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T-1778-81
Henry John Dolack (Demandeur) c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion dans le gouvernement du Canada (Défendeur)
Division de première instance, le juge suppléant Nitikman—Saskatoon, 8 avril; Winnipeg, 13 mai 1981.
Immigration Demande de permis d'entrer au Canada Le demandeur réside aux États-Unis L'épouse du deman- deur, citoyenne canadienne, a intenté au Canada une action en séparation contre lui Refus d'accorder au demandeur un permis lui permettant d'assister à l'interrogatoire préalable Sollicitation par le demandeur d'une ordonnance provisoire ordonnant au défendeur de délivrer les permis propres à lui permettre d'entrer au Canada pour conduire sa défense Il échet d'examiner si le refus du défendeur va à l'encontre des art. la),b) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits, comme l'a prétendu le demandeur Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 37(1)a),(4) Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44 [S.R.C. 1970, Appen- dice III], art. 1a),b), 2e) The Matrimonial Property Act, S.R.S. 1978, c. M-6.1, art. 4, 43.
En 1975, le demandeur a épousé une citoyenne canadienne. Par la suite, son épouse et lui allèrent s'installer aux États-Unis, ils résidèrent jusqu'à leur retour au Canada en 1980. A la suite de problèmes conjugaux, l'épouse du demandeur saisit l'Unified Family Court de la Saskatchewan d'une action en séparation. En décembre 1980, le demandeur retourna aux États-Unis, il vit actuellement. Il chercha à revenir au Canada pour assister à l'interrogatoire préalable, mais ne réus- sit pas à obtenir un permis à cette fin. Le demandeur sollicite maintenant une ordonnance provisoire qui enjoindrait au minis- tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration de délivrer les permis propres à lui permettre d'entrer au Canada pour donner des instructions à son avocat et pour diriger sa défense dans l'action intentée devant l'Unified Family Court. D'après le demandeur, le refus par le Ministre d'accorder un permis va à l'encontre des articles l a) et b) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits parce que cela le prive ainsi du droit de jouissance de ses biens et du droit à une audition impartiale.
Arrêt: la demande d'ordonnance de l'avis de requête est rejetée. Les articles l a) et b) et 2e) de la Déclaration cana- dienne des droits ne s'appliquent qu'aux personnes vivant au Canada et non à celles vivant à l'étranger. Le fait qu'un non-résident du Canada ait des intérêts dans un bien ou des prétentions sur un bien de quelque nature que ce soit au Canada, n'affecte nullement le droit du Ministre de refuser un permis d'entrée si le requérant appartient à une catégorie non admissible, comme c'est le cas du demandeur. La décision du Ministre est une décision administrative, qui relève bien de son pouvoir discrétionnaire. La décision de refuser d'accorder un permis a été rendue après examen complet du cas. Dans sa décision, le Ministre a soigneusement et équitablement examiné tous les faits et exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Finalement, la décision du Ministre ne viole pas la Convention des Nations-Unies relative au statut des réfugiés.
REQUÊTE. AVOCATS:
D. Kovatch pour le demandeur. D. Curliss pour le défendeur.
PROCUREURS:
Mitchell -Ching, Saskatoon, pour le deman- deur.
Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT NITIKMAN: Le demandeur (Dolack) vit aux États-Unis d'Amérique. Le 6 septembre 1975, il a épousé à Biggar, en Saskatch- ewan, Diana Elaine Meger, citoyenne canadienne.
Par la suite, Dolack et son épouse allèrent s'ins- taller aux États-Unis, ils résidèrent jusqu'en 1980. Aucun enfant n'est du mariage. En 1980, le couple retourna à Biggar, en Saskatchewan.
De retour à Biggar, ils s'adonnèrent à l'exploita- tion agricole. Une terre de 640 acres, des immeu- bles et d'autres articles ont été enregistrés sous le nom de l'épouse. Le matériel agricole a été trans- féré à Dolack età son épouse. La preuve ne révèle ni l'auteur ni la base dudit transfert.
L'épouse, qui était de citoyenneté canadienne, pouvait revenir au Canada, mais à Dolack, qui appartenait à une catégorie non admissible, a été, selon l'affidavit de l'agent d'immigration supérieur Danny William Dahl, de la ville de Saskatoon, en Saskatchewan, délivré, en application de l'article 37(1)a) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, un permis l'autorisant à entrer au Canada et à y demeurer jusqu'en janvier 1981. Il appert que ce permis a été délivré par suite de l'intervention des parents de l'épouse auprès du ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (le Ministre) dans le gouvernement du Canada.
Des problèmes conjugaux s'élevèrent entre Dolack et son épouse, et vers la fin de décembre de 1980, celle-ci saisit l'Unified Family Court du
centre judiciaire de Saskatoon de la demande de redressement suivante:
[TRADUCTION] 4. a) En vertu de The Matrimonial Property Act:
1) Une ordonnance de partage des biens conjugaux;
2) Une ordonnance, en application de l'article 27 de The Matrimonial Property Act, enjoignant à l'intimé de déposer à la Cour une déclaration faisant état de tous ses biens conju- gaux, qu'ils soient, de toute disposition par lui des biens conjugaux au cours des deux années précédentes et de toutes dettes et de tous engagements.
b) Conformément à The Unified Family Court Act:
1) Une ordonnance enjoignant à la requérante et à l'intimé de déposer une déclaration complète sous serment selon la formule U.F.C. 3;
2) Une ordonnance prescrivant l'interrogatoire préalable de chacune des parties en cause;
3) Toute autre ordonnance que l'avocat pourra suggérer et que la présente Cour jugera à propos de rendre.
c) Que Diana Dolack obtienne la possession exclusive du terrain agricole, des terres (S 1/2 de 23-37-15, N.-0. 1/4 de 11-37-15, S.-E. 1/4 de 22-37-15 et N.-O. 1/4 de 8-37-14), et du matériel agricole, et ne puisse disposer de tout acti: ou de produits agricoles provenant des terres sans que la Cour l'ordonne.
d) Conformément au Matrimonial Property Act:
1) Une ordonnance interdisant, en application de l'article 29(1) de ladite loi, toute cession, donation, aliénation ou soustraction des biens conjugaux.
e) Tout autre redressement que l'avocat pourra suggérer et que la présente Cour jugera à propos d'accorder.
Par l'entremise de son procureur Douglas J. Kovatch (Kovatch), du cabinet Mitchell -Ching de Saskatoon, en Saskatchewan, Dolack a déposé une défense demandant entre autres le rejet des demandes présentées dans sa requête par l'épouse; la délivrance, en vertu de The Matrimonial Prop erty Act, S.R.S. 1978, c. M-6.1, d'une ordonnance qui déclarerait les intérêts de l'intimé dans les biens conjugaux (décrits de façon précise) et d'une autre ordonnance portant partage du matériel agricole, des comptes de banque et de tout autre actif conjugal.
Une déclaration d'affaire en instance contre les biens conjugaux a été également déposée au nom de Dolack.
Dans un affidavit, Kovatch a affirmé notam- ment ce qui suit:
[TRADUCTION] 8. QUE lors de la première visite de John Dolack à notre bureau, il nous a informé que le permis qui lui avait été délivré par le Ministre ne l'autorisait pas à chercher du travail au Canada. Il nous a en outre déclaré, et je crois que cela est conforme à la vérité, qu'en raison de sa séparation
d'avec son épouse, il n'avait aucun moyen de subsistance au Canada. Par conséquent, il était obligé de retourner aux États- Unis pour obtenir un emploi.
9. QUE ledit John Dolack m'a appelé à maintes reprises depuis décembre 1980, et m'a informé qu'il avait déjà un emploi aux États-Unis. Il a en outre ordonné à notre bureau de prendre des dispositions pour les interrogatoires préalables, en vue de l'ac- tion devant l'Unified Family Court. Conformément aux ins tructions de notre client, j'ai veillé à ce que l'interrogatoire préalable relatif à l'action devant l'Unified Family Court soit tenu le 18 février 1981. Après quoi, j'ai pris contact avec le ministère de l'Immigration à Saskatoon et à Regina pour demander que ledit John Dolack soit autorisé à entrer au Canada en vue de cet interrogatoire.
10. LE 13 février 1981 ou vers cette date, j'ai parlé au téléphone avec W. L. Vanderguard, un agent d'immigration du bureau régional des Prairies à Regina. Il m'a informé que le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration n'était pas disposé, à cette époque, à accorder à John Dolack un permis d'entrer au pays. Il m'a en outre déclaré qu'il devait soumettre un rapport complet au Ministre.
L'affidavit énonce en outre que, le 26 février 1981 ou vers cette date, le cabinet a reçu des procureurs de l'épouse une lettre disant notam- ment ceci:
[TRADUCTION] Nous nous rendons compte des problèmes aux- quels vous avez faire face en tentant d'obtenir l'autorisation pour votre client d'entrer au Canada. Nous devons toutefois vous informer que si vous n'êtes pas en mesure de faire compa- raître votre client pour l'interrogatoire, nous demanderons, au nom de notre cliente, que soit rendu jugement. Notre cliente ne désire pas voir ces procédures se poursuivre indéfiniment et souhaite que celles-ci aboutissent dans un proche avenir.
Toujours selon l'affidavit, le 26 février 1981, Kovatch a écrit, à l'attention de M. Bill Vander- guard, une lettre à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, une copie de la lettre reçue des procureurs de l'épouse y étant jointe, pour faire remarquer ce que lesdits procureurs avaient l'intention de faire si Dolack ne se présen- tait pas pour l'interrogatoire, et pour faire savoir que le défaut de comparution pour fins de l'inter- rogatoire pourrait entraîner la radiation de la défense de Dolack et le prononcé d'un jugement en faveur de son épouse si les procureurs de celle-ci le demandaient à la Cour. La lettre est assez longue et je n'en ai résumé qu'une partie. J'estime toute- fois qu'il y a lieu de citer la dernière partie de cette lettre, puisqu'on peut y relever certains faits importants:
[TRADUCTION] Nous vous avisons par la présente qu'avant son entrée au Canada, nous demanderons à l'Unified Family Court de rendre une ordonnance qui interdirait à M. Dolack de
pénétrer dans le domaine agricole de Biggar. Les avocats de Mme Dolack ont déjà fait savoir qu'ils acquiesceraient à cette ordonnance. Avec leur consentement, et comme nous allons solliciter cette ordonnance au nom de notre client et à son encontre, nous nous attendons à l'obtenir facilement. Cette ordonnance une fois rendue, nous estimons que la G.R.C. pourrait arrêter M. Dolack s'il pénétrait dans la propriété agricole.
A ce sujet, nous avons informé M. Dolack des inquiétudes de votre ministère au sujet de la sécurité de l'épouse et de la famille de celle-ci s'il venait au pays. Nous lui avons aussi fait savoir que s'il n'obtenait pas l'autorisation d'entrer au pays, cela entraînerait des conséquences catastrophiques pour lui dans l'action en partage des biens conjugaux. Il nous a dit qu'il n'avait nullement l'intention de compromettre son action en partage des biens conjugaux en violant la propriété de l'épouse ou en prenant contact avec la famille.
Compte tenu de tout ce qui précède, nous estimons que nous avons adéquatement réglé toutes les préoccupations du minis- tère de l'Immigration au sujet de l'admission de M. Dolack au pays. Nous croyons avoir également prouvé l'importance pour M. Dolack d'obtenir du Ministre un permis. Nous vous saurions gré de réexaminer l'affaire et de nous faire savoir s'il vous est possible d'accorder à M. Dolack l'autorisation d'entrer au pays. Camionneur de métier aux États-Unis, M. Dolack se déplace constamment. Il se peut qu'il doive faire un long voyage pour arriver à temps à Saskatoon en vue de l'interrogatoire préala- ble. Aussi devons-nous avoir obtenu une décision en la matière au plus tard le vendredi 6 mars 1981.
Pour toutes questions et observations de votre part, nous vous prions de prendre contact avec notre bureau. Nous espérons que la présente vous donnera satisfaction et que votre réponse nous parviendra sous peu.
Par lettre datée du 6 mars 1981, Vanderguard, chef, Direction de l'exécution de la loi, Emploi et Immigration Canada à Regina, en Saskatchewan, a répondu à Kovatch dans ces termes:
[TRADUCTION] J'accuse réception de votre lettre datée du 26 février 1981 relativement à votre client Henry John DOLACK.
Les renseignements dont vous m'avez fait part dans votre lettre ont été soumis à notre administration centrale pour examen, ainsi que les observations personnelles que vous avez faites au nom de votre client à la mi-février 1981.
L'administration centrale m'informe qu'après examen complet de ce cas, il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu de délivrer à votre client un permis l'autorisant à retourner au Canada aux fins de l'interrogatoire préalable du 16 mars 1981. Je sais que cette nouvelle sera décevante pour vous et votre client et je regrette que nous ne puissions vous être utile à ce sujet. [C'est moi qui souligne.]
Par la suite, une déclaration a été déposée à la Cour fédérale du Canada, Division de première instance. Henry John Dolack y figurait comme demandeur, et le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration comme défendeur. Il y est demandé le redressement suivant:
[TRADUCTION] a) Le prononcé d'une ordonnance qui enjoin- drait au ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration d'accorder au demandeur les permis propres à lui permettre d'entrer au Canada pour participer aux procédures judiciai- res régulièrement intentées devant l'Unified Family Court de Saskatchewan, et aussi pour donner des instructions à son avocat dans la conduite de l'action intentée devant ladite Cour;
b) Des dommages-intérêts pour le refus illégal d'accorder au demandeur les permis propres à lui permettre d'entrer au Canada pour qu'il participe au processus judiciaire de la Saskatchewan, et pour qu'il dirige son action devant l'Uni- fied Family Court de la Saskatchewan.
La déclaration porte un cachet en date du 12 mars 1981. Le 16 mars 1981, un avis de requête a été déposé pour le compte de Dolack:
[TRADUCTION] ... tendant à la délivrance d'une ordonnance provisoire qui enjoindrait au ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration de délivrer au demandeur les permis propres à lui permettre d'entrer au Canada pour donner des instructions à son avocat et pour diriger sa défense dans l'action intentée devant l'Unified Family Court de la Saskatchewan.
Sur la base des motifs suivants:
(1) Que le refus par le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration d'accorder au demandeur des permis d'entrer au Canada l'a empêché de comparaître devant une cour provin- ciale de la Saskatchewan et, par conséquent, l'a privé du droit de jouissance de ses biens sans application régulière de la loi, contrairement à l'article 1A) de la Déclaration canadienne des droits;
(2) Que le refus persistant par le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration d'accorder au demandeur un permis d'en- trer au Canada l'a empêché de comparaître devant une cour provinciale de la Saskatchewan et l'a privé du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations, contrairement à l'article 2E) de la Déclaration canadienne des droits.
Désormais, lorsque cela s'y prêtera, j'utiliserai le terme demandeur pour désigner Dolack et, indiffé- remment, les termes défendeur ou Ministre pour désigner le Ministre.
A l'appui de la requête tendant à la délivrance d'une ordonnance provisoire qui ordonnerait au Ministre d'accorder au demandeur les permis pro- pres à lui permettre d'entrer au Canada pour donner des instructions à son avocat et conduire sa défense dans l'action intentée devant l'Unified Family Court de la Saskatchewan, l'avocat du demandeur a fait valoir en premier lieu que le refus par le Ministre d'accorder un permis allait à l'encontre des articles la) et b) et 2e) de la Décla- ration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44
[S.R.C. 1970, Appendice III], lesquels sont ainsi conçus:
1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:
a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la protection de la loi;
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobs- tant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;
L'article 37(1)a) et (4) de la Loi sur l'immigra- tion de 1976 est ainsi rédigé:
37. (1) Le Ministre peut délivrer un permis écrit autorisant une personne à entrer au Canada ou à y demeurer. Peuvent se voir octroyer un tel permis
a) les personnes faisant partie d'une catégorie non admissi ble, désireuses d'entrer au Canada, ou
(4) Le Ministre peut, par écrit et à tout moment, proroger la durée de validité d'un permis ou l'annuler.
Il est clair que le demandeur appartenant à une catégorie non admissible, c'est sous le régime de l'article 37(1)a) qu'il a obtenu un permis limité l'autorisant à entrer au Canada et à y demeurer jusqu'au 18 janvier 1981.
Le demandeur est retourné aux États-Unis en décembre 1980, selon le paragraphe 6 de sa décla- ration, lequel est ainsi conçu:
[TRADUCTION] Ne pouvant obtenir légalement d'emploi au Canada, le demandeur est rentré aux États-Unis en décembre 1980, il travaille depuis.
Je suis convaincu que les articles l a) et b) et 2e) ne s'appliquent qu'aux personnes vivant au Canada et non à celles vivant à l'étranger.
L'avocat du demandeur fait valoir aussi que ce dernier a acquis certains droits après son admis-
sion au Canada, soit ses intérêts réclamés dans les biens et le matériel conjugaux en Saskatchewan, et que cela fait obstacle au pouvoir discrétionnaire du Ministre de refuser le droit d'entrer au Canada au demandeur, refus ayant pour conséquence de priver ce dernier du droit d'avoir accès à l'Unified Family Court. A l'appui de cet argument, il invo- que l'article 4 de The Matrimonial Property Act,
qui est ainsi conçu:
[TRADUCTION] 4. Si un conjoint a droit de jouissance sur le logement ou les meubles conjugaux, ce droit est partagé entre les deux conjoints dans leurs rapports l'un envers l'autre, sous réserve:
a) des dispositions de l'article 43;
b) de toute ordonnance rendue sous le régime des articles 5, 6 ou 8 prescrivant que le droit de jouissance sur le logement ou les meubles conjugaux, selon le cas, appartient à un conjoint à l'exclusion de l'autre;
c) de toute autre ordonnance rendue sous le régime de la présente loi, à moins que la cour n'en ordonne autrement;
d) de toute autre ordonnance relative au droit de jouissance sur le logement ou les meubles conjugaux rendue par un tribunal compétent avant l'entrée en vigueur de la présente loi;
e) de tout contrat intervenu entre les époux ou, lorsque le tribunal le juge à propos, de toute autre convention écrite entre ces derniers.
L'article 43 dont il a été fait mention dans l'article 4, est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 43. Aucune disposition de la présente loi n'investit un conjoint d'un droit ou d'un intérêt dans un bien conjugal appartenant à l'autre conjoint, et le conjoint qui est propriétaire de ce bien peut, sous réserve des dispositions du paragraphe 18(2) et des articles 28 et 50, de tout contrat intervenu entre les conjoints, et de toute ordonnance rendue par un tribunal conformément à la présente loi, vendre, donner en location, hypothéquer, nantir, réparer, améliorer, démolir, con sumer ou autrement aliéner ce bien ou en disposer comme si la présente loi n'existait pas.
Je trouve cet argument sans grand fondement. Le simple fait qu'un non-résident du Canada ait des intérêts dans un bien ou des prétentions sur un bien de quelque nature que ce soit au Canada, n'affecte nullement le droit du Ministre de refuser un permis d'entrée si le requérant appartient à une catégorie non admissible, comme c'est le cas pour Dolack. Son avocat a cité un certain nombre de décisions, notamment Le procureur général du Canada c. Bliss [1978] 1 C.F. 208 et Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Har- dayal [1978] 1 R.C.S. 470. Or, aucune de ces décisions ne s'applique en l'espèce.
En plus des motifs déjà donnés pour lesquels les dispositions de la Déclaration canadienne des droits ne s'appliquent pas en la cause, je ferai remarquer que la décision du Ministre est une décision administrative, qui relève bien de son pouvoir discrétionnaire et que, par conséquent, les articles précités de la Déclaration canadienne des droits ne s'appliquent pas. Voir In re McCaud (1964) 43 C.R. 252.
Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire du Ministre et de la question de savoir s'il a exercé ce pouvoir de façon judiciaire, j'ai, à l'audience, inter- rogé l'avocat sur l'absence des motifs écrits de la décision du Ministre. L'avocat du Ministre a déclaré qu'il était tout à fait disposé à informer la Cour desdits motifs et que l'avocat du demandeur connaissait bien ces derniers. L'avocat du deman- deur a alors affirmé qu'il ne s'intéressait pas aux motifs de la décision du Ministre et n'entendait pas faire porter la contestation sur ce point.
De plus, dans la lettre susmentionnée du 6 mars 1981 adressée à Kovatch, Vanderguard écrivait notamment que:
[TRADUCTION] L'administration centrale m'informe qu'après examen complet de ce cas, il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu de délivrer à votre client un permis l'autorisant à retourner au Canada aux fins de l'interrogatoire préalable du 16 mars 1981. [C'est moi qui souligne.]
J'en conclus que le Ministre a soigneusement et équitablement examiné tous les faits et a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.
L'avocat du demandeur fait valoir en outre que la décision du Ministre viole la Convention des Nations-Unies [relative au statut des réfugiés]. Il a été statué sur cette question dans l'arrêt Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Hudnik [1980] 1 C.F. 180. Il s'agissait d'un appel formé contre l'ordonnance par laquelle la Division de première instance ([1979] 2 C.F. 82) avait enjoint à l'appelant (le Ministre) de statuer sur la demande de statut de réfugié de l'intimé. Le juge Pratte, qui rendait le jugement de la Cour d'appel fédérale, dit ceci à la page 181:
Le jugement de la Division de première instance, selon mon interprétation, est basé sur l'hypothèse qu'il incombait à l'appe- lant, en vertu de la Convention des Nations-Unies relative au statut des réfugiés et de la Loi sur l'immigration de 1976, d'examiner la demande présentée par l'intimé. A mon avis, cette hypothèse est mal fondée.
La Convention des Nations-Unies ne fait pas partie, en tant que telle, du droit canadien, et il est évident qu'elle n'impose aucune obligation à l'appelant.
L'arrêt Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Fuentes [1974] 2 C.F. 331, a également statué sur cette question. Le juge Pratte, qui, dans cette affaire également, rendait le jugement de la Cour, s'exprime en ces termes à la page 337:
«La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés» n'est mentionnée qu'une fois dans la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration; c'est dans la définition du mot «Convention» que donne l'article 2. Cette définition n'a d'autre but que de préciser le sens de l'expression «réfugié que protège la Convention» qui est employée à l'article 11(1)c) et à l'article 15(1 )b).
Il poursuit, à la page 338:
Le fait que la Loi sur la Commission d'appel de l'immigra- tion fasse mention de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés n'a donc pas pour effet d'incorporer au droit interne canadien l'interdiction que contient cette Conven tion de déporter des réfugiés. En conséquence, une ordonnance d'expulsion n'est pas invalide du seul fait qu'elle a été pronon- cée contre un réfugié que protège la Convention.
Par ces motifs, la demande d'ordonnance de l'avis de requête est rejetée.
A la clôture des débats, j'ai informé les avocats qu'étant donné les faits de l'espèce, je n'adjugerais pas de dépens, quelle que soit ma décision. Par conséquent, il n'y aura pas d'adjudication des dépens.
Je me permets de suggérer incidemment que, bien qu'il soit susceptible d'en résulter des frais supplémentaires, l'interrogatoire préalable du demandeur pourrait peut-être se faire à l'extérieur du Canada et sa déposition être prise, pas nécessai- rement en même temps, par commission rogatoire.
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