Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-4899-80
L'Association olympique canadienne (Appelante)
c.
Le registraire des marques de commerce (Intimé)
Division de première instance, le juge Mahoney— Toronto, 20 octobre; Ottawa, 12 novembre 1981.
Marques de commerce Appel du refus de l'intimé de donner avis public, comme le demandait l'appelante et confor- mément au sous-al. 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, de l'adoption et de l'emploi de certaines marques par l'appelante Constitution de l'appelante en corporation en vertu de la Partie II de la Loi sur les corporations cana- diennes Ce qu'accomplit l'appelante, elle le fait dans l'inté- rêt du Canada et des Canadiens, en réponse à des besoins nationaux reconnus, non pour le bénéfice de ses membres L'appelante est la seule entité exerçant le pouvoir de poursui- vre certains objets publics et la communauté reconnaît qu'elle exerce ce pouvoir de plein droit Il échet d'examiner si l'appelante est une «autorité publique» Appel accueilli Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 9(1)n), 56 Loi sur les Jeux olympiques de 1976, S.C. 1973-74, c. 31 modifié par S.C. 1974-75-76, c. 68, art. 4 Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, c. C-32, art. 154.
APPEL. AVOCATS:
Donald F. Sim, c.r., et Kenneth D. McKay
pour l'appelante.
Graham Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour l'appe- lante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Appel a été formé, en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce', contre le refus de l'intimé de donner avis public, conformément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, de l'adoption et de l'emploi de certaines marques par l'appelante. L'alinéa 9(1)n) porte:
9. (1) Nul ne doit adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit:
' S.R.C. 1970, c. T-10.
n) tout insigne, écusson, marque ou emblème
(i) adopté ou employé par l'une quelconque des forces de Sa Majesté telles que les définit la Loi sur la défense nationale,
(ii) d'une université, ou
(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,
à l'égard desquels le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d'adoption et emploi;
Le seul litige porte sur la question de savoir si l'appelante est une «autorité publique» au sens du sous-alinéa (iii) ci-dessus.
L'intimé a rendu sa décision le 22 septembre 1980. Il avait accédé auparavant à de nombreuses demandes faites par l'appelante en application du sous-alinéa 9(1)n)(iii), et l'a fait au moins une fois après cette date. Par ailleurs, de 1971 à 1979 inclusivement, il a étendu le bénéfice de cette disposition à divers organismes dont l'Arctic Winter Games Corporation, la Big Brothers of Canada Association, la Pacific National Exhibi tion, The XI Commonwealth Games Canada (1978) Foundation, le Comité organisateur de championnat mondial de canoë-kayak 1979 Inc. et The Fathers of Confederation Buildings Trust.
Le paragraphe 9(1) est très long. Il interdit l'exploitation commerciale de signes et emblèmes qui représentent la royauté et la vice-royauté, les gouvernements des trois ordres fédéral, provincial et municipal, les gouvernements étrangers, certai- nes institutions désignées, dont la Croix-Rouge, les Nations Unies et la Gendarmerie royale du Canada, qui peuvent suggérer un rapport avec une personne vivante ou décédée depuis peu, ou qui sont composés de mots ou devises scandaleuses, obscènes ou immorales. Il n'est pas nécessaire de citer cet article tout entier. Rien dans son contenu n'oblige à conclure que par «autorité publique», le législateur entendait désigner uniquement l'«auto- rité gouvernementale». Le législateur a expressé- ment prévu une disposition particulière pour l'em- blème de la Croix-Rouge qui n'est pas une autorité gouvernementale, mais il en a aussi prévu une pour la Gendarmerie royale du Canada qui en est cer-
tainement une. Il a toutefois jugé opportun de préciser que le Comité organisateur des Jeux olympiques de 1976, une société québécoise, était une autorité publique aux fins du sous-alinéa 9(1)n) (iii) 2 .
Les rapports entre le Comité international olym- pique, le «C.I.O.», et l'appelante se limitent à la tenue au Canada de Jeux olympiques et à la participation du Canada à ces Jeux. De la même façon, les rapports qu'entretiennent l'Organisation sportive panaméricaine et l'appelante ne touchent qu'aux Jeux panaméricains. Le C.I.O. exige expressément qu'un comité olympique national ne soit pas un organisme gouvernemental.
L'appelante est constituée en corporation en vertu de la Partie II de la Loi sur les corporations canadiennes 3 . Par conséquent, il lui incombe, par définition, de «poursuivre, sans gain pécuniaire pour ses membres, des objets d'un caractère natio nal, patriotique, religieux, philantropique, charita ble, scientifique, artistique, social, professionnel ou sportif ou . .. analogues ...». Si elle décide d'aban- donner sa charte, c'est le gouvernement canadien qui, en collaboration avec le C.I.O., veillera à la disposition de ses biens.
Je n'ai pas l'intention d'examiner les nombreux éléments de preuve portant sur les activités de l'appelante, sur le fait qu'elle dépend du gouverne- ment canadien pour une partie substantielle de ses fonds ou sur la conclusion que l'on peut en tirer. Il suffit de dire que ces activités sont tout à fait compatibles avec les objets qui sont prévus dans ses lettres patentes:
[TRADUCTION] a) susciter et garder l'intérêt de la population canadienne, et obtenir son soutien pour la participation aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains d'équipes sporti- ves qui représentent le Canada et qui lui fassent honneur;
b) promouvoir et protéger le mouvement olympique et le sport amateur au Canada;
c) accroître l'intérêt de la population canadienne, et plus spécialement de la jeunesse, pour tout ce que peut leur apporter sur le plan physique, moral et culturel, la participa tion loyale et sportive à des compétitions tenues en confor- mité des règles du sport amateur;
d) exercer une compétence exclusive, directement ou par le truchement de ses membres ou comités, sur tout ce qui touche à la participation du Canada aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains, y compris la représentation du Canada à ces Jeux, et sur l'organisation de ces Jeux, lors-
2 La Loi sur les Jeux olympiques de 1976, S.C. 1973-74, c.
31 tel que modifié par S.C. 1974-75-76, c. 68, art. 4.
S.R.C. 1970, c. C-32.
qu'ils sont tenus au Canada, et à ces fins, respecter et faire respecter l'ensemble des règlements et règles du Comité international olympique;
e) sélectionner et recruter les meilleurs athlètes amateurs pour représenter le Canada aux Jeux olympiques et aux Jeux panaméricains;
Les autres objets portent sur des questions finan- cières. D'après la preuve, l'appelante exerce, au Canada et pour le Canada, soit l'autorité exclusive, soit l'autorité finale sur les domaines d'activité qu'énumèrent les objets a), b), d) et e). Je suis certain que l'appelante n'est en aucune façon le seul organisme à poursuivre activement la réalisa- tion de l'objet visé au paragraphe c).
C'est généralement, sinon toujours, dans le con- texte de lois qui imposent des restrictions au droit de poursuivre une autorité publique qu'est née la jurisprudence qui traite de la définition de ce qu'est ou n'est pas une autorité publique. Halsbury résume ce concept comme suit 4 :
[TRADUCTION] Une autorité publique peut être décrite comme une personne ou une organisation administrative, à qui l'on confie des fonctions dont elle doit s'acquitter au profit du public et non de manière à en tirer elle-même profit. Ces personnes ou organisations ne sont pas toutes expressément désignées comme autorité ou organisme public, et le concept d'autorité ou d'orga- nisme public peut varier suivant le contexte de la loi.
Je crois qu'il est juste de dire que la jurisprudence a porté sur le caractère public de l'autorité, plutôt que sur la question de savoir si une personne ou un organisme constituait une autorité. Il en va autre- ment en l'instance.
La définition pertinente de «public» (public) dans The Oxford English Dictionary se lit comme suit:
[TRADUCTION] Qui a rapport à la population dans son ensem ble; qui appartient à la communauté ou à la nation, qui l'intéresse ou la concerne;
et celle de The New Webster Encyclopedic Dic tionary apporte les précisions qui suivent:
[TRADUCTION] Qui n'est pas privé; qui a rapport à l'ensemble de la population; qui intéresse l'État, la nation ou la commu- nauté, qui les concerne ou les touche ... qui appartient à la population en général ... qui ne concerne pas les intérêts privés, mais le bien de la communauté ...
En ce qui concerne le mot «authority» (autorité), les définitions comprennent respectivement les énoncés qui suivent:
4 Halsbury's Laws of England, 4e éd., Volume I, pp. 9 et 10.
[TRADUCTION] Ceux qui détiennent l'autorité; l'organisme ou les personnes qui exercent le pouvoir ou qui dirigent.
et:
[TRADUCTION] ... une ou plusieurs personnes qui exercent le
pouvoir ou qui dirigent ... .
Le caractère public de l'appelante est manifeste. Ce qu'elle accomplit, elle le fait dans l'intérêt du Canada et des Canadiens, en réponse à des besoins nationaux reconnus, non pour le bénéfice de ses membres. On l'accepte, au pays, comme l'entité ayant le droit exclusif d'accomplir, relativement au Canada et aux Canadiens, un certain nombre de ces fonctions, et, grâce à sa constitution en corpo ration, elle s'est vu conférer les pouvoirs qui lui sont nécessaires à ces fins. La reconnaissance par la communauté canadienne du rôle exclusif que l'appelante s'est donné, confie à cette dernière, aussi efficacement qu'une loi l'aurait fait, un mandat à remplir dans l'intérêt de la collectivité.
Je ne considère pas, en arrivant à la conclusion que l'appelante est une autorité publique au sens du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les mar- ques de commerce, que les objets énoncés dans ses lettres patentes soient déterminants en l'instance, sauf dans la mesure ce sont des objets publics et non privés; s'il en était autrement, le recours de l'appelante ne serait pas accueilli. Ce qui est déci- sif, c'est que l'appelante poursuit, en fait, ces objets, que la communauté canadienne entend qu'il en soit ainsi, que l'appelante est, de fait, la seule entité à exercer le pouvoir de poursuivre les objets en question et que la communauté reconnaît qu'elle exerce ce pouvoir de plein droit.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.