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A-148-81
Le Grand Council of the Crees (of Quebec), l'Ad- ministration régionale crie, le Conseil de la santé et des services sociaux cri de la Baie James, les bandes cries de Fort George, Old Factory, East- main, Rupert House, Waswanipi, Mistassini, Némaska et Great Whale River, les chefs Sam Tapiatic, Walter Hughboy, Edward Gilpin fils, Samuel Shecapio, Billy Ottereyes, Henry Mians- cum, George Wapachee, Robbie Dick, le grand chef Billy Diamond, Andrew Moar, l'administra- teur en chef Philip Awashish, Steven Bearskin, Abel Kitchen, Albert Diamond, Violet Pachanos, Robert Kanatewat et James Bobbish (Appelants)
c.
La Reine, l'honorable John Munro et l'honorable Monique Bégin (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte et Heald et le juge suppléant Lalande—Montréal, 3 juin 1981.
Brefs de prérogative Injonction interlocutoire Appel de la décision de la Division de première instance rejetant une demande d'injonction interlocutoire contre les intimés Le juge de première instance a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir de prononcer une injonction contre la Couronne Il a aussi refusé de prononcer une injonction contre les deux Ministres intimés parce que les obligations que les appelants voulaient voir exécutées étaient des »obligations d'une nature adminis trative générale pour lesquelles ils ont à répondre à la Cou- ronne» Il échet d'examiner si l'on peut prononcer une injonction contre la Couronne Il échet d'examiner si la Cour peut prescrire à un ministre de la Couronne, agissant en qualité de fonctionnaire de la Couronne, l'accomplissement de certains actes Appel rejeté Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 2, 17(1), 18, 44.
Arrêt mentionné: Société Asbestos Ltée c. Société natio- nale de l'Amiante [1979] C.A. (Qué.) 342. Arrêt suivi: Le ministre des Finances de la Colombie-Britannique c. Le Roi [1935] R.C.S. 278.
APPEL. AVOCATS:
J. O'Reilly et R. Pratt pour les appelants. James Mabbutt pour les intimés.
PROCUREURS:
O'Reilly & Grodinsky, Montréal, pour les appelants.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit de l'appel formé d'un jugement du juge Marceau de la Division de pre- mière instance rejetant une demande d'injonction interlocutoire contre les intimés.
Le jugement du juge Marceau était fondé sur l'opinion qu'il n'avait pas le pouvoir de lancer une injonction contre la Couronne et qu'il ne s'agissait pas d'une affaire il y avait lieu à injonction contre les ministres de la Couronne puisque les obligations que les requérants voulaient voir exécu- tées par les Ministres intimés étaient des «obliga- tions d'une nature administrative générale pour lesquelles ils ont à répondre à la Couronne, non aux requérants».
L'avocat des appelants a d'abord soutenu que l'immunité de la Couronne en matière de recours en injonction n'est plus absolue comme le présume le jugement entrepris. La règle traditionnelle aurait été récemment modifiée par des précédents judiciaires comme, exemple de cette évolution, l'arrêt de la Cour d'appel du Québec Société Asbestos Ltée c. Société nationale de l'Amiante [1979] C.A. 342, la Cour lança une injonction contre la Couronne du chef de la province de Québec. La Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10, aurait aussi modifié la règle traditionnelle, particulièrement le paragraphe 17(1), lu en conjonction avec la définition du terme «redressement» de l'article 2, et par les articles 18 et 44.
Ces arguments doivent, à mon avis, être rejetés. L'arrêt de la Cour d'appel du Québec Société Asbestos Ltée n'autorise qu'à dire qu'il y a lieu à une injonction contre la Couronne du chef d'une province lorsque cela est nécessaire pour interdire aux autorités de la province de donner effet à une législation inconstitutionnelle. Cette règle n'a aucune application ici.
Quant aux diverses dispositions de la Loi sur la Cour fédérale, elles n'ont pas, à mon avis, l'effet d'éroder l'immunité traditionnelle de la Couronne en matière de recours en injonction. Si le Parle- ment avait eu l'intention de modifier ou d'abroger un principe aussi bien établi, il l'aurait dit en des termes beaucoup plus clairs.
Je suis donc d'avis que le juge Marceau a, à bon droit, rejeté la demande des appelants quant à son aspect elle vise directement la Couronne.
J'estime aussi que c'est à bon droit qu'il a refusé de lancer l'injonction contre les deux Ministres intimés. Contrairement à ce qu'a soutenu l'avocat des appelants, la Loi sur la Cour fédérale n'a pas, à mon avis, abrogé la règle traditionnelle claire- ment énoncée dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Le ministre des Finances de la Colombie- Britannique c. Le Roi [1935] R.C.S. 278, qu'on ne peut lancer une ordonnance obligeant de faire contre un ministre de la Couronne alors qu'il agit simplement comme fonctionnaire de la Couronne plutôt que comme un mandataire de la législature chargé d'exécuter une obligation spécifique que lui imposerait une loi au profit de quelque tiers dési- gné. Contrairement à un autre argument qu'on a fait valoir au nom des appelants, je suis aussi d'avis que les obligations qu'invoquent ceux-ci comme fondement de leur demande, présumant qu'elles existent, constituent des obligations que les Ministres intimés ont en leur capacité de Ministre et de fonctionnaire de la Couronne; ce ne sont pas des obligations spécifiques qu'imposerait la loi.
Par ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE HEALD y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
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