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T-4656-75
Delbert Guerin, Joseph Becker, Eddie Campbell, Mary Charles, Gertrude Guerin et Gail Sparrow en leur nom propre et au nom de tous les autres membres de la bande indienne Musqueam (demandeurs)
C.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier— Vancouver, 4 et 11 août 1981.
Pratique Intérêt En cause: le droit pour les deman- deurs à l'intérêt sur les dommages accordés à compter de la date du manquement à la fiducie jusqu'au jour précédant celui du prononcement du dispositif du jugement En cause: la hausse du taux d'intérêt d'après-jugement En cause: la taxation des dépens et débours comme entre avocat et client Requête rejetée Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 35, 40 Loi sur la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1970, c. E- II, art. 47 Lord Tenterden's Act, 1833 (3 & 4 Wm. IV), c. 42, art. 28 Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, c. C-38, art. 3(I)b) Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, c. I-6, art. 61(2) Loi sur l'intérêt, S.R.C. 1970, c. I-18, art. 3 et 13 Règle 344(1) et (7) de la Cour fédérale, Tarif B.
Par requête, les demandeurs concluent à l'intérêt sur le jugement et aux dépens. Il échet d'abord d'examiner si les demandeurs avaient droit à un intérêt sur le montant des dommages reconnus à compter de la date du manquement à la fiducie jusqu'au jour précédant celui du prononcement du dispositif du jugement. Les demandeurs soutiennent que la Loi sur la Cour fédérale n'étant entrée en vigueur qu'en 1971, c'est l'article 47 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier qui s'applique. L'article 47 limitait le pouvoir de la Cour d'accorder l'intérêt aux cas d'inexécution de contrat. Les demandeurs soutiennent qu'en conséquence ils avaient un droit acquis à l'intérêt; que l'article 35 de la Loi sur la Cour fédérale portait sur le fond; il abrogeait le droit acquis, aussi ne pouvait-il avoir d'effet rétroactif, à moins que cette intention ne soit manifeste dans la loi modificatrice. Subsidiairement, les demandeurs font valoir que le Lord Tenterden's Act, l'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne et la Loi sur les Indiens autori- saient d'accorder l'intérêt en l'espèce. L'alinéa 3(1)b) porte que la Couronne est responsable des dommages à l'égard d'un manquement à un devoir afférent à la propriété, à l'occupation, à la possession ou à la garde d'un bien. La requête des demandeurs serait fondée sur un manquement à un devoir afférent à la propriété, à la possession ou à la garde de la réserve. Le paragraphe 61(2) de la Loi sur les Indiens porte que les intérêts sur les deniers détenus au Fonds du revenu consolidé doivent être alloués à un taux que fixe, de temps à autre, le gouverneur en conseil. On a soutenu qu'il fallait «présumer que la Couronne avait emprunté le montant de l'indemnisation des demandeurs, de sorte qu'il s'agissait de `deniers des Indiens' détenus au Fonds du revenu consolidé». Les demandeurs ont alors soutenu que la fiducie était un contrat résultant de l'acte de cession intervenu entre la bande
indienne et la Couronne. Il échet d'examiner ensuite si le taux d'intérêt d'après-jugement, de cinq pour cent, devrait être haussé. L'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale porte qu'à moins qu'il n'en soit autrement ordonné, un jugement porte intérêt à compter du moment il est rendu, au taux prescrit par l'article 3 de la Loi sur l'intérêt. Les demandeurs ont soutenu que l'article 40 autorise la Cour à modifier le taux d'intérêt prévu par la Loi sur l'intérêt. Enfin, il échet d'exami- ner si les dépens et débours devraient être taxés comme entre avocat et client à cause de la quantité de travail et de la difficulté et de l'importance de l'affaire. La Règle 344 prévoit que la Cour peut ordonner le paiement d'un montant global au lieu de taxer les dépens et qu'elle peut ordonner aussi, comme directive spéciale, de hausser ou de diminuer le tarif.
Arrêt: la requête est rejetée. L'article 35 de la Loi sur la Cour fédérale confère à la Cour compétence en matière d'inté- rêt à accorder, le cas échéant, contre la Couronne. Même si l'argumentation des demandeurs au sujet de l'article 35 était fondée, ils ne se heurteraient pas moins au principe de la common law canadienne selon lequel «on ne peut accorder de l'intérêt contre le trésor public à moins qu'une loi ou un contrat ne le prévoit». Le Lord Tenterden's Act n'est pas en vigueur au Canada en tant que loi fédérale. L'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne porte sur la responsabilité délictuelle, non sur une fiducie ou un manquement à celle-ci. Il régit la responsabilité délictuelle de la Couronne selon le droit de la responsabilité du gardien de la chose. Le paragraphe 61(2) de la Loi sur les Indiens parle de deniers réellement détenus au Fonds du revenu consolidé. Il n'a aucune application en l'espèce. En droit, une fiducie n'est pas un contrat. II n'existe aucune preuve, ni aucun argument de droit, justifiant de pré- tendre, comme le font les demandeurs, qu'un contrat tacite a découlé de la création de la fiducie. Quant à l'intérêt d'après- jugement, le seul pouvoir discrétionnaire que détient la Cour, c'est de modifier le temps pendant lequel l'intérêt d'après-juge- ment peut courir. Enfin, la longueur, la complexité et la difficulté de l'affaire ne suffisent pas à justifier une directive spéciale en matière de dépens.
Arrêts suivis: Smerchanski c. Le ministre du Revenu national [1979] 1 C.F. 801; R. c. Carroll [1948] R.C.S. 126. Arrêt appliqué: McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654. Arrêts mentionnés: Upper Canada College c. Smith (1921) 61 R.C.S. 413; Dixie c. Royal Columbian Hospital [1941] 2 D.L.R. 138; MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc., non publié, A-266-78, jugement daté du 29 mai 1981. Distinction faite avec l'arrêt: R. c. Nord-Deutsche Versi- cherungs-Gesellschaft [1971] R.C.S. 849.
REQUÊTE. AVOCATS:
M. R. V. Storrow, S. R. Schachter et J. Reynolds pour les demandeurs.
Ian Binnie, c.r., et Cindy Roth pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs supplémentaires du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Par les motifs du jugement en l'instance [page 385 précitée], j'avais donné aux demandeurs la directive de présenter une requête en jugement. La requête devait traiter de l'intérêt à accorder sur le montant des dommages reconnus et de toute autre question ou moyen qu'on aurait fait valoir relativement aux dépens.
La requête fut instruite le 4 août 1981.
Les demandeurs soutenaient qu'ils avaient droit à l'intérêt sur le montant des dommages accordés à compter, à tout le moins, du 22 janvier 1958, jusqu'au 12 juillet 1981. La première date est celle de la passation du bail du club de golf. Il s'agirait en fait de la date du manquement à la fiducie, date la bande indienne commença à subir le préju- dice en découlant. La seconde est celle du jour précédant celui du prononcement du dispositif. On a dénommé au cours du débat cette demande d'intérêt, l'intérêt d'avant-jugement. J'emploierai aussi ce terme.
Les demandeurs soutiennent aussi que le taux de 5%, pour l'intérêt postérieur au jugement, que prévoit la Loi sur l'intérêt', devrait être haussé au niveau des taux d'intérêt actuels.
Quant aux dépens, les demandeurs requièrent qu'il soit statué que les frais et débours recouvrés de la défenderesse soient taxés tout à fait comme entre avocat et client.
Les débats clos, j'ai rejeté les requêtes des demandeurs. J'ai cependant donné certaines direc tives au sujet de quelques points relativement mineurs, notamment à l'égard du tarif de frais applicable et de la taxation des frais de témoigna- ge des experts.
J'ai dit alors que je mettrais par écrit, élaborant quelque peu, les brefs motifs que j'avais donnés oralement. Voici ces motifs écrits.
' S.R.C. 1970, c. l-18, art. 13.
L'intérêt d'avant-jugement
L'article 35 de la Loi sur la Cour fédérale 2 dispose que:
35. Lorsqu'elle statue sur une demande contre la Couronne, la Cour n'accorde d'intérêt sur aucune somme qu'elle estime être due au demandeur, à moins qu'il n'existe un contrat stipulant le paiement d'un tel intérêt ou une loi prévoyant, en pareil cas, le paiement d'intérêt par la Couronne.
Les demandeurs soutiennent que la Loi sur la Cour fédérale et son article 35 ne sont entrés en vigueur que le lef juin 1971 et que, d'après la Loi sur la Cour de l'Échiquier', abrogée le 1" juin 1971, ils avaient, le 22 janvier 1958, un droit acquis à l'intérêt d'avant-jugement vu leur droit d'action pour manquement à une fiducie. L'article qui précéda l'article 35 (l'article 47 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier) limitait le pouvoir de la Cour de l'Échiquier d'accorder un intérêt contre la Couronne aux cas d'inexécution de contrat; mais les demandeurs, en l'espèce, avaient un droit acquis; l'article 35 portait sur le fond, non sur la procédure; il abrogeait un droit acquis. On ne pouvait donner à une loi de ce genre un effet rétroactif, à moins que cette intention ne soit manifeste dans la loi «modificatrice» elle-même.
Je ne reconnais pas cet argument fondé.
J'admets, comme la défenderesse, que l'article 35 de la Loi sur la Cour fédérale confère à la Cour une compétence matérielle en matière d'intérêt à accorder, le cas échéant, contre la Couronne. La jurisprudence qu'ont citée les demandeurs, par exemple les arrêts Upper Canada College c. Smith 4 et Dixie c. Royal Columbian Hospital 5 , ne s'applique pas.
Les demandeurs ont intenté leur action devant notre juridiction. Il est vrai qu'ils n'auraient pu choisir un autre for. Mais notre juridiction a une compétence liée. Sa compétence matérielle et sa compétence personnelle, de même que les recours auxquels elle peut faire droit, doivent être prévus par la législation fédérale en vigueur ou la common law fédérale 6 .
2 S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
3 S.R.C. 1970, c. E-11. (1921) 61 R.C.S. 413.
5 [1941] 2 D.L.R. 138.
6 McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654à la p. 658.
En l'espèce, la compétence matérielle de la Cour est expressément prévue, et limitée, par l'article 35.
Même si l'argumentation des demandeurs au sujet de l'article 35 était fondée, ils ne se heurte- raient pas moins au principe de la common law canadienne arrêté par la Cour suprême du Canada selon lequel:
[TRADUCTION] Il est bien réglé par la jurisprudence qu'on ne peut accorder de l'intérêt contre le trésor public à moins qu'une loi ou un contrat ne le prévoit 7 .
Les avocats des demandeurs ont prétendu qu'une telle règle n'existait pas; les arrêts de la Cour suprême du Canada étaient ou à mauvais droit ou pouvaient être différenciés.
Le principe qu'énonce la Cour suprême du Canada, qu'il soit fondé ou non, est clair. Comme juge de première instance, je me dois d'obéir aux arrêts de la Cour suprême.
Les demandeurs se sont particulièrement appuyés sur l'arrêt La Reine c. Nord-Deutsche Versicherungs-Gesellschaft 8 . On peut, à mon avis, différencier cette affaire compte tenu des faits en cause. On avait statué, vu les faits de cette espèce, que la Loi sur la responsabilité de la Couronne fournissait le fondement légal justifiant d'accorder l'intérêt contre la Couronne fédérale.
Les demandeurs ont alors soutenu devant moi que si l'article 35 de la Loi sur la Cour fédérale, ou l'arrêt de la Cour suprême, s'appliquaient, il existait alors des dispositions légales pertinentes autorisant d'accorder l'intérêt en l'espèce. Voici les lois invoquées: le Lord Tenterden's Act 9 , la Loi sur la responsabilité de la Couronne 10 , la Loi sur les Indiens".
7 Le Roi c. Carroll [1948] R.C.S. 126, le juge Taschereau à la p. 132, l'on cite une jurisprudence antérieure de la Cour suprême du Canada: Le Roi c. Roger Miller & Sons Ltd. [ 1930] R.C.S. 293, Hochelaga Shipping & Towing Co. Ltd. c. Le Roi [1944] R.C.S. 138, Le Roi c. Racette [1948] R.C.S. 28.
8 [19711 R.C.S. 849; jugement de première instance rapporté en [1969] 1 R.C.É. 117.
9 1833 (3 & 4 Wm. IV), c. 42, art. 28.
10 S.R.C. 1970, c. C-38.
11 S.R.C. 1970, c. I-6, par. 61(2).
Le Lord Tenterden's Act n'est pas en vigueur au Canada en tant que loi fédérale. Il ferait partie, a-t-on jugé, du droit de la Colombie-Britannique. Mais cela ne signifie pas qu'il peut en quelque sorte s'appliquer dans le cas d'une demande ou action qu'un justiciable de la Colombie-Britanni- que engage contre la Couronne fédérale.
Les demandeurs invoquent l'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne comme disposition légale servant de fondement à l'alloca- tion de l'intérêt. Le juge du fond en l'affaire Nord-Deutsche s'était appuyé sur ce paragraphe 3(1) et la Cour suprême du Canada a, pour ce qui est de l'intérêt, reconnu fondés ses motifs.
Voici ce paragraphe 3(1):
3. (1) La Couronne est responsable des dommages dont elle serait responsable, si elle était un particulier majeur et capable,
a) à l'égard d'un délit civil commis par un préposé de la Couronne, ou
b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la pro- priété, l'occupation, la possession ou la garde d'un bien.
L'avocat des demandeurs soutient que l'alinéa b) s'applique au cas des demandeurs; leur de- mande aurait été fondée sur un manquement à un devoir afférent à la propriété, à la possession ou à la garde de 162 acres de la réserve.
On ne peut, à mon avis, interpréter cet alinéa de la Loi de cette façon. Ce qui est en cause dans celui-ci, c'est un délit, non une fiducie, ou un manquement à celle-ci. Je conçois l'alinéa b) comme lié à la responsabilité délictuelle de la Couronne selon ce qu'on appelle communément le droit de la responsabilité du gardien de la chose.
Le fondement légal déterminant qui justifierait d'accorder l'intérêt se trouverait, dit-on, au para- graphe 61(2) de la Loi sur les Indiens:
61... .
(2) Les intérêts sur les deniers des Indiens détenus au Fonds du revenu consolidé doivent être alloués à un taux que fixe, de temps à autre, le gouverneur en conseil.
On a soutenu qu'il fallait [TRADUCTION] «pré- sumer que la Couronne avait emprunté le montant de l'indemnisation des demandeurs, de sorte qu'il s'agissait de `deniers des Indiens' détenus au Fonds du revenu consolidé».
Je n'accepte pas cette fiction qui autoriserait d'accorder l'intérêt en l'espèce. Le paragraphe
61(2) parle de deniers réellement détenus au Fonds du revenu consolidé. Il n'a, à mon avis, aucune application en l'espèce.
Les demandeurs ont alors soutenu que la fiducie dont j'ai judiciairement constaté l'existence serait, en quelque sorte, pour les fins de l'intérêt, devenue un contrat. Voici comment on présente l'argument: [TRADUCTION] «L'une des conditions du contrat, implicite de par l'opération de la loi, est que, si la Couronne devait manquer à son devoir de fidu- ciaire, causant par un préjudice aux bénéficiai- res, il lui faudrait les indemniser en leur versant un intérêt.» C'était la première fois que les deman- deurs faisaient valoir ou soutenaient qu'un contrat quelconque aurait résulté de l'acte de cession inter- venu entre la bande indienne et la Couronne.
Une fiducie n'est pas, en général, un contrat en droit et le manquement à une fiducie ne constitue pas, non plus, toujours en droit, un contrat. Il n'existe aucune preuve ni aucun argument de droit qui justifie de prétendre, comme le font les deman- deurs, qu'un contrat tacite de verser un intérêt découle de la création de la fiducie en l'espèce.
Ces divers moyens ne sont donc pas fondés. A mon avis, les demandeurs ne sont pas parvenus à démontrer, dans un cas comme dans l'autre, qu'il y avait lieu d'accorder un intérêt antérieurement au jugement.
L'intérêt d'après-jugement
Quant à l'intérêt d'après-jugement, il faut exa miner certaines dispositions légales particulières.
L'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale 12 dispose:
40. A moins qu'il n'en soit autrement ordonné par la Cour, un jugement, notamment un jugement contre la Couronne, porte intérêt à compter du moment le jugement est rendu au taux prescrit par l'article 3 de la Loi sur l'intérêt.
Les articles 3 et 13 de la Loi sur l'intérêt" disposent:
3. Sauf à l'égard des obligations qui existaient immédiate- ment avant le 7 juillet 1900, chaque fois que de l'intérêt est exigible par convention entre les parties ou en vertu de la loi, et qu'il n'est pas fixé de taux en vertu de cette convention ni par la loi, le taux de l'intérêt est de cinq pour cent par an.
12 Précitée.
13 S.R.C. 1970, c. I-18.
13. Toute somme due en vertu d'un jugement porte intérêt au taux de cinq pour cent par année, jusqu'à ce qu'elle soit payée.
Les demandeurs soutiennent que l'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale autorise la Cour à modifier le taux d'intérêt comme le prévoiraient les articles pertinents de la Loi sur l'intérêt. Je ne reconnais pas ce moyen fondé. L'article 40 ne peut, selon ce que j'en comprends, être interprété de cette façon. Le seul pouvoir discrétionnaire de la Cour, c'est celui de modifier le temps pendant lequel l'intérêt d'après-jugement peut courir. Il n'y a aucun pouvoir de modifier le taux.
Le jugement rendu en faveur des demandeurs en l'espèce portera donc intérêt au taux légal à comp- ter de la date de son prononcement: le 13 juillet 1981.
Les dépens
La règle générale de notre juridiction est que la partie qui triomphe a droit aux dépens. Normale- ment, il s'agit des frais judiciaires taxés entre parties conformément au tarif B.
La Règle 344(1) prévoit que la Cour peut ordonner le paiement d'un montant global au lieu de taxer les dépens.
La Règle 344(7) prévoit que la Cour peut donner des directives spéciales au sujet des dépens, y compris les directives que prévoit le tarif B.
L'article 3 du tarif B dispose:
3. 11 ne doit pas être accordé, par taxation, entre parties, d'autres sommes que celles indiquées ci-dessus; toutefois, tout ou partie des sommes indiquées ci-dessus peuvent être augmen- tées ou diminuées sur instructions données par la Cour dans le jugement relatif aux dépens ou en vertu de la Règle 344(7).
Les demandeurs ont sollicité une directive qui aurait dit de taxer les dépens de façon qu'ils soient entièrement remboursés de tous leurs honoraires d'avocats et autres débours. En d'autres mots, ils ont demandé une ordonnance de taxation de leurs dépens, aux frais de la défenderesse, tout à fait comme entre avocat et client.
On a fait valoir plusieurs facteurs pour justifier la hausse demandée des dépens en l'espèce. Je ne chercherai pas à les énumérer tous. On a parlé notamment de la quantité de travail abattue et de la difficulté et de l'importance de l'affaire.
Dans Smerchanski c. M.R.N. 14 , le juge en chef Jackett a dit ceci:
Finalement, j'estime que les documents à l'appui de la pré- sente requête n'apportent rien qui puisse donner raisonnable- ment ouverture à l'exercice par le juge du pouvoir discrétion- naire d'augmenter les honoraires au titre des services de solicitors et de conseils dans le cadre du présent appel. De telles instructions doivent s'appuyer sur des motifs pertinents et ne pas être arbitraires. On a seulement démontré en l'espèce que l'intimé avait reçu un compte de frais extrajudiciaires très élevé dans le cadre du présent appel. Ce fait aurait été pertinent si les frais avaient été adjugés sur la base procureur-client; il ne l'est généralement pas quand il s'agit de fixer les frais entre parties. Rien n'indique que le déroulement de l'appel justifiait une augmentation du tarif des frais entre parties. L'étude des Règles pertinentes ne révèle pas l'existence de quelque principe régissant la fixation des frais habituels entre parties. Toutefois, il semble clair, à mon sens, que les frais entre parties ne visent pas à indemniser intégralement la partie qui a gain de cause de ses frais extrajudiciaires. (Ce l'est à plus forte raison quand, comme en l'espèce, la partie qui a gain de cause a choisi de faire appel à un avocat qui exerce ailleurs qu'au lieu normal d'audition de l'appel.)
L'avocat de l'intimé a fait référence à quatre ou cinq déci- sions de la Division de première instance dans lesquelles le montant des dépens prévu au tarif B a apparemment été augmenté [TRADUCTION] aen raison surtout de l'importance du travail de préparation ...D. J'hésite à admettre que le travail de préparation à lui seul, ou doublé d'autres facteurs comme la difficulté ou l'importance d'une affaire, justifie l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge d'augmenter le montant des frais prévus au tarif B. Il est certain, selon moi, que ces frais sont si peu élevés par rapport aux sommes en litige dans la plupart des cas qu'ils ne dédommagent pas intégralement la partie qui a gain de cause des frais qu'elle a engagés dans le litige. (De fait, en l'espèce, on demande une augmentation qui n'indemniserait que très partiellement la partie qui a eu gain de cause de ses frais extrajudiciaires.) Si, ainsi que je le pense, les dépens entre parties en Cour fédérale ne sont pas destinés à indemniser intégralement la partie à laquelle ils seront versés, ils sont censés se limiter aux sommes tout à fait arbitraires prévues par les règles, sous réserve des modifications autorisées se fondant sur des facteurs relatifs au déroulement de la procédure dont il s'agit. A mon avis, le vague principe proposé par l'avocat de l'intimé obligerait très souvent la Cour à évaluer des facteurs impondérables ou impossibles à définir pour adju- ger une partie indéterminée des frais extrajudiciaires. A mon sens, cette façon de justifier l'exercice du pouvoir discrétion- naire prévu par le tarif B n'est pas acceptable; elle aurait, d'ailleurs pour effet de compliquer notre pratique sans raison.
Il faut citer aussi l'arrêt MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc. 15 dans
14 [1979] 1 C.F. 801 aux pp. 805 et 806.
15 Non publié, A-266-78, jugement daté du 29 mai 1981.
lequel la Cour d'appel fédérale a appliqué les principes de l'arrêt Smerchanski et a refusé de donner une directive haussant les dépens. Les affaires Smerchanski et Consolboard furent toutes deux, tant en première instance qu'en appel, lon- gues, compliquées et difficiles, comme fut la pré- sente espèce. Mais ces facteurs ne suffisent pas, je pense, à justifier une directive spéciale en matière de dépens. Sans doute les tarifs de la Cour fédé- rale, établis en 1971, sont, à cause de la hausse considérable de l'inflation et du coût de la vie durant les 10 dernières années, fort bas. Le remède consiste, à mon avis, à hausser les tarifs, non à permettre des hausses arbitraires dans chaque cas d'espèce afin de compenser les hausses inflation- nistes et économiques du passé.
Il y a lieu cependant de donner deux directives au sujet des dépens:
1. Tous les états de l'instance seront considérés comme des états de cause de classe III.
2. Les honoraires que les parties ont versés aux experts qui ont déposé seront taxés en tenant compte des dispositions de l'alinéa 4(2) du tarif A.
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