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A-115-81
Rock Lalancette (Requérant) c.
Le Comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique et Marcel Bénard (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte, Ryan et Le Dain— Ottawa, 24 et 25 juin 1981.
Examen judiciaire Relations du travail Demande d'annulation de la décision du Comité d'appel de la Commis sion de la Fonction publique Le requérant avait expédié par la poste le document d'appel d'une nomination dans le délai d'appel prescrit par l'art. 41 du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique Le Comité a rejeté l'appel au motif que le document n'a été reçu qu'après l'expiration du délai d'appel Il échet d'examiner si l'appel est interjeté au moment le document d'appel est mis à la poste ou lorsqu'il est reçu par la Commission Demande accueillie Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 21, 33 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28 Règlement sur l'emploi dans la Fonction publi- que, C.R.C. 1978, Vol. XIV, c. 1337, modifié, art. 39, 41, 42, 45.
Arrêts examinés: Allard c. La Commission de la Fonction publique [1982] 1 C.F. 432; Ciampa c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, A-545-80, décision non publiée du 30 janvier 1981.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
John D. Richard, c.r., pour le requérant. James M. Mabbutt pour les intimés.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran- çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an- nulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, d'une décision d'un Comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique. Par cette décision, ce Comité a rejeté l'appel que le requé- rant avait fait en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, au motif que cet appel avait été commencé
après l'expiration du délai fixé par le Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C. 1978, Vol. XIV, c. 1337, modifié.
Il convient d'abord de rappeler la teneur des dispositions législatives et réglementaires applica- bles.
L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique prescrit que l'appel dont il s'agit ici doit être interjeté «dans le délai que fixe la Commission». La Commission, dans un Règle- ment accordé en vertu de l'article 33 de la Loi,' a fixé à 14 jours la durée de ce délai. Il faut lire à ce sujet les articles 39, 41, 42 et 45 du Règlement:
39. Lorsqu'un employé est nommé ou sur le point d'être nommé à un poste suite à un concours restreint, tous les candidats non reçus qui ont répondu à un avis ou ont été identifiés au moyen d'un inventaire pour ce concours sont informés par écrit ou par avis public
a) de leur droit d'appel en vertu de l'alinéa 21a) de la Loi, dans un délai de quatorze jours;
b) du nom de l'employé nommé ou sur le point d'être nommé; et
c) du nom et du classement de toutes les personnes inscrites sur la liste d'admissibilité.
41. Tout appel interjeté selon l'article 21 de la Loi
a) par une personne qui a été avisée conformément à l'article
39,...
doit l'être dans les 14 jours de l'avis donné conformément à
l'article 39 ....
42. Aux fins des articles 39 41, une personne est considérée avisée le jour l'avis écrit lui est envoyé par la poste ou par porteur, ou le jour l'avis public est affiché, selon celui qui survient le premier.
45. (1) Chaque appel interjeté en vertu de l'article 21 ou 31 de la Loi doit être fait par écrit et adressé à la Commission et doit indiquer les motifs sur lesquels il se fonde; cet écrit est ci-après appelé le «document d'appel».
(2) Chaque document d'appel doit indiquer si l'appel sera présenté en anglais ou en français.
En l'espèce, le requérant est un fonctionnaire qui avait participé à un concours restreint tenu en vertu des dispositions de la Loi et du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique. Il a reçu, le 12 décembre 1980, l'avis prescrit à l'article 39 du Règlement. Cet avis, mis à la poste le 3 décem- bre, le prévenait qu'il devait exercer son droit
' 33. Sous réserve de la présente loi, la Commission peut établir les règlements qu'elle juge nécessaires à l'application et à la mise en œuvre de la présente loi.
d'appel avant le 18 décembre. Le 12 décembre, le requérant expédia par la poste à la Commission le document d'appel dont parle l'article 45 du Règle- ment. Ce document, cependant, ne parvint à la Commission que le 18 décembre, après l'expiration du délai de 14 jours prescrit par l'article 41 du Règlement.
Le Comité d'appel a jugé en l'espèce que le requérant n'avait pas exercé son droit d'appel dans le délai prévu par la Loi et le Règlement et que, à cause de cela, son appel devait être rejeté. Pour en arriver à cette conclusion, le Comité s'est fondé sur l'arrêt de cette Cour dans l'affaire Allard c. La Commission de la Fonction publique 2 je me suis exprimé de la façon suivante la page 433]:
L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique est rédigé en termes tels qu'il faut nécessairement dire que le droit d'appel que confère cet article ne peut plus être exercé après l'expiration du délai fixé par la Commission. Ce délai est donc un délai de rigueur. Quant à la date d'expédition de l'avis d'appel, elle me parait non pertinente. Un appel n'est pas interjeté par le simple fait de signer un avis d'appel adressé à la Commission ou par le fait de confier pareil avis à un messager. Aussi longtemps que l'avis n'est pas parvenu à la Commission, je suis d'opinion qu'il n'y a pas d'appel.
Le premier et principal problème que soulève cette affaire est celui de savoir si l'affaire Allard a été bien jugée. Je le crois. Mais j'ajoute tout de suite que si j'avais à la décider de nouveau, je m'exprimerais certainement en termes plus nuan- cés.
Il me paraît clair que l'article 21 de la Loi n'accorde de droit d'appel que dans la mesure ce droit est exercé dans le délai que prescrit la Commission. La Commission a cru devoir fixer un délai d'appel sans prévoir qu'il puisse, en certains cas, être prorogé. On peut certes regretter cette rigidité, mais, dans ces circonstances, il faut dire que le délai dont il s'agit est un délai de rigueur que ni les comités d'appel ni cette Cour n'ont le pouvoir de proroger. Cependant, le fait que le Règlement prévoit un délai d'appel relativement court, sans possibilité de prorogation, ne doit pas être oublié lorsqu'on en vient à interpréter ce Règlement. En l'interprétant, il faut présumer que la Commission n'a pas voulu rendre illusoire le
2 Précitée à la p. 432. Cet arrêt a été suivi dans Ciampa c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique, A-545-80, décision non publiée du 30 janvier 1981.
droit d'appel conféré par la Loi; il faut aussi avoir à l'esprit les conditions concrètes dans lesquelles ce droit d'appel est normalement exercé: je veux faire allusion ici aux dimensions de notre pays et au fait que le droit d'appel est susceptible d'être exercé par des gens se trouvant n'importe au pays et même, parfois, à l'extérieur du pays. Dans ces conditions, il est normal que le document d'appel qui, suivant l'article 45 du Règlement doit être «adressé» à la Commission, soit expédié par la poste. Et alors il me paraît juste de considérer qu'un appel a été interjeté au sens de l'article 41 du Règlement au moment l'avis d'appel a été mis à la poste. Je ne suis prêt à admettre cette solution, cependant, que dans les cas le docu ment d'appel a été transmis par la poste et où, à cause de cela, la date d'expédition peut être facile- ment prouvée. Dans les autres cas où, comme dans les affaires Allard et Ciampa, le document a été transmis autrement que par le système postal, je crois qu'il faut continuer à dire que l'appel n'est formé qu'au moment le document d'appel par- vient à la Commission. Dire autrement créerait des difficultés de preuve et pourrait conduire à des abus.
Pour ces motifs, je casserais la décision attaquée et je renverrais l'affaire au Comité d'appel pour qu'il procède en prenant pour acquis qu'un appel est interjeté au sens de l'article 41 du Règlement au moment le document d'appel adressé à la Commission a été mis à la poste.
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LE JUGE RYAN y a souscrit.
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LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
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