Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-1024-82
Commission sur les pratiques restrictives du com merce et O. Gerald Stoner (appelants) (intimés)
c.
Directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coali tions (intimé) (requérant)
Cour d'appel, juges Pratte, Urie et Ryan— Ottawa, l er , 2 et 7 mars 1983.
Coalitions Le directeur a demandé à la Commission de lancer des citations à comparaître au cours d'une enquête en vertu de l'art. 47 Refus de la Commission La Commis sion n'est pas obligée de lancer des citations à la demande du directeur au cours d'une enquête en vertu de l'art. 47 La principale responsabilité du directeur est de procéder à des enquêtes en vertu soit de l'art. 8, soit de l'art. 47 L'enquête selon l'art. 8 a eu pour résultat une audience en vertu de l'art. 18, laquelle est placée sous le contrôle exclusif de la Commis sion L'enquête tenue en vertu de l'art. 47 est d'une nature plus générale Le directeur doit d'abord tenir une enquête en vertu de l'art. 47(1) comme s'il s'agissait d'une enquête aux termes de l'art. 8 -- Ce n'est qu'après que la Commission peut, en vertu de l'art. 47(2), tenir des audiences pour rechercher des preuves supplémentaires Le directeur ne peut procéder à son enquête à l'audience tenue devant la Commission L'audience en vertu de l'art. 47(2) est placée sous l'autorité de la Commission Le directeur ne peut choisir les preuves Seule la Commission est habilitée à lancer des citations Son pouvoir n'est pas purement administratif mais comporte des éléments discrétionnaires Obligation d'agir d'une façon qui ne soit ni injuste ni oppressive Ce sont les règles des cours qui font de la notification de citations une fonction purement administrative Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, chap. C-23 (mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 76, art. 4, 6, 9, 25), art. 8, 9, 10, 12, 17, 18, 19, 21, 27(1), 47 Loi sur les enquêtes, S.R.C. 1970, chap. I-13, art. 4, 5.
À la suite d'une enquête à huis clos qu'il avait ouverte sur le fondement de l'article 47 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, le directeur a envoyé au président de la Commission un exposé portant sur les preuves recueillies. La Commission a alors décidé, également en vertu de l'article 47, de tenir des audiences publiques pour obtenir des preuves supplémentaires. Au cours de ces audiences, le directeur a demandé à la Com mission de lancer des citations aux présidents de cinq compa- gnies pétrolières. La Commission a refusé. À la suite d'une demande présentée par le directeur, le juge de première ins tance a ordonné à la Commission et à son président d'accéder à la demande du directeur. La Commission et son président ont interjeté appel de cette décision.
Arrêt: l'appel est accueilli et la demande du directeur est rejetée. La Commission n'est pas obligée de lancer des citations chaque fois que le directeur, au cours d'une audition tenue devant la Commission aux termes de l'article 47, le demande. En vertu de la Loi, la principale responsabilité du directeur est de procéder à des enquêtes. Ces enquêtes sont ouvertes sur le
fondement de l'article 8 ou de l'article 47. Une enquête selon l'article 8 ne concerne pas directement la Commission; toute- fois, elle peut entraîner l'application de l'article 18. En vertu de l'article 18, la Commission prend la direction de l'enquête et doit tenir une audience dont elle est la seule responsable; par conséquent, le directeur ne peut pas décider des preuves qu'en- tendra la Commission. La situation est la même lorsqu'il s'agit des procédures de l'article 47 qui comportent une enquête d'une nature plus générale. En vertu du paragraphe 47(1), le direc- teur doit d'abord procéder à une enquête à huis clos, conduite comme s'il s'agissait d'une enquête selon l'article 8. C'est seulement une fois qu'il a terminé son enquête et qu'il a transmis à la Commission les preuves qu'il a réunies que cette dernière peut décider de tenir des audiences aux termes du paragraphe 47(2) pour rechercher des preuves supplémentaires. Le directeur n'a pas la faculté de conduire son enquête en la présence de la Commisson au cours de ses audiences. Par conséquent, ces audiences sont conduites par la Commission et non par le directeur, et ce dernier ne peut décider de quelles preuves la Commission sera saisie. De toute façon, la Commis sion est l'organe auquel l'article 21 confère le pouvoir de citer des témoins. Aucune disposition de la Loi n'accorde un tel pouvoir au directeur. Ce pouvoir n'est pas purement adminis- tratif. En fait, il comporte des éléments discrétionnaires, la Commission, dans l'exercice de ses pouvoirs, ne devant être ni injuste ni oppressive. Ce sont les règles des tribunaux qui font que, dans la plupart des tribunaux, la citation de témoins est un acte purement administratif. Aucune règle analogue n'a été adoptée par la Commission.
AVOCATS:
B. C. McDonald et J. M. Belanger pour les appelants (intimés).
G. F. Henderson, c.r., G. E. Kaiser et G. N. Addy pour l'intimé (requérant).
C. L. Campbell, c.r. et M. E. Barrack pour les contre-appelants Gulf Canada Ltd. et John L. Stoik.
J. L. McDougall, c.r., pour le contre-appelant R. W. D. Hanbidge, président de B.P. Canada Inc.
A. McN. Austin pour C. W. Daniel, président de Shell Canada Ltd.
PROCUREURS:
Lang, Michener, Cranston, Farquharson & Wright, Toronto, pour les appelants (intimés).
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé (requérant).
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour les contre-appelants Gulf Canada Ltd. et John L. Stoik.
Fraser & Beatty, Toronto, pour le contre- appelant R.W.D. Hanbidge, président de B.P. Canada Inc.
Weir & Foulds, Toronto, pour C. W. Daniel, président de Shell Canada Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La Cour statue sur l'appel interjeté d'une ordonnance de la Division de pre- mière instance [[1983] 1 C.F. 520] invitant la Commission sur les pratiques restrictives du com merce et son président à faire droit à une requête du directeur des enquêtes et recherches, nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions [S.R.C. 1970, chap. C-23] et à lancer à l'adresse des présidents et présidents-directeurs généraux de cinq compagnies pétrolières des cita tions à comparaître et à témoigner dans une enquête ouverte par la Commission.
Un seul point est en litige: la Commission a- t-elle le devoir, lorsqu'elle conduit une enquête sur le fondement de l'article 47 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions [mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 76, art. 25], de lancer toutes les citations à comparaître que le directeur peut demander? La Division de première instance a répondu à cette question par l'affirmative. Elle a jugé, premièrement, que la responsabilité de l'en- quête de la Commission était dévolue au directeur qui, en conséquence, était en droit de choisir les témoins qu'il voulait faire comparaître et, deuxiè- mement, que le lancement d'une citation par la Commission était un acte purement administratif n'impliquant l'exercice d'aucun pouvoir discrétion- naire.
En vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, la principale responsabilité du directeur est de procéder à des enquêtes. Ces enquêtes sont ouvertes sur le fondement de l'article 8 ou de l'article 47.
L'article 8 [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 76, art. 4] porte que le directeur doit procéder à une enquête chaque fois qu'il a des raisons de croire:
8. b)...
(i) qu'une personne a violé ou transgressé une ordonnance rendue en application des articles 29, 29.1 ou 30,
(ii) qu'il existe des motifs permettant à la Commission de rendre une ordonnance en vertu de la Partie IV.1, ou
(iii) qu'on a commis ou qu'on est sur le point de commettre
une infraction visée par la Partie V ou l'article 46.1.. .
Dans ces cas-là, le directeur doit étudier «toutes questions qui, d'après lui, nécessitent une enquête en vue de déterminer les faits». Cette enquête est tenue à huis clos (paragraphe 27(1) [édicté par S.C. 1974-75-76, chap. 76, art. 9]) et la Commis sion n'y prend aucune part. Cependant il peut être demandé aux commissaires de rendre certaines ordonnances qui permettent au directeur, dans le cours de l'enquête, d'ordonner la production de certaines preuves ou la comparution de certains témoins. En fait, le directeur n'a pas le pouvoir, aux termes de la Loi, d'ordonner la production de preuves ou la comparution de témoins. S'il veut exercer ces pouvoirs au cours de l'enquête, il doit s'adresser ex parte à un commissaire pour obtenir une ordonnance en ce sens comme le prévoient les articles 9, 10, 12 et 17.
Une enquête aux termes de l'article 8 peut avoir quatre résultats: le directeur constate qu'il n'y a pas matière à enquête et il y met fin; il constate qu'une ordonnance aux termes de la Partie IV.1 de la Loi serait justifiée et il fait une demande en ce sens; il renvoie l'affaire au procureur général du Canada; enfin, si les preuves réunies indiquent qu'il y a eu infraction aux termes de la Partie V, le directeur soumet ses constatations à la Commis sion et les articles 18 [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 76, art. 6] et 19 de la Loi entrent alors en jeu. Voici ces articles:
18. (1) A toute étape d'une enquête,
a) le directeur peut, s'il est d'avis que la preuve obtenue révèle une situation contraire à quelque disposition de la Partie V, et
b) le directeur doit, si l'enquête se rapporte à une infraction dont on soutient ou soupçonne la Commission et que vise une disposition quelconque de la Partie V et s'il en est requis par le Ministre,
préparer un exposé de la preuve obtenue au cours de l'enquête, et cet exposé doit être soumis à la Commission ainsi qu'à chaque personne contre qui une allégation y est faite.
(2) Sur réception de l'exposé mentionné au paragraphe (1), la Commission doit fixer un lieu, un jour et une heure des arguments à l'appui de cet exposé pourront être soumis par le directeur ou en son nom et les personnes visées par une allégation y contenue auront l'occasion voulue de se faire entendre en personne ou par un avocat.
(3) La Commission doit, conformément à la présente loi, étudier l'exposé soumis par le directeur en vertu du paragraphe
(1), avec toute preuve ou matière nouvelle ou autre que la Commission juge opportune.
(4) La Commission ne doit présenter, aux termes de l'article 19 ou 22, aucun rapport contre qui que ce soit, à moins que la personne en cause n'ait eu l'occasion voulue de se faire entendre comme le prévoit le paragraphe (2).
19. (1) La Commission doit, aussitôt que possible après la conclusion des procédures intentées sous le régime de l'article 18, faire un rapport par écrit et le transmettre sans délai au Ministre.
(2) Le rapport mentionné au paragraphe (1) doit passer la preuve et la matière en revue, estimer l'effet, sur l'intérêt public, des arrangements et pratiques révélés par la preuve et contenir des recommandations sur l'application des recours prévus par la présente loi ou d'autres recours.
Comme de toute évidence, en vertu de l'article 18, la Commission peut prendre part à une enquête, l'article 21 lui confère, à elle et à ses membres, «tous les pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la Partie I de la Loi sur les enquêtes», y compris bien entendu le pouvoir de citer des témoins à comparaître'.
Voilà pour les enquêtes du directeur en vertu de l'article 8. Outre les enquêtes ouvertes pour les fins prévues dans cet article, le directeur peut aussi ouvrir une enquête d'une nature plus générale aux termes de l'article 47. Voici cet article, le seul qui régisse expressément ce genre d'enquête:
47. (1) Le directeur
a) peut, de sa propre initiative, et doit, sur l'ordre du Ministre ou à la demande de la Commission, procéder à une enquête sur l'existence et l'effet de conditions ou pratiques qui se rapportent à quelque produit pouvant faire l'objet d'un négoce ou d'un commerce et qui se rattachent à des situa tions de monopole ou à la restriction du commerce, et
b) doit, sur l'ordre du Ministre, procéder à une enquête générale sur toute question que le Ministre certifie, dans son ordre, se rattacher aux buts et aux principes directeurs de la présente loi,
' Voici les articles 4 et 5 de la Loi sur les enquêtes, S.R.C. 1970, chap. I-13:
4. Les commissaires ont le pouvoir d'assigner devant eux tous témoins, et de leur enjoindre de rendre témoignage sous serment, ou par affirmation solennelle si ces personnes ont le droit d'affirmer en matière civile, oralement ou par écrit, et de produire les documents et choses qu'ils jugent nécessaires en vue d'une complète investigation des questions qu'ils sont chargés d'examiner.
5. Les commissaires ont, pour contraindre les témoins à comparaître et à rendre témoignage, les mêmes pouvoirs que ceux dont sont revêtues les cours d'archives en matières civiles.
et, aux fins de la présente loi, une telle enquête est réputée une enquête prévue par l'article 8.
(2) Il est du devoir de la Commission d'examiner toute preuve ou matière qui lui est soumise en vertu du paragraphe (1), ainsi que la preuve ou matière nouvelle qu'elle estime opportun d'étudier, et d'en faire rapport par écrit au Ministre et, pour les fins de la présente loi, tout semblable rapport est réputé un rapport prévu par l'article 19.
Il est constant que l'enquête pour laquelle la Commission a refusé de lancer les citations que demandait le directeur avait été ouverte sur le fondement de l'article 47. Elle concernait l'indus- trie pétrolière au Canada et avait été commencée par le directeur en 1973. Jusqu'en 1981, elle a eu lieu à huis clos conformément aux dispositions de la Loi portant sur les enquêtes menées en vertu de l'article 8. Le 27 février 1981, le directeur envoya au président de la Commission un exposé volumi- neux portant sur les preuves réunies au cours de l'enquête, auquel était jointe la lettre suivante:
[TRADUCTION] Conformément à l'article 47 de la Loi rela tive aux enquêtes sur les coalitions, je vous fais parvenir, en anglais et en français, un exposé des preuves et pièces réunies au cours de l'enquête précitée de façon à ce que, conformément audit article, la Commission sur les -pratiques restrictives du commerce en prenne connaissance ainsi que de toute autre preuve ou pièce que vous pourriez juger pertinente, et en fasse rapport par écrit au ministre de la Consommation et des Corporations.
Sur réception de cette lettre, la Commission décida de tenir des audiences publiques pour obtenir des preuves supplémentaires sur le même sujet. C'est au cours de ces audiences que la Commission a refusé la notification des citations à témoigner que le directeur demandait.
Il n'est peut-être pas nécessaire, pour statuer en l'appel, de décider qui, du directeur ou de la Commission, était responsable de l'enquête tenue par la Commission lorsque celle-ci refusa de lancer les citations. Mais je ne saurais souscrire à l'avis du premier juge lorsqu'il dit que le directeur était responsable de la conduite de l'enquête.
Si l'enquête en cause avait été tenue par la Commission, conformément à l'article 18, par suite du dépôt de l'exposé des preuves réunies par le directeur au cours d'une enquête selon l'article 8, aucun doute quant à sa nature ne serait permis. Avant le dépôt de l'exposé des preuves réunies
conformément à l'article 18, une enquête selon l'article 8 est une enquête menée à huis clos par le directeur qui ne concerne en rien la Commission. Mais lorsque l'exposé est déposé conformément à l'article 18, tout change. C'est la Commission qui prend les rênes: elle doit permettre au directeur de venir défendre son exposé; elle doit donner à toutes les personnes visées par des allégations qui y sont faites la possibilité de les réfuter; elle doit étudier «toute preuve nouvelle ou autre» qu'elle considère opportune; enfin elle doit faire un rapport confor- mément à l'article 19. Â mon avis, il est clair que lorsqu'elle décide de tenir des audiences en vertu de l'article 18 pour étudier «toute preuve nouvelle ou autre», la Commission est la seule responsable de ces audiences. Ce n'est pas le directeur qui les préside, il ne peut donc pas décider des preuves qu'entendra la Commission.
Mais l'avocat de l'intimé a fait valoir que la situation est différente lorsque l'enquête est ouverte sur le fondement de l'article 47. D'après lui cet article envisage une enquête à laquelle procède le directeur mais au cours de laquelle la Commission est saisie de certaines preuves. En conséquence, la Commission aurait le devoir de connaître de toutes les preuves que le directeur désirerait produire devant elle au cours de l'en- quête. En ce sens, l'enquête de la Commission serait placée sous le contrôle du directeur.
Cet argument est entièrement fondé sur le libellé du paragraphe 47(2) qui impose à la Com mission l'obligation «d'examiner toute preuve ou matière qui lui est soumise en vertu du paragraphe (1)...» Comme le paragraphe 47(1) n'indique pas comment les preuves réunies par le directeur au cours de son enquête doivent être soumises à la Commission, l'avocat de l'intimé déduit des termes du paragraphe 47(2) que le directeur peut choisir de saisir la Commission de ces preuves en procé- dant à son enquête en présence de la Commission au cours des audiences publiques.
Je dois admettre que cet argument peut se défendre étant donné le libellé du paragraphe 47(2); mais je ne saurais l'accepter. L'article 47 prévoit des enquêtes le directeur et la Commis sion jouent chacun un rôle. Le paragraphe 47(1) décrit le rôle du directeur: Il doit procéder à une enquête considérée, pour les fins de la Loi, comme
une enquête selon l'article 8. Or, une enquête du directeur n'est pas, à mon sens, une enquête de la Commission; c'est une enquête à huis clos conduite comme s'il s'agissait d'une enquête aux termes de l'article 8. Je ne puis interpréter le paragraphe 47 (1) comme attribuant au directeur le pouvoir de décider de procéder à son enquête devant la Com mission. Le paragraphe 47(2) décrit le rôle que joue la Commission dans une enquête selon l'arti- cle 47: elle doit examiner la preuve «qui lui est soumise en vertu du paragraphe (1), ainsi que la preuve ou matière nouvelle qu'elle estime opportun d'étudier, et ... en faire rapport ... au Ministre». À mon avis, l'expression «toute preuve ... qui lui est soumise en vertu du paragraphe (1)» ne permet pas de déduire que le directeur peut choisir de saisir la Commission de certaines preuves en con- duisant l'enquête en sa présence. La seule déduc- tion que l'on puisse faire, à mon avis, c'est que l'article 47 prévoit que le directeur, son enquête terminée, saisira la Commission des preuves qu'il a réunies. Cela ne sous-entend pas que l'on procé- dera à l'enquête devant la Commission, mais plutôt que les preuves réunies auparavant par le directeur au cours de son enquête à huis clos seront transmises à la Commission.
J'en conclus donc que lorsque la Commission est informée par le directeur des preuves réunies au cours d'une enquête aux termes de l'article 47, et décide alors de tenir des audiences pour rechercher des preuves supplémentaires, ces audiences sont alors conduites par la Commission et ne sont en aucune manière placées sous l'autorité du direc- teur. En conséquence, le directeur ne peut dicter à la Commission le genre de preuve qui devrait être administrée à ces audiences.
Toutefois le point fondamental en l'espèce ne réside pas dans la caractérisation de l'enquête à laquelle procédait la Commission lorsqu'elle a refusé de lancer les citations mais dans la nature du pouvoir conféré à la Commission en matière de citation de témoins. Est-ce à bon droit que la Division de première instance a jugé la page 523] que la notification d'une citation à comparaî- tre par la Commission est un acte purement admi- nistratif et qu'elle est «analogue à celle qui est faite par les cours de justice»? À mon avis, ce n'est pas le cas.
Le pouvoir de la Commission de citer des témoins provient de l'article 21 qui lui confère, à elle et à ses membres, tous les pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la Partie I de la Loi sur les enquêtes. Je ne connais aucune source faisant autorité qui étaye la proposition selon laquelle le pouvoir de citer des témoins serait d'ordre purement ministériel et ne comporterait aucun élément discrétionnaire. Si cette proposition était fondée, la Commission devrait faire droit à toute demande de citation de témoins, si abusive soit-elle. C'est bien sûr inconcevable. La Commis sion, dans l'exercice de ses pouvoirs, ne doit être ni injuste ni oppressive. Il est vrai que, d'après les règles de la plupart des cours, la citation de témoins est un acte purement administratif. Mais cela tient à ce que, d'après ces règles, les citations sont lancées à la demande des officiers de justice. Ce sont les règles des cours qui font de la notifica tion de citations une fonction purement adminis trative. Aucune règle de ce genre n'a été adoptée par la Commission.
L'avocat de l'intimé a soutenu qu'en refusant de lancer les citations la Commission a empêché le directeur d'administrer certaines preuves qu'il était en droit d'administrer. Cet argument suppose cependant que le directeur a le droit de choisir les preuves dont connaîtra la Commission au cours de ses audiences. J'ai déjà dit qu'à mon avis le direc- teur n'avait pas ce droit.
Par ces motifs, j'accueillerais l'appel, je réfor- merais l'ordonnance de la Division de première instance et, prononçant le jugement que celle-ci aurait prononcer, je rejetterais la requête de l'intimé. Je n'accorderais pas de dépens.
LE JUGE URIE: Je souscris. LE JUGE RYAN: Je souscris.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.