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A-607-80
McAllister Towing & Salvage Ltd. (Demande- resse) (Intimée)
c.
General Security Insurance Company of Canada (Défenderesse) (Appelante)
Cour d'appel, les juges Pratte et Ryan et le juge suppléant Lalande—Montréal, 18 et 19 juin 1981.
Pratique Requête en radiation des plaidoiries Appel d'une décision de la Division de première instance radiant un avis de mise en cause Droit maritime Contrat intervenu entre la défenderesse et la demanderesse pour le sauvetage d'une cargaison appartenant à la mise-en-cause Absence de contrat d'assurance entre la défenderesse et la mise-en-cause fondement de l'appel en garantie Jugement de la Division de première instance selon lequel l'appel en garantie n'est pas fondé sur un contrat d'assurance maritime Compétence ou non de la Cour en vertu de l'art. 22(2)r) de la Loi sur la Cour fédérale Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), c. 10, art. 2, 22(1) et 22(2)j),r) Loi d'Amirauté de 1891, S.C. 1891, c. 29, art. 4 Règle 1729(2) de la Cour fédérale.
Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première instance radiant un avis de mise en cause que la défenderesse avait déposé pour appeler en garantie le propriétaire d'une cargaison ayant fait l'objet d'un sauvetage. La demanderesse, dans son action principale, en paiement de l'indemnité de sauvetage de la cargaison, action qu'elle avait intentée contre la défenderesse, concluait à l'inexécution par celle-ci de son enga gement de rembourser le sauvetage aux termes de la sentence arbitrale. La défenderesse avait délivré une police d'assurance pour cette cargaison mais il a été statué que son propriétaire n'était pas assuré par cette police d'assurance. La Division de première instance jugea que la cause de l'appel en garantie, si cause il y avait, sortait de la compétence de la Cour puisqu'elle n'était pas née d'un contrat d'assurance maritime. Il échet d'examiner si la Cour est compétente en vertu de l'article 22(2)r) de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêt: l'appel est rejeté. L'appel en garantie n'est pas «né» d'un contrat d'assurance maritime ni n'est «relatif» à un tel contrat. Le seul lien que l'on perçoive entre l'appel en garantie et l'assurance maritime est qu'il est du fait que la défende- resse a mal interprété l'effet d'un certificat d'assurance qu'elle avait délivré. En outre, l'appel en garantie ne peut être consi- déré comme une réclamation pour sauvetage aux termes de l'article 22(2)j) de la Loi sur la Cour fédérale, puisqu'il est à des faits qui se sont produits longtemps après le sauvetage.
Le juge suppléant Lalande dissident: L'expression «y relative* a une portée fort large. En l'appel, elle embrasse tout le contexte reliant la police d'assurance maritime, qu'a délivrée la défenderesse à la demande du tiers, et l'engagement de payer l'indemnité de sauvetage, que la défenderesse a remis à la demanderesse en faveur du tiers (c'est-à-dire le propriétaire de la cargaison). En outre la Cour est compétente en vertu de la compétence générale en matière de droit maritime que lui confère le paragraphe 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêts mentionnés: Green Forest Lumber Ltd. e. General Security Insurance Co. of Canada [1977] 2 C.F. 351; confirmé dans [1978] 2 C.F. 773; [1980] 1 R.C.S. 176; Tropwood A.G. c. Sivaco Wire & Nail Co. [1979] 2 R.C.S. 157.
APPEL. AVOCATS:
Jean Brisset, c.r., pour la demanderesse (intimée).
Vincent M. Prager pour la défenderesse (appelante).
William V. Sasso pour la mise-en-cause (intimée).
PROCUREURS:
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal, pour la demanderesse (intimée).
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb, Montréal, pour la défenderesse (appelante). Rose, Persiko, Arnold, Gleiberman, Toronto, pour la mise-en-cause (intimée).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Cette espèce est l'appel formé d'un jugement de la Division de première instance [[1981] 1 C.F. 758] radiant un avis de mise en cause motif pris de l'incompétence ration mate- riae de la Cour.
En 1974, McAllister Towing & Salvage Ltd. (McAllister) se porta à l'assistance du navire Elarkadia et de sa cargaison. Elle retint par la suite possession de la cargaison afin de conserver son privilège pour sauvetage. Cette cargaison appartenait à Green Forest Lumber Limited (Green Forest). En mars 1975, la suite de discus sions intervenues entre cette compagnie, McAllis- ter et General Security Insurance Company of Canada (General Security), McAllister accepta de remettre la cargaison à Green Forest en contrepar- tie de l'engagement par General Security de rem- bourser le sauvetage au montant que fixerait un arbitrage. General Security a consenti cet engage ment parce qu'elle se croyait, comme toutes les autres parties concernées, l'assureur de la cargai- son de Green Forest et, en tant que tel, obligée d'obtenir son dégrèvement. Il fut découvert plus tard toutefois, après qu'ont été rendues les déci-
lions de la Division de première instance, de cette Cour et de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Green Forest Lumber Limited c. General Security Insurance Company of Canada,' que General Security n'avait jamais assuré la cargai- son appartenant à Green Forest et qu'en consé- quence, elle n'avait jamais eu aucune obligation d'en obtenir le dégrèvement. Pour cette raison, General Security n'a pas respecté son engagement et a refusé de payer à McAllister l'indemnité de sauvetage allouée par la sentence arbitrale. McAl- lister a poursuivi General Security pour le montant de l'indemnité de sauvetage et celle-ci a appelé en garantie Green Forest. L'avis d'appel en garantie décrit la nature de la créance de General Security dont Green Forest était débitrice comme suit:
[TRADUCTION] La défenderesse prétend que vous l'avez garantie contre toute responsabilité envers la demanderesse, du fait qu'elle ne se serait assurée les services de sauvetage que si elle avait assuré votre cargaison susmentionnée, ce qui n'est pas le cas. A cet égard, il ressort de l'arrêt Green Forest Lumber Limited c. General Security Insurance Company of Canada, rendu le 14 février 1980 sous le numéro A-88-77 par la Cour suprême du Canada, qu'à l'époque en cause, vous étiez proprié- taire de la cargaison à vos propres risques, que la défenderesse General Security Insurance of Canada n'était pas l'assureur de la cargaison transportée à bord du navire aELARKADIA» et qu'elle n'était nullement tenue d'indemniser les avaries. Comme la défenderesse General Security Insurance Company of Canada n'avait aucun intérêt dans cette cargaison, tout accord visant à s'assurer les services de sauvetage de la demanderesse était sans cause.
C'est l'avis que radia le jugement entrepris.
Dans la mesure l'on retrouve dans cet avis une cause à la demande, je partage l'opinion qu'ex- prima le juge Mahoney, que cette cause sort de la compétence de la Cour. Contrairement à ce qu'a soutenu Me Prager au nom de General Security, je suis d'avis que ce n'est pas une demande que décrit l'alinéa 22(2)r) de la Loi sur la Cour fédé- rale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10. La demande, telle que je la conçois, n'est pas «née» d'un contrat d'assurance maritime ni n'est «relative» à un tel contrat. En vérité, le seul lien que je perçois entre la demande et l'assurance maritime est que la demande est née du fait que General Security a mal interprété l'effet d'un certificat d'assurance qu'elle avait délivré. Je suis aussi d'avis que la demande ne peut être considérée comme une demande pour sauvetage aux termes de l'alinéa
1 [1977] 2 C.F. 351; [1978] 2 CF. 773; [1980] 1 R.C.S. 176.
22(2)j) puisqu'elle est due à des faits qui se' sont produits longtemps après le sauvetage.
Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE (dissident): Cette espèce est l'appel formé d'un jugement de la Division de première instance radiant un avis de mise en cause produit par la défenderesse appelant Green Forest Lumber Limited en garantie, motif pris que la Cour fédérale n'était pas compétente ratione materiae pour connaître de l'appel en garantie.
L'action principale a été engagée par un sauve- teur en exécution d'une indemnité de sauvetage de la cargaison à bord du navire Elarkadia contre la défenderesse General Security Insurance Com pany of Canada, cette dernière s'étant engagée à payer les services de sauvetage comme en décide- rait la sentence arbitrale, engagement souscrit pour le dégrèvement de la cargaison que le sauve- teur avait grevée d'un privilège maritime pour sauvetage. Manifestement l'engagement fut sous- crit au profit du propriétaire de la cargaison à bord du navire, soit Green Forest Lumber Limited.
La défenderesse a délivré une police d'assurance de cette cargaison mais il a été statué dans une instance qui alla jusqu'en Cour suprême du Canada que Green Forest Lumber Limited n'était pas assurée par cette policez.
On a soutenu devant le juge de première ins tance que la Cour est compétente en matière d'ap- pel en garantie vu l'alinéa (2)r) de l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale car il s'agissait d'une demande «relative un contrat d'assurance maritime]».
Le distingué juge de première instance a rejeté cet argument et statué que la portée de cet alinéa,
2 [1977] 2 C.F. 351, confirmé par [1978] 2 C.F. 773 et [1980] 1 R.C.S. 176.
qui attribue à la Cour une compétence liée en matière maritime n'allait pas jusqu'à
. embrasser une cause d'action dans laquelle l'existence d'un contrat d'assurance maritime n'est qu'un élément d'apprécia- tion permettant d'expliquer comment ou pourquoi est née la cause d'action, mais ne présente aucun rapport avec sa solution. [Page 760.]
L'expression «y relative» a une portée fort large et, d'après ma conception des faits en litige entre les parties en l'appel, elle embrasse tout le contexte reliant la police d'assurance maritime, qu'a déli- vrée la défenderesse à la demande du tiers, et l'engagement de payer l'indemnité de sauvetage, que la défenderesse a remis à la demanderesse en faveur du tiers.
A mon avis, notre juridiction est en outre com- pétente en matière d'appel en garantie en vertu de la compétence générale en matière de droit mari time que lui confère le paragraphe 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale.
On peut dire que la demande de l'avis de mise en cause est faite en vertu du «droit maritime canadien» au sens que l'on donne à cette expression à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, c'est-à- dire, le droit qu'appliquait la Cour de l'Échiquier du Canada en sa juridiction d'amirauté en vertu de l'article 4 de l'Acte de l'Amirauté, 1891, S.C. 1891, c. 29 3 . Voici le texte de l'article 4:
4. Cette juridiction, ces pouvoirs et cette autorité pourront être et seront exercés par la cour de l'Échiquier dans tout le Canada et sur toutes ses eaux, soit de marée ou non, et soit naturellement navigables ou rendues artificiellement naviga- bles; et toutes personnes auront, tant dans les parties du Canada qui jusqu'ici ont été au delà de l'atteinte des mandats de toute cour de Vice-Amirauté, qu'ailleurs dans ses limites, tous les droits et recours en toutes choses (y compris les cas de contrat et de tort et de procédures in rem et in personam), provenant de la navigation, de la marine, du trafic ou du commerce, ou s'y rattachant, qui peuvent être exercés dans toute cour coloniale d'Amirauté en vertu de l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890.
Il me semble, après lecture de la déclaration en l'action principale et des jugements prononcés en l'instance jusqu'à maintenant entre la défenderesse et l'appelée en garantie, que le litige qu'il y a entre ces parties au sujet de la créance de sauvetage, relève «de la navigation, de la marine, du trafic ou du commerce».
3 Tropwood A.G. c. Sivaco Wire & Nail Company [1979] 2 R.C.S. 157, le juge en chef Laskin, aux pages 162 et 163.
Une demande subsidiaire de la requête en radia tion de l'avis de mise en cause, était qu'il devrait y avoir radiation motif pris qu'on ne pourrait y déceler aucune cause à la demande.
L'avis me paraît non seulement irrégulier dans son énoncé de la cause de la demande mais aussi porter à confusion. On peut remédier à cela en un état ultérieur de la cause conformément à la Règle 1729(2).
L'appel devrait être accueilli avec dépens. Aucuns dépens ne devraient être alloués en pre- mière instance pour la raison que je viens de dire.
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