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A-92-81
F. Drouin et A. J. L. Lemoyne (requérants) c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique et J. Galipeault (intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte, Ryan et Le Dain— Ottawa, 22 septembre et 6 octobre 1981.
Examen judiciaire Fonction publique Demande d'an- nulation d'une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique rejetant la plainte que les requérants avaient portée contre leur employeur en vertu de l'art. 20(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique Réprimandes écrites placées dans le dossier des requérants Rejet des griefs à tous les paliers Dépôt par les requérants d'une plainte devant la Commission lui demandant d'ordonner à l'employeur le retrait des lettres de réprimande placées dans leurs dossiers Il échet d'exami- ner si la Commission cesse d'être compétente si elle croit ne pouvoir accorder le redressement auquel on avait conclu Demande accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2" Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 8(2)c). 20, 90(1), 91(1), 95(3).
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
John D. Richard, c.r., pour les requérants. Robert Sutherland-Brown et Pierre Hamel pour les intimés.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PRATTE: Les requérants demandent l'annulation d'une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique reje- tant la plainte qu'ils avaient portée contre leur employeur en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction pu- blique, S.R.C. 1970, c. P-35.
Les requérants travaillaient au ministère du Revenu national. Au mois d'avril 1980, ils reçurent de leur chef de service une lettre leur reprochant d'avoir utilisé des paroles grossières et injurieuses lors d'une rencontre à laquelle ils avaient participé, en qualité de délégués de leur syndicat, pour discu- ter de certaines politiques administratives du Ministère. Le chef de service les prévenait que cette lettre constituait une réprimande écrite qui serait placée dans leurs dossiers. Chacun des requérants se prévalut alors du paragraphe 90(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique et présenta un grief réclamant le retrait de cette mesure disciplinaire. Ces griefs furent rejetés par l'employeur à chacun des quatre paliers prévus par la procédure de règlement des griefs applicable en l'espèce. Il ne s'agissait pas de griefs qui, suivant le paragraphe 91(1), pouvaient être renvoyés à l'arbitrage; ils étaient donc définiti- vement rejetés et ne pouvaient, aux . termes du paragraphe 95(3), «faire l'objet d'aucune autre mesure en vertu de la présente loi».' Les requérants
' Les paragraphes 91(1) et 95(3) se lisent comme suit:
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive- ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le concerne, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
95....
(3) Lorsque
a) la présentation d'un grief a atteint le dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusivement, et que
b) le grief n'est pas un grief qui, aux termes de l'article 91, peut être renvoyé à l'arbitrage,
la décision relative au grief prise au dernier palier de la procédure applicable aux griefs est définitive et obligatoire à toutes fins de la présente loi et le grief ne peut faire l'objet d'aucune autre mesure en vertu de la présente loi.
déposèrent alors une plainte devant la Commission suivant l'article 20 de la Loi. 2 Cette plainte accu- sait l'employeur d'avoir violé l'alinéa 8(2)c) 3 de la Loi en prenant des mesures disciplinaires contre des officiers du syndicat pour sanctionner des actes qu'ils avaient accomplis dans l'exercice de leurs
2 Le texte de l'article 20 est le suivant:
20. (1) La Commission doit se renseigner et enquêter sur toute plainte à elle faite portant que l'employeur ou une personne agissant pour son compte, ou une association d'em- ployés ou une personne agissant pour son compte a omis
a) d'observer les interdictions prévues par les articles 8, 9 ou 10;
b) de donner effet à une disposition d'une décision arbitrale;
c) de donner effet à une décision d'un arbitre relative à un grief; ou
d) de se conformer à tout règlement relatif aux griefs, établi par la Commission conformément à l'article 99.
(2) Lorsque, en vertu du paragraphe (1), la Commission décide qu'une personne n'a pas observé une interdiction, n'a pas donné effet à une disposition ou à une décision ou ne s'est pas conformée à un règlement décrit au paragraphe (1), elle peut rendre une ordonnance, adressée à cette personne, lui enjoignant d'observer cette interdiction, de donner effet à la disposition ou à la décision ou de se conformer au règlement, selon le cas, ou de prendre toute mesure requise à cet effet dans le délai que la Commission estime approprié et,
a) lorsque la personne a agi ou a prétendu agir pour le compte de l'employeur, la Commission doit aussi adresser son ordonnance,
(i) dans le cas d'un employeur distinct, au fonctionnaire administratif en chef de cet employeur, et
(ii) dans tout autre cas, au secrétaire du conseil du Trésor; et
b) lorsque la personne a agi ou a prétendu agir pour le compte d'une association d'employés, la Commission doit aussi adresser son ordonnance au dirigeant en chef de cette association d'employés.
3 L'alinéa 8(2)c) se lit comme suit:
8....
(2) Nul ne peut
c) ni chercher, par intimidation, par menace de destitution ou par d'autres représailles, par l'imposition d'une sanction pécuniaire ou autre ou par tout autre moyen, à obliger un employé
(i) à devenir, s'abstenir de devenir ou cesser d'être, ou
(ii) sauf dispositions différentes contenues dans une convention collective, à continuer d'être
membre d'une association d'employés, ou à s'abstenir
d'exercer tout autre droit que la présente loi lui accorde; mais nul n'est censé avoir contrevenu au présent paragraphe en raison de toute action ou chose faite ou omise par rapport à une personne préposée à la gestion ou à des fonctions confidentielles ou dont l'emploi en cette qualité est proposé.
fonctions de représentants des employés. Sur la formule de plainte prescrite par les règlements, les requérants indiquèrent qu'ils désiraient que la Commission émette une ordonnance enjoignant à l'employeur de retirer la lettre de réprimande qui avait été placée dans leurs dossiers. C'est cette plainte qu'a rejetée la décision attaquée au seul motif que la Commission jugeait n'avoir pas com- pétence en l'espèce parce qu'elle croyait ne pouvoir accorder le redressement sollicité par les requé- rants puisque ce redressement était le même que celui qu'ils avaient vainement tenté d'obtenir en présentant leurs griefs.
Cette décision est, à mon avis, mal fondée. Lorsqu'une plainte est portée en vertu du paragra- phe 20(1), la Commission n'est pas saisie d'une demande de redressement, mais bien d'une plainte reprochant à une partie de n'avoir pas fait ce que la loi l'obligeait à faire. Si, après enquête, la Commission juge la plainte fondée, elle doit pro- noncer, parmi les ordonnances que la loi l'autorise à rendre, celle qui lui paraît appropriée en l'espèce. Et la Commission doit prononcer l'ordonnance ainsi choisie, même s'il s'agit d'un redressement que le plaignant n'a pas sollicité. En conséquence, si celui qui a déposé une plainte en vertu de l'article 20 demande un redressement que la Com mission croit ne pouvoir accorder, la Commission ne cesse pas, à cause de cela, d'avoir la compétence et le devoir de donner suite à la plainte. En pareil cas, la Commission doit, cependant, si elle juge la plainte fondée, veiller à prononcer une ordonnance qu'autorise la loi.
Pour ces motifs, je ferais droit à la requête, je casserais la décision attaquée et je renverrais l'af- faire à la Commission pour qu'elle donne suite à la plainte des requérants en prenant pour acquis qu'une plainte faite en vertu de l'article 20 ne cesse pas d'être de la compétence de la Commission pour le seul motif que le plaignant sollicite un redresse- ment que la Commission juge ne pouvoir accorder.
* * *
LE JUGE RYAN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
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