Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-292-81
Toronto Real Estate Board (requérante)
c.
Le ministre du Revenu national (intimé)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et juge suppléant Kelly—Toronto, 25 février et 15 mars 1982.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Taxe de vente fédérale Exemptions Décision du Ministre portant que la publication n'est pas exempte d'impôt, parce qu'elle n'est pas un journal La publication «Real Estate News» visait d'abord à faire connaître les biens immobiliers et à promouvoir les services offerts par les membres de la requérante La publication est-elle un «journal» au sens ordinaire que confère à ce mot la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Montreal Stock Exchange? Le Ministre a fait erreur en appliquant des critères supplémentaires à la défini- tion La publication est un «journal», c.-à-d. une «publica- tion imprimée à intervalles réguliers ... consacrée à la com munication de nouvelles ... et d'autres affaires d'intérêt public» La publication contient des annonces publicitaires et des «renseignements» tirés de diverses sources, susceptibles d'intéresser les propriétaires immobiliers Le fait que la publication vise une partie de la population au profit d'une autre ne restreint pas le sens de ce mot Demande accueillie Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 27(1), 29(1), annexe III, Partie III, art. 3 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande visant à faire annuler la décision de l'intimé selon laquelle la publication de la requérante, le Real Estate News, n'est pas un journal exempt de la taxe de vente fédérale au sens de l'article 3, annexe III, Partie III de la Loi sur la taxe d'accise. L'intimé a décidé, à la lumière des affaires Montreal Stock Exchange et Bickle, que la publication était une circu- laire publicitaire visant d'abord à faire connaître les biens immobiliers inscrits au Multiple Listing Service et à promou- voir les services offerts par ses membres en vue d'accroître leur clientèle. La requérante soutient que le Ministre a contrevenu à une règle de justice naturelle, qu'il a outrepassé les limites de sa compétence, que sa décision était déraisonnable eu égard à la preuve et qu'on doit donner au mot «journal» son sens ordinaire, plus précisément celui qui lui a été conféré par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Montreal Stock Exchange.
Arrêt: la demande est accueillie sur le fondement des deux derniers motifs invoqués. Le Ministre a commis l'erreur de prendre sa décision en se fondant sur des critères supplémentai- res quant au sens du mot «journal», critères qui ne sont prévus ni dans Montreal Stock Exchange ni dans Bickle. La publica tion en question correspond bien au sens ordinaire que l'on donne au mot «journal», c.-à-d. «une publication imprimée à intervalles réguliers ... consacrée à la communication de nou- velles ... et d'autres affaires d'intérêt public». Le fait que cette publication vise une partie de la population au profit d'une autre ne restreint pas le sens de ce mot. Cette publication ne contient pas que des annonces publicitaires concernant les biens immobiliers inscrits au Multiple Listing Service, mais aussi des «renseignements» susceptibles d'intéresser les propriétaires immobiliers, renseignements tirés de diverses sources et corres-
pondant bien au sens de l'expression «autres affaires d'intérêt public». Dans l'affaire Bickle de 1979, on a jugé que les publications en cause étaient des «journaux» même si elles contenaient presque exclusivement des annonces publicitaires. Elles diffèrent des «prospectus publicitaires», qu'on appelle «feuillets» dans la langue familière parce qu'elles contiennent «des renseignements, `des nouvelles' de ce qui est disponible dans des secteurs commerciaux particuliers».
Jurisprudence: arrêts appliqués: E.W. Bickle Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1979] 2 C.F. 448; E.W. Bickle Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1981] 2 C.F. 613; [1981] C.T.C. 25. Arrêt suivi: R. c. Montreal Stock Exchange [1935] R.C.S. 614.
DEMANDE de contrôle judiciaire. AVOCATS:
John G. Parkinson, c.r. et David C. Poynton
pour la requérante.
Graham R. Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gardiner, Roberts, Toronto, pour la requé- rante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande de la requérante est fondée sur l'article 28 et tend à l'annulation de la décision de l'intimé, décision selon laquelle la publication de la requérante, le Real Estate News, n'est pas un «journal» exempt de la taxe de vente au sens de l'article 3, Partie III, annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13.
Les faits pertinents qui ne sont pas contestés sont énoncés comme suit dans l'exposé des points litigieux de la requérante:
[TRADUCTION] 1. La requérante, Toronto Real Estate Board, est une société sans capital social dont les membres sont courtiers et vendeurs dans le domaine immobilier pour la région métropolitaine de Toronto. Elle regroupe 10,748 membres dont 2,161 courtiers et 8,587 vendeurs.
2. En 1971, la requérante a commencé à publier un journal sous le titre «Toronto Real Estate». Le nom de cette publication fut changé pour celui de «Real Estate News» en octobre 1979.
3. Le 20 mars 1973, la requérante reçut copie de la décision du ministère du Revenu national concernant cette publication. Cette décision se lisait en partie comme suit:
L'étude de l'exemplaire qui nous a été fourni nous a révélé que cet imprimé est publié régulièrement à des intervalles déterminés et qu'il porte un cartouche-titre indiquant le nom de la publication, de même que le jour, le mois et l'année du numéro en question.
Le «Toronto Real Estate» qui contient des nouvelles et des articles d'intérêt général pour les abonnés constitue un «jour- nal» exempt de la taxe de vente aux termes de la Partie III(3), annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise.
Il conviendrait de transmettre une copie de cette décision à la Webb Offset Publications Ltd. afin qu'elle puisse réclamer l'exemption relative à la taxe de vente.
4. Le 11 octobre 1978, la requérante a reçu de Revenu Canada une autre lettre se lisant comme suit:
Au cours des derniers mois, nous nous sommes livrés à un examen de votre imprimé intitulé «Toronto Real Estate» afin de déterminer à quelle catégorie il appartient au sens de la Loi sur la taxe d'accise.
Nous avons conclu, à la lecture des numéros examinés, que cette publication ne peut plus être considérée comme un «journal» exempt de la taxe de vente aux termes de l'article 3, Partie III, annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise car la part de son contenu réservée aux éditoriaux est insuffisante par rapport à celle consacrée à la publicité.
A la lumière de ce qui précède, la décision du 20 mars 1973 exemptant cette publication de la taxe de vente ... est par les présentes annulée à compter du 1°" novembre 1978.
5. Des observations ont ensuite été faites et un exposé écrit a été présenté à M. Anthony C. Abbot qui était alors ministre du Revenu national. Toutefois, dans ses lettres du 2 et du 16 octobre 1979, celui-ci confirma la décision du 11 octobre 1978 portant que la publication en question n'était pas exempte de la taxe.
6. Le 25 octobre 1979, la requérante intenta des procédures devant la Division d'appel de la Cour fédérale du Canada en vue d'obtenir l'annulation de la décision du Ministre.
7. Dans un jugement rendu le 7 novembre 1980, la Cour d'appel fédérale s'est prononcée comme suit dans l'affaire Toronto Real Estate Board c. Le ministre du Revenu national (n° du greffe A-622-79):
La demande fondée sur l'article 28 est accueillie. La décision du Ministre intimé portant que la publication intitulée «Toronto Real Estate News» n'est pas exempte de la taxe en vertu de la Loi sur la taxe d'accise est annulée et l'affaire est renvoyée devant le Ministre intimé pour qu'il rende une décision fondée sur la loi et la jurisprudence applicables aux faits de la cause.
8. Le 24 février 1981, la requérante a fait parvenir un autre exposé écrit à l'intimé et le 10 mars 1981 des représentants de la requérante ainsi que son avocat ont rencontré l'intimé à son bureau à Ottawa.
9. Au cours de cette rencontre, les représentants de la requé- rante informèrent l'intimé de vive voix que la requérante ne livrait pas le Real Estate News à domicile, mais le mettait plutôt à la disposition du public dans quelque 1,550 endroits, à Toronto et dans les environs, soit dans approximativement 790 boîtes à journaux, 360 kiosques (dans des centres commerciaux et autres endroits fermés à la circulation automobile) et dans 400 bureaux de courtiers membres de la société requérante.
10. Une photographie a aussi été présentée à l'intimé dans le but d'établir que la publication était bien un journal.
11. Le 19 mai 1981, les procureurs de la requérante ont reçu de l'intimé une lettre les informant de sa décision (la «Décision») portant que la publication de la requérante n'était pas un «journal» au sens de la Loi sur la taxe d'accise, et qu'elle n'était, par conséquent, pas exempte de la taxe de vente fédérale. Voici le texte d'un passage de cette lettre:
Après avoir étudié l'exposé et la publication à la lumière du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire «Le Roi c. Montreal Stock Exchange» et de celui de la Cour fédérale d'appel dans l'arrêt «E.W. Bickle Ltd. et le ministre du Revenu national», j'en suis arrivé à la conclusion que la publication «Real Estate News» n'est pas un journal au sens de la Loi sur la taxe d'accise.
Je suis plutôt d'avis qu'il s'agit d'une circulaire publicitaire car elle vise d'abord à faire connaître les biens immobiliers inscrits au Multiple Listing Service, service offert par le Board, et à promouvoir les services offerts par ses membres en vue d'accroître leur clientèle; eu égard à ces faits, cette publication n'est pas exempte de la taxe de vente fédérale.
En l'espèce, la demande fondée sur l'article 28 vise la dernière décision dont il est fait mention.
Le paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise impose une taxe de vente ou de consom- mation sur tous les biens produits ou fabriqués au Canada. Le paragraphe 29 (1) prévoit que la taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des articles énumérés à l'annexe III. Au 1»r novembre 1978, la date qui nous intéresse en l'espèce, la Partie III de cette annexe se lisait en partie comme suit:
3. Annuaires d'écoles et collèges; magazines et journaux littéraires non reliés, régulièrement publiés à des intervalles définis, au moins quatre fois par année; journaux; musique en feuilles; matières devant servir exclusivement à leur fabrication.
Il appartient au Ministre seul de juger si quelque imprimé entre dans l'une quelconque des catégories énumérées aux articles 1, 3, 5, et 8 de la présente Partie.
La requérante soutient que la décision du Minis- tre selon laquelle cette publication n'est pas exempte de la taxe par ce motif qu'elle n'est pas un «journal» doit être annulée et ce, pour les raisons suivantes:
(1) Le Ministre, en prenant sa décision, a con- trevenu à une règle de justice naturelle. En effet, il a négligé d'informer la requérante de tous les éléments de preuve et de tous les arguments sur lesquels il entendait fonder sa décision;
(2) Le Ministre a outrepassé les limites de sa compétence en rendant, le 20 mars 1973, une
décision définitive et obligatoire portant que la publication de la requérante était imposable; seuls des faits nouveaux, une modification de la loi ou une autorisation conférée par celle-ci pourraient lui permettre de réviser cette dé- cision;
(3) La décision de l'intimé était déraisonnable eu égard à l'ensemble de la preuve; et
(4) Lorsqu'il est appelé à décider si une publica tion est un «journal> au sens de la Loi sur la taxe d'accise, le Ministre doit donner à ce mot son sens ordinaire, plus précisément celui qui lui a été donné dans l'arrêt Le Roi c. Montreal Stock Exchange'.
Selon moi, aucun des deux premiers motifs d'ap- pel n'est suffisamment fondé pour justifier une révision de la décision. Cependant, je suis d'avis que le quatrième motif dont on a beaucoup discuté à l'audition, révèle en effet que le Ministre a appliqué incorrectement le principe énoncé dans l'arrêt Montreal Stock Exchange précité. Il en résulte que la décision qu'il a prise relativement à la nature de la publication en se fondant sur l'ensemble de la preuve peut, comme le prétend la requérante dans son troisième motif, être déraison- nable.
Dans l'affaire E.W. Bickle Ltd. c. M.R.N. 2 cette Cour a décidé que la décision rendue par le Minis- tre en vertu de la Partie III, annexe III, de la Loi sur la taxe d'accise pouvait faire l'objet d'une révision en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. Dans Le Roi c. Montreal Stock Exchange, précité, il avait été question de la portée du mot «journaux» à l'annexe III. Les publications visées dans l'arrêt précité étaient des rapports quotidiens sur les tran sactions boursières de la matinée et de l'après-midi ainsi qu'une [TRADUCTION] «analyse comparée des transactions» qui était publiée chaque semaine. De temps à autre, elles contenaient aussi des avis relatifs à des déclarations de dividendes, à la tenue d'assemblées annuelles et à la perte de certificats d'action, renseignements concernant tous des com- pagnies dont les valeurs étaient cotées en Bourse. Les membres de la Bourse étaient, bien entendu, les principaux utilisateurs de ces feuillets, mais
1 [1935] R.C.S. 614.
2 [1979] 2 C.F. 448à la p. 455.
d'autres personnes y étaient aussi abonnées. Le juge Kerwin, tel était alors son titre, aux pages 616 et 617 de son jugement, s'exprimait ainsi:
[TRADUCTION] Le terme «journaux» n'est pas défini dans la Loi et bien qu'on nous ait cité plusieurs définitions des législa- tions fédérale et provinciales, le langage tenu par l'actuel juge en chef, lorsqu'il prononça l'arrêt de la Cour dans Milne-Bing- ham Printing Co. Limited c. Le Roi ([1930] R.C.S. 282, à la p. 283), est particulièrement approprié.
On peut considérer l'usage fait du terme dans d'autres lois, si elles se révèlent comparables, pari materia, mais il est falla- cieux de supposer que parce que des lois sont comparables, pari materia, la définition de l'une peut, telle quelle, être transposée dans l'autre. * * *
En l'espèce, le mot en discussion n'est défini dans aucun texte de loi portant sur la même matière, et on ne peut que lui attribuer son sens général. Le Webster's New International Dictionary fournit une définition du mot «journal» qui est exprimée en termes correspondants dans d'autres dictionnaires faisant autorité. La voici:
une publication imprimée à intervalles réguliers * * * consa- crée à la communication de nouvelles * * * et d'autres affaires d'intérêt public.
Les rapports en question réunissent ces éléments; le simple fait qu'une publication particulière s'adresse uniquement à une partie du public ne limite pas le sens de l'expression, comme cela est clairement démontré par les publications religieuses ou amicales. Les rapports en question contiennent non seulement un relevé des opérations du marché coté ou hors-cote de la Bourse, mais aussi des renseignements pour ceux qui sont intéressés à ces opérations; les autres articles paraissant de temps à autre consistaient à fournir «des nouvelles, de nouveaux renseignements et aussi à communiquer des événements récents» (voir le Concise Oxford Dictionary pour la définition du mot «nouvelles»).
Dans la seconde affaire E.W. Bickle Ltd. c. M.R.N. 3 , cette Cour a jugé qu'il est du devoir du Ministre, aux termes de la Partie III de l'annexe III de la Loi, d'émettre une opinion. Il lui faut, à cette fin, établir les faits. Dans l'affaire susmen- tionnée, la Cour a jugé que le dossier comportait des preuves sur lesquelles le Ministre aurait pu se fonder pour déclarer que les publications en litige n'étaient pas des «journaux» au sens des disposi tions d'exemption de la Loi et au sens donné à ce mot dans l'arrêt Montreal Stock Exchange (pré- cité). La demande fondée sur l'article 28 fut donc rejetée.
Bien que l'extrait suivant de la lettre que le Ministre a apparemment fait parvenir aux procu- reurs de la requérante le 14 mai 1981 ait déjà été cité aux présents motifs il serait utile, je crois, de le rappeler:
3 [1981] 2 C.F. 613 aux pp. 617 à 619; [1981] C.T.C. 25 à la p. 29.
Après avoir étudié l'exposé et la publication à la lumière du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire «Le Roi c. Montreal Stock Exchange» et de celui de la Cour fédérale d'appel dans l'arrêt «E.W. Bickle Ltd. et le ministre du Revenu national», j'en suis arrivé à la conclusion que la publication «Real Estate News» n'est pas un journal au sens de la Loi sur la taxe d'accise.
Je suis plutôt d'avis qu'il s'agit d'une circulaire publicitaire car elle vise d'abord à faire connaître les biens immobiliers inscrits au Multiple Listing Service, service offert par le Board, et à promouvoir les services offerts par ses membres en vue d'accroî- tre leur clientèle; eu égard à ces faits, cette publication n'est pas exempte de la taxe de vente fédérale.
Il ne fait aucun doute, à la lumière du premier paragraphe rapporté ci-dessus, que l'intimé con- naissait les arrêts Montreal Stock Exchange et E.W. Bickle, précités. Si, de dire l'avocat de la requérante, l'intimé s'était contenté d'appliquer le principe qui y est énoncé, sa décision aurait été difficilement attaquable. Selon moi, il est évident à la lecture du second paragraphe que je viens de citer que le Ministre a étendu la portée du principe proposé dans Montreal Stock Exchange pour déterminer si une publication est un «journal». A mon avis, il a agi ainsi parce que, selon lui, la publication «vise d'abord à faire connaître les biens immobiliers inscrits au Multiple Listing Service, ... et à promouvoir les services offerts par ses membres en vue d'accroître leur clientèle ...» et ne peut donc être un «journal». Selon moi, le recours à de tels critères va nettement à l'encontre des motifs déterminants de l'arrêt Montreal Stock Exchange.
Je fais miens les propos du juge Kerwin dans l'affaire susmentionnée pour affirmer que la publi cation dont il est question en l'espèce correspond bien au sens ordinaire que l'on donne au mot «journal». Le fait que cette publication vise une partie de la population au profit d'une autre ne restreint pas le sens de ce mot. Cette publication ne contient pas que des annonces publicitaires concernant les biens immobiliers inscrits au Mul tiple Listing Service, mais aussi des «renseigne- ments» susceptibles d'intéresser les propriétaires immobiliers, renseignements tirés de diverses sour ces et correspondant bien au sens de l'expression «autres affaires d'intérêt public».
Par ces motifs, je conclus que l'intimé ne s'est pas contenté d'appliquer le principe posé par le juge Kerwin lorsqu'il a pris sa décision et que celle-ci doit, par conséquent, être annulée. Pour en
arriver à cette conclusion, j'ai tenu compte de l'argument invoqué par l'avocat de l'intimé, argu ment selon lequel l'opinion émise par le Ministre était conforme à celle exprimée par le juge en chef Jackett au nom de cette Cour dans la première affaire E. W. Bickle, précitée, et selon laquelle un «journal» n'est pas un simple «prospectus publici- taire». Voici d'ailleurs en quels termes s'exprimait le juge en chef à la page 456:
Comme je les conçois, elles ne sont pas de simples «prospectus publicitaires», l'on ferait de la réclame pour celui qui les distribue. Elles contiennent au contraire des renseignements, «des nouvelles» de ce qui est disponible dans des secteurs commerciaux particuliers, même si ces renseignements sont communiqués par voie d'annonces communiquées par les tiers qui ont des choses à vendre.
Je ne crois pas que le juge en chef Jackett ait voulu, dans l'extrait susmentionné, donné au mot «journal» un sens plus large que ne l'a fait le juge Kerwin. A mon avis, il cherchait par ce commen- taire à distinguer les publications en cause dans l'arrêt Bickle des «prospectus publicitaires» qu'on appelle [TRADUCTION] «feuillets» dans la langue familière et que les marchands, les fournisseurs de services et autres livrent à domicile ou insèrent dans les journaux dans le but de mousser la vente des biens et services qu'ils offrent. Aux yeux du juge en chef Jackett, ces «prospectus publicitaires» diffèrent des publications qui «contiennent ... des renseignements, `des nouvelles' de ce qui est dispo- nible dans des secteurs commerciaux particu- liers ....» Selon moi, l'intimé n'a pas appliqué la définition pertinente aux faits du litige. Il a commis l'erreur de prendre sa décision en se fon dant sur des critères supplémentaires que ne pré- voient ni l'arrêt Montreal Stock Exchange, ni les affaires E. W. Bickle.
La demande fondée sur l'article 28 est donc accueillie. La décision visée en l'espèce est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen fondé sur l'application de la loi et de son interprétation jurisprudentielle aux faits de l'espèce.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris à ces motifs.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.