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A-309-80
Foodcorp Limited (Appelante)
c.
Hardee's Food Systems, Inc. (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant Kelly—Toronto, 15 et 27 janvier 1982.
Pratique Marques de commerce Procédures en radia tion engagées par l'intimée en vertu des art. 57 à 59 de la Loi sur les marques de commerce Appel formé contre la décision par laquelle la Division de première instance a ordonné le dépôt des affidavits produits par l'appelante, des contre-interrogatoires s'y rapportant ainsi que des réponses faisant suite aux engagements pris au cours de ces contre- interrogatoires relativement aux procédures d'opposition intentées par l'appelante, et a déclaré recevables comme preuve k l'encontre de la partie adverse, dans la procédure en radia tion, les affidavits déposés par l'une ou l'autre des parties, les contre-interrogatoires s'y rapportant et les réponses faisant suite aux engagements pris au cours de ces contre-interroga- toires Il y a à déterminer si ces éléments de preuve sont recevables Il s'agit d'examiner si les Règles 474 et 704(8) s'appliquent comme l'a décidé le juge des requêtes Règles 332(1), 474(1)b), 704(8) de la Cour fédérale Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 57, 58, 59.
Arrêt mentionné: Home Juice Co. c. Orange Maison Ltd. [1968] 1 R.C.E. 163.
APPEL. AVOCATS:
Sheila Block pour l'appelante. J. Guy Potvin pour l'intimée.
PROCUREURS:
Tory, Tory, Deslauriers & Binnington, Toronto, pour l'appelante.
Scott & Aylen, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est interjeté contre une ordonnance rendue par la Division de première instance le 3 avril 1980 [[1980] 2 C.F. 274] dont voici le texte:
1. J'ordonne que les paragraphes 7 à 12 inclusivement de l'affidavit de John G. Aylen, déposé en cette cause le 18 septembre 1978, soient radiés;
2. J'accorde à la requérante jusqu'au 25 avril 1980 pour déposer de nouveaux affidavits à l'appui de son avis introductif de la présente requête, et j'ordonne que les procédures soient suspendues dans l'intervalle;
3. Conformément à la Règle 704(8), j'autorise le dépôt en cette cause du dossier, dûment certifié, des procédures d'opposition au bureau des marques de commerce relativement à la demande 374,321 et aux enregistrements n°s 147,423 et 148,704;
4. Conformément à la Règle 474, je déclare que les affidavits déposés par l'une ou l'autre des parties aux présentes, la transcription des contre-interrogatoires des auteurs de ceux-ci et les réponses faisant suite aux engagements pris au cours de ces contre-interrogatoires seront recevables comme preuve à l'encontre de la partie qui les a produits;
Seuls les paragraphes 3 et 4 de cette ordonnance sont attaqués et font l'objet du présent appel.
Il s'agit d'une procédure en radiation engagée par l'intimée en vertu des articles 57 59 inclusi- vement de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10'. Dans cette procédure, l'inti-
' Lesdits articles sont ainsi rédigés:
57. (1) La Cour fédérale du Canada a une compétence initiale exclusive, sur la demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu'une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l'inscription figurant au registre n'exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.
(2) Aucune personne n'a le droit d'intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une déci- sion rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d'interjeter appel.
58. Une demande prévue à l'article 57 doit être faite, soit par la production d'un avis de motion introductif (originating notice of motion), par une demande reconventionnelle dans une action pour usurpation de la marque de commerce, ou par un exposé de réclamation dans une action demandant un redressement additionnel en vertu de la présente loi.
59. (1) Lorsqu'un appel est porté sous le régime de l'article 56 par la production d'un avis d'appel, ou qu'une demande est faite selon l'article 57 par la production d'un avis de motion introductif, l'avis doit indiquer tous les détails des motifs sur lesquels la demande de redressement est fondée.
(2) Toute personne à qui a été signifiée une copie de cet avis, et qui entend contester l'appel ou la demande, selon le cas, doit produire et signifier, dans le délai prescrit ou tel nouveau délai que la cour peut accorder, une réplique indi- quant tous les détails des motifs sur lesquels elle se fonde.
(3) Les procédures doivent être entendues et décidées par voie sommaire sur une preuve produite par affidavit, à moins que la cour n'en ordonne autrement, auquel cas elle peut prescrire que toute procédure permise par ses règles et sa pratique soit rendue disponible aux parties, y compris l'intro- duction d'une preuve orale d'une façon générale ou à l'égard d'une ou de plusieurs questions spécifiées dans l'ordonnance.
mée déclarait avoir l'intention de se reporter à des documents déposés au bureau du registraire des marques de commerce dans le cadre de procédures d'opposition engagées devant ce bureau par l'appe- lante en l'espèce relativement à la demande d'enre- gistrement 374,321 présentée audit bureau par l'intimée en l'espèce. Les documents dont on veut se servir sont les affidavits déposés par l'appelante, les contre-interrogatoires s'y rapportant ainsi que les réponses faisant suite aux engagements pris au cours de ces interrogatoires. L'intimée a également déclaré avoir l'intention de se reporter à d'autres documents déposés au bureau du registraire des marques de commerce dans le cadre de procédures d'opposition concernant deux demandes présentées par l'intimée en l'espèce visant à étendre l'état déclaratif des marchandises dans les enregistre- ments des marques de commerce canadiennes n°5 147,423 et 148,704. Encore une fois, les documents dont il est fait mention sont les affidavits déposés par l'appelante en l'espèce, les contre-interrogatoi- res s'y rapportant ainsi que les réponses faisant suite aux engagements pris au cours de ces contre- interrogatoires. Font l'objet du présent appel, le paragraphe 3 de l'ordonnance de la Division de première instance précité autorisant le dépôt de copies certifiées conformes du dossier des procédu- res d'opposition engagées devant le Bureau des marques de commerce relativement à la demande 374,321 et aux enregistrements nO5 147,423 et 148,704 ainsi que le paragraphe 4 (précité) aux termes duquel la Division de première instance déclarait recevables comme preuve à l'encontre de la partie adverse, dans la procédure en radiation, les affidavits déposés par les parties, les contre- interrogatoires s'y rapportant ainsi que les répon- ses faisant suite aux engagements pris au cours de ces contre-interrogatoires.
En ce qui concerne le paragraphe 3 de l'ordon- nance de la Division de première instance, le juge des requêtes a permis le dépôt des procédures d'opposition au Bureau des marques de commerce en vertu de la Règle 704(8) qui est ainsi rédigée:
Règle 704... .
(8) Sauf lorsque cela est permis par la présente Règle, ou par ordonnance de la Cour, le dépôt d'un affidavit ou d'une autre pièce, pour utilisation à l'occasion de l'audition des procédures et de la décision à leur sujet, ne doit avoir lieu qu'avec la permission de la Cour.
Les divers alinéas de la Règle 704 constituent un code de procédure notamment pour ce qui con- cerne les demandes de radiation présentées sous le régime de l'article 59 de la Loi sur les marques de commerce (précité). Toutefois, dans la mesure il permet le dépôt d'affidavits, l'alinéa (8) de la Règle 704 doit être lu conjointement avec les autres exigences des Règles de la Cour relatives aux affidavits. La Règle 332(1) prévoit ce qui suit:
Règle 332. (1) Les affidavits doivent se restreindre aux faits que le témoin est en mesure de prouver par la connaissance qu'il en a, sauf en ce qui concerne les requêtes interlocutoires pour lesquelles peuvent être admises des déclarations fondées sur ce qu'il croit et indiquant pourquoi il le croit.
Un examen des affidavits versés au dossier de la procédure en radiation par le paragraphe 3 de l'ordonnance de la Division de première instance révèle qu'ils ne sont pas conformes à la Règle 332(1). Ils sont pleins de déclarations basées sur des renseignements et sur ce que l'auteur croit, de ouï-dire et d'opinions qui ne sont pas fondées sur une connaissance personnelle. Selon moi, il n'est pas possible de séparer ce qui est recevable de ce qui ne l'est pas. Pour la même raison, je suis d'avis que les contre-interrogatoires sur les affidavits et les aveux obtenus au cours de ceux-ci sont égale- ment irrecevables et ne devraient pas être déposés dans la procédure en radiation. Par ces motifs, je conclus qu'il ne peut être permis au paragraphe 3 de l'ordonnance de la Division de première ins tance de conserver sa force exécutoire 2 . Étant donné cette conclusion, j'estime inutile de me pro- noncer sur l'autre argument soumis par l'avocate de l'appelante relativement au paragraphe 3, vou- lant que le paragraphe 59(3) ait pour objet de prévoir un mécanisme pour statuer rapidement sur les droits des parties et que ledit paragraphe 3 de l'ordonnance de la Division de première instance
2 Le juge des requêtes semble s'être fondé sur une affaire entendue par la Cour de l'Échiquier, Home Juice Company c. Orange Maison Limited [1968] 1 R.C.É. 163, la page 164, comme précédent à l'appui du point de vue selon lequel la Cour peut, dans certains cas, ordonner la production en preuve d'un dossier du Bureau des marques de commerce. Toutefois, dans cette affaire, le président Jackett (tel était alors son titre) laissait expressément au juge le soin de trancher, à l'audience, la question de la [TRADUCTION] «pertinence, etc.» L'audience a été présidée par le juge Noël (tel était alors son titre) qui a statué sur l'affaire sans se prononcer sur la pertinence ou la recevabilité des affidavits déposés au Bureau des marques de commerce—voir [1968] 1 R.C.É. 313.
ne préserve pas le caractère sommaire de la procé- dure. Je me contenterai de dire que n'eût été du caractère irrecevable, du point de vue de la preuve, des documents qu'on voulait déposer, j'hésiterais à conclure que le juge des requêtes a exercé à mau- vais escient son pouvoir discrétionnaire en vertu de la Règle 704(8) en ordonnant ce dépôt.
Pour ce qui concerne le paragraphe 4 de l'ordon- nance, je suis d'avis que la Règle 474 ne permettait pas au juge des requêtes en l'espèce de déclarer recevables les éléments de preuve qui y sont men- tionnés. La partie importante de la Règle, soit l'alinéa 474(1)b), est ainsi rédigée:
Règle 474. (1) La Cour pourra, sur demande, si elle juge opportun de le faire,
b) statuer sur un point afférent à l'admissibilité d'une preuve (notamment d'un document ou d'une autre pièce justifica- tive),
et une telle décision est finale et péremptoire aux fins de l'action sous réserve de modification en appel.
Le premier problème qui se pose relativement au fait que le juge des requêtes se soit fondé sur la Règle 474, c'est qu'elle permet à la Cour «sur demande» de déclarer certaines preuves recevables. Les parties ont reconnu qu'aucune demande fondée sur la Règle 474 et tendant à une déclara- tion de recevabilité d'une preuve n'a été faite en l'espèce. Le second problème que pose le paragra- phe 4 est que même en présumant qu'une demande a été faite par une des parties en vertu de la Règle 474, les documents déclarés recevables par le para- graphe 4 sont clairement irrecevables selon les Règles de la Cour pour les raisons que j'ai données ci-dessus. Un autre problème est que d'après moi, la Règle 474 n'est pas conçue pour être utilisée, de façon générale, dans une procédure en radiation prévue à l'article 59, pour laquelle la procédure applicable est prévue en détail à la Règle 704. Il me semble que la recevabilité ou l'irrecevabilité de documents soumis dans une procédure en radiation relèverait normalement du juge saisi de la procé- dure en radiation et il ne devrait pas être statué sur cette question de façon préliminaire avant que la Cour ne statue sur la procédure en radiation. D'après les faits de l'espèce, je ne suis pas con- vaincu que le juge des requêtes ait eu raison de rendre une décision préliminaire sur la recevabilité qui lierait le juge qui entendrait au fond la
demande de radiation, l'empêchant ainsi d'exercer sa fonction normale de déterminer la recevabilité et le poids de la preuve qui lui est présentée.
Par ces motifs, je conclus que l'appel doit être accueilli, les dépens dans toutes les cours étant adjugés à l'appelante quelle que soit l'issue de la cause, et que les paragraphes 3 et 4 de l'ordon- nance de la Division de première instance datée du 3 avril 1980 devraient être radiés.
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LE JUGE, URIE: Je souscris à ces motifs.
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LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris à ces motifs.
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