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A-390-80
Arthur Preece et Ramnarine Barran (Requérants) c.
Le Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique (Intimé)
Cour d'appel, les juges Ryan et Le Dain et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 27 janvier et 4 mai 1981.
Examen judiciaire Fonction publique Demande d'exa- men et d'annulation d'une décision rendue par le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique Une liste d'admissibilité a été établie à la suite d'un concours restreint L'avis de concours n'indiquait pas que ce concours pouvait servir à combler d'autres postes de nature semblable, de même niveau ou de niveau inférieur Les demandeurs contestent la dotation d'un autre poste à partir de la liste d'admissibilité L'art. 18 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique prévoit que lorsque la liste d'admissibilité établie pour un poste est épuisée, on peut pourvoir à ce poste au moyen d'une liste d'admissibilité établie pour des postes comportant des occupations semblables mais situés à un niveau supérieur Selon le Comité, on peut conclure de l'absence de la liste d'admissibilité qu'elle est épuisée Il échet d'examiner si le Comité a mal interprété l'art. 18 Demande accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. pour les requérants. Edward R. Sojonky pour l'intimé.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour les requérants. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: La présente demande, fondée sur l'article 28, tend à l'examen et à l'annulation de la décision en date du 28 mai 1980, rendue par un Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique constitué pour entendre les appels des requérants, M. Preece et M. Barran, confor- mément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32.
Un concours restreint fut tenu relativement à un poste aux Postes canadiennes, Division de l'entre- tien des véhicules, Transport, District métropoli- tain de Toronto, région postale de l'Ontario. Le poste était décrit comme en étant un de surveillant de l'entretien et instructeur (GL-ELE-4 C3) (que j'appellerai ci-après «le poste C3»). L'avis de con- cours n'indiquait pas que ce concours était suscep tible de servir à combler d'autres postes de nature semblable et de même niveau ou de niveau inférieur.
Une liste d'admissibilité a été établie. Un peu plus tard, il y a eu ouverture d'un poste désigné comme GL-ELE-4 C2 («le poste C2»); le choix fut arrêté sur une personne placée sur la liste d'admis- sibilité établie pour le poste C3. C'est ce choix qui fait l'objet de la présente demande. M. Barran était également sur la liste d'admissibilité, mais il n'a pas été choisi parce qu'il y figurait après la personne choisie. Il semble que M. Preece n'ait pas posé à temps sa candidature pour le poste, mais il a fait néanmoins appel de la nomination.
Pour statuer sur la demande, il faut interpréter l'article 18 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, lequel est ainsi rédigé:
18. Lorsqu'une nomination prévue par la présente loi doit être faite à un poste à la suite d'un concours, la personne à nommer doit être choisie sur une liste d'admissibilité établie pour ce poste ou pour des postes à des niveaux comparables et comportant des occupations semblables. Toutefois, si cette liste est épuisée, le titulaire peut être choisi sur une liste d'admissibi- lité établie pour des postes comportant des occupations sem- blables mais situés à un niveau supérieur.
L'article 18 exige qu'une nomination qui doit être faite à la suite d'un concours, comme c'est le cas ici, soit faite à partir d'une liste d'admissibilité. L'article 17 de la Loi' requiert l'établissement d'une liste d'admissibilité après la tenue d'un con
' Les paragraphes 17(1),(2) et (3) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique sont ainsi conçus:
17. (1) Parmi les candidats qualifiés inscrits à un concours, la Commission doit choisir ceux qui occupent les premiers rangs et placer leurs noms sur une ou plusieurs listes, dites listes d'admissibilité, selon qu'elle l'estime nécessaire pour suppléer à une vacance ou à des vacances anticipées.
(2) Toute liste d'admissibilité est valide pour la période de temps que la Commission peut fixer dans chaque cas ou classe de cas.
(3) En établissant une liste d'admissibilité dans le cas d'un concours restreint, la Commission doit y inscrire les candi- dats qualifiés par ordre de mérite.
cours. L'article 18 exige qu'une nomination soit faite à partir d'une telle liste d'admissibilité. Mais l'article 18 prévoit des solutions de rechange. Une nomination à un poste peut également être faite à partir d'une liste d'admissibilité établie «... pour des postes à des niveaux comparables et compor- tant des occupations semblables.» Et lorsque la liste d'admissibilité établie pour le poste à remplir ou pour des postes à des niveaux comparables et comportant des occupations semblables «est épui- sée», alors—et à mon avis alors seulement— «... le titulaire peut être choisi sur une liste d'admissibi- lité établie pour des postes comportant des occupa tions semblables mais situés à un niveau supérieur.»
Les requérants ont fondé leurs appels au Comité d'appel sur ce que le concours avait été tenu pour combler un poste C3 et qu'il n'avait nullement été indiqué qu'il était possible que des postes C2 soient comblés à partir du concours qui devait avoir lieu. Par conséquent, a-t-il été soutenu, le poste C2 a été comblé sans concours, ce qui vicie la nomination.
Ce à quoi le Ministère a répondu, devant le Comité d'appel, que la nomination au poste C2 avait été faite à partir d'une liste d'admissibilité établie pour un poste, le poste C3, qui était de nature semblable au poste C2 mais situé à un niveau supérieur, et qu'elle était donc permise par les dispositions finales de l'article 18.
Le Comité d'appel, accueillant les prétentions du Ministère, a rejeté les appels. Le Comité a jugé que les postes C2 et C3 étaient de nature sem- blable, mais que le poste C3 était situé à un niveau supérieur. L'article 18 in fine autorisait donc cette nomination. Le Comité a admis qu'aucune liste d'admissibilité n'avait été établie pour le poste C2. Il a toutefois déclaré: [TRADUCTION] «... quand il n'existe aucune liste d'admissibilité, la liste d'ad- missibilité est, en fait, `épuisée'.»
L'avocat des requérants a prétendu qu'il s'agis- sait d'une erreur. A mon avis, c'est une fausse interprétation de l'article 18 in fine que de soutenir qu'il justifie le recours à une liste d'admissibilité établie pour des postes comportant des occupations semblables mais situés à un niveau supérieur, alors qu'aucune liste d'admissibilité n'a été établie pour
le poste à pourvoir ou pour des postes de nature semblable et de niveau comparable à celui à com- bler. Pour qu'une liste soit épuisée, elle doit exister.
Mais, à l'appui de la décision rendue par le Comité d'appel, l'avocat représentant le sous-pro- cureur général du Canada a présenté un argument qui m'apparaît incompatible avec la position adop- tée par le Ministère devant le Comité d'appel. Cet argument, si j'ai bien compris, est que les postes C3 et C2 comportaient des occupations semblables et étaient de niveau comparable, et qu'ainsi, en vertu de la première solution de rechange prévue à l'article 18, la personne à nommer au poste C2 pouvait être choisie, sans qu'il y ait un autre concours, sur une liste d'admissibilité établie à la suite du concours pour le poste C3. L'avocat sou- tient que les postes C2 et C3 sont de nature semblable; de fait, je remarque que le Comité d'appel, après avoir examiné les prétentions des représentants du Ministère et de ceux des appe- lants, en est arrivé à cette conclusion. L'avocat invoque ensuite la désignation des postes, GL-ELE-4 (C3) et GL-ELE-4 (C2), et prétend que le «4», dans chacune de ces désignations, était utilisé, et c'était ainsi qu'on le comprenait généra- lement dans la Fonction publique, pour préciser le niveau des postes et que les éléments C3 et C2 indiquaient simplement des sous-catégories à l'in- térieur d'un même niveau. Il allègue que ces postes sont comparables et situés au même niveau et qu'ils sont donc de nature et de niveau semblables. D'où il suit qu'en vertu de la première solution de rechange prévue à l'article 18, la nomination est conforme à la loi.
Si j'étais convaincu que les postes étaient de nature et de niveau semblables, je dirais que la nomination a été faite de la façon requise par la loi même si l'avis de concours ne précisait pas claire- ment qu'il était possible que des nominations soient faites à des postes C2 aussi bien qu'à des postes C3 ou que les candidats reçus seraient admissibles à des postes semblables. L'article 18 prévoit que la personne à nommer à un poste peut être choisie sur une liste d'admissibilité établie pour un poste de nature et de niveau semblables. Je présume qu'en raison de la similitude de nature et de niveau entre le poste pour lequel le concours
a été tenu et le poste pour lequel la nomination est faite, il n'y a pas lieu de tenir un autre concours.
Il m'est cependant difficile d'admettre, à partir du dossier devant nous, que la désignation des postes a la signification que l'avocat cherche à leur attribuer et qu'elle a ou devrait raisonnablement avoir cette signification pour les membres de la Fonction publique concernés.
A cause de l'erreur de droit commise par le Comité d'appel dans son interprétation de l'article 18 in fine, et aussi parce que je suis loin d'être convaincu que le Comité aurait rejeté les appels en se fondant sur la première solution de rechange prévue à l'article 18, j'estime qu'il y a lieu d'ac- cueillir la demande fondée sur l'article 28 et d'an- nuler la décision attaquée. Je suis d'avis qu'il y a lieu d'ordonner la tenue d'une nouvelle enquête relativement à ces appels, enquête au cours de laquelle on devra tenir compte des présents motifs. Cela est nécessaire, à mon avis, compte tenu de ce qu'il serait préférable de trancher les problèmes que soulève le recours à la première solution de rechange de l'article 18 à partir d'une audition complète. La nouvelle enquête pourra être tenue par le même Comité d'appel ou par un autre comité d'appel constitué à cette fin.
L'avocat représentant le sous-procureur général du Canada a également soulevé la question de la qualité de chacun des requérants à se pourvoir devant le Comité d'appel. Il a soutenu que M. Barran n'avait pas qualité pour interjeter appel parce que son nom ne venant qu'après celui du candidat reçu sur la liste d'admissibilité, la nomi nation ne lui a causé aucun préjudice. A mon avis, cette objection est sans fondement. Bien que placé sur la liste d'admissibilité, M. Barran était un candidat non reçu au sens de l'article 21 de la Loi en ce qu'il n'avait pas été choisi pour le poste vacant, et c'est de ce choix qu'il a fait appel. Il a également prétendu que M. Preece n'avait pas de droit d'appel parce qu'il ne s'était pas inscrit à temps au concours. Je laisse au Comité d'appel le soin de régler cette question lors de la nouvelle enquête, à partir des faits que celle-ci révélera. Je
ferai simplement observer que, d'ordinaire, la per- sonne qui ne s'est pas inscrite à un concours dans les délais impartis n'est pas considérée comme un candidat.
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LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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