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T-4449-80
AMI International, Inc. (Demanderesse) c.
National Business Systems, Inc., Leigh Instru ments Limited et J. Stable Industries, Inc. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Walsh— Toronto, l er juin; Ottawa, 5 juin 1981.
Pratique Brevets Requête visant l'obtention d'une ordonnance exigeant de la demanderesse qu'elle fournisse des détails, sous forme d'une réponse juste et comportant des raisons de fond conformément à la Règle 414, relativement à la dénégation de certains paragraphes de la défense et demande reconventionnelle ou portant radiation de certains paragraphes de la réponse et défense à la demande reconven- tionnelle La défense renferme des représentations faites par la demanderesse dans ses demandes de brevet La demande- resse a répondu par une dénégation et une déclaration de contestation liée Il échet d'examiner si une simple dénéga- tion des faits qui ressort apparemment des documents compo- sant le dossier est suffisante Il échet d'examiner si la Règle 414 s'applique à la réponse à la défense Requête accueillie en partie Règles 403, 409, 413, 414 et 415 de la Cour fédérale.
REQUÊTE. AVOCATS:
Kenneth D. McKay pour la demanderesse. J. Nelson Landry pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour la demanderesse.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour les défende- resses.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Les défenderesses sollicitent une ordonnance:
A. exigeant de la demanderesse qu'elle fournisse dans sa réponse et défense à la demande recon- ventionnelle des détails, sous forme d'une réponse juste et comportant des raisons de fond conformément à la Règle 414, relativement à la dénégation des paragraphes 5(1)a), 5(8), 6(1)a) et b), 6(8), 6(14), 7(1)a), 7(8), 7(14), 8, 9, 30, 31a),b) et c), 32a) et b), 33 et 35 de la défense et demande reconventionnelle; ou subsidiaire- ment, une ordonnance
B. portant radiation des paragraphes 5 et 21 de la réponse et défense à la demande reconven- tionnelle,
par ces motifs que ladite réponse et défense à la demande reconventionnelle n'offre aucun moyen de défense valable, est futile et vexatoire, peut entraver l'instruction équitable de l'action et constitue par ailleurs un abus des procédures de la Cour puisque ladite plaidoirie n'a pas été déposée dans le délai prévu à la Règle 403 et qu'en outre, elle n'énonce pas les circonstances entourant les dénégations de façon juste et ne les appuie pas de raisons de fond comme le prévoit la Règle 414.
Les défenderesses s'appuient principalement sur les Règles 414, 413, 403 et 415. Cette dernière Règle traite des requêtes pour obtenir des détails. Il faut aussi tenir compte des dispositions de la Règle 409 aux fins de l'application des Règles précitées, car l'alinéa (1)a) de la Règle 403 exige le dépôt d'une réponse si cela est nécessaire pour se conformer à la Règle 409 qui exige qu'une partie plaide spécifiquement toute question qui, selon ses allégations, empêche de faire droit à une demande ou défense de la partie adverse, question qui, si elle n'est pas spécifiquement plaidée, pourrait prendre la partie adverse par surprise ou qui soulève une question de fait ne découlant pas des plaidoiries antérieures. De plus, l'alinéa (1)b) de la Règle 403 exige le dépôt d'une réponse pour admettre les faits allégués dans la défense que le demandeur sait être vrais, comme l'exige la Règle 413(1)a) qui, sauf dans le cas d'une simple contestation liée, prévoit que lorsqu'une partie répond à une plaidoi- rie d'une partie adverse, elle doit soit admettre les faits qu'elle sait être vrais, soit plaider son igno rance quant à ces faits, soit nier ceux qu'elle entend constester.
Bien que la Règle 403, par l'emploi du mot «peut», autorise aussi le demandeur à déposer une réponse en se contentant de clore les plaidoiries par simple déclaration de contestation liée, c'est le mot «doit» qui est employé pour exprimer l'obliga- tion de se conformer aux Règles 409 et 413(1)a). La Règle 403 exige du demandeur qu'il dépose une réponse dans les 15 jours qui suivent la significa tion de la défense à moins que ce délai ne soit prolongé par la Cour. La défense produite par les défenderesses en réponse à la déclaration modifiée a été signifiée le 2 avril 1981. La demanderesse a
déposé une réponse et défense à la demande recon- ventionnelle le 22 avril et une réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle le 12 mai 1981. Compte tenu de la complexité des faits pertinents à la présente action en matière de brevet, ces retards ne m'apparaissent pas excessifs et je prolonge donc le délai prévu pour le dépôt de la réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle à la date de leur dépôt. Les défenderesses attaquent le fond de ce document en se fondant sur la Règle 414 qui se lit comme suit:
Règle 414. Lorsqu'une partie dans une plaidoirie traite d'une allégation de fait de la plaidoirie précédente d'une partie opposée, elle doit traiter du point essentiel et non pas nier l'allégation de façon évasive; et lorsqu'une question de fait a été alléguée avec diverses circonstances, il ne suffit pas de la nier globalement telle qu'elle est alléguée, avec ces circonstances, mais il faut fournir une réponse juste et comportant les raisons de fond pour la justifier.
L'avocat de la demanderesse a soutenu que cette Règle ne s'applique qu'à la défense et non à la réponse qui y est apportée car il était possible de lier contestation sans avoir à déposer une telle réponse; son argument n'a toutefois aucun fonde- ment. La demanderesse n'a pas choisi de simple- ment lier contestation, et il est à douter, en tout état de cause, que cela eût été suffisant compte tenu des prescriptions des Règles 403, 409 et 413(1)a). Elle a plutôt décidé de produire une réponse dont on attaque maintenant la teneur. Comme la Règle 414 renvoie à «une plaidoirie» et à «la plaidoirie précédente d'une partie opposée» et qu'elle est de nature générale, il s'ensuit que la réponse à la défense doit être produite suivant les mêmes règles que la défense elle-même. Ce fait ressort avec encore plus de netteté lorsqu'on lit ensemble les Règles 403, 409, 413 et 414. A la page 214 de l'affaire Richard c. Hall', le juge d'appel Middleton nous renvoie à la déclaration du Maître des rôles Jessel qui disait ce qui suit dans l'arrêt Thorp c. Holdsworth (1876) 3 Ch. D. 637:
[TRADUCTION] Il est exact de dire qu'en interprétant les plaidoiries eu égard à la règle 22 de l'Ordonnance xix. [la règle anglaise correspondante], il me faut leur donner une interprétation restrictive. On voulait qu'elles soient interpré- tées ainsi, dans le but surtout de s'assurer que le demandeur sache bien quel était le véritable objet du litige qui l'opposait au défendeur. Les plaidoiries ont pour but d'amener les parties à s'entendre sur une question et les règles de l'Ordon- nance xix. ont été édictées dans le but d'éviter que le litige ne prenne trop d'ampleur et qu'au moment de l'instruction, les
' (1928) 62 O.L.R. 212.
parties ne sachent trop quelle est la véritable question à discuter et à trancher. En fait, le système dans son ensemble vise à limiter les parties à des questions bien définies et de ce fait, à diminuer les coûts et les délais.
Le juge d'appel Middleton poursuit en disant:
[TRADUCTION] Dans cette affaire, on déniait de façon géné- rale un paragraphe renfermant de nombreuses allégations. Voici ce que le Maître des rôles déclare à ce sujet: «Je ne vois pas il veut en venir.» «C'est l'objectif même que nous avons toujours poursuivi, en plaidant pour connaître la façon de voir du défendeur afin que les parties puissent s'entendre sur une question.... Il ne s'agit pas d'imposer un lourd fardeau au défendeur; c'est la façon appropriée d'administrer la justice. C'est le sens des règles.... A l'avenir ... j'insisterai pour qu'on respecte les règles touchant les plaidoiries.»
A la page 215, il déclare:
[TRADUCTION] Je me permets de vous renvoyer à un exposé intéressant qui figure dans Odgers on Pleading, éd., pp. 155 sqq., ainsi qu'au commentaire de l'auteur (p. 168) qui, après avoir souligné que des dénégations générales trop vagues sont inopportunes et témoignent du sentiment que le plaideur a de son impuissance, affirme, «Jusqu'à quel point le plaideur doit-il s'en tenir à la simple dénégation des allégations? Ne devrait-il pas, après avoir nié la version des faits de son adversaire, poursuivre et faire connaître la sienne? ... Parfois, il est très souhaitable de le faire afin que soit posée clairement la question en litige.»
Suivant nos règles, lesquelles ont été confirmées par une abondante jurisprudence, il est non seulement souhaitable mais obligatoire que le plaideur adopte cette façon de procéder, «même si pour ce faire, il lui faut faire une dénégation.»
Le libellé des Règles de la présente Cour est peut-être quelque peu différent, mais ce sont néan- moins les mêmes principes qui s'appliquent, les plaideurs devant aller droit au but pour qu'on puisse savoir précisément quelles sont les questions en litige et ainsi réduire la durée de l'éventuelle instruction de l'action. Il est indéniable que c'est le but visé par ces Règles.
Avant d'appliquer ces principes à l'espèce, il convient d'apporter quelques explications concer- nant les questions en litige. Celles-ci portent sur des dispositifs d'impression qui, grâce au déplace- ment d'un rouleau d'impression au-dessus d'une plaque, impriment sur une facture les renseigne- ments concernant l'acheteur qui sont inscrits sur sa carte de crédit. Le nom et l'adresse du vendeur, qui sont gravés sur une autre plaque, sont aussi imprimés sur la facture. Les présentes procédures visent trois brevets canadiens concernant des inventions mises au point afin de surmonter le problème posé par le fait qu'en raison d'une légère différence dans l'épaisseur des cartes, les rensei-
gnements précités n'étaient pas toujours imprimés clairement sur la facture. Les trois brevets cana- diens en cause portent les noms de brevet Maul obtenu en 1965, de brevet Gruver, Johnson et Seifried obtenu en 1967 et de brevet Johnson obtenu lui aussi en 1967, en même temps que le précédent. Ces brevets ont, en outre, été obtenus aux États-Unis. Un quatrième brevet, qu'on peut appeler le brevet Brown, fut obtenu aux Etats-Unis en 1973 mais non au Canada. Par la suite, d'autres brevets ont été obtenus relativement à des amélio- rations apportées aux brevets originaux et comme quelques-unes de ces améliorations étaient très mineures, la demanderesse a dû, en présentant ses demandes, faire certaines déclarations qui, selon les défenderesses, ont eu pour effet de restreindre la portée des brevets antérieurs. Ces déclarations, renfermant dans certains cas des citations directes tirées des représentations faites, sont rapportées aux paragraphes 8, 9, 30, 31, 32 et 33 de la défense présentée à l'encontre de la déclaration modifiée et ont simplement fait l'objet d'une déné- gation et d'une déclaration de contestation liée aux paragraphes 5 et 21 de la réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle. Ou bien ces représentations ayant trait aux demandes de brevet en question ont été faites ou bien elles ne l'ont pas été. Par ailleurs, si elles ont effectivement été faites, la demanderesse devrait le reconnaître à moins qu'elle n'ait l'intention de nier que les per- sonnes qui les ont faites n'étaient pas autorisées à se prononcer en son nom, auquel cas cela devrait être signalé.
Une simple dénégation des faits qui ressort apparemment des documents composant le dossier est manifestement insuffisante et ne peut avoir pour effet que de prolonger inutilement la durée de l'audition. Bien que les conséquences juridiques de ces déclarations puissent constituer un motif va- lable d'action, les plaidoiries portent sur le fait que ces déclarations ont été faites. Il convient donc de fournir des détails, sous forme d'une réponse juste et comportant des raisons de fond, en ce qui concerne les dénégations générales énoncées aux paragraphes 5 et 21 de la réponse, dénégations touchant les paragraphes 8, 9, 30, 31a),b) et c), 32a) et b) et 33 de la défense et demande reconventionnelle.
Les paragraphes 5(1)a), 6(1)a) et b) et 7(1)a) ont tous trait au moyen de défense voulant que les brevets canadiens soient nuls car les inventions présumées n'avaient aucun caractère de nouveauté compte tenu de l'état de la technique à l'époque. C'est aux défenderesses qu'il incombe d'établir la validité de ce moyen de défense et la simple déné- gation que la demanderesse a opposée à ce moyen de défense dans sa réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle obligeant les défen- deresses à en faire la preuve stricte suffit sans qu'il soit nécessaire d'apporter plus de détails.
C'est aux paragraphes 5(8), 6(8) et 7(8) que l'on prétend que les revendications vont au-delà de l'invention présumée décrite au mémoire descrip- tif. Cette prétention est appuyée d'un exemple. Une fois de plus, c'est aux défenderesses qu'il appartient de faire la preuve de ce moyen de défense et la simple dénégation que la demande- resse oppose au paragraphe 5 de sa réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle suffit sans qu'elle n'ait à fournir de détails supplé- mentaires. Quant aux paragraphes 6(14), 7(14) et 35 dans lesquels on prétend que l'invention présu- mée a été, dans chacun des cas, vendue au Canada avant la date d'obtention du brevet canadien par la demanderesse, ce sont les défenderesses qui sont tenues encore une fois de faire la preuve de cette allégation. Les dénégations énoncées aux paragra- phes 5 et 21 de la réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle sont donc suffisantes et la demanderesse n'est pas tenue de fournir de détails supplémentaires.
Voilà qui répond à la demande de détails formu- lée au paragraphe A de la requête. En ce qui concerne le paragraphe B, les paragraphes 5 et 21 de la réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle sont radiés mais avec permission de modifier pour apporter les détails exigés par l'ordonnance, tout en répétant les dénégations générales visant les autres allégations de la défense.
ORDONNANCE
La demanderesse devra, dans les 20 jours, four- nir des détails en ce qui concerne sa réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle sous forme d'une réponse comportant des raisons de fond conformément à la Règle 414 relativement
aux dénégations énoncées aux paragraphes 5 et 21 de la réponse apportée aux paragraphes 8, 9, 30, 31a),b) et c), 32a) et b) et 33 de la défense et demande reconventionnelle. Les dénégations oppo sées aux allégations formulées aux paragraphes 5(1)a), 6(1)a) et b), 7(1)a), 5(8), 6(8) et 7(8) et 6(14), 7(14) et 35 de la défense et demande recon- ventionnelle, lesquelles exigent des défenderesses qu'elles fassent la preuve stricte des allégations contenues dans ces paragraphes suffisent sans que la demanderesse n'ait à fournir des détails supplémentaires.
Les paragraphes 5 et 21 de la réponse et défense modifiées à la demande reconventionnelle sont radiés avec permission de modifier conformément aux termes de la présente ordonnance. Les dépens suivront le sort de la cause.
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