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T-3348-81
La Société Radio-Canada (requérante)
c.
L'Association des réalisateurs (intimée)
Division de première instance, le juge Dubé— Montréal, 21 septembre; Ottawa, 2 octobre 1981.
Pratique Requête en suspension d'instance L'arbitre a ordonné à la requérante de cesser de faire exercer les pouvoirs afférents à la profession de réalisateur par des rédacteurs en auto-publicité, membres du Syndicat canadien de la fonction publique Le Syndicat canadien de la fonction publique s'est adressé au Conseil canadien des relations du travail pour faire infirmer la sentence arbitrale Le conflit qui met aux prises le Syndicat et l'intimée ne touche qu'indirectement la requé- rante L'affidavit à l'appui de la requête n'allègue pas que l'exécution de l'ordonnance arbitrale causerait un préjudice à la requérante, ou qu'elle n'en causerait pas à l'intimée Requête rejetée Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 158, 159 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 50 Règle 1909 de la Cour fédérale.
Distinction faite avec l'arrêt: Nauss c. La Section 269 de l'Association internationale des débardeurs [1982] 1 C.F. 114.
REQUÊTE. AVOCATS:
Pierre Sébastien, c.r., pour la requérante. J.-P. Belhumeur pour l'intimée.
PROCUREURS:
Lafleur, Brown, De Grandpré, Montréal, pour la requérante.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour l'intimée.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DUBÊ: Il s'agit ici d'une requête en suspension d'instance demandant à la Cour de suspendre toute procédure pouvant découler du défaut de la requérante de se conformer à une sentence arbitrale, rendue le 29 avril 1981, jusqu'à décision du Conseil canadien des relations du tra vail à l'égard de la requête du Syndicat canadien de la fonction publique en date du 31 juillet 1981.
La requérante a reçu le 12 août 1981 un avis à l'effet que l'Association des réalisateurs avait déposé en Cour fédérale ladite sentence et qu'à défaut de s'y conformer, toutes les procédures
faisant suite à un jugement de la Cour fédérale seraient entamées, y compris les poursuites en outrage au tribunal. Cette sentence faisait droit à un grief à l'effet que les rédacteurs de l'auto-publi- cité, membres du Syndicat canadien de la fonction publique, exerçaient des pouvoirs afférents à la profession de réalisateur.
Malgré les objections formulées par la requé- rante quant à sa juridiction, l'arbitre a maintenu le grief et a ordonné à la requérante de cesser de faire exercer les pouvoirs afférents à la profession de réalisateur par des rédacteurs en auto-publicité.
La requérante allègue qu'elle se trouve dans une situation extrêmement difficile parce que d'une part, elle n'a pas d'intérêt réel à attaquer la sen tence pour absence de juridiction attendu que cet intérêt appartient au Syndicat en cause, et que d'autre part, ce dernier a déposé le 31 juillet 1981 une requête en vertu de l'article 158 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, deman- dant la mise de côté de la décision arbitrale.
La requérante prétend donc qu'il est dans l'inté- rêt de la justice qu'il soit sursis à toutes procédures contre elle jusqu'à ce que le Conseil canadien des relations du travail se soit prononcé sur la requête précitée du Syndicat.
Cette requête du Syndicat soutient que la mise en application de la sentence aurait pour effet de modifier son certificat d'accréditation, alors que seul le Conseil canadien des relations du travail a le pouvoir de déterminer les unités habiles à négo- cier collectivement.
En vertu des dispositions de l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, la Cour peut, à sa discrétion, suspendre les procédures dans toute affaire au motif que la demande est en instance devant une autre juridic- tion, ou lorsque, pour quelque autre raison, il est dans l'intérêt de la justice de suspendre les procé- dures. La Règle 1909 de cette Cour prévoit qu'une partie contre laquelle a été rendu un jugement peut demander à la Cour d'en suspendre l'exécu- tion et la Cour peut accorder le redressement qu'elle estime juste. Sous l'emprise de l'article 159 du Code canadien du travail, l'enregistrement à la Cour fédérale d'une ordonnance d'un arbitre con- fère à cette ordonnance la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de
cette Cour et toutes les procédures y faisant suite peuvent dès lors être engagées en conséquence. Cette Cour peut donc suspendre l'exécution de l'ordonnance de l'arbitre si dans sa discrétion elle juge que la suspension est justifiée'.
De prime abord, on ne doit recourir à la suspen sion que modérément et seulement lorsque aucun doute n'existe quant à son opportunité. Une juris prudence abondante veut que le simple équilibre entre les avantages et les inconvénients ne justifie pas la suspension. En l'espèce, la requérante doit convaincre la Cour que l'exécution de la sentence arbitrale entraînerait une injustice à son endroit et que la suspension ne causerait pas de préjudice à l'Association des réalisateurs.
L'affidavit à l'appui de la requête en suspension ne fournit aucun élément de preuve, et même aucune allégation, à l'effet que l'exécution de l'or- donnance arbitrale causerait un préjudice à la Société Radio-Canada, ou qu'elle n'en causerait pas à l'Association des réalisateurs. L'affidavit expose tout simplement que les «faits relatés dans la présente requête sont vrais». Les faits relatés dans la requête sont essentiellement repris dans les cinq premiers paragraphes de ces motifs de juge- ment. La seule allégation de préjudice se retrouve au paragraphe 4 de la requête:
4.—La requérante, suite à la décision de l'arbitre Tremblay, se trouve dans une situation extrêmement difficile en ce que, d'une part, elle n'a pas d'intérêt réel à attaquer la décision arbitrale pour absence de juridiction, cet intérêt n'appartenant qu'au syndicat ou à l'association en cause et, d'autre part, une requête en vertu de l'article 158 du Code canadien du travail, partie V, en date du 31 juillet 1981 a été déposée devant le Conseil canadien des relations du travail par le Syndicat canadien de la fonction publique demandant la mise de côté de la décision arbitrale et la confirmation de la juridiction déjà détenue par ce syndicat en ce qui a trait aux rédacteurs de l'auto-publicité, le tout tel qu'il appert de la copie ci-annexée de ladite requête.
Il faut donc retenir de ce paragraphe que le conflit qui met aux prises les deux syndicats ne touche qu'indirectement la requérante. Cette der- nière «n'a pas d'intérêt réel». Ce sont les membres de l'un ou de l'autre syndicat qui peuvent être désavantagés suite à la suspension ou à la non-sus-
Dans un jugement récent de la Cour d'appel fédérale Nauss c. La Section 269 de l'Association internationale des débar- deurs [1982] 1 C.F. 114, il a été décidé que la Division de première instance n'avait pas l'autorité de suspendre l'exécution d'une ordonnance du Conseil canadien des relations du travail, mais il s'agit ici d'une sentence arbitrale.
pension de la sentence arbitrale. En d'autres mots, les membres de l'un ou de l'autre syndicat per- dront vraisemblablement des revenus suite au dénouement de cette affaire. Quant à la requé- rante, elle peut se trouver dans une situation embê- tante d'ici la décision éventuelle du Conseil cana- dien des relations du travail. Par contre, si elle se soumet à la sentence de l'arbitre, tant et aussi longtemps que cette dernière n'aura pas été mise de côté par le Conseil, elle n'aura pas à subir de préjudice; du moins, elle n'a pas tenté de démon- trer quels préjudices réels elle pourrait subir.
Dans les circonstances, cette requête doit être rejetée avec frais.
JUGEMENT
La requête est rejetée avec dépens.
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