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T-5725-81
496482 Ontario Inc. (demanderesse) c.
Le procureur général du Canada, le ministre des Transports du Canada, VIA Rail Canada Inc., le Canadien Pacifique Limitée et les Chemins de fer nationaux du Canada (défendeurs)
Division de première instance, juge Walsh— Ottawa, 26 avril et 5 mai 1982.
Pratique Requête en autorisation de modifier une décla- ration révisée, pour faire valoir que des injonctions interlocu- toires devraient être accordées contre certaines défenderesses et pour proroger le délai de production des mémoires Appel d'une ordonnance antérieure radiant une partie de la déclara- tion révisée et soumettant une question de droit à trancher conformément à la Règle 474 Les renseignements supplé- mentaires n'étaient pas connus au moment de l'examen de la requête en radiation Renseignements selon lesquels le ser vice de banlieue devant être supprimé n'était pas admissible au titre des subsides fédéraux prévus par la Loi sur les chemins de fer, que la suppression de ce service est une question de politique et que les lignes de banlieue sont de la responsabilité des provinces ou des municipalités ou des deux à la fois Selon la demanderesse, la décision du gouverneur en conseil constitue un excès de pouvoir parce qu'elle est fondée sur une politique plutôt que sur le droit Question à trancher comme si les modifications avaient déjà été insérées dans la déclara- tion révisée et conformément aux règles applicables à la radiation des plaidoiries Le nouvel argument invoqué en faveur d'une injonction interlocutoire n'est pas examiné puis- que la question de droit n'est pas tranchée Les mémoires concernant la question de droit ont été déposés Il n'existe aux termes de l'art. 261 de la Loi sur les chemins de fer aucune obligation de subventionner les services de banlieue La possibilité de subventions à l'égard d'une perte certifiée par la Commission canadienne des transports n'est pas éliminée Le gouverneur en conseil peut, conformément à l'art. 261(9) de la Loi sur les chemins de fer, prendre les mesures qu'il juge nécessaires Ces mesures sont des questions de politique relevant de la compétence du gouverneur en conseil Les tribunaux ne devraient pas s'enquérir des motifs du gouver- neur en conseil de prendre un décret, à moins d'abus de pouvoir manifeste Rejet de la requête en modification de la déclaration révisée Règle 474 de la Cour fédérale Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 261(4),(8),(9), 262.
La demanderesse demande l'autorisation de modifier sa déclaration révisée, pour faire valoir que les injonctions interlo- cutoires demandées dans une requête antérieure devraient être accordées contre VIA Rail Canada Inc. et Canadien Pacifique Limitée, et pour proroger le délai fixé pour la production des mémoires. Cette Cour, dans une ordonnance antérieure, avait radié une partie de la déclaration révisée et avait décidé qu'il y avait lieu de résoudre, en vertu de la Règle 474, la question de droit relative aux pouvoirs du gouverneur en conseil d'ordonner la suppression de tous les services de trains de voyageurs sur la
ligne Toronto—Havelock devant avoir lieu plus d'un an après le décret. Il est actuellement interjeté appel de l'ordonnance. Les nouveaux renseignements fournis par la demanderesse, et sur lesquels elle s'appuie pour demander la modification, compren- nent une lettre du secrétaire parlementaire du ministre des Transports. Cette lettre disait qu'un service de trains de ban- lieue n'est pas admissible aux subsides fédéraux prévus par la Loi sur les chemins de fer, que sa suppression est une question de politique et que les services de banlieue sont une responsabi- lité provinciale ou municipale ou les deux à la fois. La deman- deresse prétend que la décision du gouverneur en conseil consti- tue un excès de pouvoir, étant fondée sur une politique et non sur le droit. Les défendeurs conviennent que la question doit être tranchée comme si les modifications avaient déjà été incorporées dans la déclaration révisée et en conformité des règles applicables à la radiation des plaidoiries.
Arrêt: la requête en modification de la déclaration révisée est rejetée et la question de droit doit être instruite dès que possible, toutes les parties ayant déposé leurs mémoires. Il n'existe pas d'obligation de subventionner les services de ban- lieue, mais une simple disposition au paragraphe 261(9) de la Loi sur les chemins de fer indiquant que cela peut être fait si le gouverneur en conseil l'estime souhaitable. Il s'agit donc d'une question de politique, le gouverneur en conseil étant manifeste- ment d'avis, comme l'indique la lettre, que ces services devraient être subventionnés, si nécessaire, par les provinces ou les municipalités. Le gouverneur en conseil n'a pas agi contrai- rement à la loi en tenant compte de cette politique. Les tribunaux ne devraient pas s'enquérir des motifs du gouverneur en conseil de prendre tel ou tel décret à moins qu'il n'y ait abus de pouvoir manifeste. S'il est établi que le service en cause est un service de banlieue, la compagnie ferroviaire pourrait de son propre chef cesser de l'exploiter; le décret ne serait donc pas nécessaire. La question de droit devrait être instruite le plus tôt possible. On n'a pas demandé à la Cour de la suspendre et la jurisprudence dit qu'un appel ne surseoit pas en soi à l'instance.
Jurisprudence: arrêt appliqué: Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada [1980] 2 R.C.S. 735. Distinction faite avec les décisions: Re Doctors Hospital and Minister of Health (1976) 68 D.L.R. (3 e ) 220; Ron- carelli c. Duplessis [1959] R.C.S. 121.
REQUÊTE. AVOCATS:
D. Outerbridge pour la demanderesse.
E. Bowie, c.r., pour les défendeurs le procu- reur général du Canada et le ministre des Transports du Canada.
M. Huart pour la défenderesse VIA Rail Canada Inc.
C. Wendlandt pour la défenderesse Canadien Pacifique Limitée.
L. Band, c.r., pour la défenderesse Chemins de fer nationaux du Canada.
PROCUREURS:
Outerbridge, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs le procureur général du Canada et le ministre des Transports du
Canada.
Contentieux de VIA Rail Canada Inc., Mont- réal, pour la défenderesse VIA Rail Canada
Inc.
Contentieux de Canadien Pacifique Limitée, Montréal, pour la défenderesse Canadien
Pacifique Limitée.
Contentieux des Chemins de fer nationaux du Canada, Toronto, pour la défenderesse Che- mins de fer nationaux du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: La demanderesse, dans sa requête, conclut à:
[TRADUCTION] a) une ordonnance autorisant la demande- resse à modifier sa déclaration révisée par l'adjonction des deux alinéas suivants au paragraphe 19:
k) le décret et la recommandation ministérielle de le prendre avaient pour fondement la constatation que les services de trains de voyageurs desservant principalement les passagers qui font la navette entre des points de la ligne de chemin de fer de la compagnie (soit «les services de navetteurs» comme les décrit le Ministre) ne relèvent pas du gouvernement fédéral ni de la Loi sur les chemins de fer, y compris son article 262, constatation qu'a faite à tort en droit le gouverneur général en conseil et qu'il a appli- quée rigidement sans réexaminer à quel point elle s'appli- quait aux services de trains de voyageurs particuliers aux- quels elle a été appliquée.
1) le décret et la recommandation ministérielle de le pren- dre avaient pour fondement la constatation que les services de trains de voyageurs desservant principalement les passa- gers qui font la navette entre des points de la ligne de chemin de fer de la compagnie (soit «les services de navetteurs» comme les décrit le Ministre) ne sont pas admissibles à recevoir les subsides féde aux que prévoit la Loi sur les chemins de fer, constatation que le gouverneur général en conseil a fait à tort en droit.
b) une ordonnance autorisant la demanderesse à faire valoir que les injonctions interlocutoires auxquelles elle conclut dans son avis de requête en date du 9 novembre 1981 devraient être accueillies à l'égard de Via Rail Canada Inc. ainsi que du Canadien Pacifique Limitée, et autorisant les défendeurs, si ainsi notifiés, à soutenir qu'une ordonnance sur le fondement de la règle 419(1)a) devrait être accordée pour radier ces alinéas ainsi que les alinéas antérieurement radiés par les ordonnances de M. le juge Allison A.M. Walsh en date du 2 mars 1982,
c) une ordonnance prorogeant le délai de signification et de production des mémoires écrits en vertu des ordonnances qu'a prononcées M. le juge Allison A.M. Walsh le 2 mars 1982,
d) toute autre ordonnance additionnelle jugée appropriée;
Ceci est une requête des plus inhabituelles vu que le jugement en cause, rendu le 2 mars 1982 [[1982] 2 C.F. 629], lequel radiait le paragraphe 18 et les alinéas a), b), c), d), e), f), g), h) et j), ainsi que l'alinéa i)(ii) du paragraphe 19 de la déclaration révisée de la demanderesse, et soumet- tait comme question de droit à décider, conformé- ment à la Règle 474, la conclusion de l'alinéa i)(i), a maintenant été porté en appel; on serait donc en droit de dire que la Cour est functus officio lors- qu'il s'agit de modifier ladite déclaration révisée. La question de droit n'a pas encore été instruite mais, à l'époque, il avait été entendu que si la demanderesse n'avait pas gain de cause éventuelle- ment, cela équivaudrait à la radiation de l'ensem- ble de sa déclaration révisée puisque, bien que les articulations de fond de la déclaration révisée n'aient pas été radiées, ledit paragraphe 19 conte- nait l'ensemble des moyens sur lesquels elle fondait son recours, de sorte que celui-ci ne pourrait être exercé alors. En outre, la demanderesse concluait à une injonction interlocutoire, conclusion qui fut rejetée, avec autorisation de la réintroduire après préavis d'une semaine, une fois qu'il aurait été statué sur la question de droit. Au cours de l'ins- truction, on avait soulevé des doutes sérieux sur le bien-fondé du recours à l'injonction interlocutoire pour empêcher l'application d'une ordonnance d'ordre législatif ou administratif, laquelle demeure obligatoire tant qu'elle n'est pas annulée, après instruction au fond. La Cour n'avait pas eu à statuer à ce sujet puisqu'il avait été jugé qu'aucune demande d'injonction interlocutoire ne devrait de toute façon être examinée avant que ne soit défini- tivement résolue la question de droit. Aux pages 646 et 647 des motifs du jugement, il est dit:
Tant que cette question de droit ne sera pas résolue, il sera inopportun d'accorder la requête d'injonction interlocutoire de la demanderesse même s'il ne fallait statuer sur aucune autre fin de non-recevoir à son égard en ce moment. On a soulevé des arguments sérieux sur l'opportunité d'une injonction interlocu- toire pour empêcher l'application d'une ordonnance d'ordre législatif ou administratif, laquelle demeure obligatoire tant qu'un tribunal compétent ne l'a pas cassée, avant jugement définitif au fond. Autre argument qu'il n'est pas nécessaire d'examiner en cet état de la cause: l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, n'enlève-t-il pas à notre juridiction toute compétence quant au recours en injonc- tion exercé? Il est attribué à la Commission en termes fort larges, sur le fondement de la Partie IV de la Loi nationale sur les transports, la compétence de prononcer des ordonnances de faire visant les compagnies ferroviaires.
Le nouveau moyen que fait valoir la demande- resse pour conclure à une injonction interlocutoire à l'alinéa b) de sa présente requête ne sera donc pas examiné.
Les renseignements sur lesquels la demanderesse se fonde pour demander la modification du para- graphe 19, par l'ajout des alinéas k) et 1), n'au- raient pas été connus d'elle à l'époque la requête, dont le jugement du 2 mars 1982 fut la conséquence, fut débattue, bien qu'il ait été ques tion de la distinction à faire entre un service de banlieusards et un service de trains de voyageurs (quoique ce dernier puisse transporter surtout des banlieusards). Voici ce que l'on trouve à la page 640 des motifs du jugement, relativement à l'or- donnance R-32317 du Comité des transports par chemin de fer:
Le Comité exprime l'avis que la ligne Toronto—Havelock «peut comprendre essentiellement un service de banlieue pour lequel il ne peut y avoir de subventions» ainsi que son intention d'étudier ce cas afin de décider si oui ou non on doit continuer à désigner ce service comme un service de trains de voyageurs aux termes des articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de fer. L'article 261 est l'article qui prévoit que la Commission, lorsqu'un service non rentable est exploité, «doit ... certifier le montant de la perte réelle» dont 80%, prélevé sur le Fonds du revenu consolidé, peut alors être remis à la compagnie. Le paragraphe (8) dispose que cela ne s'applique pas «en ce qui concerne un service de trains de voyageurs qui transporte principalement des abonnés ou autres personnes voyageant régulièrement entre des points situés sur le chemin de fer de la compagnie assurant le service». Il n'est pas nécessaire, pour les besoins de la cause, de décider si effectivement ledit service de trains de voyageurs constitue un service de banlieue ou non; cette question ne se poserait que si on devait ordonner à VIA Rail de poursuivre son exploitation en collaboration avec le Canadien Pacifique Limitée par suite de l'annulation du C.P. 1981-2171 selon le voeu de la demanderesse.
Le fait nouveau qu'invoque maintenant la demanderesse pour obtenir la révision désirée est une lettre que le secrétaire parlementaire du minis- tre des Transports a adressé à la Toronto—Peter- borough—Havelock Line Passenger Association le 26 février 1982 (d'après le cachet de la poste), disant qu'elle est écrite à la demande du Ministre, M. Jean-Luc Pépin, en réponse, tardive, à une lettre du 30 septembre 1981 il était dit notam- ment: [TRADUCTION] «Si ce service a été inclus dans la restructuration du service de trains de voyageurs annoncée récemment, ce n'est pas en raison de son rapport recettes-coûts mais plutôt parce que sa nature, en tant que service de ban- lieue, le rendait inadmissible au titre des subsides
fédéraux prévus par la Loi sur les chemins de fer». La lettre rappelle que 55% de passagers de la ligne montent à bord du train et en redescendent au moins deux arrêts avant la gare Union dans le secteur que desservent et les services dits GO-Transit et ceux de la Commission de transit de Toronto. On analyse ensuite la définition de ser vice de banlieue et rappelle qu'un rapport du Com- missaire à la planification et au développement de Toronto, (Toronto Commissioner of Planning and Development) le considère comme tel et que le subside au titre des passagers serait réduit si le trafic était reporté aux services GO-Transit et à ceux de la C.T.T. On analyse alors la ligne de conduite gouvernementale rappelant que: [TRA- DUCTION] «Si nous voulons regénérer les services ferroviaires de passagers au Canada, il est essentiel que VIA se concentre sur des services intercités de haute densité, et que soit abandonné aux provinces et aux municipalités le soin de développer les services de banlieue en fonction de leurs besoins particuliers». Cette lettre a été annexée à une déclaration sous serment déposée à l'appui de la présente requête.
La demanderesse a tenté de produire à l'instruc- tion une autre lettre, datée du 18 mars 1982, qu'un autre assistant parlementaire du ministre des Transports aurait adressé à un certain Robert L. Sillcox, que son procureur identifie comme membre d'une association de contribuables de Barrie. Elle n'a été jointe à aucune déclaration sous serment, il n'y est pas prétendu qu'elle est écrite à la demande du ministre des Transports et, de toute façon, un examen rapide révèle qu'elle n'ajoute que peu de choses à la première si ce n'est, peut-être, qu'elle corrobore le fait que l'abandon des services de banlieue résulte de la politique de considérer les services de banlieue comme une responsabilité provinciale. Je ne crois pas que cette lettre devrait être formellement admise comme preuve.
Comme je l'ai dit au début, je ne crois pas qu'on devrait autoriser une révision d'une procédure dont on a formé appel. Toutefois, puisque la chose est fort urgente, l'abandon devant prendre effet le 7 septembre 1982, je vais instruire la requête au fond. Certes, la procédure normale serait, dans le cas d'une fin de non-recevoir, de présumer que les conclusions que l'on veut voir radier sont véridi-
ques et ensuite de décider si elles peuvent se défendre compte tenu du droit qu'on prétend exer- cer; ce serait néanmoins retarder inutilement la procédure que d'admettre ces modifications sur ce fondement puis de voir immédiatement opposée à l'ordonnance en ce sens une fin de non-recevoir, suivie de la décision sur la question de savoir si les modifications peuvent donner droit au recours pré- tendument exercé. Les défendeurs reconnaissent que la Cour peut se saisir de la question comme si ces paragraphes avaient déjà été insérés dans la déclaration révisée à l'époque de l'instruction de la fin de non-recevoir et qu'en décidant d'autoriser les modifications ou non elle peut statuer après avoir examiné si, ayant été dans la déclaration révisée à l'époque, elles auraient été radiées avec les autres alinéas du paragraphe 19 qui eux aussi ont été radiés.
La demanderesse soutient que la décision du gouverneur en conseil d'ordonner la cessation du service en cause repose sur une politique plutôt que sur le droit et que, ce faisant, il est sorti de sa compétence. On cite l'arrêt Inuit Tapirisat [1980] 2 R.C.S. 735 la page 748 il est dit:
Il faut dire tout de suite que la simple attribution par la loi d'un pouvoir au gouverneur en conseil ne signifie pas que son exercice échappe à toute révision. Si ce corps constitué n'a pas respecté une condition préalable à l'exercice de ce pouvoir, la cour peut déclarer ce prétendu exercice nul.
A la page 750, on cite un extrait de l'espèce Border Cities Press Club c. Le procureur général de l'Ontario [1955] 1 D.L.R. 404, il est dit la page 4121:
[TRADUCTION] En exerçant le pouvoir mentionné, le lieute- nant-gouverneur en conseil, n'exerce pas, à mon avis, une prérogative de la Couronne, mais bien un pouvoir attribué par la Loi, pouvoir qui ne peut valablement être exercé qu'en se conformant aux dispositions de la Loi qui sont juridiquement des conditions préalables à l'exercice d'un tel pouvoir.
Voici les paragraphes (8) et (9) de l'article 261 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2:
261.. ..
(8) Les paragraphes (2) à (7) ne s'appliquent pas en ce qui concerne un service de trains de voyageurs qui transporte principalement des abonnés ou autres personnes voyageant régulièrement entre des points situés sur le chemin de fer de la compagnie assurant le service.
(9) Lorsque, en vertu du paragraphe (8), une réclamation ne peut être faite aux termes du présent article relativement à un
service non rentable, la Commission doit, après enquête, attes- ter la perte réelle, s'il en est, qui, à son avis est attribuable au service et faire à ce sujet rapport au gouverneur en conseil en indiquant l'action qu'il estime nécessaire ou désirable d'entre- prendre pour fournir une aide à l'égard de cette perte.
C'est donc probablement à tort que le secrétaire parlementaire, auteur de la lettre du 26 février 1982, a écrit qu'un service de banlieue est inadmis sible au titre des subsides fédéraux selon la Loi sur les chemins de fer. Même si l'on devait concéder qu'il s'agit d'un service de banlieue, et cela n'a pas été établi, cela ne ferait que le rendre inadmissible au subside de 80% de ses pertes en tant que service de trains de voyageurs prévu au paragraphe (4), sans éliminer la possibilité d'accorder un subside pour une perte que certifierait la Commission (ce qui n'a pas encore été fait en l'espèce) en prenant la ligne d'«action qu'il estime nécessaire ou désira- ble d'entreprendre pour fournir une aide à l'égard de cette perte» comme il est dit au paragraphe (9).
En d'autres mots, il n'existe pas d'obligation de subventionner les services de banlieue mais une simple disposition que cela peut être fait si on le juge désirable, ce qui est en somme une question de politique, le gouverneur en conseil manifeste- ment étant d'avis que ces services devraient être subventionnés, si nécessaire, par les provinces ou les municipalités. Il ne me semble pas qu'en pre- nant en compte une telle politique le gouverneur en conseil ait agi contrairement à la loi. D'ailleurs, il n'est pas désirable que les tribunaux s'enquièrent des motifs du gouverneur en conseil de prendre tel ou tel décret à moins qu'il n'y ait abus de pouvoir manifeste. On a cité à cet égard l'arrêt Roncarelli c. Duplessis [1959] R.C.S. 121, mais il peut clai- rement être distingué, étant un exemple flagrant d'abus de pouvoir. Il en va de même de l'espèce Re Doctors Hospital and Minister of Health (1976) 68 D.L.R. (3 e ) 220, le décret annulé avait manifestement été pris en contravention de l'objet et des fins de la législation.
Dans l'arrêt Inuit Tapirisat (précité), le juge Estey, parlant des vastes pouvoirs que le paragra- phe 64(1) de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, attribue au gouverneur en conseil, a dit à la page 753:
On ne peut priver l'Exécutif de son droit d'avoir recours à son personnel, aux fonctionnaires du ministère concerné, et surtout aux commentaires et aux avis des ministres membres du con-
seil, responsables, à ce titre, des questions d'intérêt public soulevées par la requête, que ces questions soient de nature économique, politique, commerciale ou autre.
et encore, à la page 755:
Je suis d'avis que le pouvoir de surveillance de l'art. 64, comme celui en cause dans l'arrêt Davisville, précité, est conféré aux membres du Cabinet pour leur permettre de répondre aux préoccupations politiques, économiques et sociales du moment.
et, à la page 756:
D'autre part, le législateur est apparemment d'avis qu'il s'agit d'un domaine particulièrement vulnérable aux changements des politiques d'intérêt public et il l'a par conséquent réservé à l'Exécutif qui doit en dernier ressort les appliquer.
Je refuse donc de dire que le gouverneur en conseil n'était pas en droit de tenir compte de certaines politiques gouvernementales en ordon- nant la cessation du service de passagers sur ladite ligne.
J'ajouterai, si l'on devait conclure qu'il s'agit d'un service de banlieue, que je suis d'avis que la compagnie ferroviaire n'a pas à demander à la Commission l'autorisation de cesser de l'exploiter; le décret n'est, en conséquence, même pas néces- saire puisque la compagnie ferroviaire peut cesser d'exploiter ce service proprio motu.
Comme j'en conclus que les modifications, si on les autorisait, seraient, à bon droit, radiées, je les refuse.
Quant à l'instruction de la question de droit sur le fondement de la Règle 474, c'est une question d'avant-dire droit et aucune requête n'est faite à la Cour de la suspendre. La jurisprudence dit qu'un appel ne surseoit pas en soi à l'instance dont appel et que, en fait, former appel d'un jugement d'avant-dire droit n'est pas souhaitable (voir, par exemple, Cercast Inc. c. Shellcast Foundries Inc. [1973] C.F. 28 aux pages 34, 35 et [1973] C.F. 674).
En l'espèce, je crois que la question de droit soumise sur le fondement de la Règle 474 devrait être instruite aussitôt que possible, toutes les par ties ayant maintenant produit leur mémoire à cet égard.
Si l'on devait former appel du présent jugement ou s'il devait y avoir appel de la décision sur la question de droit, comme c'est probable, il serait souhaitable qu'ils soient tous instruits de concert,
si c'est le voeu de la Cour d'appel, de façon à saisir cette dernière de toutes ces questions au même moment, sans retard inutile.
ORDONNANCE
La requête de la demanderesse en modification de la déclaration révisée est rejetée avec dépens. La question de droit soumise sur le fondement de la Règle 474 par le jugement en cause du 2 mars 1982 sera instruite aussitôt que cela conviendra aux parties, à tel jour ordinaire réservé aux requê- tes à Toronto ou à telle date spéciale que fixera le juge en chef adjoint.
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