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T-4929-81
Union Electric Supply Co. Limited (Appelante)
c.
Le registraire des marques de commerce (Intimé)
Division de première instance, le juge Mahoney— Ottawa, 14 et 15 avril 1982.
Marques de commerce Appel formé contre la décision par laquelle le registraire a, conformément au par. 44(3) de la Loi sur les marques de commerce, radié l'enregistrement de la marque de commerce de l'appelante L'affidavit de l'appe- lante a établi que la marque de commerce était montrée à l'intérieur et à l'extérieur des divers établissements du pro- priétaire inscrit, celui-ci offrait en vente ses marchandises Les étiquettes indiquant le prix des marchandises et portant la marque de commerce étaient apposées sur les marchandises du propriétaire inscrit au moment de leur vente Le déposant étant dans une situation il avait une connaissance person- nelle des faits, autant par son expérience que par son poste Le registraire a décidé que le propriétaire inscrit n'avait pas «indiqué» que la marque de commerce était employée à l'épo- que en cause, parce que l'affidavit fourni par le propriétaire inscrit ne contenait que des déclarations non étayées d'emploi et qu'il n'était pas accompagné de preuves «précises„ Il échet d'examiner si le registraire a fait erreur en rejetant la preuve qui lui était soumise L'appel est accueilli Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 4(1), 44.
APPEL. AVOCATS:
David E. Clarke et Michael A. Holowack
pour l'appelante.
Judith McCann pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'appe- lante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: La Cour est saisie d'un appel contre la décision de l'intimé de radier l'en- registrement de la marque de commerce UNION LIGHTING CENTRE/CENTRE D'ECLAIRAGE UNION,
enregistrée par l'appelante sous le 195,431, con- formément au paragraphe 44(3) de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10.
44. (1) Le registraire peut, à tout moment, et doit, sur la demande écrite présentée après trois années à compter de la
date de l'enregistrement, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration statutaire indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce est employée au Canada et, dans la négative, la date elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.
(2) Le registraire ne doit recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration statutaire, mais il peut enten- dre des représentations faites par ou pour le propriétaire inscrit de la marque de commerce, ou par ou pour la personne à la demande de qui l'avis a été donné.
(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve à lui fournie ou de l'omission de fournir un telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchan- dises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une quelconque de ces marchandises ou de l'un quelconque de ces services, n'est pas employée au Canada, et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou modification en conséquence.
L'intimé reconnaît que la preuve produite devant la Cour justifie l'accueil de l'appel, sauf à l'égard des couvertures électriques. L'appelante soutient que l'intimé a fait erreur en rendant sa décision, compte tenu de la preuve produite devant lui, et elle fait valoir qu'il serait hautement souhai- table que la Cour rende jugement sur cette ques tion à cause du grand nombre de décisions que l'intimé semble avoir rendu en invoquant des motifs semblables. On me dit qu'une cinquantaine de ces décisions sont en voie d'appel devant cette Cour. L'appelante déclare, à très juste titre, qu'il est peu vraisemblable qu'aucun appelant devant cette Cour ne limite sa preuve en appel à une preuve semblable à celle que l'intimé a jugé insuf- fisante en l'espèce, si ces appelants disposent d'élé- ments de preuve additionnels.
Je partage l'opinion de l'appelante. Il est absolu- ment injustifiable de demander au propriétaire d'une marque de commerce de faire des dépenses et des efforts pour indiquer, par une preuve sura- bondante, l'emploi qu'il fait de sa marque de com merce, lorsque cet emploi peut être facilement prouvé de manière simple et directe. C'est l'emploi qui doit être indiqué, et non un exemple de tous les emplois.
Le premier affidavit fourni par l'appelante est clairement insuffisant à la lumière du jugement de la Cour d'appel fédérale dans Plough (Canada)
Limited c. Aerosol Fillers Inc.' Dans sa décision, l'intimé a longuement cité ce jugement, y compris le passage qui suit tiré de la page 684:
Le paragraphe 44(1) exige qu'il soit fourni au registraire un affidavit ou une déclaration statutaire «indiquant», et non sim- plement énonçant, si la marque de commerce est employée, c'est-à-dire décriant l'emploi de cette marque de commerce au sens de la définition de l'expression «marque de commerce» à l'article 2 et de l'expression «emploi» à l'article 4. Cela ressort clairement des termes du paragraphe en question puisqu'il exige que le propriétaire inscrit fournisse un affidavit ou une déclaration statutaire indiquant, à l'égard de chacune des mar- chandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistre- ment, si la marque de commerce est employée au Canada et, dans la négative, la date elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. Cela a pour but non seulement d'indiquer au registraire que le proprié- taire inscrit ne veut pas renoncer à l'enregistrement, mais aussi de l'informer quant à l'emploi de la marque de commerce afin que lui et la Cour, s'il y a appel, puissent être en mesure d'apprécier la situation et d'appliquer, le cas échéant, la règle de fond énoncée au paragraphe 44(3).
L'intimé a alors assez bien résumé la preuve perti- nente que contient le second affidavit de l'appe- lante; voici ce résumé:
[TRADUCTION] Dans le second affidavit, en date du 9 septem- bre 1980, M. Hallarn déclare que la marque de commerce UNION LIGHTING CENTRE/CENTRE D'ECLAIRAGE UNION était, à la date de l'avis donné conformément à l'article 44, employée au Canada par son propriétaire inscrit en liaison avec chacune des marchandises que spécifie l'enregistrement, à l'ex- ception des couvertures électriques. M. Hallarn déclare que ladite marque de commerce était montrée à l'intérieur et à l'extérieur des divers établissements du propriétaire inscrit celui-ci offrait en vente et vendait ses marchandises au public. L'auteur de l'affidavit ajoute que les étiquettes indiquant le prix des marchandises portaient la marque de commerce et étaient apposées sur les marchandises du propriétaire inscrit au moment de leur vente de manière à attirer l'attention d'un acheteur sur ladite marque de commerce. La pièce A déposée au soutien de l'affidavit indique la manière dont la marque de commerce était apposée sur les marchandises. Il s'agit d'un échantillon d'étiquette de prix qui porte la marque de com merce UNION LIGHTING CENTRE/CENTRE D'ECLAIRAGE UNION. En conclusion, le déposant déclare qu'à l'exception des couvertures électriques, toutes les marchandises nommées dans l'état des marchandises étaient offertes en vente et étaient vendues en liaison avec ladite marque de commerce à toutes les époques en cause.
L'avis de l'article 44 a été donné au cours des 6 années d'expérience de Hallarn.
L'intimé a jugé:
[TRADUCTION] Le second affidavit ne se conforme pas aux
exigences du paragraphe 44(1). Le propriétaire inscrit n'«indi-
' [1981] 1 C.F. 679.
que» pas, à l'égard de «chacune» des marchandises que spécifie l'enregistrement, que la marque de commerce UNION LIGHTING CENTRE/CENTRE D'ÉCLAIRAGE UNION a été employée au Ca- nada dans la pratique normale du commerce à l'époque qui a précédé l'avis donné en vertu de l'article 44 et à la date même de cet avis.
Dans les procédures visées à l'article 44, le propriétaire inscrit a la charge d'«indiquer», par opposition à la simple obligation de «déclarer», que la marque de commerce est employée au sens des articles 2 et 4 de la Loi sur les marques de commerce. Je crois que l'emploi du mot «indiquant» au paragraphe 44(1) impose au propriétaire inscrit la responsabilité de produire des preuves précises à partir desquelles le registraire peut tirer des conclusions et rendre une décision sur l'emploi d'une marque de commerce. L'affidavit fourni par le propriétaire inscrit est clairement insuffisant à cet égard, parce qu'il ne contient que des déclarations non étayées d'emploi et qu'il n'est pas accom- pagné de preuves précises, tels des échantillons de factures qui indiquent des ventes de chacune des marchandises avant la date de l'avis donné conformément à l'article 44, ou les chiffres de ventes de la période qui précédait immédiatement la date de l'avis. La production de la pièce A, un échantillon d'étiquette de prix, indique seulement l'emploi de la marque de commerce lorsqu'elle était apposée sur les marchandises elles-mêmes. L'échantillon de l'étiquette de prix ne confirme aucunement que chacune des marchandises que spécifie l'enregistrement, était transférée à des clients au Canada dans la pratique normale du commerce, ou qu'elle était vendue pour fins d'ex- portation. L'absence de preuves «précises» ne me permet pas de conclure que ladite marque de commerce était employée à l'époque qui a précédé l'avis de l'article 44 et à la date même de cet avis.
Lorsqu'il parle de «preuves précises», l'intimé semble s'appuyer sur le passage suivant de la décision rendue en première instance dans l'affaire Plough 2 , le juge Catt`anach fait remarquer:
En vertu de l'article 44, le registraire n'est pas autorisé à recevoir de preuve autre que l'affidavit et il doit fonder sa décision sur le contenu de ce document. Aucun contre-interro- gatoire ne peut venir ébranler le fondement des allégations et les affidavits contradictoires ne sont pas permis.
Dans ces circonstances, je suis d'avis qu'il incombe au regis- traire d'exiger la plus grande précision dans les preuves qui lui sont présentées. Une simple déclaration non étayée quant à l'emploi d'une marque est inacceptable; de plus, toute alléga- tion ambiguitas patens dans un affidavit le rend irrecevable.
Il n'y a pas d'ambiguïté évidente dans le second affidavit, et la décision de l'intimé n'indique pas pourquoi le registraire a conclu qu'il ne s'agissait pas d'une preuve précise.
L'emploi d'une marque de commerce est défini au paragraphe 4(1) de la Loi.
4. (1) Une marque de commerce est censée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la pro
2 [1980] 2 C.F. 338à la p. 344.
priété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées ou si elle est, de quelque autre manière, liée aux marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
Il semble évident qu'une étiquette qui porte la marque de commerce et qui est apposée sur les marchandises au moment de la vente, constitue un emploi de la marque de commerce «de manière à être liée aux marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la personne», (c'est-à-dire le client), «à qui la propriété ou possession est transférée». En toute déférence, j'estime que l'in- timé a fait erreur lorsqu'il a jugé qu'il n'était pas prouvé qu'il se produisait au Canada des transferts aux clients dans la pratique normale du commerce parce que le déposant a expressément fondé sa connaissance de l'emploi sur l'usage qu'il a pu observer pendant qu'il travaillait aux magasins de détail de l'appelante, à Ottawa et à Toronto.
L'énumération que fait le déposant des mar- chandises spécifiques qui étaient vendues avec éti- quettes apposées, constitue une bonne preuve de leur emploi en liaison avec chacune de ces mar- chandises; il ne s'agit pas d'une simple déclaration d'emploi du genre de celle que la Cour d'appel a jugée inacceptable. Il faut replacer ce jugement dans son contexte. Dans l'affaire Plough, l'affida- vit déclarait seulement:
[TRADUCTION] 2. QUE Plough (Canada) Limited emploie actuellement et employait au 7 septembre 1978, la marque de commerce déposée PHARMACO dans la pratique normale du commerce en liaison avec des préparations pharmaceutiques.
C'est cela que la Cour d'appel fédérale a jugé ne pas «indiquer» l'emploi d'une marque de commerce au Canada.
L'intimé n'était pas justifié de conclure que la preuve manquait de précision au seul motif qu'il aurait aimé que l'appelante produise des preuves additionnelles, ce qu'en l'espèce, l'appelante pou- vait faire. Quiconque se voit confier la responsabi- lité de rendre une décision de nature judiciaire, est souvent réduit à devoir rendre une décision fondée sur moins de preuves qu'il ne l'aurait souhaité. Il demeure que la seule preuve produite devant l'in- timé était d'une précision suffisante, au sens que l'on peut donner à ces mots d'usage courant, même s'il semble que l'intimé aurait désiré une preuve plus abondante. Le déposant était manifestement
dans une situation il avait une connaissance personnelle des faits, autant par son expérience chez l'appelante que par son poste. La preuve établit également sans équivoque que la marque de commerce était employée au Canada, à l'époque en cause, en liaison avec les marchandises spécifi- ques à l'égard desquelles elle avait été enregistrée, à l'exception des couvertures électriques.
Il est indubitable que le genre de preuve néces- saire pour «indiquer» l'emploi d'une marque de commerce au Canada variera d'une affaire à l'au- tre, en partie selon la nature du commerce du propriétaire inscrit, qu'il s'agisse, par exemple, d'un manufacturier, d'un détaillant ou d'un impor- tateur, et selon ses pratiques commerciales. Il est possible que l'intimé puisse exiger en certains cas le genre de preuves qu'il souhaitait trouver en l'espèce; toutefois, en l'espèce, il a fait erreur en rejetant la preuve qui lui était soumise au motif qu'elle était insuffisante et manquait de précision.
Dans sa réponse à l'avis de l'article 44, l'appe- lante avait l'obligation d'indiquer l'emploi de la marque de commerce «à l'égard de chacune des marchandises» que spécifie l'enregistrement. La Cour accueille l'appel, sauf à l'égard des couvertu- res électriques.
JUGEMENT
La Cour accueille l'appel, mais ordonne la modi fication de l'enregistrement de la marque de com merce 195,431, par la suppression des «couver- tures électriques» de l'état des marchandises en liaison avec lesquelles la marque de commerce est employée.
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