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T-4424-81
Réjean Racine (Requérant)
c.
La Reine (Intimée)
et
Michel Gailloux (Mis-en-cause)
Division de première instance, le juge Dubé— Montréal, 21 septembre; Ottawa, 28 septembre
1981.
Couronne Saisie Requête en annulation de saisie et en remise au requérant de biens saisis Le mis-en-cause, inspecteur désigné aux fins de la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux, a saisi certains bijoux déposés dans le coffret d'une succursale de banque à la suite de la saisie par un agent de la G.R.C. des mêmes bijoux dans les locaux du requérant L'art. 7 de la Loi prévoit la saisie pratiquée par un inspecteur dans les locaux d'un commerçant Il échet d'examiner s'il est légal de saisir des biens qui se trouvent à un poste de la G.R.C. ou dans un coffret de sôreté à une succur- sale de banque Annulation de la saisie L'art. 7 de la Loi autorise l'inspecteur à saisir l'article dans les locaux d'un commerçant, pas ailleurs Loi sur le poinçonnage des métaux précieux, S.R.C. 1970, c. P-19, art. 7 Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 231(1)d) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18.
Arrêt appliqué: Royal American Shows, Inc. c. Le minis- tre du Revenu national [1978] 1 C.F. 72 (infirmant [1976] 1 C.F. 269). Arrêt mentionné: Burnett c. Le minis- tre du Revenu national 77 DTC 5059.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Denis Peloquin pour le requérant.
Richard Corbeil pour l'intimée et le mis-en- cause.
PROCUREURS:
Denis Peloquin, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée et le mis-en-cause.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DusÉ: Il s'agit ici d'une requête en cassation et annulation de saisie et remise de biens saisis en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
Le 3 avril 1981, suite à un appel téléphonique de Daniel Roy, agent de la Gendarmerie royale du Canada, le mis-en-cause, inspecteur désigné aux fins de la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux', s'est présenté à la bijouterie Réjean Racine à St-Hyacinthe, Québec, et a procédé à l'inspection de tous les bijoux en étalage. Il a constaté que plusieurs des bijoux portaient une marque non conforme à ladite Loi. Il a alors identifié 218 bijoux qui ont été mis à part dans un sac par l'agent Roy, lequel en a conservé la posses sion, attendu qu'il voulait les saisir et les a effecti- vement saisis relativement à des infractions présu- mées à la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40.
Le 26 juin 1981, l'agent Roy informait l'inspec- teur Gailloux que les 218 bijoux en question étaient maintenant disponibles. Les deux hommes se sont rencontrés au bureau de la Gendarmerie royale de St-Hyacinthe pour se rendre à une suc- cursale bancaire dans le coffret de laquelle se trouvait le sac contenant les bijoux. L'inspecteur a donc effectué la saisie et dressé l'avis de saisie et de rétention, puis a pris possession des bijoux que l'agent Roy lui a remis. Par après, l'inspecteur a constaté des infractions à l'endroit de 109 des 218 bijoux saisis.
L'inspecteur allègue par voie d'affidavit que des dénonciations formelles pour infraction à la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux seront déposées avant le 24 septembre 1981 à l'endroit de ces bijoux. Il déclare également que le 10 septem- bre 1981, une saisie des 218 bijoux a été effectuée entre ses mains et qu'il a été nommé gardien desdits bijoux en vertu de cette dernière saisie. Cette dernière saisie a été effectuée en vertu d'une ordonnance d'un juge de la Cour fédérale suite à un certificat déposé au greffe de cette Cour sous l'autorité de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, ordonnant à tout huissier chargé de l'exécution du bref de fieri facias d'ou- vrir les portes d'un local et de nommer un gardien autre que le débiteur.
Le requérant allègue que la saisie exercée par l'inspecteur Michel Gailloux le 26 juin 1981 est illégale et contraire à la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux. Les pouvoirs d'entrer, d'inspec-
' S.R.C. 1970, c. P-19.
ter et de saisir en vertu de cette Loi sont prévus à l'article 7, lequel se lit comme suit:
7. (1) Un inspecteur peut, à tout moment raisonnable, entrer dans les locaux d'un commerçant, exiger, aux fins d'inspection, la production d'un article de métal précieux qui se trouve dans les locaux d'un commerçant et saisir un tel article lorsqu'il a des raisons de soupçonner que l'article porte une marque autrement qu'en conformité de la présente loi et des règlements.
(2) Tout article saisi en conformité du paragraphe (1) peut être gardé pendant une période de quatre-vingt-dix jours et si, avant l'expiration de cette période, des procédures sont inten- tées en vertu de la présente loi relativement à cet article, il peut être gardé jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur ces procédures.
Le requérant soutient que le pouvoir de l'inspec- teur est donc d'entrer dans les locaux d'un com- merçant, d'exiger la production d'un article de métal précieux qui s'y trouve et de le saisir à cet endroit: l'inspecteur n'a pas le droit de saisir un article qui se trouve à un poste de la Gendarmerie royale du Canada (endroit décrit dans l'avis de saisie et de rétention), ou dans un coffret de sûreté à une succursale de banque (tel qu'allégué à l'affi- davit de l'inspecteur).
Dans l'affaire Royal American Shows, Inc. c. M.R.N. 2 , un agent du Ministre avait saisi certains documents de l'appelante qui se trouvaient au poste de police à Edmonton en vertu des disposi tions de l'alinéa 231(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu'. Le juge de première instance a décidé que le pouvoir de saisir était traditionnellement sujet à la révision de la Cour et que c'était la Division de première instance qui détenait la com- pétence dans les circonstances. En majorité, la Cour d'appel a décidé que le pouvoir de saisir
2 [1976j 1 C.F. 269.
' S.C. 1970-71-72, c. 63.
231. (1) Toute personne qui y est autorisée par le Ministre, pour toute fin relative à l'application ou à l'exécution de la présente loi, peut, en tout temps raisonnable, pénétrer dans tous lieux ou endroits dans lesquels l'entreprise est exploitée ou des biens sont gardés, ou dans lesquels il se fait quelque chose se rapportant à des affaires quelconques, ou dans lesquels sont ou devraient être tenus des livres ou registres, et
d) si, au cours d'une vérification ou d'un examen, il lui semble qu'une infraction à la présente loi ou à un règle- ment a été commise, cette personne autorisée peut saisir et emporter tous documents, registres, livres, pièces ou choses qui peuvent être requis comme preuves de l'infraction à toute disposition de la présente loi ou d'un règlement.
défini à l'alinéa précité ne pouvait être validement exercé à l'endroit il l'a été. Ce passage 4 de la décision du juge Le Dain éclaircit la situation:
J'étudierai maintenant la question de savoir si la saisie pratiquée au commissariat de police d'Edmonton était permise en vertu de l'article 231(1)d). A mon avis, on ne peut interpré- ter cet article comme signifiant qu'une personne autorisée peut saisir et emporter tous les documents, registres, livres, pièces ou choses qu'ils se trouvent et indépendamment des circons- tances. Il ne s'agit pas d'un pouvoir de saisir indépendant et sans réserve. Le but de l'article 231(1) est de permettre à une personne autorisée par le Ministre de pénétrer dans certains endroits pour les fins d'une vérification ou d'un examen. Si, en procédant à ladite vérification ou audit examen, elle croit qu'il y a eu violation de la Loi ou des règlements, elle peut saisir et emporter tous documents, registres, livres, pièces ou choses qui peuvent être requis comme preuves de l'infraction. Il s'agit d'un pouvoir de saisie qui existe dans certaines circonstances défi- nies. Il se rattache au pouvoir d'entrer pour vérifier ou exami ner et son champ d'application possible est nécessairement limité par ce pouvoir. On ne peut recourir valablement au pouvoir de saisir sauf après avoir pénétré et effectué une vérification ou un examen conformément à l'article 231(1)a).
Le commissariat de police d'Edmonton n'est manifestement pas un endroit on exploite une entreprise ni un lieu il se fait quelque chose se rapportant à des affaires quelconques au sens de l'article 231(1).
Peu de temps après, mon collègue le juge Maho- ney cassait une saisie et retournait des documents saisis en vertu des dispositions du même alinéa 231(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à un poste de la Gendarmerie royale du Canada à Toronto. Il ordonnait le retour des documents à la compagnie appelantes.
A mon sens, les dispositions de l'article 7 de la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux sont encore plus précises que celles de l'alinéa précité de la Loi de l'impôt sur le revenu. Une mesure aussi draconienne qu'une saisie de la propriété privée doit être exécutée strictement à l'intérieur des cadres prescrits par la Loi. En l'occurrence, l'article 7 autorise l'inspecteur à saisir l'article dans les locaux d'un commerçant, pas ailleurs. Cette saisie doit donc être cassée.
Il n'en résulte pas cependant que les 218 bijoux doivent être retournés au requérant.
Il faut retenir que deux autres saisies, dont la légalité n'a pas été contestée, ont frappé ces mêmes articles: une première saisie de la Gendar-
4 [1978] 1 C.F. 72, aux pp. 82 et 83. 5 Burnett c. M.R.N. 77 DTC 5059.
merie royale sous l'emprise de la Loi sur les douanes, et la saisie plus récente du ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. A la suite de cette deuxième saisie, les articles sont demeurés entre les mains de l'inspec- teur Gailloux à titre de gardien. Il est donc ordonné que les bijoux en question demeurent entre les mains de ce dernier à titre de gardien pour le compte du ministre du Revenu national suite à l'ordonnance de cette Cour en date du 16 avril 1981 telle qu'exécutée par le huissier le 10 septembre 1981.
Le procureur de l'intimée et du mis-en-cause a demandé un délai de dix jours pour porter cette décision en appel advenant une cassation de la saisie. Cette demande est justifiée et doit jouer également en faveur du requérant: le mis-en-cause, à titre de gardien pour le compte du ministre du Revenu national, ne doit donc pas se départir des bijoux avant l'expiration d'un délai de dix jours, ou avant une décision de la Cour d'appel si la présente décision est portée en appel.
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