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A-36-81
Le Syndicat international des débardeurs et maga- siniers, section locale 502 (requérant)
c.
Terrance John Matus et le Conseil canadien des relations du travail (intimés)
[N°1]
Cour d'appel, juges Pratte, Urie et juge suppléant Verchere—Vancouver, 9 octobre et 10 novembre; Ottawa, 24 novembre 1981.
Examen judiciaire Relations du travail Expulsion d'un membre du syndicat pour avoir adhéré à un deuxième syndicat Le syndicat permet à certains membres d'adhérer à d'autres syndicats Le Conseil canadien des relations du travail a conclu à la violation par le syndicat de dispositions du Code interdisant la discrimination Ordonnance portant réintégration et indemnisation Le Conseil a rejeté l'appel formé par le syndicat et a conclu en outre que ce dernier avait également violé une autre disposition du Code Il échet d'examiner si l'art. 185f) et h) du Code du travail est ultra vires du Parlement Il faut déterminer si le Conseil aurait outrepassé sa compétence parce que sa décision aurait été fondée sur une interprétation manifestement déraisonnable de l'art. 185h) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10, art. 28 Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 110(1), 185f),h), 189d),e) —Acte de l'Améri- que du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 51, art. 92(13).
Une section locale du syndicat a expulsé un membre pour avoir violé une règle de sa constitution qui interdisait aux membres de n'adhérer à aucun autre syndicat. Ce membre avait adhéré à un autre syndicat, parce qu'il devait le faire pour obtenir un emploi dans une autre entreprise à une époque ses employeurs habituels connaissaient un ralentissement des acti- vités. Il continua de verser ses cotisations au syndicat qui l'avait expulsé. Il a été établi que le syndicat permettait à certains membres d'adhérer à d'autres syndicats. Étant saisi d'une plainte de la part du membre, le Conseil canadien des relations du travail jugea que le syndicat avait violé les alinéas 185f) et h) du Code. L'alinéa 185f) interdisait aux syndicats d'appliquer d'une façon discriminatoire ses règles relatives à l'adhésion. L'alinéa 185h) prévoyait que les syndicats ne doivent pas exclure un employé de leurs rangs parce que ce dernier a refusé d'accomplir un acte constituant une contravention à la Partie pertinente du Code. Le Conseil a ordonné la réintégration du membre et le paiement d'une indemnité. Le syndicat a demandé une révision, et cette demande a été rejetée par le Conseil qui a conclu que le syndicat avait également violé l'alinéa 185e) du Code. Cet alinéa interdisait aux syndicats d'exiger qu'il soit mis fin à l'emploi d'un employé qui avait été exclu du syndicat pour une raison autre que le défaut de paiement des cotisations. Le syndicat a saisi la Cour d'appel fédérale de la présente demande d'examen de la décision finale du Conseil. Le syndicat prétend (1) que les alinéas f) et h)
excèdent la compétence législative du Parlement en ce qu'ils ont pour effet de réglementer les règles internes d'un syndicat et, (2) que le Conseil a outrepassé sa compétence, parce que sa décision était fondée sur une interprétation manifestement déraisonnable de l'alinéa 185h).
Arrêt: la demande est rejetée.
Le juge Pratte: Le Parlement a le pouvoir d'adopter le Code canadien du travail parce que cette loi s'applique uniquement aux employés engagés dans le cadre d'entreprises qui relèvent de la compétence fédérale, et que la détermination des condi tions de travail de ces employés est considérée comme une partie vitale de l'exploitation des entreprises fédérales. Le pouvoir qu'a le Parlement de voter la législation ouvrière s'étend à l'adoption d'une législation appropriée pour élaborer «un système de négociation collective et de dispositions légales portant sur le règlement des conflits en matière de relations de travail». Les syndicats constituent un élément essentiel d'un tel système. Pour cette raison, le Parlement du Canada a le pouvoir de légiférer pour faire en sorte que les personnes engagées dans le cadre d'entreprises fédérales ne soient pas injustement privées de leur droit d'adhérer au syndicat de leur choix. Il s'agit du but des alinéas 185f) et h). Quant à la deuxième question, le Conseil a interprété l'alinéa 185h) comme interdisant à un syndicat d'exclure un membre parce queçe dernier a fait quelque chose qu'autorise le Code. Il s'agit d' ne interprétation déraisonnable de cette disposition. L'alinéa 185h) interdit à un syndicat d'exclure un membre parce que ce dernier a refusé de faire quelque chose qui constitue une contravention à la Partie V du Code; il n'interdit pas à un syndicat d'exclure un membre parce que ce dernier a fait quelque chose qu'il était en droit de faire. Toutefois, l'ordonnance du Conseil reposait également sur la conclusion subsidiaire que le requérant avait violé l'alinéa 185f). Par conséquent, l'ordonnance du Conseil n'a pas été viciée par sa conclusion que le syndicat avait violé l'alinéa 185h).
Le juge Urie: Il n'y a pas de décision à infirmer en l'espèce, la décision du Conseil que vise la présente demande ayant été modifiée par la décision dont l'annulation a été demandée dans l'appel A-700-80 infra p. 558.
Le juge suppléant Verchere (motifs concordants quant au résultat): Le Conseil n'a pas commis d'erreur dans son interpré- tation de l'alinéa 185h). Ce que visait le règlement du syndicat était l'appartenance à un autre syndicat tout en étant membre du syndicat. Le Conseil a décidé qu'une telle double adhésion est autorisée par le Code, et que ce serait contrevenir au Code que d'obliger l'employé à abandonner cette double adhésion. Lorsque le membre n'a pas renoncé à sa double adhésion syndicale, il refusait d'accomplir un acte constituant une con travention à la Partie V du Code, et il n'était pas loisible au syndicat de l'expulser.
Jurisprudence: arrêt suivi: In re la validité et l'application de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail [1955] R.C.S. 529.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
M. D. Shortt pour le requérant.
I. G. Nathanson pour l'intimé Terrance John Matus.
J. Baigent pour l'intimé le Conseil canadien des relations du travail.
W. B. Scarth, c.r., pour le procureur général du Canada.
PROCUREURS:
Shortt & Company, Vancouver, pour le requérant.
Davis & Company, Vancouver, pour l'intimé Terrance John Matus.
Baigent & Jackson, Vancouver, pour l'intimé le Conseil canadien des relations du travail. Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, tend à l'examen et à l'annulation de la décision rendue le 6 mars 1980 par le Conseil canadien des relations du travail.
Le requérant est un syndicat au sens du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, constitué de débardeurs travaillant au port de New West- minster (Colombie-Britannique). Depuis bien des années, il est partie à une convention collective en vertu de laquelle seuls ses membres peuvent tra- vailler comme débardeurs.
L'intimé Matus travaillait comme débardeur au port de New Westminster. Il était membre du syndicat requérant lorsque, le 7 novembre 1978, il en fut exclu par ce seul motif qu'il avait violé une règle de la constitution du requérant, laquelle règle imposait aux membres de ce dernier l'obligation de «n'être membre d'aucun autre syndicat». A la suite de son expulsion, il adressa au Conseil, en vertu de l'article 187 du Code, une plainte portant que le requérant avait contrevenu à l'article 185 en l'ex- pulsant. A l'audience tenue devant le Conseil, l'avocat de M. Matus fit valoir que le requérant avait violé les alinéas 185f) et h). Le Conseil jugea que le requérant ne s'était pas conformé à l'alinéa 185h) et, par conséquent, enjoignit à ce dernier de réintégrer et d'indemniser M. Matus. C'est cette
décision qu'attaque la demande fondée sur l'article 28'.
L'avocat du requérant a avancé deux arguments, savoir:
a) que le Conseil avait outrepassé sa compétence en rendant l'ordonnance attaquée, parce que les alinéas 185f) et h) du Code excèdent la compé- tence législative du Parlement du Canada, et
b) que le Conseil avait également outrepassé sa compétence, parce que sa décision était fondée sur une interprétation manifestement déraison- nable de l'alinéa 185h) du Code.
' Les parties pertinentes du Code canadien du travail sont ainsi rédigées:
185. Nul syndicat et nulle personne agissant pour le compte d'un syndicat ne doit
J) exclure définitivement ou temporairement un employé du syndicat ou lui refuser l'adhésion au syndicat en lui appliquant d'une manière discriminatoire les règles du syndicat relatives à l'adhésion;
h) exclure définitivement ou temporairement un employé du syndicat, prendre contre lui des mesures disciplinaires ou lui imposer une forme quelconque de sanction parce qu'il a refusé d'accomplir un acte constituant une contra vention à la présente Partie; ...
189. Lorsque, en vertu de l'article 188, le Conseil décide qu'une partie que concerne une plainte a enfreint ... [l'arti- cle] 185 ..., il peut, par ordonnance, requérir ladite partie de se conformer ... à cet article et il peut,
d) pour défaut de se conformer à l'un des alinéas 185f) ou h) requérir un syndicat, par ordonnance, de réintégrer ou d'admettre un employé comme membre du syndicat; et
e) pour défaut de se conformer à l'un des alinéas 185g), h) ou i), requérir un syndicat, par ordonnance, d'annuler une mesure disciplinaire prise à l'égard d'un employé concerné par le défaut et de payer à cet employé une indemnité ne dépassant pas la somme qui, à son avis, est équivalente à toute peine pécuniaire ou autre imposée à l'employé par le syndicat;
en outre, afin d'assurer la réalisation des objectifs de la présente Partie, le Conseil peut, à l'égard de toute infraction à quelque disposition visée par le présent article, exiger d'un employeur ou d'un syndicat, par ordonnance, de faire ou de s'abstenir de faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre de faire ou de s'abstenir de faire afin de remédier ou de parer à toute conséquence défavorable à la réalisation des objectifs susmentionnés que pourrait entraîner ladite infraction, et ce en plus ou à la place de toute ordonnance que le Conseil est autorisé à rendre en vertu du présent article.
1. La question constitutionnelle
La prétention du requérant à l'égard de cette première question se résume facilement. Les rela tions entre employeurs et employés sont une ques tion de propriété et de droits civils qui, de prime abord, relève de la compétence législative exclusive des provinces en vertu du paragraphe 92(13) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appen- dice II, 5]. Si on a quand même jugé que le Parlement du Canada avait le pouvoir d'adopter le Code canadien du travail, c'est parce que ce Code s'applique uniquement aux employés engagés dans le cadre d'entreprises qui relèvent du pouvoir légis- latif du Canada, et que la détermination des condi tions de travail de ces employés est considérée comme une partie vitale de l'exploitation des entreprises fédérales. Le pouvoir qu'a le Parlement de voter la législation ouvrière découle donc de son pouvoir de réglementer l'exploitation des entrepri- ses fédérales. Selon l'avocat du requérant toutefois, les alinéas 185f) et h) ne sauraient être considérés comme des dispositions réglementant, soit directe- ment, soit indirectement, l'exploitation des entre- prises fédérales; ces dispositions, dit-il, réglemen- tent les relations entre les syndicats et leurs membres, question qui relève de la compétence exclusive des provinces.
A mon avis, cet argument doit être rejeté. Le pouvoir du Parlement dans le domaine des rela tions de travail ne se limite pas à la détermination directe des conditions de travail pour des personnes engagées dans le cas d'entreprises fédérales; il s'étend à l'adoption d'une législation appropriée pour élaborer [TRADUCTION] «un système de négociation collective et de dispositions légales portant sur le règlement des conflits en matière de relations de travail» 2 . Les syndicats constituent un élément essentiel d'un tel système. Pour cette raison, le Parlement du Canada a, à mon avis, le pouvoir de légiférer pour faire en sorte que les personnes engagées dans le cadre d'entreprises fédérales ne soient pas injustement privées de leur droit d'adhérer au syndicat de leur choix. J'estime qu'il s'agit du but des alinéas 185f) et h).
2 In re la validité et l'application de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail [1955] R.C.S. 529, le juge Estey, à la p. 564.
2. La question d'interprétation
La seconde prétention avancée par l'avocat du requérant est que le Conseil a fondé sa décision selon laquelle le requérant avait violé l'alinéa 185h) sur une interprétation manifestement dérai- sonnable de cette disposition.
Il y a de bons arguments en faveur de cette prétention. M. Matus a été exclu du syndicat requérant uniquement pour être devenu membre d'un autre syndicat. A tort ou à raison, le Conseil a estimé que M. Matus était, en vertu du Code, en droit d'adhérer à cet autre syndicat. La décision par laquelle le Conseil a jugé que le requérant avait violé l'alinéa 185h) en expulsant M. Matus est nécessairement due au fait qu'il a interprété cet alinéa comme interdisant à un syndicat d'exclure un membre parce que ce dernier a fait quelque chose qu'autorise le Code. Il s'agit là, à mon sens, d'une interprétation déraisonnable de cette disposi tion. L'alinéa 185h) interdit clairement à un syndi- cat d'exclure un membre parce que ce dernier a refusé de faire quelque chose qui constitue une contravention à la Partie V du Code; il n'interdit pas à un syndicat d'exclure un membre parce que ce dernier a fait quelque chose qu'il était en droit de faire.
Si l'ordonnance rendue par le Conseil était fondée uniquement sur la conclusion que le requé- rant a violé l'alinéa 185h), je n'hésiterais aucune- ment à accueillir cette demande fondée sur l'arti- cle 28. L'avocat de l'intimé et celui du Conseil ont toutefois soutenu que l'erreur que le Conseil aurait commise en concluant à la violation par le requé- rant de l'alinéa 185h) ne viciait pas son ordon- nance, puisque celle-ci reposait également sur la conclusion subsidiaire que le requérant avait enfreint l'alinéa 185f), conclusion clairement étayée par la preuve. En réponse à cette préten- tion, l'avocat du requérant n'a pas nié que, eu égard aux faits de la cause, le Conseil aurait pu conclure à la violation de l'alinéa 185f), mais il a fait valoir que le Conseil n'avait pas tiré cette conclusion.
Le passage de la décision rendue par le Conseil il aurait conclu à la violation de l'alinéa 185f) suit immédiatement la partie de la décision il a jugé que le requérant avait violé l'alinéa 185h); ce passage est ainsi conçu:
Pour ce qui est de l'autre allégation de M. Matus, il devient inutile pour le Conseil de déterminer si la section locale 502 a appliqué un règlement d'adhésion syndicale d'une manière dis- criminatoire en l'expulsant à cause de son appartenance à un autre syndicat.
Toutefois, si le Conseil avait eu à rendre une telle décision, il aurait trouvé dans la preuve assez d'éléments pour lui permet- tre de juger que, par rapport aux autres membres, M. Matus a fait l'objet de discrimination lorsque ce règlement a été appli- qué dans son cas, et il aurait conclu que la section locale 502 avait violé l'alinéa 185f) du Code.
De toute évidence, le sens grammatical de ce passage est que le Conseil ne rend pas de décision, mais fait simplement connaître la décision qu'il rendrait s'il était tenu d'en rendre une. On ne devrait toutefois pas attacher trop d'importance à la grammaire. Le fond d'une décision importe plus que sa forme grammaticale. Et, à mon avis, le vrai sens du passage cité ci-dessus est que le Conseil conclut subsidiairement à la violation de l'alinéa 185f).
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu de rejeter la demande.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Comme il a été indiqué dans les motifs du jugement dans l'appel portant le numéro du greffe A-700-80 [page 558 infra], la décision du Conseil canadien des relations du travail que vise la présente demande a été modifiée par la décision dont l'annulation a été demandée dans l'appel A-700-80. Cela étant, il n'y a pas de décision à infirmer en l'espèce, et la demande fondée sur l'article 28 est par conséquent rejetée.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT VERCHERE: Dans cette action, deux demandes fondées sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale ont été entendues ensemble, sur consentement. Dans l'une de ces demandes, le requérant, le Syndicat international des débardeurs et magasiniers, section locale 502 (ale syndicat») a contesté la décision que le Conseil canadien des relations du travail («le Conseil») avait rendue le 6 mars 1980, et par laquelle il avait ordonné au syndicat de réintégrer dans ses rangs
l'intimé, Terrance John Matus («Matus»), et de le dédommager du manque à gagner découlant de son expulsion. Dans l'autre, le syndicat a attaqué la décision ultérieure rendue par le Conseil le 7 octobre 1980, par laquelle ce dernier avait rejeté la demande en révision de la décision du 6 mars 1980 introduite par le syndicat. Pour des raisons de commodité, je statuerai séparément sur chaque demande dans l'ordre dans lequel elle a été men- tionnée ci-dessus.
Comme premier moyen, l'avocat du syndicat a fait valoir que les dispositions du Code canadien du travail («le Code»), Partie V, dont le Conseil a fait mention dans ses motifs de décision, savoir les alinéas 185f) et h) du Code 3 , excédaient la compé- tence législative du Parlement du Canada, parce qu'elles ne visent pas directement ou indirectement à réglementer une entreprise fédérale, mais simple- ment à réglementer les rapports entre les syndicats et leurs membres respectifs. Je juge inutile d'étu- dier cette question. J'ai pris connaissance des motifs de jugement prononcés par mes collègues; comme ils ont étudié la question assez longuement et qu'ils sont arrivés à la même conclusion et comme je me range à leurs conclusions, il suffit de dire que j'y souscris.
Le second moyen invoqué par l'avocat du syndi- cat a soulevé ce qu'on a appelé «La question d'interprétation», c'est-à-dire que, selon l'avocat, le Conseil, en rendant sa décision, s'est appuyé uni- quement sur l'alinéa 185h) susmentionné, et que, de ce fait, il a inéluctablement mal interprété le libellé de celui-ci. On a fait valoir que puisque Matus avait été expulsé du syndicat pour avoir, tout en étant membre de celui-ci, adhéré à un autre syndicat et ainsi contrevenu à l'article 5b) des règlements du syndicat qui interdisait expres-
3 185. Nul syndicat et nulle personne agissant pour le compte d'un syndicat ne doit
f) exclure définitivement ou temporairement un employé du syndicat ou lui refuser l'adhésion au syndicat en lui appli- quant d'une manière discriminatoire les règles du syndicat relatives à l'adhésion;
h) exclure définitivement ou temporairement un employé du syndicat, prendre contre lui des mesures disciplinaires ou lui imposer une forme quelconque de sanction parce qu'il a refusé d'accomplir un acte constituant une contravention à la présente Partie; ...
sément cette conduite, il n'avait pas été expulsé, selon le langage de l'alinéa sur lequel le Conseil s'est appuyé pour conclure à sa violation, «parce qu'il a refusé d'accomplir un acte constituant une contravention à la présente Partie«.
A mon avis, que j'exprime avec égards étant donné l'avis différent d'au moins un de mes collè- gues sur ce point, il n'est aucunement certain que le Conseil a commis une erreur dans son applica tion de l'alinéa 185h) à une situation où, comme en l'espèce, l'application d'un règlement syndical lui semblait interdite parce qu'il empêchait la jouissance de la liberté fondamentale conférée à chaque employé par le paragraphe 110(1) du Code d'adhérer au syndicat de son choix. A mon sens, ce que visait le règlement n'était pas simplement l'appartenance à un syndicat, mais plutôt l'appar- tenance à un autre syndicat tout en étant membre du syndicat. La raison en était probablement qu'on craignait qu'il en résultât une loyauté partagée, mais cela importe peu. Si, comme l'a décidé le Conseil, une telle double adhésion est autorisée par le Code, ce serait contrevenir au Code que d'obli- ger, soit expressément, soit tacitement, l'employé en cause à abandonner cette double adhésion. A mon avis, il s'ensuit qu'en l'espèce, lorsque Matus n'a pas renoncé immédiatement à sa double adhé- sion syndicale, il refusait d'accomplir un acte cons- tituant une contravention à la Partie V du Code, et que, cela étant, il n'était pas loisible au syndicat de l'expulser.
Il en résulte, à mon avis, que le Conseil n'a pas commis une erreur de droit dans son interprétation de l'alinéa 185h), et que ce moyen invoqué pour attaquer sa décision doit également être écarté.
En tout état de cause, comme l'a souligné le juge Pratte en arrivant à une conclusion avec laquelle je suis d'accord, le Conseil a subsidiairement conclu à la violation de l'alinéa 185f) par le syndicat; et puisque cette conclusion était appuyée par des éléments de preuve, je me range à la conclusion de mon collègue que même si le Conseil a commis une erreur dans l'interprétation et l'application de l'ali- néa 185h), la contestation de sa décision ne saurait réussir.
Par ces motifs, je souscris à la conclusion tirée par mes deux collègues, savoir que la présente demande doit être rejetée.
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