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T-589-80
Gestion Michel Senecal Inc., Michel Senecal (Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Decary— Montréal, 21 décembre 1980; Ottawa, 29 juin 1981.
Couronne Contrats La défenderesse a mis fin au contrat de louage de service personnel qui la liait au deman- deur Michel Senécal avant la date d'expiration du contrat et après la date limite prévue pour donner l'avis de non-renou- vellement Le contrat était sujet aux Conditions générales DSS 1026 et aux Conditions générales supplémentaires DSS 1036 même si elles n'étaient pas jointes au contrat Le contrat stipulait que les deux parties pouvaient résilier le contrat par accord mutuel sur présentation d'un préavis écrit de 90 jours Il échet d'examiner si les clauses du contrat l'emportent sur les Conditions générales Action accueillie.
ACTION. AVOCATS:
Paul Leduc pour les demandeurs.
Jean-Claude Ruelland, c.r., pour la défende- resse.
PROCUREURS:
Trudeau, Leduc, Duranceau & Lavoie, Laval, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DECARY: Il s'agit de déterminer si les demandeurs sont fondés de réclamer contre la défenderesse un montant de $46,998.40 qui serait à la suite de la résiliation unilatérale d'un contrat entre les parties.
C'est le 16 février 1979 qu'il y eut un contrat signé entre les parties à l'effet que le demandeur, Michel Senécal, agirait comme «directeur des pro grammes pour le Canada français» à l'occasion de la fête du Canada de 1979. Les honoraires sont de $45,000 payables au taux de $3,750 par mois pour la période du ler décembre 1978 au 30 novembre 1979. La résiliation, par télégramme du 18 sep-
tembre 1979, prenait effet le 14 octobre 1979. Le 18 septembre 1979, date de l'avis de résiliation, le contrat était déjà renouvelé pour une deuxième période jusqu'au 30 novembre 1980.
En effet, l'article 2 du contrat signé se lit comme suit:
2. DURES DU CONTRAT
Le contrat porte sur la période du ler décembre 1978 au 30 novembre 1979, avec option de renouvellement pour la célébra- tion de la fête nationale de 1980. Si l'une ou l'autre partie ne désire pas exercer cette option, elle doit le faire savoir par écrit avant le 31 mai 1979.
L'article 8 du contrat signé stipule:
8. CONDITIONS GENERALES
Il est entendu et convenu que tout contrat fondé sur les prix indiqués dans le présent document est sujet aux Conditions générales DSS 1036 (copies ci-jointes). Ces Conditions font partie intégrante de tout contrat passé par le ministère des Approvisionnements et Services, dans la mesure elles s'appli- quent au type de services dont il est question dans le présent document.
A l'article 15 du contrat l'on note:
15. RESILIATION
Il est entendu et convenu que les deux parties peuvent résilier le présent contrat par accord mutuel sur présentation d'un préavis écrit de 90 jours avant la date d'expiration.
Le demandeur Michel Senécal a signé le contrat le 16 février 1979 alors que les Conditions généra- les DSS 1026 et les Conditions générales supplé- mentaires DSS 1036, qui sont imprimées et aux- quelles l'on réfère à l'article 8 du contrat, n'avaient pas été jointes à la partie dactylographiée du con- trat. Quelle que soit la pertinence de ce fait, il demeure que le demandeur Michel Senécal n'avait donc pas connaissance des dispositions des Condi tions générales lorsqu'il a signé le contrat le 16 février 1979, mais il avait connaissance de l'exis- tence de conditions décrites comme «générales» par la défenderesse elle-même. Quant à cette partie du contrat dont il ignorait le contenu, cela tient de la nature d'un contrat d'adhésion.
L'avocat de la Couronne a insisté sur le fait que l'article 15 prévoyant une résiliation par consente- ment mutuel était une clause inutile et que c'était l'article 26(1) des Conditions générales qui régis- sait le mode de résiliation.
Il est bien évident que les parties à tout contrat peuvent, par consentement, y mettre fin et je par-
tagerais son avis en autant que les parties aient consenti à une résiliation et à son mode.
Les dispositions de l'article 15 cependant recon- naissent à mon avis deux droits aux demandeurs ou à la défenderesse lorsqu'il y a demande de résiliation: d'abord le droit de refuser la résiliation et il n'y a pas résiliation en tel cas et, ensuite, s'il y a consentement, le droit au délai de quatre-vingt- dix jours à moins qu'on ait renoncé à ce délai. Une partie ne peut être obligée d'accepter la résiliation ni un terme plus court que quatre-vingt-dix jours.
C'est mon opinion bien arrêtée que dans l'affaire présente, ces dispositions de l'article 15 n'ont pas été inscrites au contrat pour qu'elles soient sans effet quant au mode de résiliation en y dérogeant par des dispositions générales comme celles de l'article 26(1) des Conditions générales:
26. Résiliation
(1) Nonobstant toute disposition du contrat, le Ministre peut, au moyen d'un avis appelé quelquefois ci-après «avis de résilia- tion» donné à l'Entrepreneur, mettre fin au contrat à l'égard de l'ensemble ou de quelque partie ou parties de l'ouvrage restant à exécuter. Dès qu'un avis de résiliation est donné, l'Entrepre- neur doit cesser le travail (y compris la fabrication et l'acquisi- tion de matériaux destinés à l'exécution du contrat) selon les termes de l'avis et dans la mesure y spécifiée. Le Ministre peut, en tout temps ou à l'occasion, donner un ou plusieurs autres avis de résiliation à l'égard de l'une quelconque ou de la totalité des parties de l'ouvrage non résilié(s) par avis antérieur(s).
A mon avis, c'est précisément parce qu'on a voulu déroger à ces dispositions de l'article 26(1) des Conditions générales que l'article 15 a prévu le terme de 90 jours après le consentement mutuel à la résiliation. S'il n'y avait pas eu cet article 15, les dispositions de l'article 26(1) des Conditions géné- rales, à cause de la stipulation de l'article 8 du contrat, auraient été effectives quant à la discré- tion donnée à la défenderesse, non seulement quant à la nature de la résiliation mais également au terme la résiliation devenait effective.
Par l'article 15, la résiliation n'est pas effective à la volonté de la défenderesse comme à l'article 26 des Conditions générales, mais seulement après un délai ou terme de 90 jours, à moins qu'il n'y ait renonciation à ce droit du terme de 90 jours pour que la résiliation ait son effet.
Dans le cas présent, il n'y a pas eu consentement à la résiliation et les dispositions de l'article 15 sont la loi des parties. Il serait autocratique de la
part de la défenderesse, et il est impossible de croire que tel est le cas, qu'un changement de régime soit réputé être consentement de la part des demandeurs.
L'expression «dans la mesure où» à l'article 8 du contrat est définie dans Le petit Robert, diction- naire français, comme «dans la proportion de, où; pour autant que», ce qui, à mon avis, implique que la portée de l'article 26 des Conditions générales ne peut toucher un contrat de services il a été prévu un mode de résiliation qui n'est pas laissé à l'entière discrétion de la défenderesse. Le mode prévu à l'article 15 suppose l'annulation de la discrétion illimitée prévue aux Conditions généra- les, autrement il n'y a aucune raison pour sa présence au contrat.
De plus, l'article 26(1) des Conditions générales est une clause d'adhésion stipulée en faveur de la défenderesse vu l'entière discrétion, tandis que l'article 15 est une clause accordant à chaque partie le droit à un préavis de 90 jours.
Si l'on examine les circonstances entourant cette entente, l'on voit d'abord que l'article 8 est dacty- lographié, c'est-à-dire adapté spécifiquement à l'objet du contrat, et ensuite qu'à la signature, les Conditions générales, même si on y réfère comme faisant partie du contrat, sont des dispositions qui n'ont pas un objet défini comme la partie dactylo- graphiée du contrat, mais un objet qui peut être celui de n'importe quel contrat.
D'ailleurs, il faut donner un sens à la limite d'application des Conditions générales prévues à l'article 8: «dans la mesure elles s'appliquent au type de services dont il est question dans le présent document». A mon avis, les Conditions générales, considérant la nature des services et leur objet, services personnels par le truchement d'une com- pagnie à l'occasion de la fête du Canada, ne sont pas d'une application raisonnable comparée à celle des conditions de l'article 15 de la partie dactylo- graphiée du contrat. Les conditions de l'article 15 du contrat sont raisonnables dans le cas de services personnels, comme dans l'affaire présente, mais ne seraient pas raisonnables pour, disons, la fourni- ture de matériaux. Le transport du contrat de Senécal à la compagnie n'a aucune pertinence dans cette affaire civile.
Dans le cas présent, j'en conclus donc que les dispositions de l'article 15 ont priorité sur celles de l'article 26 des Conditions générales, car ce sont celles de l'article 15 qui sont en mesure d'être appliquées raisonnablement dans l'affaire présente.
Vu qu'il n'y a eu aucun consentement quant à la résiliation et que la défenderesse n'a pas donné avis que le contrat n'était pas reconduit pour une autre période de douze mois pour la fête du Canada 1980, il s'ensuit que la résiliation est nulle et que les demandeurs ont droit au montant de $10,500 pour le solde de la première année du contrat, les demandeurs ayant reçu un montant de $34,500 sur une somme prévue de $45,000, et ont droit, de plus, à un montant de $36,498.40 comme dommages pour la deuxième année du contrat, dont il faut déduire $8,501.60 que les demandeurs ont gagnés ailleurs durant cette année, le tout donnant un total de $46,998.40.
La défenderesse est condamnée à payer aux demandeurs la somme de $46,998.40 (QUARANTE SIX MILLE NEUF CENT QUATRE-VINGT-DIX-HUIT dollars QUARANTE sous), le tout avec intérêt et frais.
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