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A-709-80
Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (Appelant)
c.
Trane Company of Canada, Limited (Intimée)
Cour d'appel, les juges Urie et Le Dain et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 3 et 30 juin 1981.
Antidumping Appel d'une décision de la Commission du tarif allouant l'appel d'une détermination finale de dumping par le sous-ministre Constatation par le Tribunal antidum- ping d'un préjudice sensible causé par le dumping de moteurs à induction intégrale de horse-power Définition de la catégorie de marchandises en cause incluse dans l'exposé des motifs excluant les moteurs à châssis identifiés par deux chiffres de la détermination préliminaire de dumping Droit antidumping levé par le sous-ministre dans les cas de moteurs à châssis identifiés par deux chiffres Décision de la Com mission du tarif concluant, la détermination finale de dumping ne s'appliquant qu'aux marchandises décrites dans l'ordon- nance du Tribunal, à sa non-application aux moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres Recours, bien ou mal fondé, aux motifs du Tribunal pour interpréter la portée du dispositif Constatation ou non par le Tribunal d'un préjudice sensible dans le cas des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres Appel rejeté Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15, art. 3, 4, 17, 19, 20.
Appel d'une décision de la Commission du tarif ayant accueilli l'appel de la détermination définitive de dumping faite par le sous-ministre. Le sou's-ministre a fait une détermination préliminaire du dumping de moteurs à induction intégrale d'horse-power. Le Tribunal antidumping a conclu que le dum ping portait préjudice à la production au Canada de marchan- dises semblables. Dans l'exposé de ces motifs, le Tribunal a défini la catégorie de marchandises en cause et a conclu que la détermination préliminaire du dumping ne s'appliquait pas aux moteurs avec châssis à deux chiffres. Le sous-ministre a alors fait une détermination définitive de dumping et établi et imposé un droit antidumping à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. L'intimée a interjeté appel devant la Commission du tarif qui a conclu que la détermina- tion définitive de dumping et le droit antidumping ne s'appli- quaient pas aux moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. La Commission du tarif jugea que, comme la détermination finale de dumping s'appliquait aux marchandises que décrivait l'ordonnance du Tribunal, elle ne s'appliquait pas aux moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. L'appelant soutient que l'exposé des motifs ne fait pas partie de l'ordonnance ou des conclusions que le Tribunal est requis de rendre, et ne peut pas servir pour l'interprétation de cette conclusion. Il échet d'examiner si l'on peut se fonder sur les motifs de décision du Tribunal pour interpréter le champ d'application de ces conclusions et si le Tribunal a conclu à un préjudice sensible dans le cas des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres.
Arrêt: l'appel est rejeté. Il n'existe pas de principe clairement établi selon lequel on ne pourrait se référer aux motifs de la
décision pour en clarifier les termes du dispositif dont l'applica- tion précise n'est pas évidente. A la lecture du dossier de la cause, on ne sait pas trop si les mots «moteurs à induction intégrale ...o figurant dans la conclusion du Tribunal visent les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres tout autant que les moteurs à trois chiffres. Dans ces circons- tances, il est possible de se référer aux motifs prononcés par le Tribunal pour déterminer, si possible, l'application voulue par ce dernier. On est forcé de conclure des motifs de la décision du Tribunal que celui-ci n'entendait pas rendre une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, et qu'il ne l'a pas fait. Il ressort des motifs que, de l'avis du Tribunal, les mots «integral horse power» n'embrassent pas les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. Rien dans les motifs, pris dans leur ensemble, ne permet de dire qu'au moment il a pris sa conclusion de préjudice sensible, le Tribunal a oublié ou modi- fié l'interprétation qu'il avait exposée plus tôt.
Arrêts mentionnés: Mitsui and Co. Ltd. c. Buchanan [1972] C.F. 944; Dryden House Sales Ltd. c. Le Tribunal antidumping [1980] 1 C.F. 639; Thompson and Taylor c. Ross [1943] N.Z.L.R. 712; Re Bullen (N° 2) (1973) 29 D.L.R. (3e) 257. Arrêts analysés: The Quebec, Jacques- Cartier Electric Co. c. Le Roi (1915) 51 R.C.S. 594; La compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifique c. Blain (1905) 36 R.C.S. 159; Marginson c. Blackburn Borough Council [1939] 2 K.B. 426; Patchett c. Sterling Engineering Coy., Limited (1954) 71 R.P.C. 61, infirmé sub. nom. Sterling Engineering Co. Ld. c. Patchett [1955] A.C. 534; Gordon c. Gonda [1955] 2 All E.R. 762.
APPEL. AVOCATS:
E. R. Sojonky pour l'appelant.
A. de Lotbinière Panel, c.r., et G. A. Jameson pour l'intimée.
John M. Coyne, c.r., et Penny S. Bonner pour l'intervenante l'Association des manufactu- riers d'équipement électrique et électronique du Canada.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall, Ottawa, pour l'intimée.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour l'interve- nante l'Association des manufacturiers d'équi- pement électrique et électronique du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: La Cour est saisie d'un appel formé, conformément à l'article 20 de la Loi anti- dumping, S.R.C. 1970, c. A-15, de la décision de la Commission du tarif qui a accueilli l'appel interjeté, conformément à l'article 19 de la même Loi, de la détermination définitive de dumping faite par l'appelant, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, à l'égard de marchandises dont la description suit:
moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique, à l'exception:
1) des moteurs à phase unique;
2) des moteurs à pompe submersibles utilisés dans les puits de pétrole et d'eau;
3) des moteurs à arbre de scies mécaniques; et
4) des moteurs à induction intégrale utilisés comme pièces de remplacement dans
i) les pompes à absorption pour générateurs de froid fabriquées par The Trane Company,
ii) des refroidisseurs centravac fabriqués par The Trane Company, et
iii) des compresseurs semi -hermétiques et hermétiques fabriqués par The Trane Company,
La Commission du tarif a jugé que la détermi- nation définitive du dumping et le droit anti- dumping établi en conséquence conformément aux articles 3 et 4 de la Loi ne s'appliquaient pas aux moteurs à induction connus dans les milieux spé- cialisés sous le nom de «moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres». L'appelant sou- tient que la Commission a commis une erreur de droit. Le litige porte sur les motifs de la décision du Tribunal antidumping, qui se distinguent du dispositif de ses conclusions, ainsi que sur le rap port, vu dans le contexte de la Loi et en ce qui concerne la description des marchandises en cause, entre la détermination préliminaire du dumping faite par l'appelant, l'enquête effectuée par le Tri bunal et sa conclusion au préjudice sensible, et la détermination définitive du dumping.
Le 6 avril 1978, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a ordonné, conformément au paragraphe 13 (1) de la Loi, l'ouverture d'une enquête sur le dumping au Canada de «moteurs à induction intégrale d'un
horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, ... originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique». Le 10 octobre 1978, le sous-ministre a fait une détermination préliminaire du dumping, conformément à l'article 14 de la Loi, à l'égard de marchandises décrites comme des «moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusive- ment, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Améri- que». A la suite de cette décision, le Tribunal antidumping a procédé à une enquête conformé- ment au paragraphe 16(1) de la Loi, et le 9 janvier 1979, il a rendu les «Conclusions» suivantes:
Le Tribunal antidumping, après avoir procédé à une enquête en vertu des dispositions du paragraphe (1) de l'article 16 de la Loi antidumping, à la suite d'une détermination préliminaire de dumping faite par le sous-ministre du Revenu national, Doua- nes et Accise, datée du 10 octobre 1978 concernant le dumping au Canada des moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituelle- ment appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique, conclut, conformément au paragraphe (3) de l'ar- ticle 16 de la Loi, que le dumping des articles mentionnés plus haut, à l'exception:
1) des moteurs à phase unique;
2) des moteurs à pompe submersibles utilisés dans les puits de pétrole et d'eau;
3) des moteurs à arbre de scies mécaniques; et
4) des moteurs à induction intégrale utilisés comme pièces de remplacement dans
i) les pompes à absorption pour générateurs de froid fabriquées par The Trane Company,
ii) des refroidisseurs centravac fabriqués par The Trane Company, et
iii) des compresseurs semi -hermétiques et hermétiques fabriqués par The Trane Company,
a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.
Aux pages 5 et 6 de l'«Exposé des motifs» qui accompagne les «Conclusions» du Tribunal, figure l'analyse suivante de la signification des mots «integral horsepower», analyse à la suite de laquelle le Tribunal a conclu que la détermination préliminaire du dumping ne s'appliquait pas aux moteurs avec châssis à deux chiffres:
Dès le début de la procédure, des preuves ont été mises de l'avant au sujet de l'importance de l'expression «integral horse power» utilisée dans le texte anglais de la détermination préli- minaire du sous-ministre. Une des interprétations, fondée sur le
sens habituel du mot «intégral» et appuyée par l'EEMAC, voulait que la détermination préliminaire s'applique aux moteurs d'un horse-power et plus. L'addition de ces mots pour communiquer ce sens serait inutile, toutefois, puisque, dans la suite du texte, il est précisé que les moteurs en question sont «d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement».
C'est pourquoi le Tribunal a cherché une interprétation qui, en évitant une telle répétition, représenterait un apport positif et pertinent à la définition de la catégorie des marchandises en question. Il n'a pas eu besoin de faire de grandes recherches, puisqu'il existe de nombreuses preuves montrant que les expres sions «intégral» et «fractionnaire» sont très répandues au sein de l'industrie pour établir des distinctions entre diverses catégories de moteurs à induction en fonction d'autres facteurs que le nombre exact de horse-power.
Les normes techniques de l'industrie, en Amérique du Nord, sont établies principalement par la NEMA (National Electrical Manufacturers Association) association américaine dont les normes, à quelques exceptions près, sont adoptées par l'EEMAC. NEMA a publié des définitions officielles des moteurs à induction qui ont été acceptées par l'EEMAC et qui se traduisent dans les listes de prix et les textes publicitaires de certains membres de l'EEMAC, l'on utilise les expressions «intégral» et «fractionnaire» pour identifier la taille des châssis. En vertu de ces définitions, les moteurs dits «integral horsepo wer» ont des châssis qui sont identifiés par des numéros à trois chiffres alors que les moteurs dits «fractional horsepower» sont dotés de numéros à deux chiffres. Il se peut que, à un moment donné, les châssis à trois chiffres aient servi uniquement dans le cas des moteurs à un horse-power et plus alors que les cadres comportant des numéros à deux chiffres servaient uniquement aux moteurs de moins d'un horse-power; cela expliquerait l'origine de l'usage actuel. Mais, s'il en a été le cas dans le passé, ce n'est certainement plus le cas aujourd'hui; effective- ment, les moteurs «fractional horsepower» (logés dans des châs- sis à deux chiffres) peuvent posséder une puissance théorique atteignant cinq horse-power alors que les moteurs «integral horsepower» (dont les châssis ont des numéros à trois chiffres) peuvent avoir une puissance théorique de moins d'un horse-power.
Cela étant, le Tribunal est convaincu que la détermination préliminaire de dumping s'applique aux moteurs à induction d'une puissance théorique s'étendant d'un à deux cents horse power et logés dans des châssis à trois chiffres. Elle ne s'appli- que pas aux moteurs dont les châssis sont à deux chiffres (moteurs «fractional horsepower»), même si la puissance théori- que de ceux-ci est d'un à deux cents horsepower, ni aux moteurs logés dans des châssis à trois chiffres (moteurs «integral horse power») dont la puissance théorique est inférieure à un horse power. En outre, il va de soi que sont exclus nommément les «moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P ou moteurs à plateaux verticaux en P».
A la suite de la décision du Tribunal, le Minis- tère a envoyé des questionnaires aux importateurs, dont l'intimée, afin de permettre à l'appelant de faire la détermination définitive du dumping prévue par le paragraphe 17(1) de la Loi, que voici:
17. (1) Sous réserve des dispositions du paragraphe (1.1), le sous-ministre, sur réception d'une ordonnance ou de conclusions du Tribunal, fait une détermination définitive du dumping dans le cas de toutes marchandises, décrites dans ladite ordonnance ou dans lesdites conclusions, qui étaient entrées au Canada avant que le Tribunal n'ait rendu l'ordonnance ou pris les conclusions,
a) en décidant si les marchandises sont des marchandises décrites dans l'ordonnance ou les conclusions du Tribunal, et
b) en évaluant la valeur normale et le prix normal à l'expor- tation des marchandises,
et, sous réserve du paragraphe 18(4) et du paragraphe 19(1), cette décision est définitive et péremptoire.
Ce questionnaire, joint à une lettre en date du 24 janvier 1979, précise en-dessous de la descrip tion des marchandises visées par les «Conclusions» du Tribunal antidumping:
[TRADUCTION] Cette définition ne s'applique pas aux moteurs avec châssis identifiés par deux chiffres (moteurs «fractional horsepower»), même si leur puissance varie d'un horse-power à deux cents horse-power, ou aux moteurs à châssis identifiés par trois chiffres (moteurs «integral horsepower») dont la puissance est inférieure à un horse-power.
Le 23 février 1979, le Ministère a écrit aux importateurs en ces termes:
[TRADUCTION] Comme suite à notre lettre et au questionnaire joint sur les moteurs à induction intégrale, nous vous informons que les moteurs triphasés à châssis identifiés par deux chiffres sont maintenant considérés comme relevant de cette enquête et sont donc assujettis à la détermination définitive.
Dans une lettre en date du 13 mars 1979 à l'intimée, le Ministère explique sa position comme
suit:
[TRADUCTION] Cette lettre fait suite à notre conversation téléphonique du 7 mars 1979, au cours de laquelle nous avons discuté de l'interprétation faite par ce Ministère de la conclu sion au préjudice, faite le 9 janvier 1979 par le Tribunal antidumping, en ce qui concerne les moteurs triphasés à induc tion intégrale de un à deux cents horse-power, avec châssis identifiés par deux chiffres.
Après étude attentive des observations faites pour le compte de la plaignante et de certains importateurs, et après étude des conséquences de droit, le Ministère conclut que les Conclusions s'appliquent à tous les moteurs à induction de un à deux cents horse-power, peu importe la dimension de leur châssis.
Cette opinion est fondée sur le paragraphe 16(3) de la Loi antidumping qui n'habilite le Tribunal à rendre une ordonnance ou conclusion qu'à l'égard des marchandises faisant l'objet de la détermination préliminaire, et non pas à l'égard de marchan- dises qui, à son avis, font l'objet de cette détermination prélimi- naire. Cependant, sa conclusion ne s'applique pas nécessaire- ment à toutes ces marchandises; il peut ne pas conclure au préjudice à l'égard de toutes ces marchandises.
L'enquête qui a fait ressortir l'existence d'un dumping de moteurs à induction intégrale et qui a motivé par la suite la
détermination préliminaire de dumping portait sur tous les moteurs à induction de un à deux cents horse-power, peu importe la dimension de leur châssis.
Par ailleurs, le Tribunal n'a pas expressément exclu de ses Conclusions les moteurs à induction triphasés de un à deux cents (1 à 200) horse-power, contrairement aux moteurs mono- phasés, aux moteurs à pompe submersibles, aux moteurs à arbre de scies mécaniques et aux moteurs à induction intégrale servant de pièces de rechange pour le matériel de conditionne- ment d'air de Trane. En conséquence, le Ministère conclut que ces moteurs ne sont pas expressément exclus du champ d'appli- cation des Conclusions et, partant, qu'ils sont soumis aux dispositions de la Loi antidumping.
Le 20 juin 1979, l'appelant fit une détermina- tion définitive de dumping, dont avis fut publié le 3 juillet 1979. Un avis modifié fut émis le 10 juillet 1979 pour rectifier une erreur matérielle dans la description des marchandises en cause. Dans la détermination définitive de dumping, telle qu'elle a été modifiée, la description de ces marchandises, reproduite au début des présents motifs, est identi- que à celle qui figure dans les «Conclusions» du Tribunal antidumping. A la suite de cette détermi- nation définitive de dumping, l'appelant a établi et imposé un droit antidumping à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chif- fres. L'intimée a interjeté appel devant la Commis sion du tarif, conformément aux paragraphes (1) et (3) de l'article 19 de la Loi, que voici:
19. (1) Une personne, qui s'estime lésée par une décision du sous-ministre, rendue en conformité du paragraphe 17(1) ou du paragraphe 18(4), relativement à des marchandises, peut appe- ler de cette décision à la Commission du tarif, en produisant un avis d'appel par écrit au sous-ministre et au secrétaire de la Commission du tarif, dans les 60 jours suivant la date à laquelle la décision a été rendue.
(3) Sur un appel en vertu du paragraphe (1), la Commission du tarif peut rendre une ordonnance ou prendre des conclusions que peut exiger la nature de l'affaire et, sans limiter la portée générale de ce qui précède, elle peut déclarer quel droit est payable ou qu'aucun droit n'est payable, sur les marchandises auxquelles a trait l'appel, et une ordonnance, des conclusions ou une déclaration de la Commission du tarif sont définitives et péremptoires sous réserve d'un nouvel appel tel que prévu à l'article 20.
Il ressort des témoignages rendus à l'audition tenue par la Commission du tarif que l'enquête effectuée par l'appelant embrassait les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, que l'intimée avait importé un grand nombre de ces moteurs dans l'intervalle, et qu'elle avait payé le droit temporaire établi à l'égard de ces moteurs, quoique sous réserve d'une demande de rembourse- ment.
La conclusion de la Commission du tarif selon laquelle la détermination définitive de dumping et le droit antidumping établi ne s'appliquaient pas aux moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, ainsi que le raisonnement qui a motivé cette conclusion, se retrouve dans les passa ges suivants de la décision en date du 22 août 1980 de la Commission:
Le Tribunal Antidumping, tel qu'il l'indique dans ses motifs, a accepté les définitions de l'industrie électrique à l'égard des moteurs à induction et a conclu que la détermination prélimi- naire de dumping s'appliquait aux moteurs dont le châssis est identifié par trois chiffres mais non à ceux identifiés par deux chiffres. L'article 16(3) de la Loi antidumping prévoit que, en plus de faire une déclaration ou de rendre une conclusion, le Tribunal «doit déclarer à quelles marchandises ou à quelle sorte de marchandises, y compris, dans les cas cela s'applique, à quel fournisseur et à quel pays d'exportation l'ordonnance ou les conclusions s'appliquent». Que le Tribunal ait fait erreur ou non en appliquant la désignation de l'industrie plutôt que de demander à l'intimé une description plus précise des marchan- dises, tel que le suggère l'avocat de l'intervenante, ne relève pas de la Commission. Ce qui importe dans ce cas-ci est le fait que le Tribunal ait décidé de viser dans son enquête et dans sa conclusion uniquement les moteurs dont la dimension du châs- sis est identifiée par trois chiffres. Comme la détermination finale du dumping s'applique aux marchandises décrites dans l'ordonnance ou la conclusion du Tribunal, elle ne peut donc s'appliquer aux moteurs dont la dimension est identifiée par deux chiffres.
La Commission déclare donc que le droit antidumping, perçu en conformité avec la détermination finale de dumping de l'intimé du 20 juin 1979, s'applique aux moteurs à induction à horsepower intégraux ayant un châssis identifié par des numé- ros à trois chiffres qui ont été importés au Canada par l'appe- lante entre le 10 octobre 1978 et le 9 janvier 1979; et que le droit antidumping ne s'applique pas aux moteurs à induction ayant des châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, importés par l'appelante au cours de la même période.
Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise interjette appel de cette déci- sion en application de l'article 20 de la Loi, qui porte:
20. (1) Toute partie à un appel en vertu de l'article 19, c'est-à-dire
a) la personne qui a interjeté appel,
b) le sous-ministre, ou
c) toute personne ayant produit un acte de comparution en conformité du paragraphe 19(2), si elle a un intérêt impor tant dans l'appel et si elle a obtenu l'autorisation de la Cour ou d'un juge de la Cour,
peut, dans les 60 jours à compter de la date une ordonnance est rendue ou des conclusions sont prises en vertu du paragra- phe 19(3), interjeter appel de cette ordonnance ou de ces conclusions, à la Cour fédérale du Canada, sur une question de droit.
(2) La Cour fédérale du Canada peut trancher un appel en rendant l'ordonnance ou en prenant les conclusions que peut exiger la nature de l'affaire, et, sans limiter la portée générale de ce qui précède, elle peut
a) déclarer quel droit est payable ou déclarer qu'aucun droit n'est payable sur les marchandises auxquelles a trait l'appel à la Commission du tarif; ou
b) renvoyer l'affaire à la Commission du tarif pour une nouvelle audition.
(3) Les dispositions de l'article 48 de la Loi sur les douanes s'appliquent mutatis mutandis à un appel interjeté en vertu du présent article comme si cet appel était interjeté en vertu de l'article 48 de ladite loi.
L'appelant est soutenu par l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électro- nique du Canada (l'AMEEEC), qui représente les fabricants de moteurs à induction dans ce pays. C'est cette Association qui a provoqué l'enquête de l'appelant au moyen de sa plainte, qui a participé à l'enquête du Tribunal antidumping (et qui est mentionnée dans les motifs rapportés ci-dessus du Tribunal sous les lettres «EEMAC»), qui a com- paru à titre d'intervenante à l'audition de l'appel devant la Commission du tarif, et qui, en vertu de cette comparution et des dispositions du paragra- phe 48(5) de la Loi sur les douanes rappelé au paragraphe 20(3) de la Loi antidumping, est une partie au présent appel.
Il échet d'examiner, dans le présent appel, si le Tribunal antidumping a fait une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. S'il ne l'avait pas fait, il ne pourrait y avoir lieu à déter- mination définitive du dumping ni à l'établisse- ment d'un droit antidumping à l'égard de ces moteurs. Pour ce faire, cependant, il échet d'exa- miner si l'on peut se fonder sur les motifs de décision du Tribunal pour interpréter le champ d'application de sa conclusion, et dans l'affirma- tive, si l'on doit conclure inévitablement de ces motifs que le Tribunal n'a pas pris une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châs- sis identifiés par des numéros à deux chiffres.
Il ressort du paragraphe 17(1) de la Loi, repro- duit plus haut, qu'on ne peut faire une détermina- tion définitive de dumping qu'à l'égard de mar- chandises décrites dans une conclusion de préjudice sensible du Tribunal, et des articles 3, 4 et 5 de la Loi qu'un droit antidumping ne peut être perçu qu'à l'égard des marchandises faisant l'objet de cette conclusion du Tribunal. Il suffit de citer
l'article 4, qui s'applique au droit imposé à l'égard de marchandises pour lesquelles un droit tempo- raire a été payé:
4. II est levé, perçu et payé sur toutes les marchandises sous-évaluées entrées au Canada
a) pour lesquelles le Tribunal a rendu une ordonnance ou pris des conclusions, après l'entrée des marchandises, portant que le dumping des marchandises ou de marchandises de la même sorte,
(i) a causé un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables, ou
(ii) eût causé un préjudice sensible à une telle production n'eût été le fait qu'un droit temporaire était appliqué pour les marchandises, et
b) qui étaient entrées temporairement au Canada pendant la période commençant le jour le sous-ministre a fait une détermination préliminaire du dumping pour les marchandi- ses ou pour des marchandises de la même sorte et se termi- nant le jour l'ordonnance ou les conclusions visées à l'alinéa a) ont été prises par le Tribunal,
un droit antidumping d'un montant égal à la marge de dumping des marchandises entrées mais n'excédant pas le droit tempo- raire, s'il en est, payable pour ces marchandises.
L'appelant soutient, avec l'appui des avocats de l'AMEEEC, que les marchandises à l'égard des- quelles le Tribunal a pris une conclusion de préju- dice sensible sont celles qui ressortent du dispositif des «Conclusions» et non pas de l'«Exposé des motifs», lequel, de l'avis de ces avocats, ne fait pas partie de l'ordonnance ou des conclusions que le Tribunal est requis par le paragraphe 16(3) de rendre, et ne peut pas servir pour l'interprétation de cette conclusion. A titre subsidiaire, les avocats de l'appelant et de l'AMEEEC soutiennent qu'on ne doit pas nécessairement conclure des motifs du Tribunal, pris comme un tout, que celui-ci n'a pas fait une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres.
Dans leur argumentation, les avocats de l'appe- lant et de l'AMEEEC soutiennent avec force qu'il appartient au sous-ministre de déterminer la caté- gorie de marchandises à laquelle s'appliqueraient l'enquête, la détermination préliminaire du dum ping et l'enquête du Tribunal, et que dans la mesure le Tribunal entend dans ses motifs déterminer ou définir la catégorie des marchandi- ses à laquelle s'applique son enquête, il aura excédé sa compétence. Ils concluent qu'il faut ignorer l'avis émis par le Tribunal dans ses motifs quant aux moteurs auxquels s'appliquait la déter- mination préliminaire du dumping, ou, à titre sub-
sidiaire, il faut présumer qu'en procédant à son enquête et en prenant sa conclusion de préjudice sensible, le Tribunal n'a pas excédé sa compétence en excluant les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, pareille exclusion n'étant même pas justifiée par une clarification de l'affaire par le sous-ministre.
Il est indéniable qu'en application des articles 13 et 14 de la Loi, il appartient au sous-ministre de déterminer la catégorie de marchandises à laquelle devraient s'appliquer une enquête et une détermi- nation préliminaire de dumping, et cette règle a été confirmée par plusieurs précédents: Mitsui and Co. Ltd. c. Buchanan [1972] C.F. 944; Dryden House Sales Ltd. c. Le Tribunal antidumping [1980] 1 C.F. 639. Il ressort également du para- graphe 16(1) que le Tribunal est requis de procé- der à une enquête sur les marchandises faisant l'objet de la détermination préliminaire de dum ping. Dans son enquête, le Tribunal est tenu de s'assurer de la catégorie de marchandises visées par la détermination préliminaire de dumping, mais, selon les avocats de l'appelant et de l'AMEEEC, s'il y a incertitude ou ambiguïté quant à la question de savoir quelles marchandises sont visées, elle doit être résolue à titre de question de fait, et non d'interprétation, par une demande d'éclaircissements au sous-ministre qui est seul habilité à déterminer la catégorie de marchandises faisant l'objet de la détermination préliminaire de dumping.
Ces avocats n'ont pu citer aucun précédent, moi-même je n'ai pu en trouver aucun, pour ce qui est de la question de savoir si l'on peut se fonder sur les motifs prononcés par un tribunal adminis- tratif pour interpréter le dispositif de sa décision ou ordonnance. Je ne sais pas trop dans quelle mesure les principes qui régissent l'interprétation des jugements ou des ordonnances judiciaires devraient s'appliquer, à titre de référence, à une décision administrative, en particulier dans un cas comme en l'espèce, elle prend la forme d'une conclusion sur les faits, formulée dans un jargon technique ou professionnel.
Le seul précédent portant sur les jugements des tribunaux judiciaires et se rapportant tant soit peu à l'affaire en instance, qu'aient pu citer ces avo-
cats, est l'arrêt The Quebec, Jacques-Cartier Electric Company c. Le Roi (1915) 51 R.C.S. 594, dans lequel la majorité de la Cour a jugé qu'à l'égard des dépens, le greffier devait se conformer aux instructions données dans les motifs prononcés par le juge de première instance pour interpréter l'allocation des dépens dans le dispositif de son jugement. Dans le jugement dissident, le juge Duff (tel était alors son titre) a conclu de son côté que le greffier était tenu de se conformer aux termes mêmes du dispositif du jugement. Je note que dans un arrêt antérieur de la Cour suprême, savoir La compagnie du chemin de fer Canadien du Pacifi- que c. Blain (1905) 36 R.C.S. 159, il y a égale- ment une divergence d'opinions sur la question de savoir si le dispositif du jugement de la Cour doit être interprété à la lumière de l'avis sur lequel il est fondé. Le juge en chef Taschereau a conclu dans ce sens, bien qu'il ait fait également état du pouvoir de la Cour de rectifier son ordonnance en harmonie avec son opinion. Le juge Girouard a tiré une conclusion opposée aux pages 166 et 167: [TRADUCTION] «Les motifs du jugement ne sont que des opinions, lesquelles peuvent être considé- rées comme faisant partie du jugement dans la mesure elles font ressortir les motifs sur les- quels ce jugement est bâti, mais elles ne peuvent modifier le texte ou le dispositif du jugement lui-même.»
La question de l'interprétation du dispositif du jugement ou de l'ordonnance par référence aux motifs prononcés par la Cour a été considérée au sujet de l'autorité de la chose jugée. On note également une divergence d'opinions à ce propos. Voir Spencer Bower et Turner, The Doctrine of Res Judicata, 2e éd., 1969, pages 183 187, et la jurisprudence qui y est citée. Dans Marginson c. Blackburn Borough Council [1939] 2 K.B. 426, la Cour d'appel a conclu que, pour se prononcer sur une exception de la chose jugée, la Cour était fondée à se référer aux motifs du jugement, et cette conclusion a été suivie par d'autres juridic- tions: voir Thompson and Taylor c. Ross [1943] N.Z.L.R. 712; Re Bullen (No 2) (1973) 29 D.L.R. (3e) 257. Dans Patchett c. Sterling Engineering Coy., Limited (1954) 71 R.P.C. 61 (infirmé par d'autres motifs sous l'intitulé de cause Sterling Engineering Co. Ld. c. Patchett [1955] A.C. 534), la Cour d'appel s'est référée aux motifs du juge- ment pour se prononcer sur une exception de la
chose jugée dans une cause reconnue comme inha- bituelle, mais, ce faisant, le lord juge Jenkins a posé ce principe général à la page 73: [TRADUC- TION] «Il est de règle, à notre avis, qu'en appli- quant le principe de l'autorité de la chose jugée, on ne peut se référer aux motifs prononcés par le juge à seule fin d'exclure du champ d'application du dispositif de son ordonnance, quelque chose qui y est inclus selon les questions litigieuses soulevées dans les plaidoiries et selon les termes de l'ordon- nance elle-même: (cf. In re Bank of Hindustan, China and Japan, Alison's case (1873) L.R., 9 Ch. 1, à la p. 26).» Cet énoncé de principe est adopté à titre de règle de droit dans Halsbury's Laws of England, 4e éd., vol. 16, par. 1527, page 1027. Dans la note 6 figurant sur la même page, l'arrêt Gordon c. Gonda [1955] 2 All E.R. 762, de la Cour d'appel est cité à l'appui de la règle suivante: [TRADUCTION] «Si le jugement contient une énon- ciation sans équivoque, on ne saurait tenir compte des plaidoiries faites dans cette action ou de l'his- torique de la cause afin de donner un autre sens à cette énonciation.»
Eu égard à ce magistère, il n'existe pas, à mon avis, un principe clairement établi selon lequel on ne peut se référer aux motifs de la décision pour clarifier les termes du dispositif de la même déci- sion dont l'application précise n'est pas évidente. A la lecture du dossier de la cause, on ne sait pas trop si les mots «moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement» figurant dans la conclusion du Tribunal visent les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres tout autant que les moteurs à trois chiffres. Dans ces circonstances, il est possible de se référer aux motifs prononcés par le Tribunal pour déterminer, si possible, l'applica- tion voulue par ce dernier. Que le Tribunal ait ou non compétence pour déterminer le champ d'appli- cation de son enquête en définissant la catégorie de marchandises décrites dans la détermination préli- minaire de dumping, cette question n'est pas, à mon avis, celle qui nous intéresse dans cet appel. Le litige porte en fait sur la question de savoir si oui ou non, le Tribunal a pris une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. Si le Tribunal avait commis une erreur en excluant ces moteurs de son enquête et de sa conclusion, cette erreur pourrait affecter la validité de sa décision,
mais cela n'aurait pas pour effet de créer une conclusion de préjudice sensible, qui est la condi tion essentielle d'une détermination définitive de dumping et d'une imposition du droit antidumping à l'égard de ces moteurs.
J'estime qu'on est forcé de conclure du dernier paragraphe cité plus haut des motifs de la décision du Tribunal que celui-ci n'entendait pas rendre une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, et il ne l'a pas fait. Il ressort de ce paragraphe que de l'avis du Tribunal, les mots «integral horsepower» n'embrassent pas les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. Le fait que le Tribunal entendait exclure par définition ces moteurs de la catégorie des marchandises décrites dans la détermination préliminaire de dumping, est encore mis en relief par la référence, dans la dernière phrase de ce paragraphe, à l'exclusion expresse des moteurs à base verticale en P ou moteurs à plateaux verti- caux en P. Ayant adopté et clairement exprimé cette interprétation des mots «integral horsepower» dans la description des marchandises en cause, le Tribunal se serait contredit lui-même s'il venait par la suite à exclure expressément les moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres de sa description de ces marchandises. Je ne vois rien, dans les motifs pris dans leur ensemble, qui permette de dire qu'au moment il a pris sa conclusion de préjudice sensible, le Tribunal a oublié ou modifier l'interprétation qu'il avait expo sée plus tôt. Je ne vois, par exemple, rien de tel dans les références aux moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres, références qui figurent dans la récapitulation des arguments des avocats des importateurs, aux pages 8 et 9 des motifs.
Par ces motifs, je conclus que la Commission du tarif n'a pas commis une erreur de droit et qu'en conséquence, l'appel doit être rejeté.
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LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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