet contraire. Le 4 décembre 1980, deux actes de procédure ont été déposés, le premier étant une reconnaissance de la compétence de notre juridiction, le second un désistement de l'appel. Mis à part le fait que les parties ne peuvent conférer compétence à une juri- diction par leur consentement, car c'est une question de droit qu'il appartient à la Cour de décider, le désistement de l'appel a eu l'effet de confirmer le jugement du juge Addy, et de fermer le dossier. Comme le dossier d'appel a aussi été fermé par le désistement, il devenait impossible de le retirer et de le remplacer par un consentement à l'appel, ce que les parties désiraient. Les Règles de la Cour fédérale prévoient le désistement (Règle 406) et le consentement à un appel en infirmation d'un jugement (Règle 1212), mais ni l'une ni l'autre de ces Règles ne sont applicables dans les circonstances. En outre, l'instance qui avait été engagée devant la Cour supérieure de Montréal par suite du jugement du juge Addy, selon lequel notre juridiction n'avait pas compétence, a été elle-même abandonnée lorsqu'il a été décidé de saisir notre juridiction comme le permettait l'arrêt Bensol Customs Brokers. Il serait manifestement inéquitable de priver la demanderesse de son procès au fond par suite d'un vice de procédure auquel ont contribué les avocats de toutes les parties qui tous ont signé les actes versés au dossier d'appel.
Heureusement, ce qui semble être un moyen honorable de sortir de l'impasse a été découvert dans l'article 476 du Code de procédure civile du Québec que voici:
476. Une partie peut renoncer aux droits qui lui résultent d'un jugement rendu en sa faveur, en produisant au greffe un désistement total ou partiel, signé d'elle-même ou de son fondé de procuration spéciale. Le désistement total accepté par la partie adverse a pour effet de remettre la cause dans l'état elle était immédiatement avant le jugement.
Les Règles de la Cour fédérale ne comportent aucune disposition semblable et, par le jeu de la Règle 5 (la Règle des lacunes), il a été possible d'appliquer l'article 476. Avec l'approbation écrite de toutes les parties, sans réserve, les défenderesses Air Canada, Swissair et Swiss Air Transport Co.
Ltd. ont renoncé à leurs droits découlant du juge- ment prononcé par le juge Addy le 20 mai 1975. L'article 476 ne stipule aucun délai dans lequel le désistement devrait être fait. Le résultat a été de placer les parties dans l'état elles étaient immé- diatement avant ledit jugement de sorte que l'on peut maintenant instruire l'action.
Au début de l'instruction, les parties ont fait divers aveux: que le montant représentant la limi tation de responsabilité des transporteurs aériens relativement à une expédition était de $1,000, lesquels ont été présumés légalement et validement offerts et consignés à la Cour le jour de l'aveu, le 6 octobre 1981; que l'expédition consistait en dollars canadiens totalisant $60,400; que le transport était un transport international visé par la lettre de transport aérien Swissair numéro 085-626-4641-5; que la demanderesse autorisée à agir contre les défenderesses était bien la bonne; que la méthode de transport utilisée était celle qu'utilisaient nor- malement La Banque Royale du Canada et la demanderesse, et que ni Swissair ni Air Canada n'avaient notifié soit MAT Transport, soit la demanderesse, soit La Banque Royale du Canada, du fait qu'Air Canada serait le transporteur de Zurich à Montréal avant que la disparition ne soit découverte. Un autre aveu a été fait: que la demanderesse a versé à Swissair 143.95 francs suisses soit les frais minimums applicables en vertu du tarif, et il n'a été perçu aucuns frais addition- nels, aucune valeur de transport n'ayant été déclarée.
Air Canada ayant fait certaines demandes de documents en cours d'instance, on s'y est conformé.
On a discuté pour savoir si Air Canada devrait produire les documents apparaissant sur sa liste de documents déclarés non couverts par le secret pro- fessionnel par le jugement du 7 juin 1974 ou s'ils ne pouvaient être produits que par la demande- resse en présentant des témoins, ce qui aurait exigé d'en citer un grand nombre, dont plusieurs qu'on ne retrouverait plus pour identifier des signatures. On a aussi discuté de la production de photocopies de certains de ces documents plutôt que des origi- naux. La Cour a invoqué la Règle 456 que voici:
Règle 456. A tout stade d'une action, la Cour pourra ordonner à une partie de lui produire un document qui se trouve en la
possession, sous la garde ou sous l'autorité de cette partie et qui a trait à un point litigieux de l'affaire ou de la question, et la Cour pourra, lorsque le document est produit, en user de la manière qu'elle estime à propos.
On a ordonné à la défenderesse Air Canada de produire tout document sur sa liste que la deman- deresse désirait voir produit comme pièce et qui n'avait pas été déclaré couvert par le secret; une photocopie de tout document de ce genre serait acceptable si l'original n'était pas disponible, à moins que la défenderesse Air Canada ne soit en mesure de montrer que la photocopie n'est pas conforme à l'original.
La demanderesse dans sa déclaration en date du 20 octobre 1972 réclamait l'intérêt au taux commercial courant à compter du moment de la perte. Au procès, du consentement de toutes les parties, on a modifié cette demande pour réclamer l'intérêt au taux préférentiel moyen à compter du moment de la perte jusqu'à la date du jugement, l'un des accords produits étant que le taux préfé- rentiel moyen entre le 6 novembre 1970 et le 6 octobre 1981 avait été de 10.1%, sans préjudice au droit de la défenderesse Air Canada de soutenir que seul le/taux d'intérêt légal s'appliquait. Cet aveu contenait aussi celui selon lequel aucune noti fication d'arrivée n'avait été donnée soit par Air Canada, soit par Swissair à MAT Transport, à La Banque Royale ou à Swiss Bank Corporation, de l'arrivée à Dorval de la marchandise.
L'interrogatoire préalable du capitaine Proctor a été versé au dossier comme s'il avait été entière- ment lu. Les dépositions de P. V. Hohl de Swiss Bank Corporation, de Charles Redman de MAT Transport et de B. Mettini, chef du Service des marchandises de valeur chez Swissair à Zurich, consignées avec l'accord des parties en Suisse après interrogatoire par leurs avocats, comme si consignées en vertu d'une ' commission rogatoire, ont aussi été versées au dossier, étant convenu que les dépositions de ces témoins représentaient ce qu'ils auraient dit s'ils avaient été présents devant la Cour.
LE DROIT ET LA JURISPRUDENCE
Voici le texte original de l'article 25 de la Con vention de Varsovie:
Article 25
(1) Le transporteur n'aura pas le droit de se prévaloir des dispositions de la présente Convention qui excluent ou limitent sa responsabilité, si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui, d'après la loi du tribunal saisi, est considérée comme équivalente au dol.
(2) Ce droit lui sera également refusé si le dommage a été causé dans les mêmes conditions par un de ses préposés agissant dans l'exercice de ses fonctions.
La Convention de La Haye du 28 septembre 1955 l'a modifié comme suit:
Article XIII
A l'article 25 de la Convention—
les alinéas 1 et 2 sont supprimés et remplacés par la disposition suivante:
«Les limites de responsabilité prévues à l'article 22 ne s'appli- quent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses préposés fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit téméraire- ment et avec conscience qu'un dommage en résultera proba- blement, pour autant que, dans le cas d'un acte ou d'une omission de préposés, la preuve soit également apportée que ceux-ci ont agi dans l'exercice de leurs fonctions.»
Dans le but d'éviter les limitations de responsabi- lité qu'impose l'article 22, modifié, la demande- resse fait valoir cet article 25, dont la nouvelle version s'applique en l'instance.
On s'est référé au texte original toutefois vu que les États-Unis n'ont pas adhéré à la Convention de La Haye qui en modifie le texte, ce qui rend, la jurisprudence américaine de peu d'utilité en l'es- pèce présente. La jurisprudence anglaise vise aussi pour la plus grande part le texte original, interpré- tant le terme «dol» («wilful misconduct»). Une difficulté sérieuse se pose lorsqu'on recherche une interprétation internationale uniforme étant donné que les pays de droit romaniste se sont attachés à interpréter les termes «dol ou d'une faute qui, d'après la loi du tribunal saisi, est considérée comme équivalente au dol» de la version française.
Shawcross et Beaumont, Air Law (2 » éd., 1951), page 345, concluent que les tribunaux anglais, jusqu'à cette époque, interprétaient les termes «wilful misconduct» de la Convention de Varsovie comme un acte ou un défaut d'agir intentionnel
(1) alors que son auteur a conscience qu'il n'exé- cute pas son obligation dans les circonstances, ou
(2) [TRADUCTION] «qu'il causera probablement un
dommage à des tiers», ou (3) avec une indifférence imprudente ignore s'il s'agit ou non d'une inexécu- tion de son obligation ou le risque de causer un dommage ou n'y prend pas garde.
Dans un article, William C. Strock, Volume 32, Journal of Air Law and Commerce (1966) la
page 294, analyse le nouveau texte. Il dit:
[TRADUCTION] Cette modification dans le texte montre que les nations qui rédigèrent et signèrent le Protocole de La Haye n'étaient pas satisfaites du texte de la Convention de Varsovie. Apparemment cela était à un changement de circonstances et d'époque ainsi qu'à un désir de réduire les cas le transpor- teur voit sa responsabilité non limitée. Comme compromis, on doubla le maximum de la limitation de responsabilité. Le Protocole restreint la responsabilité illimitée en remplaçant le «dol» («wilful misconduct») par l'exigence de l'intention soit de causer un dommage, soit de commettre une imprudence.
En Angleterre, la Carriage by Air Act, 1961, 9 & 10 Eliz. 2, c. 27, reprenait les dispositions de la Convention de Varsovie modifiées par la Conven tion de La Haye de 1955 mais l'ordonnance Car riage by Air Acis (Application of Provisions) Order 1967 [T.R. 1967, 480] a substitué à l'article 25 (c.-à-d. l'article modifié) l'article 25 ancien, de sorte que la jurisprudence britannique postérieure à 1967 interprète toujours les termes «wilful misconduct» et doit donc être lue avec prudence. Shawcross et Beaumont disent à la page 449:
[TRADUCTION] Dans les pays de droit romaniste, il existe une forte tendance traditionnelle à traiter la faute lourde (gross negligence) comme équivalente au dol; mais cette tradition ne laisse pas d'être particulièrement controversée en France où, en 1957, la législation française, suivant en cela l'exemple de la convention révisée à La Haye, dispose que la faute équivalant au dol est la «faute inexcusable ... la faute délibérée, qui implique la conscience de la probabilité du dommage, et son acceptation téméraire sans raison valable».
Devant les tribunaux anglais, le texte anglais prévaut, et la question demeure de savoir ce que veut dire l'expression «wilful misconduct» ou son équivalent.
Traitant de l'article 25 révisé, Giuseppe Guer- reri dans un article intitulé «Wilful Misconduct in the Warsaw Convention: A Stumbling Block» 2 dit
à la page 275:
[TRADUCTION] La comparaison des deux textes de l'art. 25 montre que dans le Protocole, ni le terme «dol» ni l'expression «faute ... équivalente au dol» n'ont été utilisés, évitant ainsi toute discussion additionnelle à ce sujet par les délégations des différents pays.
2 The McGill Law Journal, Vol. 6.
Les mots sont disparus mais, à leur place, on a incorporé dans le texte les concepts mêmes aussi clairement que possible afin d'éviter toute différence d'interprétation selon les systèmes de droit.
La faute qui prive le transporteur du bénéfice de la limitation de responsabilité doit être téméraire et accompagnée de la conscience de ses conséquences probables. En outre, l'acte intentionnel exécuté dans le but de causer un dommage rend bien le sens universellement accepté du terme «dol».
Ainsi, l'article 25 nouveau traduit en précisant et en limitant les contours la notion de «wilful misconduct» appli- quée par les juges Anglo-Saxons, sans pour autant s'éloigner sensiblement de la jurisprudence française statuant au cours de ces dernières années sur les responsabilités impliquées par les grands sinistres aériens qui ont endeuillé l'aviation nationale.
Garnault: Le Protocole de la Haye, [1956] Revue Fran- çaise de Droit Aérien, 6.
Dans les arrêts français les plus récents, particulièrement dans l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 février 1954 (Hennessy c. Air France), on peut discerner une tendance à restreindre la «faute lourde» dans des limites fort circonscrites; en général, on en donne une interprétation restrictive, ce qui fait que les concepts de «faute lourde» et de «wilful misconduct» se rejoignent à la fin. Une équivalence de concepts, vient enfin de s'accomplir entre les différents systèmes de droit.
Vu les différentes tendances rencontrées dans la jurisprudence ultérieure, il semble que cette opi nion ait été un peu trop optimiste.
En étudiant les nombreuses affaires que les avo- cats des parties ont citées à la Cour, il semble qu'il faille non seulement être prudent lorsqu'on a recours à la jurisprudence anglaise et américaine, fondée sur le premier texte de l'article 25 de la Convention, mais aussi écarter les nombreuses affaires il y a eu écrasement d'un avion, puisque les faits sont alors fort différents de ceux de l'es- pèce. Il est évident que le pilote dont la vie est en jeu lorsqu'il vole à une altitude inférieure à celle autorisée, qui ignore les directives d'un contrôleur ou qui agit ou n'agit pas dans tel ou tel sens, témérairement, ne peut être considéré comme ayant eu l'intention de causer un dommage ou avoir eu conscience qu'un dommage en résulterait probablement.
Modification importante apportée à l'article 25, les termes du vieil article «d'après la loi du tribunal saisi» ont été omis dans le nouveau. Ce n'est donc plus la lex fori qui doit être appliquée et, comme l'avocat de la défenderesse Air Canada l'a fait remarquer, il est souhaitable de donner une inter- prétation internationale à la Convention pour assu- rer l'uniformité des décisions. Quoique cela soit
souhaitable, la jurisprudence des divers pays qui l'a interprétée n'a nullement été uniforme pas plus que lorsqu'il s'agit d'interpréter les Règles de La Haye sur le transport maritime ou la Carriage of Goods by Sea Act américaine. La défenderesse Air Canada a cité une jurisprudence imposante publiée pour la plus grande part dans la Revue Française de Droit Aérien. Dans l'affaire Lacroix Baart- mans, Callens, Und, Van Tichelen S.A. c. Swiss Air 3 , un jugement du tribunal fédéral suisse por- tant sur un vol de billets de banque consignés en tant que marchandises de valeur, la Cour a jugé, aux pages 77 et 78, que:
«... Il ne fait aucun doute que d'après les nouvelles rédactions de l'article 25 de la Convention et de l'article 10 du règlement de transport aérien, la faute lourde du transporteur ou de ses préposés ne suffit plus à déclencher la responsabilité illimitée. Selon ces dispositions, même la faute lourde commise consciem- ment ne suffit plus. La responsabilité n'est désormais illimitée que lorsque le transporteur ou ses préposés a intentionnellement causé le dommage, ou encore lorsque son acte ou omission a été téméraire, inconsidéré ... à condition, en outre, qu'il eût cons cience qu'un dommage résultera probablement de ce comporte- ment....»
A la page 78 du jugement on poursuit:
Appliquant cette interprétation au cas dont il est saisi, le tribunal fédéral déclare qu'il n'est pas possible de constater que les personnes éventuellement responsables de la perte des cinq colis ont effectivement eu cette conscience. En effet, bien que le juge de fond fût convaincu qu'un des plusieurs préposés de la Eastern Airlines qui sont intervenus dans la réexpédition des colis de New York à Mexico, et dont les noms sont connus, a été responsable de cette perte, les circonstances de cette réexpé- dition sont si confuses, qu'il ne peut désigner ce préposé. Or, «du moment le Tribunal de Commerce estime qu'il est impossible de savoir avec certitude et pourquoi les colis ont été perdus» il est également impossible d'identifier la personne dont la faute a causé leur perte et, partant, de «prouver qu'elle a effectivement eu conscience de la probabilité du dommage, comme l'exigent les dispositions relatives à la responsabilité illimitée du transporteur».
et plus bas, sur la même page:
Le tribunal fédéral a ensuite examiné plusieurs hypothèses avancées par la demanderesse pour expliquer la perte des colis. Il constate que, en supposant qu'elles soient correctes, elles ne permettent pas «de constater l'existence du critère subjectif d'intention et de conscience de la probabilité du dommage».
L'arrêt Tondriau c. Cie Air India 4 de la Cour de cassation de Belgique traite d'un écrasement
3 1974 R.F.D.A. 75. 4 1977 R.F.D.A. 193.
d'avion et les faits donc ne sont pas pertinents mais ils demeurent utiles en ce qu'ils confirment que la Convention doit être interprétée selon les disposi tions du droit international comme je l'ai déjà dit. A la page 202, l'arrêt dit:
Mais attendu que la responsabilité en matière de transport aérien international, question sur laquelle la Cour d'appel était appelée à statuer, est régie par la Convention internationale de Varsovie ayant pour objet l'unification des règles applicables en ce domaine; que le recours au droit interne ne peut dès lors se concevoir que dans la mesure la convention y renvoie ou le permet;
Attendu que l'interprétation d'une convention internationale qui a pour but l'unification du droit ne peut se faire par référence au droit national de l'un des Etats contractants; que, si le texte appelle interprétation, celle-ci doit se faire sur la base d'éléments propres à la convention, notamment son objet, son but et son contexte, ainsi que ses travaux préparatoires et sa genèse; qu'il serait vain d'élaborer une convention destinée à former une législation internationale, si les juridictions de chaque Etat l'interprétaient suivant des notions propres à leur droit;
et plus loin sur la même page:
Attendu que le Protocole de La Haye a eu pour but, à cet égard, d'éliminer les difficultés nées du texte antérieur, en fixant, par une solution de compromis, une règle commune, propre au transport aérien international;
Toutefois, dans un arrêt difficile à comprendre, Syndicat d'assurances des Lloyds c. Sté Aérofret 5 , la Cour de cassation française (Ch. corn.) avait décidé:
Laisser un colis contenant des diamants dans un magasin d'aéroport ouvert à tout venant par un préposé du représentant du transporteur, qui connaissait la nature du contenu, ne constitue pas une faute inexcusable propre à faire déclencher la responsabilité illimitée du transporteur prévue par l'article 25 de la Convention de Varsovie.
Dans les Annales de droit aérien et spatial, 1977, Volume II, Bin Cheng procède à une analyse en profondeur de l'histoire de l'article 25 et de l'interprétation que lui ont donnée les juridictions de différents pays. Il cite l'arrêt Tondriau c. Cie Air India (précité) dans lequel la Cour d'appel de Bruxelles avait rejeté la démarche suivie par la Cour de cassation française (i re Ch. Civ.) dans son arrêt Emery c. Sté Sabena 6 choisissant l'interpré- tation subjective plutôt que l'interprétation objec tive qui avait été appliquée au pilote fautif en cette espèce.
5 1969 R.F.D.A. 397.
6 1968 R.F.D.A. 184.
L'auteur cite l'affaire Rashap c. American Air
lines Inc. 7 dans lequel le juge de district Dawson a dit, à la page 605:
[TRADUCTION] Le dol (wilful misconduct) ... cela signifie un acte ou une omission délibérée dont l'auteur: (1) sait qu'il constitue une inexécution de son obligation sur les lieux; (2) sait qu'il causera probablement un dommage à des tiers; ou (3) avec une indifférence imprudente ignore s'il s'agit ou non d'une inexécution de son obligation ou le risque de causer un dom- mage ou n'y prend pas garde.
Cette affaire traitait de l'article 25 ancien qui s'applique toujours aux États-Unis avec son inter- prétation du terme «dol» («wilful misconducts);
néanmoins, la démarche suivie s'apparente au texte nouveau: «témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement».
Après avoir analysé la jurisprudence américaine et anglaise, Bin Cheng conclut à la page 75:
[TRADUCTION] En bonne doctrine, il semble donc que dans le troisième cas de faute lourde (wilful misconduct), l'élément conscience soit requis du délinquant, mais une plus grande latitude est implicitement accordée pour laisser présumer cette conscience, qui doit cependant exister, à partir des circons- tances, ce qui est différent du critère objectif l'élément conscience n'est pas requis de l'acteur. Dans ce dernier cas, il suffit qu'un individu raisonnable, un «bon père de famille» ou un «bon pilote» (quelle que soit la norme appliquée) ait eu cette conscience.
Le Protocole de La Haye a été adopté en 1955 et n'est pas entré en vigueur en France avant le ler août 1963. Entre-temps, le 2 mars 1957, la Loi 57-259 sur la responsabilité des transporteurs aériens fut adoptée en France modifiant l'article 42(1) de la loi du 31 mai 1924 sur le même sujet
comme suit:
Art. 42. Pour l'application de l'art. 25 de ladite convention [la convention de Varsovie ou toute convention la modifiant; voir art. 41], la faute considérée comme équipollente au dol est la faute inexcusable. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable.
La Cour de cassation persiste dans son interpréta- tion dite objective de l'article 25 de la Convention de Varsovie modifié par la Convention de La Haye quoique Bin Cheng, dans l'article que j'ai déjà mentionné, rappelant la genèse et les travaux pré- paratoires des Conventions et l'intention des par ties contractantes, prétend que c'est l'interpréta-
' 1955 US& Civ. AvR 593.
tion subjective que l'on a voulu consacrer dans le texte finalement adopté par la Convention de La
Haye. Dans l'affaire Cfe Air-France c. Moinot 8 , à la page 107, la Cour de cassation (i re Ch. civ.) dit:
... la Cour d'appel a justement considéré que c'était objective- ment, c'est-à-dire par rapport à une personne normalement avisée et prudente, qu'il fallait, aux termes de l'article 25 de la Convention de Varsovie modifié par le Protocole de La Haye, apprécier si l'auteur de l'acte ou de l'omission téméraire, cause de l'accident, avait eu conscience qu'un dommage en résulterait probablement;
Il s'agissait encore d'une catastrophe aérienne. Toutefois, le même arrêt est répété dans des affai- res de transport. Dans l'affaire C,e Le Languedoc c. Société Hernu-Peron 9 , on dit:
... la faute inexcusable du transporteur ou de ses préposés visée par l'article 25 de la Convention de La Haye doit être appréciée objectivement: qu'il convient donc, en l'espèce, de rechercher si le comportement de la Société H.P. révèle, de sa part, la conscience qu'elle aurait avoir et de sa témérité et de la possibilité du dommage;
Si j'ai passé en revue la doctrine et la jurispru dence assez longuement, c'est pour montrer qu'il n'y a pas de jurisprudence internationale consis- tante exigeant une interprétation subjective du membre de phrase «fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera pro- bablement> de l'article 25, modifié par la Conven tion de La Haye, comme la défenderesse Air Canada le soutient, quoiqu'ait pu être l'intention des parties signataires au moment il y eut adoption du texte nouveau. J'éprouve quelques difficultés à accepter l'interprétation de la Cour de cassation belge dans l'arrêt Tondriau (précité) et dans les autres affaires l'on adopte l'interpréta- tion subjective car cela mène fatalement à une conclusion somme toute absurde. S'il s'avérait nécessaire d'identifier spécifiquement le voleur dans les cas il a été conclu que les marchandises ont bien été volées en transit par un préposé ou quelque mandataire agissant dans l'exécution de ses fonctions, pour sonder ses intentions, avant de conclure que ce faisant, il les a volées avec l'inten- tion de causer un dommage, ou témérairement et avec conscience qu'il en résultera probablement un dommage, l'exclusion de la limitation de responsa-
8 1976 R.F.D.A. 105.
9 1976 R.F.D.A. 109, aux pages 115 et 116.
bilité ne recevrait que fort rarement application. On peut certes soutenir qu'un voleur s'empare d'objets pour son profit et son bénéfice personnels et non dans l'intention de causer un dommage à son employeur ou témérairement et avec cons cience qu'il en résultera probablement un dom- mage; on peut cependant présumer qu'il savait que le vol causerait un dommage au propriétaire.
Si nous acceptons ce point de vue, et aucune jurisprudence ne paraît le contester lorsque la perte peut être attribuée à un individu particulier, il est manifestement spécieux de soutenir, lorsque le vol a eu lieu par suite de la participation d'un ou de plusieurs individus inconnus, agissant dans l'exercice de leurs fonctions, que l'intention de causer un dommage ou la conscience qu'un dom- mage en résultera probablement ne peuvent être prouvées parce qu'il est impossible d'identifier ceux dont on doit examiner les intentions. Tout voleur, tous les voleurs, doivent savoir qu'un dom- mage résultera probablement de leur geste même si ce n'est pas l'intention particulière qu'ils ont lorsqu'ils volent le colis en cause. Interpréter l'arti- cle autrement aurait pour effet de lui enlever toute signification; c'est donc à bon droit à mon avis que la Cour de cassation française a adopté l'interpré- tation objective.
Certes, les mesures de sécurité prises par Air Canada à l'époque pour assurer la protection des marchandises de valeur étaient loin d'être parfaites et certainement inférieures à celles de Swissair, qui utilisait des véhicules blindés à l'aéroport et des gardes de sécurité pour transporter ce genre de colis; je ne puis cependant conclure, d'après la preuve administrée, que c'est l'absence de ces mesures ou le défaut de les respecter à la lettre qui est responsable de la disparition. La faute princi- pale semble avoir été d'abord le défaut d'agir après réception du message notifiant que la marchandise de valeur était en route (quoique la réception de ce message ait été niée, il est plus probable qu'il ait été égaré ou que l'on n'en ait pas tenu compte), ensuite de n'avoir pas accusé réception du colis ni prévenu Zurich et enfin, pour Air Canada à Zurich, lorsque aucun accusé de réception n'est parvenu après les douze heures réglementaires, de n'avoir pas fait enquête. Ces erreurs sont la cause du retard mis à découvrir l'absence du colis et à ouvrir une enquête pour le retrouver. Elles ne
furent pas la cause de sa disparition. Il était aussi fautif d'employer un individu non au-dessus des soupçons, l'employé Y, comme responsable du casier des marchandises de valeur, mais il faut se rappeler qu'à cette époque, on n'avait pas encore grand motif de le soupçonner et, bien qu'il ait été, plusieurs années plus tard, reconnu coupable de vols de cargaison aérienne, cela n'était pas prévisi- ble au moment de son engagement ni à l'époque il fut affecté à ce poste de confiance.
Donc, pour ce qui est de la responsabilité directe d'Air Canada, je ne puis conclure que la perte a résulté d'un acte ou d'une omission de sa part «fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dom- mage en résultera probablement». Cela n'exonère nullement cette défenderesse toutefois car l'article 25 prévoit la même exclusion de la limitation de responsabilité si le dommage résulte d'un acte ou d'une omission des préposés du transporteur «fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dom- mage en résultera probablement» pour autant que dans le cas d'un acte ou d'une omission du préposé, la preuve soit également apportée que celui-ci a agi dans l'exercice de ses fonctions.
Ayant déjà jugé que l'on peut à bon droit con- clure que le colis en question n'a pas été perdu ni égaré mais qu'il a effectivement été volé et que ce vol a été le résultat d'une action concertée d'un ou de plusieurs employés d'Air Canada (qui fort pro- bablement ont aussi volé les documents dont l'exis- tence aurait autrement suscité une enquête beau- coup plus tôt), et ayant aussi conclu qu'ils ont commettre ce vol en sachant qu'il en résulterait probablement un dommage, il ne reste qu'à établir si ceux-ci ont agi dans l'exercice de leurs fonctions à l'époque. C'est en soi une question controver- sée. Certainement, aucun employé n'est engagé pour voler mais puisqu'on peut conclure que le ou les employés qui ont participé au vol travaillaient dans le hangar réservé aux marchandises ou dans ses environs à l'époque du vol, on peut soutenir que ce dernier s'est produit au cours de l'exercice de leurs fonctions. La jurisprudence a opéré une dis tinction claire disant que le simple fait d'être un employé ne signifie pas que l'incident s'est produit au cours de l'exercice des fonctions comme, par exemple, si un préposé aux billets ou quelque
membre de l'équipage avait perpétré le vol dans le hangar des marchandises il n'a pas à travailler, mais présumément ce n'est pas ce qui s'est produit; plutôt, ce sont un ou des employés travaillant dans le hangar, préposés à la manutention des marchan- dises ou qui y avaient accès dans l'exercice de leurs fonctions qui l'ont volé. A cet égard, il est instruc- tif de considérer l'arrêt anglais Rustenburg Plati num Mines Ltd. c. South African Airways et Pan American World Airways Inc. 10 auquel la deman- deresse donne une importance considérable. Dans cette affaire, une boîte de platine avait été volée en transit. Contrairement à la présente espèce, elle fut jugée sur la base du «dol» stipulé dans l'ancien texte de l'article 25, adopté en Angleterre par l'ordonnance Carriage by Air Acts (Application of Provisions) Order 1967; il fut aussi décidé que Pan Am Airways était responsable du dol alors qu'en l'espèce présente je n'estime pas Air Canada direc- tement responsable de la perte de la marchandise. L'affaire n'est donc pas citée comme précédent sur ces points. La décision comme en l'espèce en cause est fondée sur une présomption que le vol a été perpétré par un ou des chargeurs au cours du transfert du colis d'un avion à un autre. On a cité, à la page 574 du recueil de première instance, l'affaire Morris c. C. W. Martin & Sons Ltd." dans laquelle lord Denning, M.R., a déclaré à la page 69:
[TRADUCTION] ... L'affaire soulève l'importante question de savoir jusqu'à quel point on doit tenir le maître responsable pour le vol ou la malhonnêteté de l'un de ses préposés. Si le maître a lui-même été en faute en n'employant pas un homme de confiance, il est bien sûr responsable. Mais qu'en est-il lorsque le maître lui-même n'est pas en faute?
Le droit à cet égard a grandement évolué au cours des années. Au cours du 19® siècle, il était accepté, comme droit, que le maître était responsable de la malhonnêteté voire de la fraude de son préposé si elle avait lieu dans l'exécution de ses fonctions et pour le profit du maître. La malhonnêteté ou la fraude du préposé pour son propre profit faisait que celui-ci n'était plus dans l'exécution de ses fonctions. Les juges avaient cette vue simple des faits: aucun préposé devenu voleur n'agit dans l'exercice de ses fonctions. Il agit en dehors totalement de celles-ci. Mais en 1912 l'arrêt Lloyd c. Grace Smith & Co., [1912] A.C. 716, révolutionna le droit en jugeant le maître responsable de la malhonnêteté ou de la fraude de son préposé s'il était dans l'exercice de ses fonc- tions que ce soit pour le bénéfice du maître ou pour celui du préposé...
10 [1977] 1 Lloyd's Rep. 564. Cour d'appel [1979] 1 Lloyd's
Rep. 19.
" [1965] 2 Lloyd's Rep. 63.
A la page 575, le juge Ackner ajoute:
[TRADUCTION] Lord Denning, M.R., poursuivit en disant que, bien entendu, la question demeurait toujours de savoir ce que l'on entendait par l'expression «dans l'exercice de ses fonctions». Après avoir dit que la jurisprudence était déconcer- tante, il concluait qu'en dernière analyse cela dépendait de la nature de l'obligation dont le maître était débiteur envers celui dont les biens avaient été perdus ou endommagés. A la page 70 il disait:
Le maître a l'obligation de conserver en sûreté les mar- chandises, et de les protéger du vol et de tout dommage. Il ne peut se débarrasser de cette responsabilité en déléguant son obligation à un autre. S'il charge son préposé de cette obligation, il doit répondre de la manière dont celui-ci l'exé- cute. Que le préposé soit négligent, qu'il commette une fraude, ou qu'il soit malhonnête, peu importe, le maître est responsable. Mais non s'il n'a pas semblable obligation.
A la page 576, le juge Ackner ajoute encore:
[TRADUCTION] En conséquence, en droit anglais, le vol du chargeur A a été fait dans l'exercice de ses fonctions. Manifes- tement ses fonctions incluaient l'obligation de prendre un soin raisonnable du colis au cours du chargement à bord de l'avion.
et à nouveau, à la page 577:
[TRADUCTION] En tout état de cause, je suis convaincu par les pièces dont on m'a saisi que l'interprétation que j'ai donnée aux termes «agissant dans l'exercice de ses fonctions» est géné- ralement, sinon universellement, acceptable.
En appel, lord Denning a dit à la page 23:
[TRADUCTION] Si cette perte résulta de la faute lourde d'un préposé du transporteur, agissant dans l'exercice de ses fonc- tions, le transporteur ne peut plus invoquer la limite de respon- sabilité. Il est responsable pour la pleine valeur de la marchandise.
et à nouveau, [aux pages 23 et 24] après avoir revu la jurisprudence antérieure:
[TRADUCTION] Si cette boîte de platine a été volée par l'un des chargeurs à qui avait été confiée la tâche de la placer soigneu- sement à bord de l'avion, pour qu'elle soit en toute sécurité, si c'est lui qui l'a volée ou si cela s'est fait avec la complicité d'autres personnes à l'extérieur de l'avion, cet individu est coupable d'une faute lourde dans l'exercice de ses fonctions. Ce serait différent si elle avait été volée par un individu qui n'aurait rien à voir avec le chargement, comme si elle avait été volée par un passager ou par un membre de l'équipage. Alors celui-ci n'aurait évidemment pas été dans l'exercice de ses fonctions à moins qu'on (un responsable de la garde de la boîte) ait été négligent en laissant quelque passager ou membre d'équipage y avoir accès. Alors, bien entendu, la responsabilité naîtrait de la négligence de cet individu qui serait alors dans l'exercice de ses fonctions.
et encore à la page 24:
[TRADUCTION] Ce à quoi je puis ajouter que si ce préposé est coupable d'une faute lourde dans la manière dont il exerce ses fonctions dans la mesure il vole les marchandises lui-même
ou s'associe avec d'autres pour les voler ou leur permet de les voler, alors, dans ces circonstances, ce préposé commet une faute lourde dans l'exercice de ses fonctions.
et enfin, toujours à la page 24:
[TRADUCTION] Il me semble donc, comme l'a pensé le juge de première instance, que cette boîte de platine a été volée par l'action combinée de l'un des chargeurs responsables de la tâche même de la charger soigneusement et d'un complice dans les véhicules à l'extérieur, le premier plaçant la boîte en une position permettant de la retirer de l'avion au moment crucial et de la voler. C'était certainement commettre une faute lourde dans l'exercice de ses fonctions.
Cette question a aussi soulevé une controverse considérable au Canada. L'arrêt de principe cana- dien The Governor and Company of Gentlemen Adventurers of England c. Vaillancourt 12, inter- prétant l'article 1054 du Code civil du Québec, dont les termes «dans l'exécution des fonctions auxquelles ces derniers sont employés» ressemblent fort aux termes «agi dans l'exercice de leurs fonc- tions» de l'article 25 de la Convention, a décidé qu'un facteur de la Baie d'Hudson qui avait tué un employé ivre et désobéissant engageait néanmoins la responsabilité de son employeur. A la page 429, le juge Mignault écrivit:
Il ne me paraît pas douteux que le maître ne peut se soustraire à sa responsabilité pour les actes de son préposé sous prétexte que le préposé s'est rendu coupable d'un crime pour lequel aucun mandat ne lui avait été donné, s'il est constaté que ce crime a été commis dans l'exercice des fonctions du préposé.
mais il ajouta:
Mais il est également certain que le maitre n'est pas responsa- ble du délit ou crime dont son préposé s'est rendu coupable en dehors de ses fonctions.
Dans l'arrêt Velan-Hattersley Valve Co. Ltd. c. Johnson", la Cour d'appel du Québec a analysé cet arrêt ainsi que l'arrêt antérieur de la Cour suprême Curley c. Latreille 14 . Le juge Taschereau avait décidé que le fait que les vols avaient été commis par un employé de la défenderesse alors qu'il était responsable des marchandises ne justi- fiait pas la condamnation de l'employeur vu que la preuve n'était fondée que sur des soupçons et qu'en outre les vols n'avaient pas été commis alors que l'employé était dans l'exercice de ses fonctions mais à l'occasion de celles-ci, en dépit du fait que la défenderesse, qui avait l'obligation de fournir les
12 [1923] R.C.S. 414.
13 [1971] C.A. 190.
14 (1920) 60 R.C.S. 131.
services d'un garde de sécurité, en avait engagé un condamné pour vol à quatre reprises. L'éminent juge opéra un distinguo d'avec l'affaire de la Baie d'Hudson parce que, même si l'employé avait volé la marchandise, on ne pouvait établir que c'était dans l'exercice de ses fonctions puisque ce qu'il avait fait était contraire aux obligations qu'il avait assumées envers son employeur. Les deux autres juges du pourvoi semblent avoir fondé leur déci- sion avant tout sur le fait qu'il n'existait qu'une présomption que le vol avait été commis par l'em- ployé en cause, plutôt que sur la question plus difficile de savoir, s'il avait commis le vol en question, si on devait le considérer comme dans l'exercice de ses fonctions ce faisant. Si l'on regarde les versions françaises des articles 1054 du Code civil du Québec et 25 de la Convention, il se peut que le Code civil, qui emploie les termes «dans l'exécution des fonctions auxquelles ces der- niers sont employés» alors que l'article 25 se borne à dire «dans l'exercice de leurs fonctions», soit plus restrictif. Les versions anglaises emploient les termes «in the performance of the work for which they are employed» et «within the scope of his employment». L'une et l'autre version de l'article 25 semblent autoriser un peu plus de latitude.
Je conclus donc que le vol présumé du colis en question par un ou des employés de la défenderesse Air Canada peut être considéré comme régi par les dispositions de l'article 25 de la Convention parce qu'il s'est produit dans l'exercice de leurs fonctions ou «within the scope of /theirJ employment», la possibilité de le faire étant apparue alors qu'ils travaillaient dans le hangar réservé aux marchan- dises, à manipuler des marchandises, dont le colis précieux en cause.
Il y aura donc jugement pour le plein montant de la perte, montant convenu de $60,400.
L'INTÉRÊT
La question de l'intérêt demeure; elle est fort importante vu le long délai avant l'instruction de l'affaire et l'escalade rapide des taux d'intérêt commerciaux au cours de la même période. Voici le paragraphe 21 de la déclaration de la demande- resse, modifiée:
[TRADUCTION] La demanderesse a droit à l'intérêt sur lesdits billets de banque au taux préférentiel moyen à compter de la date de la perte, courant jusqu'au jour du jugement.
L'un des aveux faits est que le taux préférentiel du 6 novembre 1970 au 6 octobre 1981 s'est élevé à 10.1% mais cet aveu a été fait sans préjudice au droit pour la défenderesse de soutenir que seul le taux légal d'intérêt s'applique.
L'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, dispose:
40. A moins qu'il n'en soit autrement ordonné par la Cour, un jugement, notamment un jugement contre la Couronne, porte intérêt à compter du moment le jugement est rendu au taux prescrit par l'article 3 de la Loi sur l'intérêt.
Cela ne s'applique qu'à l'intérêt sur les jugements toutefois.
Il est bien établi qu'en droit maritime, la Cour peut accorder l'intérêt à discrétion, que la demande soit contractuelle ou délictuelle, comme une partie intégrante des dommages-intérêts, à compter du moment la dépense cause de l'attri- bution des dommages-intérêts a eu lieu (voir Canadian Brine Limited c. Le Scott Misener» i5 et La Compagnie de Téléphone Bell du Canada— Bell Canada c. Le «Mar-Tirenno» 16 , confirmé en appel par [1976] 1 C.F. 539. Cette jurisprudence suit la pratique anglaise d'exercer une compétence d'équité. On ne m'a cité aucune jurisprudence toutefois, ni n'ai-je été à même de trouver quelque précédent l'on aurait accordé l'intérêt à comp- ter de la date du dommage, si ce n'est par applica tion des règles de droit ou de procédure provincia- les ou d'une législation, sauf, comme mentionné ci-dessus, en matière maritime. L'espace présente traite de transport aérien, non de droit maritime.
Je ne puis trouver aucun précédent m'autorisant à accorder au nom de l'équité la demande d'intérêt avant jugement de la demanderesse. Ce sont les dispositions de la Convention de Varsovie, modi fiées par la Convention de La Haye, qui doivent être appliquées en l'espèce, non les dispositions du droit fédéral ou provincial, qu'un intérêt de ce genre ait ou non été accordé selon le droit de la province de Québec l'action a été instruite. En équité, certainement la demanderesse a subi une perte d'intérêt sur cet argent à compter du 6 novembre 1970, mais on peut aussi dire que la défenderesse Air Canada n'a pas non plus profité
15 [1962] R.C.É. 441. ' 6 [1974] 1 C.F. 294.
de cet intérêt puisque l'argent n'était pas en sa possession. L'article 14 de la Convention de Varso- vie autorise tant l'expéditeur que le destinataire à engager l'action en leur nom propre, qu'ils agissent en leur propre intérêt ou dans l'intérêt d'autrui, et les parties reconnaissent que Swiss Bank Corpora tion est la demanderesse appropriée bien qu'elle ait été remboursée de sa perte par son assureur, Baloise Insurance Company, le 5 novembre 1971. En pratique, Swiss Bank Corporation a perdu l'intérêt d'un an et Baloise Insurance Company, celui ayant couru depuis le 5 novembre 1971.
L'article 14(3) des [TRADUCTION] Conditions générales de transport de marchandises de Swiss- air (pièce DAC -1) dont la demanderesse a accepté les modalités en délivrant la marchandise à Swissair pour qu'elle la transporte, stipule que [TRADUCTION] «un transporteur n'est pas respon- sable des dommages indirects ou consécutifs. Le transporteur n'est pas responsable des pertes de revenu.» L'intérêt, c'est le revenu que la conserva tion de l'argent aurait généré. Avec regret, donc, je ne crois pas que l'intérêt ayant couru antérieure- ment au jugement puisse être accordé ni que la Cour doive s'écarter de sa pratique habituelle et accorder l'intérêt au taux commercial plutôt qu'au taux légal à compter du jugement.
La demanderesse a, à bon droit, engagé l'action à la fois contre Air Canada et contre Swissair et Swiss Air Transport Co. Ltd., à qui le colis avait d'abord été délivré pour transport, obligeant ainsi Swissair à produire une défense. Swissair appela Air Canada en garantie conformément à la Règle 1730 demandant de l'indemniser de tout jugement que la demanderesse peut recouvrer de Swissair et de tous les frais, frais judiciaires et honoraires d'avocat engagés pour se défendre de l'action.
L'action de la demanderesse sera accueillie, avec dépens, contre Air Canada seulement, aucune faute n'étant attribuable à Swissair. L'appel en garantie de Swissair contre Air Canada sera accueilli, avec dépens, y inclus les dépens engagés par Swissair en contestation de l'action de la demanderesse.
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