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A-100-80
William Claude Lyle (appelant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et juge suppléant Verchere—Vancouver, 9 et 15 février 1982.
Immigration Appel de la décision par laquelle la Com mission d'appel de l'immigration a rejeté l'appel formé contre une ordonnance d'expulsion L'ordonnance a été rendue avant l'abrogation de la Loi sur l'immigration de 1952, mais l'audition de l'appel devant la Commission a eu lieu après cette abrogation La première décision par laquelle la Commission a annulé l'ordonnance a été infirmée par la Cour, et l'affaire lui a été renvoyée La Cour a jugé que la Loi de 1952, plutôt que la Loi de 1976, devait s'appliquer L'appe- lant fait valoir que l'ordonnance, réputée constituer une peine, a été réduite à néant en vertu de la nouvelle Loi, celle-ci ayant écarté cette peine dans des cas semblables à celui de l'appelant La Commission a décidé (1) que la peine n'avait été ni imposée ni prononcée après l'abrogation; (2) qu'écarter comme des infractions susceptibles d'entraîner l'expulsion les infrac tions commises par l'appelant ne constituait ni une réduction ni une mitigation de la peine; (3) qu'elle était tenue, par ordonnance de la Cour d'appel fédérale, d'appliquer la Loi de 1952 La décision de la Commission équivaut à une décision après l'abrogation L'expression «infligée ou prononcée» est clairement disjonctive Une peine abolie sous le régime de la Loi sur l'immigration de 1976 est «réduite» ou «mitigée», l'abolition équivalant à une réduction complète Le troisième motif invoqué par la Commission pour rejeter l'appel est repoussé, l'art. 36e) de la Loi d'interprétation et l'art. 126a) de la Loi de 1976 n'ayant pas fait l'objet d'un débat devant une autre formation de la Cour Appel accueilli Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952 (Supp.), c. 325, art. 18(1)d) Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 27(1)d), 32(5),(6), 125(3), 126a) Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 36e) Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, c. N-1, art. 3.
Appel de la décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration a rejeté l'appel formé par l'appelant contre une ordonnance d'expulsion au motif qu'il était une personne visée à l'alinéa 18(1)d) de la Loi sur l'immigration de 1952, ayant été déclaré coupable d'une infraction sous le régime de l'article 3 de la Loi sur les stupéfiants. La décision par laquelle la Commission a annulé l'ordonnance a été infirmée par une formation de cette Cour, et l'affaire a été renvoyée à la Commission pour qu'elle prenne une décision fondée sur la loi en vigueur à l'époque de l'ordonnance (c.-à-d. le 4 janvier 1978) et non sur la loi en vigueur au moment de l'audience de l'appel (c.-à-d. après l'abrogation, le 10 avril 1978, de la Loi de 1952 par la Loi de 1976). Invoquant l'alinéa 36e) de la Loi d'inter- prétation et l'alinéa 126a) de la Loi sur l'immigration de 1976, l'appelant fait valoir que lorsqu'une ordonnance d'expulsion est «réduite ou mitigée» par la Loi de 1976, cette ordonnance, si elle est «infligée ou prononcée» après l'abrogation de la Loi de 1952, doit être réduite ou mitigée en conséquence. Puisque l'alinéa 27(1)d) de la Loi de 1976 écarte l'ordonnance d'expul-
Sion dans un cas comme celui de l'appelant, celle-ci est réduite à néant et doit donc être infirmée. La Commission a décidé (1) que l'alinéa 126a) ne s'appliquait pas, la peine, c.-à-d. l'ordon- nance d'expulsion, n'ayant pas été «infligée ou prononcée» après l'abrogation de la Loi de 1952; (2) que l'alinéa 36e) ne s'appli- quait pas puisque écarter une ordonnance d'expulsion pour les infractions commises par l'appelant ne constitue ni une «réduc- tion» ni une «mitigation»; et (3) qu'elle était tenue, en vertu de l'ordonnance de la Cour d'appel, de juger l'affaire en appli- quant la Loi de 1952. C'est cette décision qui fait l'objet de l'appel.
Arrêt: l'appel est accueilli. La décision de la Commission constituait une décision après l'abrogation de la Loi de 1952. En statuant sur les appels formés à l'encontre des ordonnances d'expulsion, la Commission, à l'évidence, prononce un juge- ment, c.-à-d. qu'elle tranche la question ou décide de celle-ci. Le raisonnement de la Commission suppose une interprétation de l'alinéa 36e) qui substituerait «et» à «ou» dans l'expression «infligée ou prononcée». L'expression étant clairement disjonc- tive, on doit présumer que le législateur n'a pas voulu qu'«infli- ger» et «prononcer» soient synonymes. Deuxièmement, puisque l'abolition de la peine sous le régime de la Loi de 1976, comme en l'espèce, représente une réduction ou mitigation complète ou totale, la peine est «réduite» ou «mitigée» au sens de l'alinéa 36e). Les alinéas 126a) et 36e) envisagent un cas la réduction ou mitigation de la peine est prévue dans le nouveau texte législatif même, et non un cas où, dans une mesure très restreinte, il est loisible à l'arbitre de réduire la peine, comme au paragraphe 32(6) de la Loi de 1976 qui permet à l'arbitre, dans certains cas, de remplacer une ordonnance d'expulsion par un avis d'interdiction de séjour. Enfin, le troisième motif invo- qué par la Commission pour rejeter l'appel doit être repoussé. A l'audition de l'appel devant la première formation de cette Cour, les débats ont porté uniquement sur l'interprétation, par la Commission, du paragraphe 125(3) de la Loi de 1976, et la décision de la Cour s'est fondée uniquement sur ce paragraphe. En l'espèce, les alinéas 36e) et 126a) ont fait l'objet d'un débat, et la Cour est persuadée que ces dispositions s'appliquent à l'appelant.
APPEL. AVOCATS:
James Aldridge pour l'appelant. Alan Louie pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rosenbloom, McCrea & Leggatt, Vancouver, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est formé, en vertu de l'autorisation accordée par la présente Cour, contre une décision que la Commission d'appel de
l'immigration a rendue le 30 novembre 1979 et par laquelle elle a rejeté l'appel formé par l'appelant contre une ordonnance d'expulsion rendue contre lui le 4 janvier 1978.
Ayant obtenu le statut d'immigrant reçu le 29 août 1974, l'appelant, de citoyenneté améri- caine, réside en permanence au Canada. Il a été reconnu coupable, à deux reprises, de possession de cocaïne, en violation de l'article 3 de la Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, c. N-1. Les deux con- damnations étaient des déclarations sommaires de culpabilité. A la suite d'une enquête spéciale tenue en vertu de la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952 (Supp.), c. 325, une ordonnance d'expulsion fut rendue contre l'appelant le 4 janvier 1978, au motif qu'il était une personne visée à l'alinéa 18(1)d) de la Loi sur l'immigration de 1952, ayant été déclaré coupable d'une infraction sous le régime de l'article 3 de la Loi sur les stupéfiants. L'appelant interjeta appel de l'ordonnance d'expul- sion devant la Commission d'appel de l'immigra- tion.
La Loi sur l'immigration de 1952 a été abrogée et remplacée par la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, le 10 avril 1978. Les parties reconnaissent que bien que l'appelant fût sujet à expulsion sous le régime de l'alinéa 18(1)d) de la Loi de 1952, il ne le serait pas sous l'empire de la Loi de 1976, l'alinéa pertinent de celle-ci étant l'alinéa 27(1)d). La Commission d'appel de l'im- migration a annulé l'ordonnance d'expulsion (déci- sion 1 de la Commission) au motif qu'en vertu du paragraphe 125(3) de la Loi sur l'immigration de 1976', elle était tenue d'examiner l'ordonnance d'expulsion à la lumière des dispositions de fond de la nouvelle Loi. La décision 1 de la Commission a été portée en appel devant cette Cour. Une formation de cette Cour a annulé cette décision et renvoyé l'affaire à la Commission [TRADUCTION] «pour jugement au motif qu'il faut se prononcer sur la légitimité de l'ordonnance d'expulsion rendue contre l'intimé en fonction de l'article 18(1)d) de la Loi sur l'immigration de 1952».
' Ledit paragraphe 125(3) est ainsi rédigé:
125... .
(3) Toute procédure engagée devant la Commission d'ap- pel de l'immigration avant l'entrée en vigueur de la présente loi doit être reprise et poursuivie en vertu et en conformité de la présente loi.
La Cour a décidé qu'il fallait statuer sur le fond de l'appel en appliquant la loi qui était en vigueur à l'époque de l'ordonnance d'expulsion et non la loi en vigueur au moment de l'audience. Elle a en outre estimé que le paragraphe 125(3) (susmen- tionné) n'autorisait pas la Commission à décider de la légitimité de l'ordonnance d'expulsion rendue en fonction des dispositions de fond de la Loi sur l'immigration de 1976.
Conformément à l'ordonnance de la Cour préci- tée, la Commission a procédé à une nouvelle audi tion de l'affaire. A cette audition, l'avocat de l'appelant s'est appuyé sur l'alinéa 36e) de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, lequel alinéa porte ce qui suit:
36. Lorsqu'un texte législatif (au présent article appelé «texte antérieur») est abrogé et qu'un autre texte législatif (au présent article appelé «nouveau texte») y est substitué,
e) lorsqu'une peine, une confiscation ou une punition est réduite ou mitigée par le nouveau texte, la peine, confiscation ou punition, si elle est infligée ou prononcée après l'abroga- tion, doit être réduite ou mitigée en conséquence;
L'avocat de l'appelant a également invoqué l'alinéa 126a) de la Loi sur l'immigration de 1976, qui est ainsi conçu:
126. Pour plus de certitude, il est précisé que
a) toute ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi sur l'immigration, abrogée par le paragraphe 128(1) de la présente loi, est réputée constituer une peine, confiscation ou punition au sens de l'alinéa 36e) de la Loi d'interprétation;
D'après l'avocat, il résulte du rapprochement de ces deux articles que lorsqu'une ordonnance d'ex- pulsion est «réduite ou mitigée» par la Loi de 1976, cette ordonnance, si elle est «infligée ou prononcée» après l'abrogation de la Loi de 1952, doit être réduite ou mitigée en conséquence. Puisque, compte tenu des faits de l'espèce, la nouvelle Loi a écarté complètement l'ordonnance d'expulsion, cel- le-ci a été réduite à néant et doit donc être infirmée.
La Commission a rejeté l'appel de l'appelant, confirmé l'ordonnance d'expulsion et en a ordonné l'exécution aussitôt que possible (décision 2 de la Commission). C'est cette décision qui fait l'objet du présent appel.
Si je comprends bien les motifs de la Commis sion, l'appel a été rejeté pour trois motifs: en
premier lieu, l'alinéa 126a) susmentionné ne sau- rait s'appliquer aux faits en l'espèce, puisque la «peine» en question, c.-à-d. l'ordonnance d'expul- sion, n'a pas été «infligée ou prononcée» après l'abrogation de la Loi de 1952. A ce sujet, la Commission dit ceci dans ses motifs (D.A., Vol.
III, p. 362):
[TRADUCTION] Pour revenir aux arguments de M. Aldridge selon lesquels, bien que l'ordonnance d'expulsion ait été «infli- gée» à M. Lyle avant l'abrogation, cette Commission est tenue de la «prononcer» après l'abrogation, à mon avis, la Commis sion, en tant que tribunal d'appel, ne «prononce» pas l'ordon- nance d'expulsion dont elle est saisie en appel. Elle n'est pas et n'a jamais été l'autorité ordonnant l'expulsion; son rôle en appel se limite à déterminer si une ordonnance d'expulsion déjà rendue est conforme à la loi: l'imposition de la «peine» a déjà été faite.
A mon avis, la Commission a commis une erreur en jugeant que dans l'appel de l'ordonnance d'ex- pulsion dont elle était saisie, elle ne se «prononçait» pas sur l'affaire. En statuant sur les appels formés à l'encontre des ordonnances d'expulsion, la Com mission, à l'évidence, prononce un jugement. Le Black's Law Dictionary, cinquième édition, définit le mot «Adjudge» notamment comme [TRADUC- TION] «Juger, décider, trancher ...». On trouve de semblables définitions dans The Concise Oxford Dictionary et dans de nombreux autres ouvrages reconnus. A la lecture de ses motifs, la Commis sion me semble conclure que la seule «adjudica- tion» (décision) que vise l'alinéa 36e) est la déci- sion initiale prise lors de l'imposition de la peine. Autrement dit, le raisonnement de la Commission suppose nécessairement une interprétation de l'alinéa 36e) qui substituerait et à ou dans l'expres- sion «infligée ou prononcée». Si le législateur avait voulu présenter cette expression de façon conjonc- tive plutôt que disjonctive, il l'aurait fait. L'expres- sion étant clairement disjonctive, on doit présumer que le législateur n'a pas voulu qu'infliger et pro- noncer soient synonymes. Étant donné les faits en l'espèce, je suis convaincu que la décision 2 de la Commission constituait une décision après l'abro- gation de la Loi sur l'immigration de 1952.
La deuxième raison invoquée dans les motifs de la Commission pour rejeter l'appel est qu'à son avis, lorsque, comme en l'espèce, la Loi de 1976 écarte comme une infraction susceptible d'entraî- ner l'expulsion les infractions commises par l'appe- lant, on ne saurait dire qu'il s'agit d'une «réduc- tion> ou «mitigation» de la peine au sens de
l'alinéa 36e) de la Loi d'interprétation (susmen- tionné). Par conséquent, cet alinéa ne s'applique pas en l'espèce. Voici, à ce sujet, l'avis de la Commission (D.A., Vol. III, pp. 361 et 362):
[TRADUCTION] En rapprochant l'alinéa 126a) de la Loi sur l'immigration et le paragraphe 36(3) [sic] de la Loi d'interpré- tation, on arrive d'abord à un résultat quelque peu surprenant, conduisant à la conclusion qu'une ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi sur l'immigration de 1952 avant l'abrogation est réputée constituer une peine qui, si elle est réduite ou mitigée par la Loi sur l'immigration de 1976, c.-à-d. après l'abrogation de la Loi de 1952, doit, si elle est infligée après l'abrogation, être réduite ou mitigée en conséquence. Il semblerait s'agir d'une contradiction, mais, à mon avis, cette contradiction peut s'expliquer si l'on reconnaît que l'alinéa 126a) de la Loi sur l'immigration vise non pas les motifs donnant lieu à une ordonnance d'expulsion, mais plutôt ses conséquences. Sous le régime de la Loi de 1952, il n'existait qu'un seul moyen de faire quitter le Canada à une personne déclarée inadmissible ou, se trouvant au Canada, à une per- sonne appartenant à une ou plusieurs catégories visées aux alinéas du paragraphe 18(1). Ce moyen, c'est l'ordonnance d'expulsion.
La Loi de 1976 prévoit trois moyens d'expulsion, savoir l'avis d'interdiction de séjour, l'ordonnance d'exclusion et l'ordon- nance d'expulsion. L'avis d'interdiction de séjour et l'ordon- nance d'exclusion sont des «peines» moins graves qu'une ordon- nance d'expulsion. Une personne contre qui l'ordonnance d'expulsion a été rendue sous le régime de la Loi de 1952 pourrait, si l'ordonnance n'a pas été exécutée, interjeter appel devant la Commission et invoquer l'alinéa 126a) de la Loi de 1976 pour faire «réduire» ou «mitiger» son ordonnance d'expul- sion en demandant qu'elle soit remplacée par un avis d'interdic- tion de séjour ou une ordonnance d'exclusion, si cette personne tombe dans une catégorie à l'égard de laquelle il peut être décerné un tel avis ou une telle ordonnance.
Sous le régime de la Loi sur l'immigration de 1976, la délivrance d'un avis d'interdiction de séjour ou d'une ordon- nance d'exclusion relève du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre, à l'égard de certaines catégories de personnes. Une personne sollicitant la mitigation d'une ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi sur l'immigration de 1952 devrait s'adresser à un arbitre pour la réouverture de l'enquête tenue à son sujet, en application de l'article 35 de la Loi sur l'immigration de 1976 (un arbitre peut rouvrir une enquête tenue par un enquê- teur spécial en vertu de la Loi de 1952), ou, si elle a le droit d'en appeler à la Commission et a exercé ce droit, solliciter la Commission d'exercer sa compétence en vertu de l'alinéa 76(1)a) de la Loi sur l'immigration de 1976 pour «prononcer toute autre ordonnance de renvoi que l'arbitre chargé de l'en- quête aurait rendre». A noter que la Commission n'a aucun pouvoir particulier pour délivrer un avis d'interdiction de séjour, mais par l'extension de la règle adoptée dans l'affaire Pratap c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration et par application du principe établi dans l'affaire Gana c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, la Commission pour- rait probablement, dans un cas donné, prononcer une ordon- nance d'exclusion plutôt qu'une ordonnance d'expulsion, à l'égard d'une ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi de 1952. Ce choix n'existait pas toutefois dans le cas de Lyle,
puisqu'en tant qu'immigrant reçu, il aurait été sujet à une ordonnance d'expulsion, et seulement à une ordonnance d'ex- pulsion, en raison du paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigra- tion de 1976.
En toute déférence, je ne saurais accepter ces opinions émises par la Commission. Son raisonne- ment laisse entendre que l'expression «réduite ou mitigée» dans l'alinéa 36e) s'applique uniquement à des situations où, en vertu de la Loi de 1976, un arbitre a la liberté d'émettre un avis d'interdiction de séjour ou une ordonnance d'exclusion au lieu d'une ordonnance d'expulsion. (Paragraphes 32(5) et 32(6) de la Loi de 1976.) L'erreur dans ce raisonnement consiste, à mon avis, en ce que l'ali- néa 36e) de la Loi d'interprétation fait état de la «réduction» ou «mitigation» de la peine dans le «nouveau texte». Aux fins de l'espèce, le nouveau texte est la Loi sur l'immigration de 1976. Cette loi ne réduit pas la peine en substituant l'avis d'interdiction de séjour à l'ordonnance d'expulsion. Le paragraphe 32(6) de la Loi sur l'immigration de 1976 prévoit que dans certains cas, il est loisible à l'arbitre, pourvu que certaines conditions déter- minées aient été remplies, de remplacer une ordon- nance d'expulsion par un avis d'interdiction de séjour, mais, à mon avis, il ne s'agit pas du genre de disposition visé à l'alinéa 126a) de la Loi sur l'immigration de 1976 et à l'alinéa 36e) de la Loi d'interprétation. J'estime que ces dispositions envisagent un cas la réduction ou mitigation de la peine est prévue dans le nouveau texte même, et non dans une loi telle que celle de 1976 il est donné, dans une mesure très restreinte, le pouvoir discrétionnaire de réduire la peine. Je suis d'accord avec l'avocat de l'appelant qu'interpréter l'expres- sion «réduite ou mitigée» de la manière suggérée par la Commission conduirait à une situation anor- male. Il en résulterait qu'un visiteur au Canada, personne beaucoup moins attachée au Canada qu'un résident permanent tel que l'appelant à l'ins- tance, pourrait probablement bénéficier du choix moins pénible d'un avis d'interdiction de séjour, alors que le résident permanent, dont les liens qui l'attachent au Canada sont beaucoup plus pro- fonds, serait expulsé (parce que l'arbitre n'est pas autorisé dans ce cas à émettre un avis d'interdic- tion de séjour) pour une infraction, prévue à la Loi de 1952, que le législateur a écartée comme une infraction susceptible d'entraîner l'expulsion sous le régime de la Loi de 1976 lorsqu'elle est commise par un résident permanent. Ainsi, cette anomalie
consiste en ce que le visiteur serait mieux traité que le résident permanent. Je ne pense pas que cet alinéa doive être interprété de manière à produire un tel résultat, surtout si on l'interprète à la lumière de l'économie de la Loi sur l'immigration de 1976, qui confère manifestement aux résidents permanents au Canada des droits beaucoup plus grands, quant au droit d'y demeurer, que ceux qui sont donnés aux visiteurs. Par exemple, le renvoi du Canada de visiteurs est envisagé dans un con- texte plus large que pour les résidents permanents; ceux-ci ont le droit de parrainer des candidats à la résidence permanente; et ils sont en droit d'interje- ter appel de la décision d'un arbitre devant la Commission d'appel de l'immigration, alors que les visiteurs ne le sont pas. Par ces motifs, je suis arrivé à la conclusion que puisque l'abolition de la peine sous le régime de la nouvelle Loi, comme en l'espèce, représente une réduction ou mitigation complète ou totale, elle est «réduite» ou «mitigée» au sens de l'alinéa 36e) susmentionné, et que la Commission a commis une erreur en ne décidant pas ainsi.
Voici le troisième motif pour lequel la Commis sion a rejeté l'appel (D.A., Vol. III, p. 363):
[TRADUCTION] De nouveau, comme on l'a fait remarquer devant la Cour, le jugement et l'ordonnance de la Cour d'appel fédérale sont catégoriques, et ce tribunal est tenu de s'y confor- mer. La Cour d'appel fédérale a enjoint à la Commission de juger cette affaire «en fonction de l'alinéa 18(1)d) de la Loi sur l'immigration de 1952», et nous sommes tenus de le faire.
Je suis d'accord avec cette déclaration de la Commission et, si ce n'était les faits exceptionnels de l'espèce, ce motif, bien indépendamment des autres motifs invoqués par la Commission, consti- tuerait une base suffisante et légitime pour le rejet de l'appel. Je dois, toutefois, aborder maintenant les faits exceptionnels de l'espèce. Lorsqu'une autre formation de cette Cour était saisie en appel de la décision 1 de la Commission, les débats portaient uniquement sur l'interprétation, par la Commission, du paragraphe 125(3), précité, de la Loi sur l'immigration de 1976. Une lecture atten tive des motifs de la décision 1 de la Commis sion (D.A., Vol. I, p. 141) confirme que celle-ci a appliqué le paragraphe 125(3) rétroactivement, tant au point de vue du fond qu'au point de vue de la forme. Il découle clairement des motifs de cette Cour sur appel de la décision 1 de la Commis-
sion (D.A., Vol. II, p. 208) qu'elle n'a pas accepté l'interprétation qu'avait donnée la Commission du paragraphe 125(3), et que ce point de vue consti- tuait l'unique fondement de la décision de la Cour. Les avocats des deux parties ont reconnu devant la Cour que l'application des alinéas 36e) de la Loi d'interprétation et 126a) de la Loi sur l'immigra- tion de 1976 n'avait fait l'objet d'un débat ni devant la Commission dans le cadre de l'audience 1, ni devant la formation de cette Cour qui entendait l'appel formé contre la décision 1 de la Commission. Ayant fait partie de la formation de la Cour qui a entendu cet appel, je n'hésite nullement à dire que si les dispositions des alinéas 36e) et 126a) susmentionnés avaient été portées à l'attention de la Cour, j'aurais conclu à leur appli cation aux faits de l'espèce, et, par conséquent, à l'annulation de l'ordonnance d'expulsion en ques tion. Je dis cela parce qu'on m'a persuadé, à cette audience, que ces dispositions s'appliquent à l'ap- pelant à l'instance pour les motifs exposés ci-dessus.
J'estime donc qu'il y a lieu d'accueillir l'appel et d'annuler l'ordonnance d'expulsion rendue contre l'appelant.
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT VERCHERE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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