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A-241-82
Dennis Davlut (requérant)
c.
Le procureur général du Canada (intimé)
Cour d'appel, juges Urie et Le Dain, juge sup pléant Kelly—Toronto, 20 octobre; Ottawa, 10 décembre 1982.
Assurance-chômage Le requérant a été congédié immé- diatement après avoir remis à l'employeur un projet de con vention collective Le requérant a été exclu, en vertu de l'art. 41(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, du bénéfice des prestations d'assurance-chômage en raison de son incon- duite Demande d'annulation de la décision par laquelle le juge-arbitre a jugé que l'absentéisme du requérant constituait une inconduite justifiant le congédiement Le juge-arbitre aurait décider si l'absentéisme était le motif du congédie- ment, et non seulement si cet absentéisme justifiait le congé- diement L'art. 41(2) n'interdit pas l'exclusion lorsqu'une activité syndicale licite constitue l'un des motifs du congédie-
ment Demande accueillie Loi de 1971 sur l'assurance- chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 41(1),(2), 43(1) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 16), 95c) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56), 96 (mod. par idem) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 tendant à l'annulation de la décision d'un juge-arbitre qui, en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, a confirmé l'exclusion du requérant du bénéfice des prestations d'assurance-chômage. Le requérant a été congédié immédiatement après avoir remis à l'employeur un projet de convention collective. Aucun motif de son renvoi n'a été donné. On lui a fait savoir que ses prestations d'assurance-chômage étaient suspendues pour une période de six semaines en vertu du paragraphe 41(1) et de l'article 43 de la Loi, son congédiement étant à sa propre inconduite au lieu de travail, son absentéisme. Le Conseil arbitral et le juge-arbitre ont décidé que les preuves suffisaient amplement à prouver un absentéisme justifiant le congédiement. Toutefois, la durée d'exclusion a été réduite de deux semaines, puisque le congédiement était en partie à une activité syndicale licite. Le requérant fait valoir que le paragraphe 41(2) interdit toute exclusion lorsque le congédiement est en partie attribuable à une activité syndicale licite.
Arrêt: la demande est accueillie. Il incombe à la Commission de prouver qu'un prestataire a perdu son emploi «en raison de sa propre inconduite». Le Conseil arbitral n'a pas conclu, en vertu du paragraphe 41(1), que l'inconduite était, en fait, le motif du congédiement; il a simplement conclu que l'inconduite justifiait le congédiement. L'affaire est donc renvoyée au juge- arbitre pour qu'il détermine le motif du congédiement. S'il est établi que le congédiement était attribuable en partie à l'absen- téisme et en partie à une activité syndicale licite, le paragraphe 41(2) n'interdit pas absolument l'exclusion. On peut conclure en même temps que la perte d'un emploi est due à une activité syndicale licite, au sens du paragraphe 41(2), et à une incon- duite au sens du paragraphe 41(1). Le Conseil arbitral ou le juge-arbitre peuvent, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire
que leur confère le paragraphe 43(1), réduire la durée d'exclu- sion en tenant compte des éléments autres que l'inconduite du prestataire. Ils sauvegardent ainsi premièrement le principe selon lequel une personne ne doit pas tirer profit de la perte de son emploi si elle s'est rendue coupable d'inconduite et, deuxiè- mement, le principe selon lequel une personne ne doit pas être privée de ses prestations d'assurance-chômage si sa participa tion à des activités syndicales est la raison de son congédiement.
Le juge Le Dain: L'affaire doit être renvoyée au juge-arbitre pour qu'il examine si le Conseil arbitral a conclu que le prestataire avait été congédié pour cause d'inconduite ou s'il avait été congédié à la fois pour cause d'inconduite et pour cause d'activités syndicales. S'il a été congédié en partie pour des activités syndicales, le paragraphe 41(2) ne lui offrirait aucune protection contre l'exclusion. Il résulte de ce paragra- phe qu'une inconduite entraînant une perte d'emploi et une perte de prestations n'inclut pas l'activité syndicale.
AVOCATS:
D. G. Leitch pour le requérant. M. Ciavaglia pour l'intimé.
PROCUREURS:
Centre de services juridiques Sudbury Com munity Legal Clinic, Sudbury, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande, fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, vise à obtenir l'annulation de la décision d'un juge-arbitre qui, en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, a rejeté l'appel du requérant d'une décision du Conseil arbitral.
Le requérant, qui était employé à titre de méca- nicien, a été congédié par son employeur le 15 janvier 1981. Il est admis que pendant les six mois qu'a duré son emploi, le requérant s'est souvent absenté de son travail même s'il a déclaré qu'à chaque occasion, il avait été autorisé à le faire. Son employeur a soutenu qu'il l'avait averti à deux reprises, ce que nie le requérant.
Le 15 janvier 1981, le requérant a remis à son employeur un document signé par ses collègues de travail et intitulé [TRADUCTION] «Traitement et avantages sociaux proposés à l'intention des
employés rémunérés au taux horaire ...». La preuve révèle qu'à peine quelques minutes après la remise de ce document, un des représentants de l'employeur est allé trouver le requérant à son poste et l'a congédié sur-le-champ en lui disant, semble-t-il: [TRADUCTION] «Dennis, tu es congé- dié. Quitte les lieux.» Lorsque le requérant a demandé une explication, on ne lui en a pas fourni. Le congédiement prenait effet immédiatement et après avoir récupéré ses effets personnels et son chèque de paie, celui-ci a quitté les lieux escorté par des agents de police appelés par l'employeur. Aucun élément de la preuve administrée n'indique que le requérant se soit présenté en retard au travail ce jour-là et de toute évidence, il n'était pas, à ce moment-là, «absent de son travail».
Après avoir présenté une demande de presta- tions d'assurance-chômage le 19 janvier 1981, le requérant a reçu un avis d'exclusion en date du 6 février 1981, aux termes duquel la Commission d'assurance-chômage lui faisait savoir que ses prestations d'assurance étaient suspendues pour une durée de six semaines en vertu des dispositions des articles 41 et 43 de la Loi de 1971 sur l'assu- rance-chômage
(«la Loi»).
Le requérant a interjeté appel de cette décision devant un Conseil arbitral. Ni lui ni l'employeur n'a comparu en personne. La déposition du requé- rant est contenue dans un affidavit qu'il a produit et elle fut étayée par les observations faites par son avocat en son nom. L'employeur a présenté sa version des faits en rapportant, sous forme de comptes rendus, les conversations qui eurent lieu entre les fonctionnaires de la Commission de l'em- ploi et de l'immigration du Canada et ses cadres. La décision unanime du Conseil arbitral résume les positions adoptées par les parties. Voici la partie essentielle de cette décision:
[TRADUCTION] La question en litige est de savoir si le prestataire a perdu son emploi chez Levert Industries (Nor- thern) en raison de sa propre inconduite au sens des articles 41 et 43 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage.
Le prestataire n'a pas comparu devant le Conseil, étant représenté par Anne Morrison du centre de services juridiques Sudbury Community Legal Clinic.
Mme Morrison a lu sa plaidoirie devant le Conseil arbitral (pièce 13) en plus de produire un affidavit signé par le presta- taire (pièce 14). A la lumière des renseignements fournis au Conseil, nous devons nous rallier au point de vue de l'employeur selon lequel Davlut s'est souvent absenté de son travail (pièce 6-2). Suivant l'affidavit signé par le prestataire, celui-ci a tenté
de former un syndicat et c'est la raison pour laquelle M. Levert l'a congédié. Nous sommes d'avis qu'en raison de son absen- téisme, le prestataire est responsable de son congédiement dans une proportion des 2/3 et que l'employeur a agi un peu trop rapidement en le congédiant.
Le Conseil décide à l'unanimité de rejeter l'appel et de confirmer la décision de l'agent de détermination de l'admissi- bilité mais de réduire la période d'exclusion de six à quatre semaines en raison des circonstances susmentionnées.
Le requérant a alors interjeté appel devant le juge-arbitre dont la décision a été rendue le 3 mars 1982; en voici un extrait:
L'appelant était représenté par un avocat du centre de servi ces juridiques Sudbury Community Legal Clinic. Des docu ments ont été déposés en son nom.
L'inconduite présumée de l'appelant prenait la forme d'ab- sentéisme et de fréquents retards, pendant les six mois qu'il a passés au service de cet employeur. Le prestataire conteste cette allégation et prétend que son congédiement a plutôt été motivé par sa tentative de former une unité de négociation collective, accusation extrêmement grave selon la législation du travail de notre pays.
De toute évidence, ce prestataire s'est rendu coupable d'une inconduite justifiant son congédiement. La législation relative au travail de notre pays met les salariés à l'abri de sanctions disciplinaires ou de congédiements découlant de leurs activités syndicales et l'employeur a fait preuve d'une grande impru dence en agissant d'une façon qui permettrait de soupçonner que l'employé en question avait été congédié en raison de telles activités. Cependant, l'examen attentif de la décision rendue par le conseil arbitral me convainc que le conseil a tenu compte de la protection dont jouissent les employés à cet égard et de la responsabilité correspondante de l'employeur. Le conseil a con- sidéré tous les faits et les arguments pertinents avant d'en arriver à une conclusion tout à fait raisonnable: même si l'employeur a agi de façon peu avisée, son comportement ne change rien au fait que les preuves versées au dossier de l'employé suffisaient amplement à prouver une inconduite justi- fiant son renvoi.
Rien dans les preuves ou les arguments présentés ne me convainc que la décision unanime du conseil était entachée d'erreur; en conséquence, l'appel est rejeté.
C'est cette décision qui est attaquée dans la présente action. L'avocat du requérant a prétendu que le juge-arbitre a fait erreur:
(1) en omettant d'arriver à la conclusion de fait prévue par le paragraphe 41(1), c'est-à-dire de décider si le requérant «[a perdu] son emploi en raison de sa propre inconduite»;
(2) en omettant d'appliquer les dispositions du paragraphe 41(2) aux faits en l'espèce, même s'il était arrivé à une conclusion exacte relative- ment à ces faits.
Les paragraphes 41(1) et (2) de la Loi sont ainsi conçus:
41. (1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations servies en vertu de la présente Partie s'il perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son emploi sans justification.
(2) Aux fins du présent article, la perte d'emploi au sens l'entend le paragraphe (1) ne comprend pas la perte d'emploi pour affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou pour activité licite s'y rattachant.
L'avocat du requérant a soutenu qu'en décidant que «ce prestataire s'est rendu coupable d'une inconduite justifiant son congédiement» et que «les preuves versées au dossier de l'employé suffisaient amplement à prouver une inconduite justifiant son renvoi», le juge-arbitre s'est manifestement posé la mauvaise question. A son avis, il s'agissait de déterminer non pas si le congédiement était justifié ou mérité mais plutôt si le Conseil, après avoir pesé tous les faits, a conclu que le congédiement était effectivement attribuable à cette inconduite.
C'est avec quelque hésitation que je suis arrivé à la conclusion que le juge-arbitre a mal interprété l'obligation du Conseil arbitral prévue au paragra- phe 41(1). Il a souvent été décidé par les juges- arbitres, et à bon droit je pense, qu'il incombe à la Commission de prouver qu'un prestataire a perdu son emploi «en raison de sa propre inconduite». Pour ce faire, le Conseil arbitral doit être con- vaincu que l'inconduite était le motif et non l'ex- cuse du congédiement, et pour satisfaire à cette exigence, il doit arriver à une conclusion de fait après avoir examiné attentivement tous les élé- ments de preuve. Nonobstant ce qui a déjà été dit par le -juge-arbitre, je ne peux affirmer que les conclusions de fait auxquelles le Conseil arbitral est arrivé lui permettaient de décider que le congé- diement du requérant était attribuable à son incon- duite, ce qui constituerait un motif d'exclusion en vertu du paragraphe 41(1). De même, le juge-arbi- tre a omis d'arriver à une conclusion à cet égard, même si l'article 96 de la Loi [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56j lui permettait de le faire, parce qu'il n'a pas su, semble-t-il, poser la bonne question.
Pour ces raisons, l'affaire doit, selon moi, être renvoyée devant le juge-arbitre. L'article 96 de la Loi lui permet de trancher lui-même les questions
nécessaires ou de renvoyer l'affaire devant le Con- seil arbitral. S'il est établi que le requérant a perdu son emploi uniquement en raison de son incon- duite, il ne fait alors aucun doute que le paragra- phe 41(1) s'applique. De même, si le juge-arbitre ou le Conseil conclut que le congédiement était uniquement attribuable à l'affiliation ou à une activité syndicale licite du requérant, il va de soi que le paragraphe 41(2) s'appliquerait et qu'il ne pourrait y avoir d'exclusion. D'autre part, il peut arriver qu'on juge que la perte de l'emploi soit attribuable en partie à l'inconduite du requérant, comme le prévoit le paragraphe 41(1), et en partie à une activité licite au sens du paragraphe 41(2). Dans ce cas, le juge-arbitre ou le Conseil arbitral devra se demander s'il y aurait lieu ou non d'appli- quer le paragraphe 43(1) [mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 80, art. 16] pour réduire la durée d'exclusion ou si, advenant le cas il est décidé que la perte de l'emploi était due en partie à une activité licite prévue au paragraphe 41(2), l'appli- cation de ce paragraphe interdit toute exclusion même s'il a été jugé que le congédiement était en partie attribuable à l'inconduite du requérant.
Le libellé de ces deux paragraphes ne facilite pas la solution de ce problème. Dans la recherche d'une solution, il faut tout d'abord noter que l'avo- cat de l'intimé a affirmé qu'il ne se fondait pas sur l'absence d'une affiliation formelle à une associa tion, une organisation ou un syndicat pour préten- dre que le paragraphe 41(2) était inapplicable dans les circonstances du présent cas.
Selon l'avocat, on peut conclure en même temps que la perte d'un emploi est due à une activité licite se rattachant à l'affiliation à une association de travailleurs au sens du paragraphe 41(2) et, comme en l'espèce, à une inconduite au sens du paragraphe 41(1). A son avis, les deux dispositions étaient applicables et le Conseil en a dûment tenu compte en exerçant son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il a appliqué le paragraphe 43(1) de la Loi qui est ainsi rédigé:
43. (1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 40 ou 41, il l'est pour un nombre de semaines qui suivent le délai de carence et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Ces semai- nes sont déterminées par la Commission et leur nombre ne doit pas dépasser six.
L'avocat du requérant a fait valoir pour sa part que puisque le Conseil arbitral a conclu, ce que le
juge-arbitre a confirmé dans ses motifs, que la présentation par le requérant du projet de rémuné- ration et d'avantages sociaux à son employeur au nom de ses collègues de travail a été l'un des facteurs qui a entraîné son congédiement et, comme tel, l'une des causes immédiates de ce congédiement, cela était suffisant pour permettre l'application du paragraphe 41(2), nonobstant le fait que le Conseil a également jugé que l'une des causes du congédiement a été l'inconduite du requérant. Cette interprétation exige de toute évi- dence que l'on insère dans chacun des paragraphes le mot [TRADUCTION] «uniquement» ou quelque autre terme ou expression de même nature avant les expressions «en raison de . ..» et «pour ...»» qui figurent aux paragraphes (1) et (2) respective- ment.
De toute évidence, les paragraphes (1) et (2) de l'article 41 comportent des questions de principe. Il peut arriver, comme en l'espèce, qu'il y ait conflit entre ces principes. Il faut toutefois essayer de les concilier, et la meilleure solution, me semble-t-il, est d'interpréter les paragraphes comme l'a fait l'avocat de l'intimé. Selon lui, ces paragraphes peuvent coexister. Le libellé du paragraphe (2) n'exclut d'aucune façon l'application du paragra- phe (1) si les faits en présence l'exigent. On peut donner effet aux principes inhérents à chacun des paragraphes en appliquant le paragraphe 43(1). Le Conseil arbitral ou le juge-arbitre peut, en exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère ce paragraphe et dans la mesure il le juge opportun, réduire la durée de l'exclusion qui serait autrement prescrite lorsqu'il y a perte d'emploi en raison de l'inconduite du prestataire. Cette réduc- tion aurait pour but de tenir compte du fait que la perte d'emploi était en partie attribuable à une activité licite prévue au paragraphe 41(2). On sauvegarde ainsi tout d'abord le principe selon lequel une personne ne doit pas tirer pleinement profit de la perte de son emploi si elle s'est rendue coupable d'inconduite à son travail et aussi, le principe suivant lequel une personne ne doit pas être privée de ses prestations d'assurance-chômage si l'une des raisons pour lesquelles elle a perdu son emploi a été de se livrer à des activités licites. En interprétant ces paragraphes de cette façon, on évite en outre d'y ajouter des termes comme ceux qui ont déjà été mentionnés en vue de leur donner un sens, ce qui est conforme aux principes ordinai-
res de l'interprétation des lois. Somme toute, je suis donc d'avis que les paragraphes 41(1) et (2) doivent s'interpréter de façon qu'on puisse les appliquer ensemble de sorte que l'existence de faits qui nécessitent l'application de l'un des paragra- phes n'exclue pas l'application de l'autre. Il appar- tient au Conseil arbitral ou au juge-arbitre de décider dans quelle mesure chacun doit s'appli- quer.
Par conséquent, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je lui renverrais l'affaire afin qu'il tranche l'appel du requérant en conformité avec les présents motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je souscris au point de vue selon lequel la demande fondée sur l'article 28 doit être accueillie et l'affaire renvoyée devant le juge-arbitre.
La première question que le juge-arbitre devait examiner, et qu'il a omis de faire, est de savoir si le Conseil arbitral a conclu que le prestataire avait été congédié pour cause d'inconduite (et non de savoir s'il y avait des circonstances qui justifiaient son congédiement pour cause d'inconduite), ou s'il a été congédié en partie pour cause d'inconduite et en partie pour cause d'activités licites visées au paragraphe 41(2) de la Loi. Si le juge-arbitre décidait que le Conseil est arrivé à une telle con clusion, il doit alors se demander s'il s'agissait d'une conclusion qui reposait sur une quelconque preuve ou d'une conclusion visée à l'alinéa 95c) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56]—«le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordon- nance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance»—qui définit le fondement d'un appel interjeté devant un juge- arbitre pour erreur de fait constituant excès de compétence. Si le juge-arbitre devait conclure que le Conseil n'a pas tranché la question de fait requise ou qu'il a commis une erreur visée à l'ali-
néa 95c), l'article 96 de la Loi lui permet alors de trancher lui-môme la question de fait nécessaire et de rendre la décision que le Conseil aurait rendre ou de renvoyer l'affaire devant celui-ci.
Si le Conseil ou le juge-arbitre arrivait à la conclusion de fait que le prestataire a été congédié en partie pour cause d'inconduite et en partie pour une activité licite visée au paragraphe 41(2), je suis d'avis que le prestataire serait exclu en vertu du paragraphe 41(1) et que le paragraphe 41(2) ne lui offrirait aucune protection contre l'exclusion. Il résulte du paragraphe 41(2) que dans la mesure un prestataire perd son emploi en raison d'une activité décrite audit paragraphe, il ne s'agit pas d'une perte d'emploi pour cause d'inconduite au sens du paragraphe 41(1). Mais lorsqu'un presta- taire est congédié entre autres pour inconduite, il demeure qu'un motif de la perte d'emploi est l'inconduite au sens du paragraphe 41(1), ce qui doit entraîner l'exclusion. Si important soit le prin- cipe sous-jacent au paragraphe 41(2), je ne crois pas qu'on ait voulu faire en sorte d'empêcher qu'une perte d'emploi pour cause d'inconduite entraîne l'exclusion uniquement parce que le pres- tataire a été également congédié pour une activité visée au paragraphe 41(2). Il faudrait, à mon avis, une indication plus claire que tel est le véritable rapport entre les deux paragraphes. Quant à savoir si, dans une affaire une activité visée au para- graphe 41(2) est manifestement l'un des motifs de congédiement, il est raisonnable de conclure que l'inconduite a également été un motif de congédie- ment, c'est, bien sûr, une autre question qui dépend des éléments de preuve dans chaque cas. La durée de l'exclusion, compte tenu de l'ensemble des circonstances, est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi. Il n'est pas néces- saire de se prononcer sur la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire peut être exercé par un conseil arbitral ou un juge-arbitre puisque la Cou- ronne n'a pas contesté l'exercice de ce pouvoir par le Conseil arbitral dans le présent cas.
Par ces motifs, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision du juge- arbitre et je renverrais l'affaire devant celui-ci afin qu'elle soit entendue et tranchée conformément aux présents motifs.
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