Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-3640-79
Keystone Camera Corporation of Canada Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach— Ottawa, 31 mars et 23 avril 1981.
Couronne Responsabilité délictuelle Négligence Action fondée sur la prétendue négligence de préposés de la Couronne La demanderesse a acquitter des droits et des taxes pour des marchandises importées malgré qu'elle les avait déjà payés à un agent en douane titulaire d'un permis L'agent a négligé de remettre les paiements au ministère du Revenu national Les garanties fournies au Ministère en application du Règlement sur l'agrément des agents en douane et du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées ne couvraient pas toute la dette de l'agent il échet d'exami- ner si la défenderesse avait une obligation légale envers la demanderesse, et le cas échéant, si elle s'y est soustraite Action rejetée Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, art. 2(3), 22(3), 116, 118, 125 Règlement sur l'agrément des agents en douane, C.R.C. 1978, Vol. V, c. 456, art. 11(1), 17 Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, C.R.C. 1978, Vol. V, c. 475, art. 2b),c), 4, 5.
Il s'agit en l'espèce d'une action en responsabilité délictuelle pour un préjudice prétendument causé par la négligence de préposés de la Couronne. Empire Customs Brokers Limited (ci-après appelée Empire) a agi à titre d'agent en douane pour la demanderesse. Empire était titulaire d'un permis d'agent en douane délivré par le ministère du Revenu national. Elle avait fourni au Ministère un cautionnement de $20,000 pour garantir ce dernier ou les clients de l'agence de toute perte conformé- ment à l'article 11(1) du Règlement sur l'agrément des agents en douane. Pour pouvoir retirer immédiatement les marchandi- ses importées, elle a aussi déposé une garantie de $50,000, couvrant tous les droits et toutes les taxes exigibles, en confor- mité de l'article 2b) du Règlement sur la mainlevée des mar- chandises importées. Les droits de dédouanement immédiat et d'émission de chèques non certifiés ont été suspendus sur instructions données verbalement le 16 novembre 1978, parce qu'Empire avait tiré plusieurs chèques sans provision. Le 28 décembre 1978, Empire a cesse ses activités, sans avoir remis au Ministère le montant des droits et taxes qu'elle avait reçu de la demanderesse. La demanderesse a payer au Ministère une fraction, calculée au prorata, du déficit total d'Empire, déduc- tion faite du montant provenant de la réalisation des cautionne- ments. La demanderesse prétend que le ministère du Revenu national a fait preuve de négligence en permettant à Empire de dédouaner des marchandises pour lesquelles les droits et taxes payables dépassaient le montant du cautionnement déposé auprès du Ministère. Il s'agit de déterminer s'il existe une obligation légale de la Couronne à l'égard de la demanderesse, et le cas échéant, si la défenderesse s'est soustraite à cette obligation.
Arrêt: l'action est rejetée. Le Règlement sur la mainlevée des marchandises importées et les cautionnements requis sous son
régime ont pour seul but de protéger les recettes du Trésor. Toutefois, sous le régime du Règlement sur l'agrément des agents en douane, il est clair que le cautionnement ne vise pas exclusivement à garantir les recettes de la Couronne, mais aussi à garantir «les clients de l'agent» contre toute perte. Ainsi, l'article 11(1) impose expressément au Ministère l'obligation de contrôler la conduite de tiers. Il n'y a pas eu négligence dans l'exécution des obligations légales découlant du Règlement sur l'agrément des agents en douane. En application de l'article 11(1), Empire avait fourni un cautionnement de $20,000. Aucune disposition ne prévoit que le montant du cautionnement peut être augmenté pendant la durée du permis. Rien n'indique qu'à la délivrance ou au renouvellement du permis, le montant minimum de $20,000 était insuffisant; il n'y a donc pas eu négligence en ce qui concerne l'obligation que la Couronne avait envers la demanderesse sous le régime du Règlement en matière d'agrément.
Arrêts mentionnés: Timm c. La Reine [1965] 1 R.C.É. 174; Home Office c. Dorset Yacht Co. Ltd. [1970] A.C. 1004; Rubie c. Faulkner [1940] 1 All E.R. 285; Culford Metal Industries Ltd. c. Export Credits Guarantee Department (Q.B.D.) The Times de Londres, le 25 mars 1981. Arrêt appliqué: O'Rourke c. Schacht [1976] 1 R.C.S. 53.
ACTION. AVOCATS:
John L. Finlay pour la demanderesse.
B. D. Segal et Carolyn Kobernich pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: La demanderesse fut constituée sous le régime des lois du Canada sous la dénomination sociale de Berkey Keystone of Canada Limited, par laquelle elle a été identifiée à tort dans la déclaration du 23 juillet 1979, cette dénomination sociale ayant été changée le 8 jan- vier 1979, en celle de Keystone Camera Corpora tion of Canada Limited, environ sept mois avant le dépôt de la déclaration. Au procès, l'intitulé de la cause et la déclaration ont été modifiés de façon à désigner la demanderesse sous sa dénomination sociale exacte. Les procureurs de la demanderesse n'étaient pas en faute puisque celle-ci ne les avait
pas informés du changement de nom.
Comme l'indique sa dénomination sociale dans l'intitulé corrigé de la cause, la demanderesse fait le commerce du matériel photographique fabriqué soit par sa compagnie mère, connue sous la déno- mination sociale de Berkey Photo Inc. (ou sous un autre nom très proche), soit, conformément aux spécifications données par celle-ci, au Japon ou à Hongkong.
Ainsi, la demanderesse importait au Canada du matériel photographique pour distribution aux détaillants; les importations, d'une valeur annuelle de quelque 4 millions de dollars, donnaient lieu à des droits de douane et des taxes d'accise de l'ordre de $500,000 par an.
Contrairement aux dépositions de Victor Cher - nick, président-directeur général de la demande- resse, rien n'empêche un importateur de dédouaner ses propres marchandises importées, mais je veux bien admettre que par ses assertions, M. Chernick a simplement voulu dire qu'il serait moins coûteux de retenir les services d'agents en douane à cet effet.
Au moment M. Chernick fut engagé par la compagnie demanderesse, ce service était assuré par l'agence en douane P.I.E. Canada Limited, dont un employé, M. Weber, était tout spéciale- ment affecté aux importations de la demanderesse.
Par la suite, M. Weber a informé M. Chernick que P.I.E. Canada Limited avait vendu son entre- prise, que lui-même avait quitté cette société pour fonder une agence en douane sous la dénomination sociale d'Empire Customs Brokers Limited (ci- après appelée Empire), agence dont il était le patron et couverte par une garantie et titulaire d'un permis du ministère du Revenu national (voir S.R.C. 1970, c. N-15).
Comme M. Weber connaissait parfaitement les marchandises importées par la demanderesse ainsi que leurs cotes, et comme, en tant qu'employé de P.I.E. Canada Limited, il avait jusque-là donné pleine satisfaction, M. Chernick a fait savoir à M. Weber que la demanderesse recourrait aux servi ces d'Empire. Si je me rappelle bien les dépositions faites à l'audience, ce changement d'agent a eu
lieu en 1976 ou en 1977. Quoi qu'il en soit, Empire a été l'agent en douane de la demanderesse pen dant toute la période qui nous intéresse en l'espèce.
Dans ses plaidoiries, la défenderesse reconnaît qu'à l'époque en cause, Empire était titulaire d'un permis d'agent en douane, délivré conformément au paragraphe 118(1) de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, qui porte:
118. (1) Sous réserve de l'approbation du Ministre, le rece- veur à un bureau peut, sur demande, émettre à une personne, qui est sujet britannique résidant au Canada, majeure et de bonnes moeurs, un permis l'autorisant à exercer des opérations de courtier en douane au bureau ce permis est émis, et nulle personne ne doit exercer les opérations de courtier en douane, sans avoir au préalable obtenu un permis en conformité de la présente disposition; mais rien de contenu aux présentes ne doit être interprété de manière à défendre à quelqu'un d'exercer les opérations afférentes à ses propres importations, ou à défendre aux agents régulièrement autorisés d'importateurs d'exercer les opérations prévues aux articles 116 et 117.
Le Ministre est tenu par le paragraphe 118(5) de la Loi sur les douanes d'établir les règlements pour l'application des dispositions de l'article 118, savoir l'autorisation des agences en douane, ce qu'il a fait par le Règlement sur l'agrément des agents en douane, C.R.C. 1978, Vol. V, c. 456, dont le paragraphe 11(1) porte:
11. (1) Avant l'octroi ou le renouvellement d'un agrément, il faut fournir au ministère un cautionnement d'une société de caution agréée par le ministre des Finances, ou une ou plusieurs obligations négociables du gouvernement du Canada représen- tant une somme ou un montant global d'au moins $20,000 ce qui garantira le ministère et les clients de l'agent de toute perte pendant la période visée par l'agrément ou son renouvellement.
Empire a fourni au Ministère un cautionnement d'un montant de $20,000 pour la période du l er avril 1978 au 31 mars 1979.
Aux termes du paragraphe 22(3) de la Loi sur les douanes, le gouverneur en conseil peut établir des règlements prescrivant les conditions auxquel- les des effets peuvent être entrés au Canada sans que l'importateur soit tenu, lors de l'entrée, de payer ou de faire ainsi payer tous les droits visant les effets ainsi déclarés à l'entrée, et les modalités de tout cautionnement à l'égard des droits y applicables.
C'est ce qu'il a fait par le Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, C.R.C. 1978, Vol. V, c. 475, dont les alinéas 2b) et c) et l'article 4 sont applicables en l'espèce. Les alinéas 2b) et c) portent:
2. Sous réserve de l'article 97 de la Loi sur les douanes, les marchandises importées peuvent être retirées de la douane avant le paiement des droits et des taxes frappant ces marchan- dises, si l'importateur ou un agent en douane dépose
b) auprès du receveur une garantie couvrant tous les droits et toutes les taxes exigibles à l'égard des marchandises qui sont retirées à un bureau par l'importateur ou l'agent en douane, selon le cas, pendant la durée de la garantie, et le montant de cette garantie doit être fixé par le receveur et être d'au moins $25 lorsque la garantie est déposée par un importateur et d'au moins $5,000 lorsqu'elle est déposée par un agent en douane; ou
c) auprès du sous-ministre une garantie couvrant tous les droits et toutes les taxes exigibles sur les marchandises qui sont retirées à plus d'un bureau par l'importateur ou l'agent en douane, selon le cas, pendant la durée de la garantie, et le montant de cette garantie doit être fixé par le receveur et être d'au moins $5,000 lorsque la garantie est déposée par un importateur et d'au moins $25,000 lorsqu'elle est déposée par un agent en douane.
En application de ce Règlement, Empire a déposé une garantie de $50,000 lui permettant de retirer immédiatement les marchandises importées à n'importe quel bureau du ministère du Revenu national au port de Toronto. Cette garantie a été approuvée le 3 février 1980 au port de Toronto.
L'article 4 porte:
4. La garantie déposée en vertu de l'article 2 doit assurer le paiement de tous les droits et de toutes les taxes frappant les marchandises retirées par l'importateur ou par l'agent en douane qui dépose la garantie,
a) dans les 5 jours qui suivent la mainlevée, s'il s'agit de marchandises périssables ou de marchandises qui sont enre- gistrées et contrôlées au moyen d'un système de traitement électronique des données qui est acceptable au sous-ministre; ou
b) dans les 3 jours de la mainlevée, s'il s'agit de marchandises autres que celles qui sont mentionnées à l'alinéa a).
L'alinéa 4b) est applicable en l'espèce. Les droits et les taxes frappant les marchandises dédouanées par l'importateur ou par l'agent en douane pour le compte de ce dernier, doivent être payés dans les trois jours du dédouanement.
M. Chernick a décrit la méthode suivie par sa compagnie dans ses rapports avec Empire. Sur réception de la facture du fabricant relative aux marchandises commandées et expédiées (un dupli- cata de cette facture étant joint aux marchandi- ses), il envoyait à Empire le connaissement et l'attestation, faite par l'expéditeur, de la juste valeur marchande de ces marchandises en monnaie du pays d'origine, ainsi que d'autres titres de
propriété et une formule signée de dédouanement sur droits garantis. Les marchandises étaient alors dédouanées entre les mains de la demanderesse qui en prenait livraison à l'entrepôt.
Empire adressait ensuite à la demanderesse la facture des débours et frais de service, les débours consistant la plupart du temps dans les droits et taxes acquittés (ou, peut-être, à acquitter).
Sur réception de la facture d'Empire, la deman- deresse la payait par chèque à l'ordre d'Empire.
Voilà ce qui ressortait des dépositions de M. Chernick.
La défenderesse a cité comme témoin un autre agent en douane de Toronto, président de la sec tion torontoise de l'Association canadienne des courtiers en douane. Cette dernière n'est qu'une amicale, organisée en vue de défendre les intérêts communs des agents en douane. Elle n'est nulle- ment un conseil de direction qui établit les condi tions d'exercice de la profession (ce pouvoir rele vant du ministère du Revenu national) ou qui recommande un barème des honoraires, etc.
Ce témoin a décrit la méthode suivie par la compagnie dont il était un dirigeant et actionnaire, ainsi que ce qu'il savait des méthodes de travail d'autres agents en douane.
D'après ce témoin, le dépôt d'un cautionnement assurait aux agents en douane [TRADUCTION] ale droit de dédouanement immédiat».
Voilà, à mon avis, une condition essentielle que doivent remplir les agents en douane s'ils veulent fonctionner efficacement et attirer les clients dans un commerce concurrentiel. C'est dans cet ordre d'idées et aussi pour s'assurer le paiement des droits de douane et des taxes que le Ministre a adopté les dispositions susmentionnées du Règle- ment sur la mainlevée des marchandises impor- tées. Ce principe s'incarne dans l'article 4, et, selon l'alinéa 4b), les droits et taxes doivent être payés dans les trois jours du dédouanement. L'importa- teur est tenu de payer ces droits et taxes, mais l'agent peut les acquitter en son nom dans le délai imparti. Le Ministère s'adresse tout d'abord à l'agent, qui a déposé un cautionnement, ce qui, selon la loi, ne dégage pas l'importateur de sa
responsabilité à cet égard. Les avocats des deux parties n'ont pas pu remettre en question ce prin- cipe, et ils ne l'ont pas fait.
Les dépositions du témoin cité par la défende- resse portaient sur les usages de la profession qui se passent d'explications, usages tels que lui-même et d'autres agents en douane de sa connaissance les pratiquent.
Normalement, c'est l'agent en douane qui acquitte les droits et taxes frappant les marchandi- ses dédouanées.
Dans d'autres cas, notamment lorsque le mon- tant des droits est élevé, l'agent en douane n'ac- quitte pas les droits et taxes pour le compte de l'importateur, à moins que ce dernier ne lui ait remis des fonds soit pour régler les droits frappant une cargaison déterminée, soit à titre de compte de dépôt chez l'agent. Dans ce dernier cas, l'importa- teur a intérêt à demander à l'agent de lui fournir une garantie ou une lettre de crédit de sa banque.
Rien n'empêche d'ailleurs l'importateur de payer directement au Ministère les droits et taxes exigibles.
Il n'y a aucune différence notable entre la méthode suivie par le témoin et celle qu'observe la demanderesse dans ses rapports avec Empire.
La seule conclusion qu'on puisse tirer de tous ces témoignages, c'est que les droits et les taxes paya- bles, dont le total annuel était considérable, ne représentaient pas, pour chaque arrivage, un mon- tant si élevé qu'Empire ne pouvait les acquitter. Cette compagnie n'a jamais demandé à la deman- deresse une avance pour le paiement de ces droits et taxes, et la demanderesse n'a jamais eu un compte de dépôt chez Empire.
Ainsi qu'il ressort des faits subséquents, c'est peut-être bien ce qu'Empire a fait. Elle a pu utiliser les sommes versées par la demanderesse en paiement de ses factures, pour régler les droits et taxes frappant les marchandises dédouanées, mais la demanderesse ne pouvait le savoir, et Empire ne lui a jamais demandé une avance spécifique pour
les droits et taxes.
La différence qui sépare les méthodes d'Empire et celles qu'observent les autres agents en douane
tient à ce que ces derniers, au dire du témoin cité par la défenderesse, joignent toujours à leur fac- ture des débours et frais de service la formule de déclaration d'importation, frappée du cachet du Ministère portant la mention «Droits acquittés».
Aux termes de l'article 17 du Règlement sur l'agrément des agents en douane, tout agent doit fournir à ses clients, à l'égard de chaque déclara- tion d'importation qu'il fait en leur nom, une copie de cette déclaration sur laquelle aura été apposé le timbre portant la mention «Droits acquittés». Cet article prévoit donc que l'agent en douane doit remettre à son client une copie de la déclaration frappée du cachet des droits acquittés, mais sans préciser que cette copie doit être jointe à la facture adressée au client.
Empire n'a jamais joint aux factures adressées à la demanderesse ce genre d'attestation de paie- ment délivrée par le Ministère, et la demanderesse les a toujours acquittées avec diligence. Selon M. Chernick, Empire a pu envoyer par la suite ces déclarations en douane frappées du cachet du Ministère, mais elles n'étaient pas jointes aux fac- tures. Présumant que les droits et les taxes avaient été acquittés puisqu'il avait les marchandises en sa possession, il ne se faisait pas trop de souci à ce sujet.
Dès le 14 novembre 1978, la banque a com- mencé à rejeter pour défaut de provision les chè- ques émis par Empire pour acquitter les droits et taxes frappant des marchandises dédouanées sur droits garantis.
Le 7 novembre 1978, le Ministère déposa un chèque de $22,244.96 remis par Empire en paie- ment des droits et taxes frappant des marchandises dédouanées sur droits garantis de l'entrepôt Inter- post Sufferance Warehouse, mais le chèque fut renvoyé au Ministère le 14 novembre 1978 pour insuffisance de fonds. Le Ministère s'est immédia- tement mis en rapport avec Empire, qui lui a remis un chèque de rechange le même jour. Celui-ci étant un chèque certifié, Empire devait avoir dans son compte une provision suffisante. Rien n'a été dit au sujet de l'origine de cette provision.
A la même date du 7 novembre 1978, le Minis- tère déposa un chèque d'un montant de $34,041.94 présenté par Empire en paiement des droits et taxes frappant des marchandises dédouanées sur
droits garantis du même entrepôt Interpost Suffer ance Warehouse, et, le 14 novembre 1978, le chèque fut aussi retourné pour insuffisance de fonds. Le même jour, sur les instances du Minis- tère, Empire l'a remplacé par un chèque certifié.
Un chèque d'un montant de $8,539.66 présenté le 15 novembre 1978 par Empire, en paiement des droits et taxes frappant des marchandises dédoua- nées sur droits garantis à l'aéroport international de Toronto, fur rejeté le même jour par la banque et remplacé le lendemain par Empire.
Un autre chèque de $1,562.62 fut rejeté le 17 novembre 1978 pour insuffisance de fonds. Infor- mée le même jour, Empire l'a remplacé le 23 novembre 1978 par un autre chèque, avec provi sion celui-là.
Un chèque d'un montant de $5,607.86, émis le 17 novembre 1978 par Empire en paiement des droits de douane et des taxes d'accise frappant des marchandises dédouanées sur droits garantis, du terminus Mid-Continent Trust Terminal, fut rejeté le 22 novembre 1978 pour insuffisance de fonds. Informée le même jour, Empire a remis le chèque de rechange le 23 novembre 1978.
Aucun de ces chèques n'a été tiré par Empire en paiement des droits frappant les marchandises dédouanées sur droits garantis pour le compte de la demanderesse.
Le 16 novembre 1978, M. Mills, responsable des salles des comptoirs de la région de Toronto, a téléphoné aux directeurs et responsables des sept bureaux du port de Toronto pour les informer qu'Empire n'avait plus le droit de dédouanement immédiat ni d'émission de chèques non certifiés, et que cette agence ne pourrait désormais dédouaner des marchandises qu'après paiement, chaque fois, par chèque certifié. Donc, plus de dédouanement sans paiement des droits: point de paiement comp- tant, point de dédouanement!
Le 17 novembre 1978, toutefois, Empire a pu dédouaner des marchandises du terminus Mid- Continent Trust Terminal, sur présentation d'un chèque non certifié de $5,607.86. Selon les explica tions données par la suite, il s'agit d'un grand entrepôt très actif, avec plus de 100 douaniers au travail, et le responsable n'avait pas communiqué les instructions de M. Mills au douanier qui, le 17
novembre 1978, a permis à Empire de dédouaner cet envoi sur présentation d'un chèque non certifié.
Après le 17 novembre 1978, il n'y a plus eu de dédouanement sur droits garantis de la part d'Empire.
Le 20 novembre 1978, M. Mills a confirmé à chacun des sept bureaux de Toronto ses instruc tions données verbalement le 16 novembre 1978.
La décision de M. Mills était motivée par l'ava- lanche de chèques sans provision tirés par Empire.
Vers la mi-novembre, M. Mills a eu un entretien à ce sujet avec M. Weber, le patron d'Empire, dans la salle des comptoirs de la douane au bureau principal du Ministère à Toronto. M. Weber, indi- quant qu'il faisait des efforts pour éviter la faillite de l'entreprise et rendre celle-ci suffisamment sol vable afin de payer les dettes, a sollicité la patience du Ministère pour quelque temps. Le Ministère n'a donc pris aucune mesure immédiate pour fermer l'entreprise, mais lui a donné le temps nécessaire pour se procurer l'argent et acquitter tous les droits et les taxes qu'il devait encore. Le délai ainsi accordé était d'environ un mois, puisque, le 28 décembre 1978, M. Mills a informé M. Neville, par note de service, que M. Weber l'avait appelé pour le mettre au courant de la fermeture d'Em- pire. En réponse à la question de savoir s'il allait remettre son permis d'agent, l'intéressé a déclaré qu'il n'entendait pas le faire pour le moment, mais qu'il attendrait de savoir ce qu'il adviendrait de l'argent au Ministère.
Auparavant, Empire avait cependant adressé à la demanderesse des factures de $372.55 et $179.43 le 26 octobre 1978, et $2,222.76 le 15 novembre 1978, soit au total $2,774.74. Le 20 novembre 1978, la demanderesse reçut une autre facture d'Empire pour $23,658.62.
Les deux premières factures en date du 26 octo- bre 1978, de $372.55 et de $179.43 respective- ment, soit au total $551.98, ont été payées par la demanderesse, ainsi qu'il est indiqué sur ces factu- res mêmes, par chèque 10655 en date du 8 décembre 1978, au montant de $3,674.76.
Il ressort des inscriptions faites par la demande- resse sur la facture de $2,222.76 du 15 novembre
1978, que celle-ci a été payée par chèque 10675 daté ch, 27 novembre 1978, au montant de $2,981.04, et des inscriptions faites sur la facture de $23,658.62 du 20 novembre, que celle-ci a été payée par chèque 10675 de la demanderesse, au montant de $2,981.04, et par chèque 10670 du 20 novembre 1978 au montant de $23,000, ainsi que par chèque 10675 du 27 novembre 1978.
Selon mes calculs, Empire a adressé à la deman- deresse pour la période du 26 octobre au 20 novembre 1978, une facture totale de $25,881.37, et cette dernière lui a payé au total $29,615.80 par chèques n°' 10655, 10670 et 10675. L'endossement de ces chèques indique qu'ils ont été déposés au crédit d'Empire.
Le Ministère établit à $25,789.50 le montant des droits de douane et taxes d'accise frappant les marchandises importées par la demanderesse.
Comme la demanderesse ne conteste pas l'exac- titude du montant des droits et taxes d'accise impayés, il n'est pas nécessaire de rapprocher ces chiffres divergents. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'Empire n'a pas payé au Ministère la somme de $25,789.50 et que la demanderesse a réglé toutes les factures d'Empire, soit plus de $25,789.50. Il s'ensuit qu'Empire n'a pas versé au Ministère, en paiement des droits de douane et taxes d'accise, la somme de $25,789.50 reçue à cet effet de la demanderesse, qui croyait ainsi rembourser Empire des droits que cette dernière devait acquit- ter, mais qu'elle n'a pas acquittés.
La demanderesse n'était pas la seule cliente d'Empire à subir une telle perte. Il y en avait quatre autres.
La demanderesse et ces quatre autres clients doivent au Ministère $108,161.81 au total. Déduc- tion faite de $70,000 provenant de la réalisation du cautionnement (moins $154 dus par Empire au Ministère et n'ayant aucun rapport avec des importateurs), il manquait donc $38,315.81.
Le Ministère a recouvré cette somme de $38,315.81 auprès des importateurs (lesquels sont tenus responsables par la Loi sur les douanes, des droits et taxes à payer) au prorata des sommes
dues. La demanderesse a payé, sous réserve, sa part de $9,134.49.
Lorsque, par suite de la situation financière visiblement instable d'Empire, M. Mills a mis fin à son droit de dédouanement sur droits garantis et de paiement par chèques non certifiés, il n'en a pas informé immédiatement les importateurs, dont la demanderesse.
Le 29 novembre 1978, il téléphona au bureau de la demanderesse. Selon le commis qui a pris la communication, il voulait savoir si la demande- resse avait remis des fonds à son agent en douane pour acquitter les droits de douane et les taxes d'accise. Il se peut qu'il ait exigé un paiement de la part de la demanderesse, ce à quoi le commis a répondu que l'argent avait déjà été payé à Empire.
Mis au courant, M. Chernick a vérifié les dates des importations et s'est assuré que les chèques aux montants respectifs de $2,981.04 et de $23,000 avaient été envoyés à Empire pour acquit- ter les droits et taxes.
Le 6 décembre 1978, M. Mills a informé M. Chernick qu'Empire n'avait pas payé les droits et taxes exigibles. Il lui a demandé de produire les factures et les chèques de paiement, ce qu'a fait M. Chernick.
Aussitôt qu'il apprit de M. Mills, le 6 décembre 1978, qu'Empire n'avait pas payé les droits et taxes dont s'agit, M. Chernick se mit immédiate- ment en rapport avec M. Weber. Sans lui donner d'explications satisfaisantes sur ses difficultés, M. Weber lui a assuré que s'il y avait un déficit, il ne fallait pas s'en inquiéter puisque le cautionnement de garantie d'Empire suffirait pour indemniser la demanderesse de toute perte.
M. Weber a transféré le compte de la demande- resse à une autre agence en douane, X M Customs Brokers Limited, à laquelle la demanderesse a donné procuration.
Le Ministère a suspendu le droit d'Empire d'ef- fectuer les dédouanements sur droits garantis, par instructions données verbalement le 16 novembre 1978 à tous les bureaux de douane de Toronto et confirmées par écrit le 20 novembre 1978.
A la mi-novembre, M. Mills a demandé à M. Weber de l'agence Empire ce qu'il comptait faire au sujet des sommes dues. Il n'a pas révoqué le permis d'Empire, mais lui a permis de continuer à fonctionner par paiements au comptant, pour donner à M. Weber le temps de se rattraper et de payer ses dettes. Cet état de choses n'a pris fin que le 28 décembre 1978.
Le 6 décembre 1978, lorsque M. Mills parla de l'affaire avec M. Chernick qui lui produisit à cette occasion les factures et les chèques de paiement encaissés par Empire, il n'était nullement question d'une insuffisance éventuelle du cautionnement, laquelle engagerait la responsabilité de la deman- deresse.
Dès le 14 novembre 1978, M. Mills savait qu'Empire avait tiré des chèques sans provision, et il a décidé de suspendre ses privilèges le 16 novem- bre 1978.
Le 20 novembre 1978, la demanderesse envoya à Empire un chèque de $23,000 et, le 27 novembre 1978, un autre chèque de $2,981.04. Ces paie- ments eurent lieu après qu'Empire fut suspendue le 16 novembre 1978, et avant que la demande- resse ne fût informée de la déchéance d'Empire en matière de dédouanement sur droits garantis et de paiement par chèques non certifiés.
Aux termes de l'article 5 du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, lorsque le montant du cautionnement de garantie requis de l'agent en douane, conformément aux alinéas 2b) et c), a été déposé et que le receveur ou le sous- ministre, selon le cas, est d'avis que le montant maximal des droits et des taxes qui pourrait être impayé au cours de la durée de la garantie est supérieur au montant de la garantie déposée, alors l'agent en douane peut être tenu de déposer un nouveau cautionnement équivalant à ce montant supérieur. Il en est de même de l'inverse.
Pour s'assurer que le cautionnement est suffi- sant pour couvrir les droits à payer, chaque bureau relevant d'un port doit rendre compte périodique- ment de la valeur des opérations effectuées chaque jour par chaque agent en douane.
Ainsi, tous les bureaux envoient au responsable des comptes un résumé hebdomadaire des opéra- tions effectuées par chaque agent en douane.
Vu le nombre d'agents en douane en exercice, il n'est pas possible de dépouiller ces rapports chaque semaine.
L'usage s'est donc établi de contrôler tous les deux mois les comptes de chaque agent en douane. Ces comptes sont vérifiés, et si le calendrier n'est pas observé de manière rigoureuse, l'échéancier de deux mois est à peu près respecté.
C'est ce qui ressort du contrôle des comptes d'Empire.
Pour la semaine du 9 janvier 1978, le total le plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de quelque $23,400.
Pour la semaine du 20 février 1978, le total le plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de quelque $7,345.
Pour la semaine du 24 avril 1978, le total le plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de quelque $33,000.
Pour la semaine du 12 juin 1978, le total le plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de quelque $35,735.
Pour la semaine du 11 septembre 1978, le total le plus élevé des droits et taxes, pour trois jours, était de quelque $20,638.
Ces contrôles ont eu lieu à peu près à deux mois d'intervalle.
Dans chaque cas, le cautionnement de $50,000 dépassait le total le plus élevé de trois jours de droits et taxes par semaine, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'augmenter le montant du caution- nement.
Le contrôle à effectuer deux mois après la semaine finissant le 15 septembre 1978 devait avoir lieu à la mi-novembre 1978.
Aucun contrôle du cautionnement d'Empire n'a été prévu pour novembre 1978, et pour cause.
La situation financière d'Empire doit être tombée au plus bas vers le 14 novembre 1978, lorsque ses chèques ont commencé à être rejetés pour insuffisance de provision.
Elle fut déchue le 16 novembre 1978 de son droit de dédouaner sur droits garantis et de payer par chèques non certifiés.
Le cautionnement ayant pour objet de garantir les chèques non certifiés présentés en paiement des droits et taxes frappant les marchandises dédoua- nées sur droits garantis, il s'ensuit que, par suite de la révocation du privilège, le cautionnement ne servirait pas les fins pour lesquelles il a été constitué.
Vers la fin de janvier 1979, M. Chernick a eu un entretien avec un fonctionnaire du ministère du Revenu national, Division des douanes et de l'ac- cise, qui lui a expliqué qu'un contrôle des opéra- tions d'Empire aurait fait certainement ressortir un déficit d'un montant non déterminé, à l'époque, mais que la demanderesse serait tenue responsable. M. Chernick a répondu que c'était injuste puisqu'il avait déjà payé à Empire tous les droits et taxes frappant ses importations.
Par lettre recommandée en date du ler février 1979, R. J. Neville, receveur régional du ministère du Revenu national, a informé la demanderesse qu'Empire avait manqué à ses obligations décou- lant de son privilège de retrait immédiat, et que des droits et taxes s'élevant à $25,789.50 étaient dus pour deux arrivages dont Empire avait pris livraison pour le compte de la demanderesse, ces droits étant de $23,598.62 pour l'un, et de $2,190.88 pour l'autre.
La lettre rappelle que, sous le régime de la Loi sur les douanes, la demanderesse était tenue à l'obligation de payer les droits et taxes, lors même qu'elle en a versé le montant à Empire, et qu'elle y était légalement tenue tant qu'Empire n'aurait pas versé ce montant à la Couronne.
La demanderesse ne conteste pas cette énoncia- tion exacte de la responsabilité des importateurs, telle que la prévoit la Loi sur les douanes.
La lettre ajoute que le Ministère réaliserait le cautionnement d'Empire, et que la responsabilité de la demanderesse en serait réduite d'autant.
Par une autre lettre recommandée en date du 19 février 1979, le Ministère a informé la demande- resse que, compte tenu de la somme recouvrée par
réalisation du cautionnement, la demanderesse était encore tenue à des droits et taxes s'élevant à $9,134.49, qui devaient être payés dans les 30 jours de la date de la lettre, faute de quoi le recouvrement serait fait par voie judiciaire.
Le 2 avril 1979, la demanderesse a payé, sous réserve, la somme requise.
C'est dans ce contexte que la demanderesse a intenté cette action sur la base, non d'un contrat, puisqu'il n'y a aucune relation contractuelle entre elle et le Ministère, mais d'un délit civil, pour réclamer $9,134.49 à titre de réparation, la demanderesse ayant payer cette somme par suite de la négligence qu'elle reproche aux prépo- sés de la Couronne dans l'exercice de leurs fonctions.
L'allégation principale de négligence, reprochée par la demanderesse aux préposés de la Couronne, figure aux paragraphes 11 et 12 de la déclaration.
Selon le paragraphe 11, les fonctionnaires res- ponsables du ministère du Revenu national ont fait preuve de négligence en permettant à Empire de dédouaner des marchandises pour lesquelles les droits et taxes payables dépassaient le montant du cautionnement déposé auprès du Ministère.
Selon le paragraphe 12, le Ministère a commis la négligence de ne rien faire pendant deux mois pour recouvrer les droits et taxes qu'Empire aurait acquitter.
En ce qui concerne les allégations faites au paragraphe 11 de la déclaration, les deux caution- nements fournis par Empire, l'un de $20,000 en application du Règlement sur l'agrément des agents en douane, établi par le Ministre en vertu des pouvoirs qu'il tient du paragraphe 118(5) de la Loi sur les douanes, et l'autre de $50,000 en application du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, établi par le gouverneur en conseil en vertu des pouvoirs qu'il tient du paragraphe 22(3) de la Loi sur les douanes, soit au total $70,000, étaient de $38,315.81 inférieurs au montant de $108,161.81 que devait Empire à titre de droits et taxes frappant les marchandises dédouanées sur droits garantis pour le compte de ses clients, à part la somme de $154 due par
Empire au Ministère et n'ayant aucun rapport avec les droits et taxes frappant les importations de ses clients. Au 16 novembre 1978, date de la suspension de son privilège de dédouanement sur droits garantis, Empire devait au Ministère la somme totale de $10,831.81.
En application de l'article 5 du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, le rece- veur ou le sous-ministre peut relever ou abaisser le cautionnement de $50,000 déposé par Empire.
Selon les témoignages rappelés en détail plus haut, le Ministère contrôle à peu près une fois tous les deux mois les opérations effectuées au port par chaque agent en douane, pour voir s'il y a lieu de modifier le montant du cautionnement fourni par cet agent.
Le dernier contrôle du cautionnement de $50,000 fourni par Empire en garantie des droits à payer portait sur la semaine qui prit fin le 15 septembre 1978.
Le paragraphe 12 allègue donc, essentiellement, que le Ministère a manqué à ses responsabilités pour ne pas avoir contrôlé le compte d'Empire pour la période du 15 septembre au 16 novembre 1978.
En somme, la négligence reprochée aux fonc- tionnaires du Ministère par le paragraphe 12 de la déclaration consisterait à laisser passer, sans paie- ment par Empire et sans aucun effort de leur part pour la faire payer, le délai de trois jours fixé aux agents en douane jouissant du privilège de dé- douanement sur droits garantis, pour payer les droits et taxes conformément à l'alinéa 4b) du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées.
Comme corollaire de l'allégation de négligence faite dans la déclaration, l'avocat de la demande- resse soutient à l'audience que le Ministère a fait preuve de négligence en omettant d'informer immédiatement la demanderesse, laquelle en sa qualité d'importatrice, était ultimement tenue à l'obligation de payer, qu'à l'expiration du délai de trois jours imparti pour le paiement des droits et taxes frappant les marchandises dédouanées sur droits garantis, Empire ne les avait pas acquittés.
Comme corollaire de la même allégation, l'avo- cat de la demanderesse soutient encore que les
fonctionnaires du Ministère ont manqué à leur devoir d'informer immédiatement la demanderesse qu'Empire était insolvable lorsqu'ils apprirent, les 14, 15 et 16 novembre, que les chèques présentés par cette dernière en paiement des droits et taxes pour le compte de ses clients autres que la deman- deresse, avaient été impayés; qu'ils ne l'en ont informée que le 6 décembre 1978 ou le 29 novem- bre 1978; que les deux fois, ils ont omis d'avertir la demanderesse qu'elle serait tenue à tout déficit non couvert par le cautionnement; mais qu'ils ont attendu, pour le faire, jusqu'au ler février 1979, date à laquelle l'importance du déficit n'a pas été calculée.
Voici les autres allégations de négligence faites contre la défenderesse: un dédouanement a été autorisé le 17 novembre 1978 alors que le droit de dédouanement immédiat d'Empire avait été sus- pendu le 16 novembre 1978; après cette suspension (dont la demanderesse ne fut pas informée), Empire a été autorisée à poursuivre ses activités jusqu'à ce que M. Weber, de sa propre initiative, mît fin à l'entreprise le 28 décembre 1978; et même alors, le permis d'Empire n'a pas été révo- qué et le Ministère n'a informé la demanderesse de rien.
La Couronne ne peut être tenue responsable d'un préjudice subi par la demanderesse, que si elle est tenue à une obligation à son égard et qu'elle a violé cette obligation.
La demanderesse ne peut prétendre à une répa- ration que si elle établit l'existence d'une obliga tion de la Couronne à son égard, faute de quoi, l'affaire en reste là. Si elle arrive à établir l'exis- tence d'une obligation, il lui faut encore, pour avoir gain de cause, démontrer que cette obligation a été violée.
Évidemment, la demanderesse conclut à la fois à l'existence d'une obligation et à la violation de cette obligation, et de son côté, la défenderesse soutient qu'il n'y a aucune obligation et que, quand bien même il y en aurait une, il n'y a pas eu violation.
Je conviens avec la défenderesse que la Loi sur les douanes a pour but d'imposer des droits de douane et des taxes d'accise afin d'assurer et de garantir des recettes pour la Couronne.
Une loi du Parlement doit être interprétée de manière à atteindre le but visé, tel qu'il ressort du libellé de cette loi.
Toute loi fiscale doit être interprétée de manière stricte. La taxe doit être expressément prévue, et, pour la percevoir, la Couronne doit s'en tenir à la lettre de la disposition applicable, faute de quoi le contribuable n'est tenu à aucun paiement, même si son cas est manifestement visé selon l'esprit de la loi.
Cette règle fondamentale d'interprétation des lois fiscales est toutefois tempérée par le paragra- phe 2(3) de la Loi sur les douanes, aux termes duquel toutes les expressions et dispositions de la présente loi ou de toute loi relative aux douanes doivent recevoir, suivant leurs véritables sens, intention et esprit, l'interprétation équitable et libérale la plus propre à assurer la protection du revenu et la réalisation des objets pour lesquels la présente loi ou cette loi a été édictée.
Selon l'article 118 de la Loi, le receveur à un bureau peut émettre à une personne un permis l'autorisant à exercer des opérations de courtier en douane. C'était le cas d'Empire.
Selon l'article 116 de la Loi, toute chose accom- plie par un agent dûment autorisé, telle Empire qui, en qualité d'agent en douane, était mandataire de la demanderesse, lie le mandant, et celui-ci doit donner à l'agent une autorisation écrite. Il s'agit d'un rappel des règles gouvernant le mandat, la loi posant comme règle que l'agent en douane pré- sente au Ministère une procuration écrite du mandant.
Aux termes de l'article 125 de la Loi sur les douanes, tous les cautionnements et toutes les garanties qu'il est permis de prendre et de recevoir en vertu de toute loi relative aux douanes, sont reçus au bénéfice et à l'usage de Sa Majesté.
Il ressort de ces dispositions invoquées par la défenderesse, que la Loi a pour objet d'assurer des recettes à la Couronne, lequel objet se dégage, comme je l'ai admis, de ses dispositions comme de l'esprit général de la Loi.
Toutefois, je n'interprète pas cette Loi dans son ensemble comme imposant au gouvernement l'obli-
gation légale de fournir des services au public, et, à mon avis, on ne peut interpréter cette loi comme créant un droit privé d'action au cas de manque- ment à cette obligation.
Il n'en est pas de même, à mon avis, du Règle- ment sur l'agrément des agents en douane. Ce Règlement a été établi par le Ministre en applica tion du paragraphe 118(5) de la Loi sur les doua- nes, afin de donner effet à cette disposition 118, en prévoyant les conditions de délivrance des permis aux agents en douane.
Ce Règlement a été donc établi conformément aux pouvoirs du Ministre, et il ne va pas à l'encon- tre du Règlement sur la mainlevée des marchan- dises importées établi par le gouverneur en conseil en application du paragraphe 22(3) de la Loi sur les douanes pour prévoir les conditions dans les- quelles des marchandises peuvent être dédouanées sans paiement immédiat de tous les droits et pour prévoir les modalités des cautionnements déposés à cet effet.
Je suis convaincu que le Règlement sur la main- levée des marchandises importées et les cautionne- ments requis sous son régime avaient pour seul but de protéger les recettes du Trésor.
Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'agré- ment des agents en douane porte:
11. (1) Avant l'octroi ou le renouvellement d'un agrément, il faut fournir au ministère un cautionnement d'une société de caution agréée par le ministre des Finances, ou une ou plusieurs obligations négociables du gouvernement du Canada représen- tant une somme ou un montant global d'au moins $20,000 ce qui garantira le ministère et les clients de l'agent de toute perte pendant la période visée par l'agrément ou son renouvellement. [Les italiques sont de moi.]
Ce paragraphe, validement édicté par le Minis- tre en vertu des pouvoirs qu'il tient de la loi, est partie intégrante de la loi et doit être interprété en conséquence.
Il ressort du libellé de ce paragraphe que le cautionnement ne vise pas exclusivement à garan- tir les recettes de la Couronne, mais aussi à garan- tir les «clients de l'agent» contre toute perte.
Le cautionnement fourni par Empire était le minimum de $20,000. Je n'ai pu trouver aucune disposition du Règlement prévoyant que ce mon-
tant pourrait être accru pendant la durée du permis. L'augmentation ne pourrait donc se faire qu'au renouvellement du permis.
Ainsi, le paragraphe 11(1) impose expressément au Ministère l'obligation de contrôler la conduite de tiers. Normalement, la loi ne requiert pas d'une personne qu'elle intervienne dans les activités d'une autre afin de protéger un tiers. Mais il peut y avoir un rapport entre une personne et une autre dont les droits ont été lésés et qui a droit à la protection de la première, ou entre cette personne et un tiers soumis à son autorité.
A titre d'exemple du droit à la protection, on peut citer le cas bien connu des rapports conven- tionnels entre employeur et employé, entre auber- giste et hôte, etc.
Dans Timm c. La Reine ([1965] 1 R.C.É. 174), il a été jugé que les autorités pénitentiaires ont envers un détenu l'obligation de prendre des mesu- res raisonnables pour assurer sa sécurité en tant que personne placée sous leur garde, et que c'est seulement dans le cas les employés du péniten- cier manquent à cette obligation que la Couronne peut être tenue responsable. De même, les exploi- tants d'un théâtre, d'un stade, d'un hôtel ou d'une taverne ont l'obligation de protéger leurs clients contre les tracasseries causées par d'autres et dans certains cas, par eux-mêmes, et les parents et les enseignants ont l'obligation de protéger les enfants sous leur garde contre les dangers prévisibles.
Par ailleurs, dans des cas plus rares, la loi peut voir dans les rapports spéciaux entre deux person- nes, une obligation de contrôle de l'une envers l'autre. En l'absence de tout droit de contrôle, il ne saurait y avoir une obligation correspondante de contrôle pour la protection d'autrui.
A mon avis, pareille obligation découle du para- graphe 11(1) du Règlement sur l'agrément des agents en douane, ce qui justifie l'application des principes énoncés dans les arrêts Home Office c. Dorset Yacht Co. Ltd. [1970] A.C. 1004, Rubie c. Faulkner [1940] 1 All E.R. 285, O'Rourke c. Schacht [1976] 1 R.C.S. 53 et Culford Metal Industries Ltd. c. Export Credits Guarantee Department, ce dernier étant une décision rendue par le juge Neill, de la Division du Banc de la
Reine, et publiée dans The Times de Londres, le 25 mars 1981.
Les affaires Dorset Yacht et Culford Metal portaient sur la négligence commise dans l'accom- plissement des obligations prévues par la loi et non sur la violation même de ces obligations (voir lord Pearson à la page 1055).
Dans l'affaire Dorset Yacht, sept jeunes délin- quants de l'établissement de Borstal, placés sous la surveillance de trois agents, se sont évadés, ont vogué à l'aventure et ont endommagé le bateau de plaisance des demanderesses. Celles-ci ont pour- suivi le ministère de l'Intérieur en invoquant la négligence du fonctionnaire responsable qui con- naissait les penchants des délinquants mais ne les a pas surveillés proprement. Le ministre de l'Inté- rieur soutenait qu'il n'était tenu à aucune obliga tion envers les intéressés, peu importe la négli- gence dont les agents eussent pu faire preuve, puisqu'il n'était tenu à une obligation qu'envers la Couronne.
Le même argument est avancé en l'espèce par la défenderesse. Les employés du Ministère ont pour seule obligation d'assurer les recettes à la Couronne.
Cet argument a été rejeté dans l'affaire Dorset Yacht, il a été jugé que les agents de l'établisse- ment de Borstal avaient envers les demanderesses l'obligation de prendre des mesures raisonnables pour empêcher les délinquants sous leur surveil lance d'endommager les biens des demanderesses, si le risque de dommage tenant à leur négligence était manifeste; il a été aussi jugé que l'ordre public ne requérait pas dans ce cas l'immunité contre les poursuites, telle l'action des demande- resses.
Lord Pearson s'est prononcé en ces termes à la page 1055:
[TRADUCTION] Obligation légale: les agents des défendeurs étaient soumis à des obligations légales, non seulement en ce qui concerne la détention de ces jeunes délinquants de Borstal, mais aussi en ce qui concerne leur discipline, leur surveillance et leur contrôle. Ces obligations légales devaient être observées envers la Couronne et non envers des particuliers telles les demanderesses. Cependant, les demanderesses n'invoquent pas la violation d'une obligation légale. L'existence d'obligations légales n'exclut pas la responsabilité en common law pour négligence dans leur accomplissement.
En analysant les critères esquissés par lord Atkin dans Donoghue c. Stevenson ([1932] A.C. 562 la page 580), lord Reid a conclu, à la page 1027, que le préjudice causé par négligence était susceptible de poursuite judiciaire [TRADUCTION] «à moins que son exclusion ne soit justifiée ou valablement expliquée».
Dans l'affaire Culford Metal, le Ministère était tenu à l'obligation légale d'informer l'exportateur s'il était, dans certains cas, assuré contre le risque de non-paiement. Par suite de renseignements inexacts donnés par le Ministère à la demande- resse, celle-ci s'est crue assurée alors qu'en fait elle ne l'était pas, ce qui lui a fait subir des pertes. Il y avait négligence dans l'exécution d'obligations légales, ce qui a engagé la responsabilité du Ministère.
Dans Rubie c. Faulkner (précitée), le proprié- taire d'un véhicule s'est vu accorder un permis provisoire en application de la Road Traffic Act, 1930, 20 & 21 Geo. V, c. 43. Selon le Règlement d'application, le détenteur d'un permis provisoire ne pouvait conduire son véhicule que sous la sur veillance d'un [TRADUCTION] «moniteur», c'est-à- dire d'un conducteur qualifié qui a accepté de faire fonction de moniteur à la demande du propriétaire. Le propriétaire, qui déboîta pour dépasser une voiture à cheval, n'a pas vu le véhicule venant en sens inverse, mais le moniteur l'a vu. Le proprié- taire a été condamné pour conduite négligente et le moniteur pour complicité.
En appel, il a été jugé que le Règlement impo- sait expressément au moniteur l'obligation de sur veillance et qu'il appartenait aux juges du fond de constater s'il avait exécuté cette obligation.
Dans O'Rourke c. Schacht (précitée), qui sta- tuait dans le même sens, la majorité a conclu dans ses motifs à la violation d'une obligation légale. Il a été jugé que les agents de la police provinciale étaient tenus par The Police Act, S.R.O. 1970, c. 351, à l'obligation, entre autres, de patrouiller les voies publiques, de procéder aux enquêtes en cas d'accident et d'assurer la sécurité des usagers de la route. En cas de non-exécution ou de négligence dans l'exécution de ces obligations, la partie lésée a une cause d'action.
Ces décisions portaient sur l'obligation de dili gence envers les particuliers.
Comme indiqué plus haut, j'estime que les prin- cipes établis par ces décisions sont applicables en tant qu'ils consacrent l'obligation légale envers les clients des agents en douane agréés, que prévoit expressément le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'agrément des agents en douane; la violation de cette obligation, qu'elle tienne à l'omission ou à la négligence des fonctionnaires du Ministère, entraîne la responsabilité envers le client de l'agent, en l'occurrence la demanderesse.
Pour ce qui est du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, je suis parvenu à la conclusion opposée. Comme ce Règlement vise à assurer les recettes prévues par la Loi sur les douanes à l'intention de la Couronne, l'obligation, que le Règlement vise à rendre plus impérative, ne profite qu'à la Couronne.
Il échet d'examiner en conséquence s'il y a eu négligence dans l'exécution des obligations légales découlant du Règlement sur l'agrément des agents en douane.
Je ne le pense pas.
Empire était détentrice d'un permis valide et en vigueur, qu'elle avait reçu en application de l'arti- cle 118 de la Loi sur les douanes.
Empire remplissait toutes les conditions préala- bles prévues par cet article et par le Règlement d'application, à la délivrance et au renouvellement du permis.
En application du paragraphe 11(1), Empire avait fourni un cautionnement de $20,000. Comme indiqué plus haut, la Loi ne prévoit nulle part que le cautionnement peut être augmenté pendant la durée du permis. Rien n'indique qu'à la délivrance ou au renouvellement du permis, le montant mini mum de $20,000 était insuffisant. J'en conclus qu'il n'y a pas eu négligence de la part des prépo- sés de la Couronne en ce qui concerne l'obligation qu'ils avaient envers la demanderesse sous le régime du Règlement en matière d'agrément.
Vu cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner si la demanderesse a été imprudente elle-même, contribuant ainsi au préjudice.
A supposer qu'il y ait une obligation envers la demanderesse, par application du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées—et j'ai conclu que ce n'est pas le cas en l'espèce je suis d'avis qu'il n'y a pas eu négligence dans l'exécution de cette obligation légale.
A l'appui de l'allégation de négligence, la demanderesse reproche aux fonctionnaires du Ministère de ne pas avoir contrôlé les opérations d'Empire pour s'assurer que le cautionnement de $50,000 était suffisant en cas de défaut de paiement.
Le dernier contrôle, prévu pour la semaine qui prit fin le 18 septembre 1978, a montré que le montant du cautionnement était suffisant à cet effet. Ce contrôle s'inscrivait dans le cadre des contrôles bimestriels, l'expérience acquise par le Ministère ayant montré que la fréquence observée était suffisante dans les circonstances normales. Le contrôle qui devait suivre aurait eu lieu à la mi- novembre 1978. Les 15 et 16 novembre 1978, un fait extraordinaire s'est produit. Le receveur régio- nal s'aperçut que les chèques émis par Empire furent rejetés par la banque pour insuffisance de fonds.
Le 16 novembre 1978, tous les bureaux du port de Toronto furent verbalement informés de la sus pension du droit d'Empire au dédouanement sur droits garantis et au paiement par chèques non certifiés. Il n'était donc plus nécessaire de procé- der, à la mi-novembre, à un contrôle des opéra- tions d'Empire pour s'assurer que le cautionne- ment déposé était suffisant pour couvrir les droits et les taxes d'accise frappant les marchandises dédouanées, puisque le retrait du privilège d'Em- pire rendait tout cautionnement inutile. Il n'y avait donc aucune négligence de la part des fonctionnai- res du Ministère à cet égard.
Avant la suspension de ce privilège, Empire était tenue par l'article 4 du Règlement sur la mainle- vée des marchandises importées de payer tous les droits et taxes dans les trois jours du dédouane- ment.
Empire n'a pas acquitté les droits et les taxes d'un montant total de $25,789.50, frappant deux cargaisons . importées par la demanderesse, pour lesquelles, entre le 26 octobre et le 15 novembre 1978, Empire a envoyé à la demanderesse des
factures que celle-ci a réglées par chèques datés respectivement du 20 et du 27 novembre 1978. Empire n'a présenté au Ministère aucun chèque, certifié ou non, en paiement de ces droits et taxes dus par la demanderesse.
Je présume que les factures envoyées par Empire à la demanderesse les 8 et 20 novembre 1978 devaient porter sur les cargaisons importées trois jours auparavant. Ce qui est certain, c'est qu'Empire n'a acquitté, dans les trois jours du dédouanement des marchandises (livrées à la demanderesse), ni l'une ni l'autre des deux factu- res portant les n°' 3383 et 2553 (je présume qu'il s'agit des numéros des factures adressées par le Ministère à Empire) au montant de $23,598.62 et de $2,190.88 respectivement. Ces factures n'ont jamais été honorées autrement qu'en partie, grâce aux fonds provenant de la réalisation du caution- nement fourni par Empire. Je n'arrive pas à déter- miner la date à laquelle les marchandises dont s'agit ont été dédouanées avant paiement des droits. Je n'ai pu trouver de preuve à ce sujet.
Lorsque le cautionnement est susceptible de con fiscation du fait que le déposant n'a pas payé les droits et taxes dans le délai prévu à l'article 4 du Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, le Ministre peut, conformément à ses pouvoirs discrétionnaires, décider de ne pas pro- noncer la confiscation s'il est convaincu que le retard est justifié.
L'alinéa 2(i) des Directives générales annexées au Règlement sur la mainlevée des marchandises importées, prévoit que si l'importateur représenté par un agent ne paie pas dans les trois jours, ce dernier est informé de la suspension du privilège de retrait immédiat pour le compte de cet importa- teur. Donc, s'il y avait obligation de notifier à l'importateur le défaut de paiement de l'agent, cette obligation a été accomplie par la notification à l'agent de la suspension du privilège de retrait immédiat.
En outre, l'affaire doit être portée à la connais- sance du directeur régional, Division des opéra- tions douanières. Celui-ci était soit M. Neville lui-même soit représenté par ce dernier.
A la mi-novembre, M. Weber, le patron d'Em- pire, convoqué au bureau de M. Neville, assura à ce dernier qu'il espérait pouvoir payer toutes ses
dettes. M. Neville lui a accordé le répit nécessaire. Empire ne pouvait plus contracter de nouvelles dettes pour les droits et taxes frappant les importa tions puisque dès le 16 novembre 1978 (sauf le dédouanement autorisé le 17 novembre 1978, un bureau de douane extrêmement occupé, par un agent qui n'était pas au courant de la suspension prononcée le 16 novembre 1978 du privilège de retrait immédiat dont jouissait Empire), elle devait effectuer tous ses dédouanements par paiement au comptant.
Il a fallu un certain temps pour collationner les dettes contractées par Empire au 19 février 1979. Antérieurement à cette date, le ler février 1979, la demanderesse a été informée qu'elle était tenue de payer la somme de $25,789.50 au titre des droits et taxes non payés par Empire (malgré l'avance faite par la demanderesse à cette dernière à cette fin), et qu'une bonne partie de cette somme pourrait être couverte par la réalisation du cautionnement, mais que tout déficit serait recouvré auprès de la demanderesse.
Les cinq chèques sans provision d'Empire ont été remplacés par des chèques certifiés (dont la provision était peut-être constituée après paiement des factures par la demanderesse). Empire, ayant cessé de présenter des chèques sans provision, ne payait plus du tout.
Les faits rappelés ci-dessus illustrent l'effort incessant qui a été fait pour recouvrer les sommes dues par Empire à l'expiration du délai de trois jours, sommes qui ont été, en fin de compte, recouvrées en partie grâce à la réalisation du cautionnement.
La demanderesse a été informée le 29 novembre 1978 qu'Empire n'avait pas payé les droits et taxes frappant ses importations. M. Chernick n'a pas saisi toute l'importance de ce message, ce dernier lui ayant été transmis par un commis. Le 6 décem- bre 1978, ayant été personnellement mis au cou- rant par le Ministère, il a reproché à M. Weber ses découverts, mais s'est laissé rassurer par ce dernier qui lui a affirmé que le cautionnement suffisait à garantir la demanderesse.
La demanderesse a engagé des poursuites judi- ciaires contre Empire pour recouvrer les montants qu'elle lui avait versés. Ces recours n'ont donné
aucun résultat puisque Empire était insolvable et cessa ses activités le 28 décembre 1978. Le Minis- tère a également échoué dans ses efforts pour se faire payer par Empire (sauf à concurrence du cautionnement).
Vu ces circonstances, nulle négligence ne peut être reprochée aux préposés de la Couronne dans l'exécution de leurs obligations légales.
De même, nulle imprudence ne peut être repro- chée au président-directeur général de la demande- resse. Eût-il insisté pour que les factures d'Empire fussent accompagnées des formules de déclaration sur lesquelles était apposé le cachet du Ministère portant la mention «Droits acquittés», il aurait pu éviter bien des difficultés du fait de cette agence. Tout agent en douane est tenu de fournir à ses clients ces formules de déclaration mais il n'est pas dit à quel moment il doit le faire. Pendant deux ans, Empire a envoyé à la demanderesse des factu- res sans les formules de déclaration portant la mention «Droits acquittés», sans qu'il en résultât de conséquence fâcheuse, ce qui explique la con- fiance que la demanderesse nourrissait à l'égard de l'intégrité financière de son agence en douane, confiance qui s'est révélée mal placée par la suite.
Par ces motifs, l'action de la demanderesse est rejetée, et, dans les circonstances, la défenderesse a droit aux dépens si elle les réclame.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.