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T-4788-79
La Reine (Demanderesse)
c.
Aldo Diaz (Défendeur)
Division de première instance, le juge Marceau— Montréal, 1 er avril; Ottawa, 16 avril 1981.
Impôt sur le revenu Déductions Le contribuable a réclamé en 1976 une déduction pour le soutien de ses parents et de ses beaux-parents qui demeurent en Argentine Le Ministre n'a pas admis la déduction et a établi une nouvelle cotisation La Commission a annulé la nouvelle cotisation Le défendeur se fonde sur l'art. 109(1)j) de la Loi de l'impôt sur le revenu Il échet de déterminer si les conditions d'exemption de l'art. 109(1)j) ont été remplies Appel accueilli, sauf pour ce qui est de la déduction réclamée pour le soutien de la mère du contribuable Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, modifiée, art. 109(1)f) et 252(2)c).
Arrêt mentionné: Zaki c. Le ministre du Revenu national 78 DTC 1583; [1978] C.T.C. 2843.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
R. Roy pour la demanderesse. A. Ross pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Arthur J. Ross, Montréal, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Le contribuable-défendeur, un économiste, est originaire d'Argentine, mais demeure et travaille depuis quelques années à Montréal, au Québec. Lors du calcul de son revenu imposable pour l'année 1976, le défendeur a réclamé une déduction spéciale de $2,965.38, mon- tant qu'il allègue avoir dépensé durant l'année d'imposition considérée pour le soutien de parents demeurant en Argentine, à savoir son père ($823), sa mère ($650), son beau-père ($720.75) et sa belle-mère ($771.63). Le Ministre n'a pas admis la déduction et a, par conséquent, établi une nouvelle cotisation. La Commission de révision de l'impôt a annulé la nouvelle cotisation. C'est de cette déci- sion de la Commission dont il est fait appel.
Le défendeur fonde sa demande d'exemption sur l'alinéa 109(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu (S.C. 1970-71-72, c. 63, modifiée), qui est ainsi rédigé:
109. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d'un particulier pour une année d'imposition, il peut être déduit de son revenu pour l'année celles des sommes suivantes qui sont appropriées:
f) une somme dépensée par le particulier durant l'année pour le soutien d'une personne qui, durant l'année, était à la charge de ce particulier et était
(i) son père ou sa mère, ou son grand-père ou sa grand- mère, et à sa charge en raison d'une infirmité mentale ou physique,
(ii) son frère ou sa soeur
(A) âgé de moins de 21 ans,
(B) âgé de 21 ans ou plus et étant à sa charge en raison d'une infirmité mentale ou physique, ou
(C) âgé de 21 ans ou plus et fréquentant l'école ou l'université à plein temps,
ne dépassant pas une somme égale,
(iii) si la personne n'a pas atteint l'âge de 16 ans avant la fin de l'année, à $300 moins la moitié de la fraction, si fraction il y a, du revenu pour l'année de cette personne, qui est en sus de $1,100, et
(iv) dans tout autre cas, à $550 moins la fraction, si fraction il y a, du revenu pour l'année de la personne, qui est en sus de $1,150;'
Le problème est évidemment de déterminer si le défendeur, étant donné les faits révélés par la preuve, avait le droit d'invoquer cette disposition de la loi, ou, en d'autres termes, si les conditions d'exemption étaient remplies dans son cas. C'est ce qui doit être examiné tout en gardant en mémoire que le fardeau de la preuve repose sur le défen- deur, puisque les prétentions du Ministre doivent être maintenues tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas été démontré qu'elles sont erronées.
A la lecture de l'alinéa 109(1)f), on se trouve immédiatement en présence de ce qui apparaît comme des problèmes majeurs d'interprétation et d'application. Quel est en effet le sens exact des expressions «somme dépensée ... pour le soutien d'une personne», «à la charge de ce particulier» et «en raison d'une infirmité mentale ou physique»? Après avoir constaté que la disposition dont il s'agit est en vigueur depuis déjà fort longtemps,
' Ces chiffres doivent être rajustés annuellement, ainsi que l'exige l'article 117.1 de la Loi: les montants pour l'année d'imposition 1976 étaient $720 et $1,470.
puisque [TRADUCTION] «l'alinéa 109(1)f) de la nouvelle Loi est, à toutes fins pratiques, analogue à l'alinéa 26(1)d) de l'ancienne Loi», le membre de la Commission qui a rendu par écrit le jugement pour la Commission de révision de l'impôt a exprimé sa surprise qu'une disposition qui présente [TRADUCTION] «autant de difficultés» n'ait, au cours des ans, donné lieu à si peu de contestations et de discussions. De fait, il n'y a, à ma connais- sance, aucune décision de la Cour à ce sujet. Il me semble cependant que les problèmes pratiques sou- levés par cette disposition ne sont pas aussi impor- tants que l'on pourrait s'y attendre, du moins depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi.
Il est faux de prétendre que l'alinéa 26(1)d) de l'ancienne Loi a été simplement repris dans la nouvelle Loi. En fait, la restriction contenue dans la dernière phrase du nouveau sous-alinéa est une addition. Depuis, la déduction ne peut plus excéder un montant égal à $550 «moins la fraction, si fraction il y a, du revenu pour l'année de la personne, qui est en sus de $1,150» (ces deux montants étant sujets à des rajustements, comme indiqué plus haut). Par conséquent, l'exemption ne pouvait être réclamée que si, pour l'année, le revenu du dépendant avait été de moins de $1,600. Je ne crois pas que puisse jamais être contesté le besoin de soutien d'une personne dont le revenu annuel net de toutes sources est si peu élevé, quel que soit le pays elle vit. Il en résulte qu'à toutes fins pratiques, le sens exact des mots «pour le soutien» est devenu sans intérêt en 1970. D'autre part, le problème posé par l'expression non définie «à la charge de ce particulier» me semble quelque peu simplifié par le fait que la dépense doit avoir été faite pour le soutien d'un parent (y compris,, en vertu de l'alinéa 252(2)c) de la Loi, un beau-père ou une belle-mère), d'un frère ou d'une soeur. La notion de «personne à charge» peut difficilement donner lieu à contestation lorsqu'il s'agit d'indivi- dus ayant d'aussi étroits liens de parenté. Reste à déterminer, il est vrai, si le contribuable devait être la seule personne à laquelle le parent dans le besoin pouvait demander du secours. Cette ques tion, j'en conviens, n'est pas facile, puisque la version française du texte, en utilisant l'expression «était à la charge de», semble exiger une réponse affirmative, tandis que le sens littéral de la version anglaise et l'esprit qui peut être attribué à la disposition dans son ensemble ne favorisent pas
une interprétation aussi étroite. L'avantage prati- que d'apporter une réponse claire à cette question semble cependant pour le moins minime, et je comprends que la Cour n'ait jamais eu à trancher cette question. De toute manière, il ne m'est pas nécessaire de prendre position sur ce point pour statuer sur la présente affaire.
Reste à régler le problème majeur du sens de l'expression «à sa charge en raison d'une infirmité mentale ou physique», et de la preuve que doit fournir le contribuable pour se décharger du far- deau qui repose sur lui de prouver que cette condi tion est, dans son cas, remplie. La Commission a jugé que, du fait qu'il n'était pas possible de statuer objectivement sur cette question et que cette dernière ne se prêtait pas à l'usage de quel- que [TRADUCTION] «critère raisonnable», il appar- tenait au contribuable de déterminer si, dans un cas particulier, existait cette condition. Je ne suis absolument pas de cet avis. La Cour a le devoir d'appliquer la loi telle qu'elle est, si difficile que cela puisse être dans un cas particulier. Je crois cependant que l'«infirmité», et particulièrement l'«infirmité morale», visée par cette disposition n'est pas l'état de celui qui est incapable, «mentale- ment incapable». A mon avis, le mot «infirmité» signifie plus que le simple âge de la retraite (com- parer à Zaki c. M.R.N. 78 DTC 1583 à la page 1584; [1978] C.T.C. 2843), mais il doit être pris dans son sens général d'état de celui dont la vita- lité est mauvaise ou s'est affaiblie (voir Webster's New Collegiate Dictionary). En ce qui concerne la façon selon laquelle ce genre d'«infirmité» peut être prouvée, je ne vois pas pourquoi une déclaration ou un témoignage clair, sans équivoque, détaillé et non contredit du contribuable ne pourrait pas suf- fire, s'il est probant.
Si mon interprétation de l'alinéa 109(1)f) est juste, il est facile de statuer sur le présent appel.
D'abord, le cas du père. Je n'aurais eu aucune difficulté à conclure que le défendeur a réellement dépensé la somme qu'il a cherché à déduire pour le soutien de son père qui, à cause de son âge (68 ans) et de ses problèmes de vision (il a été opéré pour les deux yeux en 1976) était infirme au sens de la Loi. Cependant, le défendeur lui-même a produit un document établissant que son père a reçu du gouvernement argentin, en 1976, une pen-
sion de $2,489.96. Par conséquent, aucune déduc- tion ne peut être réclamée.
Ensuite, le cas de la mère. En 1976, la mère n'a touché aucun revenu. Elle souffrait d'hypertension depuis la fin des années soixante et son état physi que général était mauvais: elle était infirme au sens du sous-alinéa. La somme dont la déduction a été réclamée a été dépensée pour son soutien. Le défendeur avait droit à la déduction.
Finalement, le cas du beau-père et de la belle- mère. Le défendeur n'a pas rapporté la preuve qu'il a bel et bien versé à ses beaux-parents les montants réclamés. Les mandats-poste produits tendent en fait à prouver que l'argent a été fourni par sa femme qui, en 1976, travaillait à plein temps et gagnait un plein salaire. En outre, rien dans le témoignage du défendeur ne permet de conclure que ses beaux-parents, alors âgés de 65 ans, étaient en 1976 dans un mauvais état de santé physique ou mentale. De plus, il a été établi que le beau-père recevait une pension d'un montant com parable à celle du père. Il me paraît évident que le défendeur n'a pas droit aux déductions réclamées pour son beau-père et sa belle-mère.
Dès lors, j'estime que l'appel doit être accueilli en partie, et la décision de la Commission annulée en ce qu'elle porte sur les déductions réclamées à l'égard du père, du beau-père et de la belle-mère. L'appel est rejeté pour ce qui est de la déduction réclamée pour la mère.
Bien que l'action ait été accueillie en grande partie, le Ministre, conformément aux dispositions du paragraphe 178(2) de la Loi, supportera tous les frais raisonnables et justifiés du défendeur afférents à l'appel.
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