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A-786-81
Chambre de commerce de Jasper Park et Stern - dale Holdings Ltd. (appelantes)
c.
Gouverneur général en conseil, représenté par le procureur général du Canada, VIA Rail Canada Inc. et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (intimés)
Cour d'appel, juges Heald et Le Dain, juge sup pléant Hyde—Calgary, 13 et 14 mai; Ottawa, 20 septembre 1982.
Chemins de fer Appel d'un jugement de la Division de première instance radiant une déclaration au motif que les faits y allégués ne révélaient aucune cause raisonnable d'action Il est allégué dans la déclaration que le décret contesté, pris en vertu de l'art. 64 de la Loi nationale sur les transports, a modifié des ordonnances de la Commission canadienne des transports qui avaient pour effet de mettre fin à des services de trains de voyageurs; que le décret contesté a eu pour effet de mettre fin aux services de trains de voyageurs déclarés tels dans l'ordonnance R-31300 sans que VIA et le CN en aient fait la demande à la C.C.T., tel que le prévoit l'art. 260 de la Loi sur les chemins de fer; que, les exigences de l'art. 260 n'étant pas respectées, le décret est nul et que, étant un règlement au sens de la Loi sur les textes réglementaires et n'ayant pas été enregistré auprès du greffier du Conseil privé, ce décret n'est pas entré en vigueur Le gouverneur en conseil avait-il compétence, en vertu de l'art. 64(1) de la Loi nationale sur les transports, pour prendre le décret? Le premier juge a-t-il commis une erreur en concluant à l'entrée en vigueur du décret malgré le défaut par le gouverneur en conseil de se conformer à l'art. 5 de la Loi sur les textes réglementaires? Étant donné l'arrêt Inuit Tapirisat, l'exercice par le gouver- neur en conseil du pouvoir qu'il tient de l'art. 64(1) est susceptible d'examen par les tribunaux s'il ne respecte pas une condition préalable à cet exercice de pouvoir Cette condi tion préalable implique l'existence d'une ordonnance valide et non périmée de la C.C.T. et exige qu'il s'agisse d'une ordon- nance concordante, c'est-à-dire que la modification doit porter sur le même objet Le gouverneur en conseil, en vertu de l'art. 64(1), n'est pas autorisé, sous l'apparence de modifica tions, à faire quelque chose de nature entièrement différente il est obligé de s'en tenir au même type d'ordonnance que celui qu'examinait la Commission Le premier juge n'a pas eu tort de conclure à l'entrée en vigueur du décret malgré le défaut par le gouverneur en conseil de se conformer à l'art. 5 Sur la base du raisonnement adopté dans l'affaire Melville, la condition, posée par l'art. 5, qu'un règlement doit être transmis, pour enregistrement, dans un délai de 7 jours est supplétive plutôt qu'impérative Quant à la question de savoir si la déclaration révèle une cause raisonnable d'action, la déclaration devrait être radiée seulement lorsque la Cour est convaincue qu'il s'agit d'un cas au-delà de tout doute Certes, certains paragraphes de la déclaration ne sont pas fondés, mais l'action en jugement déclarant que le décret est invalide et nul ne constitue pas un cas au-delà de tout doute
Étant donné qu'au moment de l'audition les intimés n'avaient pas répondu à la déclaration et que les appelantes pouvaient donc, en vertu de la Règle 42/, modifier sans permission toutes plaidoiries, la Cour ne saurait conclure que l'action, dans la mesure elle se rapporte à cette déclaration, n'a aucune chance de réussir La question de savoir si le jugement a un effet pratique n'est pas pertinente; aucun service du gouvernement n'est au-dessus des lois et, s'il contrevient à la loi, les tribunaux ont le droit de le déclarer Appel accueilli Loi nationale sur les transports, S.R.C. /970, chap. N-17, art. 64 Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, art. 260, 261 Loi sur les textes réglementaires, S.C. 1970-71-72, chap. 38, art. 5(1) Règles 419(/)a), 421 de la Cour fédérale.
Pratique Requête en radiation des plaidoiries Appel
d'une ordonnance de la Division de première instance radiant une déclaration parce qu'elle ne révélait aucune cause raison-
nable d'action Appel accueilli Certains paragraphes ne sont pas fondés, mais la Cour ne saurait conclure que l'action en jugement déclarant la nullité du décret n'a aucune chance de réussir En vertu de la Règle 421, il est possible de modifier les plaidoiries sans permission Règles 419(1)a), 421 de la Cour fédérale.
Appel est interjeté du jugement par lequel la Division de première instance a accueilli les requêtes introduites par les intimés tendant à l'obtention d'une ordonnance qui radierait la déclaration des appelantes et rejetterait l'action intentée contre eux. L'action porte sur plusieurs ordonnances du gouverneur en conseil qui ont établi un service de trains de voyageurs pour l'Ouest du Canada. Il est allégué dans la déclaration que le décret contesté, qui aurait été pris en vertu de l'article 64 de la Loi nationale sur les transports, a modifié certaines ordonnan- ces de la Commission canadienne des transports (C.C.T.) qui avaient pour effet de mettre fin à certains services de trains de voyageurs reliant Winnipeg, Saskatoon, Edmonton, Jasper, Kamloops et Vancouver. Il est allégué en outre que le décret a eu pour effet de mettre fin aux services de trains de voyageurs déclarés tels dans une ordonnance antérieure sans que VIA et le CN en aient fait la demande à la C.C.T., tel que le prévoit l'article 260 de la Loi sur les chemins de fer et que le décret était donc invalide et nul. Il est allégué, en dernier lieu, que le décret est un règlement au sens de la Loi sur les textes réglementaires, et que parce qu'il n'a pas été enregistré auprès du greffier du Conseil privé comme l'exige l'article 5 de la Loi, il est nul. Les appelantes soutiennent que le juge de première instance a eu tort de conclure que le gouverneur en conseil avait compétence, en vertu de l'article 64 de la Loi nationale sur les transports, pour prendre le décret contesté, et que c'est à tort qu'il a conclu que ce décret était valide malgré le défaut par le gouverneur en conseil de se conformer aux dispositions de la Loi sur les textes réglementaires:
Arrêt: l'appel est accueilli. Pour ce qui est de la question de savoir si le gouverneur en conseil avait compétence, en vertu du paragraphe 64(l) de la Loi nationale sur les transports, pour prendre le décret contesté, deux annexes sont pertinentes: les annexes XV et XVI. Le groupe pertinent énuméré dans l'an- nexe XVI est le groupe 17 qui avait pour effet de modifier le service de trains de voyageurs reliant Winnipeg, Saskatoon, Edmonton, Jasper, Kamloops et Vancouver, tel que prévu dans l'ordonnance R-31300. On invoque l'arrêt Inuit Tapirisat à l'appui de la prétention que l'exercice du pouvoir prévu au
paragraphe 64(I) est susceptible d'examen par les tribunaux si le gouverneur en conseil ne respecte pas une condition préalable à l'exercice de ce pouvoir. Cette condition préalable implique l'existence d'une ordonnance valide et non périmée de la C.C.T. et la condition qu'il s'agisse d'une ordonnance concordante, c'est-à-dire que la modification faite porte sur le même objet que celui de l'ordonnance que le gouverneur se propose de modifier. L'ordonnance R-22346 n'est pas une ordonnance concordante aux fins de l'ordre de suppression contenu à l'arti- cle 2 de l'annexe XV, parce que le service qui fait l'objet de l'ordonnance R-22346 n'est pas le même service que celui dont la suppression a été ordonnée à cet article. Le service originaire de trains de voyageurs qui a été déclaré comme tel par l'ordon- nance R-6751 et dont l'ordonnance R-22346 a ordonné le maintien a été modifié par le Plan définitif pour le service de l'Ouest des trains transcontinentaux de voyageurs tel qu'il a été souligné dans l'ordonnance R-31300. En raison de la modifica tion apportée par le Plan définitif, le service dont la suppression a été ordonnée était différent du service que la C.C.T. a ordonné au CN de maintenir dans l'ordonnance R-22346. Le gouverneur en conseil n'est pas autorisé, en vertu du paragra- phe 64(1), faire, sous l'apparence d'une modification, quelque chose de nature entièrement différente. Sous le régime de ce paragraphe, le Cabinet est obligé de s'en tenir au même type d'ordonnance que celui qu'examinait la Commission. Il n'auto- rise pas le gouverneur en conseil à modifier n'importe quelle ordonnance et toutes les ordonnances de la Commission, quelle que soit la date à laquelle elles ont été rendues et sans distinc tion de leur objet.
Quant à l'article 3 de l'annexe XV qui vise à modifier l'ordonnance R-26520, celle-ci a modifié l'ordonnance R-6751 et dépend donc, pour sa validité, de l'existence de cette der- nière. Après la révocation de l'ordonnance R-6751, l'ordon- nance R-26520 ne saurait plus être considérée comme une ordonnance valide et motivée. Il s'ensuit nécessairement que, à l'époque de l'adoption de l'article 3 de l'annexe XV, la condi tion préalable n'avait pas été remplie, ce qui vicie donc cet article. Il est également question de concordance au sujet de l'article 3. L'ordonnance R-26520 a pour objet de déclarer ou de définir quels trains comprennent un service de trains de voyageurs; elle ne porte pas sur sa suppression. L'article 3, sous le couvert de la «modification., ordonne toutefois la suppression de certains tronçons du service de trains de voyageurs.
Toutefois, le gouverneur en conseil a agi dans les limites de sa compétence en ce qui concerne l'annexe XVI et cette annexe, qui modifie l'ordonnance R-31300, est valide. La partie de l'ordonnance R-31300 que l'annexe se propose de modifier en supprimant certains tronçons et en diminuant la fréquence minimale est celle qui a «déclaré>., au sens du paragraphe 260(I) de la Loi sur les chemins de fer, service de trains de voyageurs le service du CN allant de Winnipeg à Vancouver via Saskatoon, Edmonton, Jasper et Kamloops. La Commission avait clairement le pouvoir de faire cette déclaration sous le régime du paragraphe 260(1), et il s'agissait donc d'une ordon- nance de la Commission valablement motivée que le gouverneur en conseil pouvait modifier ou rescinder en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les transports. Il s'agissait également d'une ordonnance concordante aux fins de l'annexe XVI parce qu'elle déclarait ou définissait quels trains compre- naient un service de trains de voyageurs et qu'elle n'ordonnait pas de suppression.
Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant à l'entrée en vigueur du décret malgré le défaut par le gouverneur en conseil de se conformer à l'article 5 de la Loi sur les textes réglementaires. Sur le fondement du raisonne- ment adopté dans l'affaire Melville, la condition, posée à l'article 5, qu'un règlement doit être transmis, pour enregistre- ment, dans un délai de 7 jours est supplétive plutôt qu'impérative.
Pour ce qui est de la question de savoir si la déclaration révèle une cause raisonnable d'action, lorsqu'est présentée une requête en radiation, tous les faits allégués dans une déclaration doivent être tenus pour avérés. La déclaration devrait être radiée, ou l'action rejetée, seulement lorsque la Cour est con- vaincue qu'il s'agit d'un cas au-delà de tout doute. Compte tenu des conclusions de la Cour relatives aux questions précédentes et adoptant les critères appliqués dans l'arrêt Inuit Tapirisat, les paragraphes de la déclaration sollicitant un jugement décla- rant que le décret contesté n'est pas entré en vigueur et que les demanderesses sont en droit de recevoir de VIA et de CN un service de trains de voyageurs exposé dans l'ordonnance R-31300 du C.T.C.F., et demandant le prononcé d'une injonc- tion interdisant aux défendeurs de supprimer le service tou- chant Jasper prévu dans l'ordonnance R-31300 du C.T.C.F. sont, à l'évidence, sans fondement. Toutefois, l'action en juge- ment déclarant que le décret est invalide et nul ne constitue pas un cas au-delà de tout doute. Puisqu'à l'époque de l'audition les intimés n'avaient pas répondu à la déclaration, conformément à la Règle 421, les appelantes peuvent toujours, sans permission, modifier leurs plaidoiries. A ce stade, la Cour ne saurait donc conclure que l'action, dans la mesure elle se rapporte à l'alinéa a) de la déclaration, n'a aucune chance de réussir. L'argument selon lequel la déclaration ne devrait pas être maintenue parce qu'un redressement accordé sous le régime de l'alinéa a) n'aurait aucun effet pratique doit être repoussé. Indépendamment de la question de savoir si un jugement a un effet pratique, aucun service du gouvernement n'est au-dessus des lois et s'il contrevient à une loi, les tribunaux ont le droit de le déclarer: Kelso c. Sa Majesté La Reine. Par conséquent, si le gouverneur en conseil a pris un décret qui est partiellement ou complètement nul, les tribunaux ont le droit de déclarer cette nullité. Bien qu'une déclaration de nullité puisse avoir un effet juridique mais peu d'effet pratique en ce qui concerne les intimés, la question n'est pas au-delà de tout doute et devrait donc être autorisée à suivre son cours. Puisque les intimés peuvent solliciter de la Division de première instance une ordonnance portant radiation de certaines parties de la déclara- tion et que les appelantes peuvent toujours modifier leur décla- ration, il serait prématuré d'ordonner que les parties de la déclaration qui se rapportent à l'annexe XVI du décret contesté soient radiées en vertu de la Règle 419(1)a), en raison de la validité partielle du décret et de sa nullité partielle, pour ne laisser intacte dans la déclaration que la partie qui soulève une question susceptible d'être examinée par les tribunaux.
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [ 1980] 2 R.C.S. 735; Kelso c. Sa Majesté La Reine, [1981] I R.C.S. 199.
AVOCATS:
J. E. Redmond, c.r. et B. Zalmanowitz pour les appelantes.
E. A. Bowie, c.r., pour le procureur général du Canada, intimé.
M. E. Rothstein, c.r. et L. M. Huart pour VIA Rail Canada Inc., intimée.
Grant H. Nerbas et P. Antymniuk pour la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, intimée.
PROCUREURS:
Milner & Steer, Edmonton, pour les appelan- tes.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada, intimé.
Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winni- peg, pour VIA Rail Canada Inc., intimée. Contentieux, Chemins de fer nationaux du Canada, Winnipeg, pour la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, intimée.
Ce gui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est formé du jugement par lequel la Division de première instance [Cour fédérale, T-5384-81, jugement en date du 11 novembre 1981] a accueilli avec dépens les requê- tes introduites par les intimés en vertu de la Règle 419(1)a) en vue d'obtenir la radiation de la décla- ration des appelantes et le rejet de l'action intentée contre eux. Comme l'a dit le juge de première instance, il s'agit en l'espèce d'une action parallèle à celle qu'ont intentée la ville de Melville et d'au- tres demandeurs en vue d'obtenir, également, un jugement déclarant le décret C.P. 1981-2171 [DORS/81-892] pris le 6 août 1981 (le décret contesté) invalide et, subsidiairement, le prononcé d'une injonction. Le présent appel a été entendu immédiatement après l'appel formé dans l'affaire City of Melville, [1983] 2 C.F. 123.
La raison pour laquelle le juge de première instance a accueilli les requêtes en l'espèce est que les faits allégués dans la déclaration ne révélaient pas de cause raisonnable d'action. Aux fins des requêtes dont il était saisi, il a tenu les faits allégués dans la déclaration pour avérés, comme il
convient de le faire lorsqu'il s'agit d'examiner une demande en radiation introduite en vertu de la Règle 419(1)a).
Dans la déclaration, il est allégué, entre autres, que le décret contesté, pris en vertu de l'article 64 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, a modifié certaines ordonnances de la Commission canadienne des transports (la C.C.T.) qui avaient pour effet de mettre fin à certains services de trains de voyageurs qui reliaient Winnipeg, Saskatoon, Edmonton, Jasper, Kamloops et Vancouver. Il est allégué en outre dans la déclaration que le décret contesté a eu pour effet de mettre fin aux services de trains de voya- geurs déclarés tels dans l'ordonnance R-31300 sans que VIA et le Canadien National en aient fait la demande à la C.C.T., tel que le prévoit l'article 260 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, et que, les exigences de l'article 260 n'ayant pas été respectées, le décret contesté est par conséquent invalide et nul.
Toujours d'après la déclaration (paragraphe 14), le décret contesté [TRADUCTION] «... est un règlement au sens de la Loi sur les textes régle- mentaires, S.C. 1970-71-72, chap. 38, modifiée», et [TRADUCTION] «... n'a pas été enregistré auprès du greffier du Conseil privé comme l'exige la Loi sur les textes réglementaires, et n'est pas, par conséquent, entré en vigueur».
Dans leur appel, les appelantes invoquent deux motifs: premièrement, que le juge de première instance a eu tort de conclure que le gouverneur général en conseil avait compétence, en vertu de l'article 64 de la Loi nationale sur les transports, pour prendre le décret contesté et, deuxièmement, que c'est encore à tort qu'il a conclu à la validité du décret contesté malgré le défaut par le gouver- neur général en conseil de se conformer aux dispo sitions de la Loi sur les textes réglementaires.
Je propose d'aborder tout d'abord la prétention que le décret C.P. 1981-2171 aurait été pris sans compétence, ce qui le rendrait invalide et nul.
LES ORDONNANCES DE LA C.C.T.
Pour bien apprécier cet argument, tel qu'il a été invoqué devant la Cour par l'avocat des appelan-
tes, j'estime qu'il est nécessaire de se référer à un certain nombre d'ordonnances et au «Plan défini- tif» du Comité des transports par chemin de fer (le C.T.C.F.) de la C.C.T. Ces documents, exposés dans l'ordre chronologique, sont les suivants:
1. Ordonnance R-6751 --rendue le 19 septembre 1969. Cette ordonnance, entre autres, déclare les trains de voyageurs n°` 1, 2, 3 et 4 (connus aussi sous le nom de Super-Continental) des Chemins de fer Nationaux du Canada (CN) service de trains de voyageurs aux fins des articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de fer actuelle- ment en vigueur.
2. Ordonnance R-11061—rendue le 26 février 1971. Cette ordonnance a été rendue par suite d'une requête que l'intimé CN avait présentée en vue d'obtenir l'autorisation de supprimer, entre autres, ses trains n°° 1, 2, 3 et 4' (le Super-Continental). Le Comité a déterminé:
a) Que le service Super-Continental était non rentable et allait probablement continuer de l'être; et a ordonné:
b) Que le CN ne devait pas cesser l'exploita- tion du service assuré par ses trains n°' 1, 2, 3 et 4 (le Super-Continental). À cet égard le Comité dit ceci (D.A., vol. 1, aux pp. 91 à 93):
[TRADUCTION] En attendant l'élaboration du plan inté- gré de rationalisation des services de trains de voyageurs transcontinentaux assurés par les compagnies de chemin de fer desservant les lignes principales, nous décidons qu'il est dans l'intérêt du public que l'exploitation du Super-Continental ne devrait pas être supprimée.
3. Ordonnance R-22346—rendue le 26 février 1976. Cette ordonnance était, selon ses propres termes, une révision, en vertu du paragraphe 260(8) de la Loi sur les chemins de fer 2 , de la requête du CN en abandon de l'exploitation de son service de trains de voyageurs comprenant les trains n°' 1, 2, 3 et 4, le Super-Continental (ordonnance R-11061). Le Comité a conclu, entre autres, que le service de trains de voya- geurs comprenant les trains n°' 1, 2, 3 et 4
' Les trains I et 2 assuraient un service entre Montréal et Vancouver via Ottawa-Winnipeg-Saskatoon-Edmonton-Jasper, etc. Au cours des mois d'hiver, les trains 3 et 4 assuraient un service entre Toronto et Capreol, ils rejoignaient les trains I et 2. Au cours des mois d'été, les trains 3 et 4 faisaient le trajet Toronto-Vancouver.
n'était pas rentable et continuerait vraisembla- blement à le demeurer, et a ordonné, entre autres, que le CN ne devait pas cesser l'exploita- tion dudit service de trains de voyageurs.
4. Plan définitif pour le service de l'Ouest des trains transcontinentaux de voyageurs—publié par le C.T.C.F. en octobre 1977
On disait (D.A., vol. 1, p. 120) que le Plan définitif proposerait entre autres:
(i) un service quotidien entre Montréal/ Toronto-Vancouver empruntant les voies de CP Rail via Thunder Bay, Winnipeg et Cal- gary, avec un horaire calqué sur celui du «Canadien»;
(ii) un service quotidien de correspondance entre Winnipeg-Vancouver sur les voies du CN via Edmonton, et dont l'horaire serait presque identique à celui du train passant par Calgary.
Ce Plan définitif, publié en octobre 1977, n'a pas pris la forme d'une ordonnance du Comité. Le Comité s'est déclaré persuadé que les intimés VIA, CN et le Chemin de fer Canadien du Pacifique (CP) seraient chargés de l'application du Plan définitif.
5. Ordonnance R-26520—rendue le 8 mars 1978. Le préambule de cette ordonnance dit entre autres (D.A., vol. 1, p. 110): «ATTENDU que l'exécution du plan transitoire et du Plan
2 Le paragraphe 260(8) est ainsi rédigé: 260....
(8) Si la Commission décide que l'exploitation d'un service non rentable de trains de voyageurs ne doit pas cesser, elle doit rendre une ordonnance à cet effet, puis réexaminer par la suite la demande de suppression de service à des intervalles ne dépassant pas cinq ans à compter de la date de la première demande ou de la date à laquelle cette demande a été examinée pour la dernière fois, selon le cas, aux fins de décider si l'exploitation du service de trains de voyageurs devrait cesser, et
a) si la Commission conclut que le service de trains de voyageurs est devenu, depuis le dernier examen, un service rentable de trains de voyageurs, elle doit rejeter la demande de suppression du service de trains de voyageurs sans préjudice de toute demande de suppression de ce service qui peut subséquemment être faite; mais
b) si la Commission conclut que le service de trains de voyageurs continue d'être un service non rentable, elle doit décider si le service devrait être supprimé comme le prévoit le paragraphe (7) ou maintenu comme le prévoit le présent paragraphe.
définitif ne pourra se faire qu'en modifiant les parties des Tableaux I et II de l'ordonnance R-6751;». Cette ordonnance apporte ensuite les modifications nécessaires à l'ordonnance R-6751 en vue de l'application du Plan transitoire.
6. Ordonnance R-28543—rendue le 21 mars 1979. Cette ordonnance apporte certaines modi fications à l'ordonnance R-26520, et est appelée le Plan transitoire modifié.
7. Ordonnance R-29468—rendue le 15 août 1979. Cette ordonnance apporte d'autres modifi cations en vue de l'application du Plan définitif.
8. Ordonnance R-31300—rendue le 14 août
1980 (D.A., vol. 2, aux pp. 144 187). Cette ordonnance est d'une très grande importance pour la solution de la question que nous exami- nons actuellement, et est, chronologiquement, la dernière des ordonnances qui sont pertinentes en l'espèce. Le préambule de l'ordonnance R-31300 est ainsi rédigé (D.A., vol. 2, aux pp. 144 146):
COMITE DES TRANSPORTS PAR CHEMIN DE FER
ORDONNANCE R-31300
Le 14 août 1980
RELATIVE à l'ordonnance R-6751 rendue par le Comité le 19 septembre 1969 et aux ordonnances subséquentes concer- nant la fréquence et l'itinéraire des services de trains de voyageurs;
RELATIVE à la fréquence minimale à assurer sur divers tronçons de lignes qui étaient exploités auparavant par des trains et le sont maintenant par des services d'autocars; et
RELATIVE à la responsabilité d'assurer des services de trains de voyageurs depuis la création de VIA Rail Canada Inc.
Dossier 49468.18
ATTENDU que le paragraphe 260(1) de la Loi sur les che- mins de fer définit un service de trains de voyageurs comme étant «le train ou les trains d'une compagnie qui sont capa- bles de transporter des voyageurs et qui sont déclarés par une ordonnance de la Commission, aux fins du présent article et de l'article 261, comprendre un service de trains de voyageurs»;
ATTENDU que le paragraphe 260(2) de la loi susmentionnée précise ce qui suit: «Si une compagnie désire supprimer un service de trains de voyageurs, la compagnie doit, en confor- mité des règles et règlements de la Commission à ce sujet, déposer à la Commission une demande de suppression de ce service»;
ATTENDU que le Comité a jugé bon de rendre une ordon- nance comprenant toutes les déclarations faites à l'égard des «services de trains de voyageurs» et qu'il a délivré à cet effet l'ordonnance R-6751 le 19 septembre 1969;
ATTENDU que l'ordonnance R-6751 établissait les fré- quences minimales auxquelles devaient circuler les trains de
voyageurs et délimitait les régions à l'intérieur desquelles chaque compagnie ferroviaire devait assurer ses services aux fréquences indiquées;
ATTENDU que depuis la délivrance de l'ordonnance R-6751, de nombreux changements ont été apportés aux fréquences et aux itinéraires et qu'un grand nombre d'ordon- nances et autres directives remplaçant ladite ordonnance ont été émises;
ATTENDU qu'il y aurait lieu de préciser à nouveau les fréquences minimales à assurer sur divers tronçons de lignes qui étaient exploités auparavant par des trains et le sont maintenant par des services d'autocars;
ATTENDU que la création de VIA Rail Canada Inc. a eu une incidence sur la responsabilité de la prestation de la plupart des services de trains de voyageurs et des services d'autocars de remplacement;
ATTENDU que dans le Plan définitif pour le service de l'Ouest des trains transcontinentaux de voyageurs publié en octobre 1977, dans le Plan définitif pour le service de l'Est des trains transcontinentaux de voyageurs paru en juin 1979 et dans certaines ordonnances relatives à d'autres services de trains de voyageurs et à des services d'autocars de remplace- ment, délivrées depuis octobre 1977, le Comité a déclaré que les compagnies ferroviaires relevant de la Commission et participant à l'exploitation d'un service donné partagent conjointement la responsabilité d'assurer ce service;
LE COMITE juge donc opportun de rendre une nouvelle ordonnance énonçant la liste des trains comprenant un user- vice de trains de voyageurs. aux fins des articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de fer et établissant leur fréquence minimale ainsi que les fréquences minimales devant être assurées sur divers tronçons de lignes qui étaient exploités auparavant par des trains et qui le sont maintenant par des services d'autocars.
À propos de l'ordonnance R-31300, il est allégué ce qui suit au paragraphe 10 de la déclaration (D.A., vol. 1, p. 3):
[TRADUCTION] 10. Le 14 août 1980, le CTCF a rendu l'ordon- nance R-31300, laquelle, entre autres:
a) remplaçait l'ordonnance R-6751 mentionnée au paragra- phe 5 et établissait l'itinéraire et la fréquence pour les services de trains de voyageurs;
b) reconnaissait la responsabilité de Via d'assurer des servi ces de trains de voyageurs;
c) déclarait que les trains pouvant transporter des voyageurs et circuler sur divers tronçons de lignes énumérés dans les tableaux de l'annexe de l'ordonnance R-31300 formaient un "service de trains de voyageurs. aux fins des articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de fer.
L'ordonnance R-31300 a donc créé un nouveau et différent "service de trains de voyageurs., au sens de l'article 260 de la Loi sur les chemins de fer, qui exigeait spécifiquement un service de trains de voyageurs reliant les points suivants à une fréquence minimale de sept fois par semaine:
Winnipeg-Saskatoon-Edmonton-Jasper-Kamloops-Vancouver.
DÉCRET C.P. 1981-2171 (Le décret contesté)
Le décret contesté est ainsi rédigé (D.A., vol. 2, p. 191):
Sur avis conforme du ministre des Transports et en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les transports, le Gouverneur général en conseil, sur sa propre motion, modifie par les présentes, et conformément aux annexes I à XVII ci-jointes, les Ordonnances et Décisions de la Commission canadienne des Transports mentionnées auxdites annexes.
Aux fins du présent appel, les annexes pertinentes du décret sont les annexes XV et XVI. Ces annexes sont ainsi conçues (voir D.A., vol. 2, pp. 206 217 inclusivement):
ANNEXE XV
Service de l'Ouest des trains transcontinentaux de voyageurs Service de trains de voyageurs Toronto-Barrie
1. L'ordonnance R-22125 rendue par le Comité des trans ports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports le 29° jour de janvier 1976 est par les présentes modifiée comme suit:
(I) L'article 1 à la page 2 de ladite ordonnance est abrogé et est remplacé par ce qui suit:
d. VIA Rail Canada Inc. et Canadien Pacifique Limi- tée ne doivent pas cesser l'exploitation dudit service de trains de voyageurs, exception faite du service de trains de voyageurs entre Montréal et Ottawa (via Vankleek Hill) qui doit être supprimé à compter du 15° jour de novembre 1981.w
2. L'ordonnance R-22346 rendue par le Comité des trans ports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports le 26° jour de février 1976 est par les présentes modifiée comme suit:
(I) L'article 1 de la deuxième page de ladite ordonnance est abrogé et est remplacé par ce qui suit:
.1. VIA Rail Canada Inc. et les Chemins de fer Natio- naux du Canada ne doivent pas cesser l'exploitation dudit service de trains de voyageurs, exception faite du service de trains de voyageurs Barrie-Toronto assuré par les trains 168 et 169 (présentement les trains 146 et 147), qui doit être supprimé à compter du jour de septembre 1982, de même que du service de trains de voyageurs entre Winni- peg et Saskatoon et du service de trains de voyageurs entre Jasper et Vancouver qui doivent être supprimés à compter du 15e jour de novembre 1981.w
3. Le «Plan définitif pour le service de l'Ouest de trains transcontinentaux de voyageurs. établi par le Comité des trans ports par chemin de fer de la Commission canadienne des transports en octobre 1977, mis en vigueur par l'ordonnance R-26520 rendue par le Comité des transports par chemin de fer le jour de mars 1978 et modifié, est par les présentes modifié comme suit:
(1) Les articles (i) à (iv) se trouvant sous le titre «Plan définitif» à la page 1 dudit Plan définitif sont par les présen- tes abrogés et sont remplacés par ce qui suit:
«(i) un train quotidien Montréal-Toronto-Vancouver via Thunder Bay, Winnipeg et Calgary à compter du 15' jour de novembre 1981. Le service actuel de trains de voya- geurs entre Montréal et Ottawa (via Vankleek Hill) doit être supprimé à compter du 15` jour de novembre 1981;
(ii) le service de voyageurs pour les services de trains de voyageurs entre Ottawa et Sudbury et entre Saskatoon et Edmonton à compter du 15' jour de novembre 1981; et
(iii) le service complet pour le service de trains de voya- geurs entre Edmonton et Jasper à compter du 15° jour de novembre 1981.
Le service de trains de voyageurs entre Winnipeg et Saska- toon et le service de trains de voyageurs entre Jasper et Vancouver doivent être supprimés à compter du 15' jour de novembre 1981.0
ANNEXE XVI
I. L'ordonnance R-31300 rendue le 14' jour d'août 1980 par le Comité des transports par chemin de fer de la Commis sion canadienne des transports est par les présentes modifiée comme suit:
(I) Les groupes 6, 7, et 23 du Tableau I de ladite ordonnance sont annulés à compter du 15` jour de novembre 1981.
(2) Les groupes I, 3, 5, 16, 17, 22 et 25 du Tableau I de ladite ordonnance sont annulés et sont remplacés par les groupes suivants datés du 15` jour de novembre 1981 à compter du 15' jour de novembre 1981.
Aux fins du présent appel, le seul groupe pertinent énuméré dans l'annexe XVI est le groupe 17 (voir D.A., vol. 2, p. 215). Cette modification avait pour effet de modifier le service de trains de voya- geurs reliant Winnipeg-Saskatoon-Edmonton-Jas- per-Kamloops-Vancouver une fréquence mini- male de 7 fois par semaine), tel que prévu dans l'ordonnance R-31300, en y éliminant les tronçons allant de Jasper à Vancouver et de Winnipeg à Saskatoon et en réduisant la fréquence minimale à 3 fois par semaine entre Edmonton et Jasper.
Comme il est dit dans le décret contesté, les intimés s'appuient sur le paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les transports, lequel paragraphe est ainsi rédigé:
64. (1) Le gouverneur en conseil peut à toute époque, à sa discrétion, soit à la requête d'une partie, personne ou compa- gnie intéressée, soit de son propre mouvement et sans aucune requête ni demande à cet égard, modifier ou rescinder toute ordonnance, décision, règle ou règlement de la Commission, que cette ordonnance ou décision ait été rendue inter partes ou autrement, et que ce règlement ait une portée et une applica-
fion générales ou restreintes; et tout décret que le gouverneur en conseil prend à cet égard lie la Commission et toutes les parties.
Les avocats des appelantes et des intimés ont invoqué la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre' à l'appui de la prétention que le pouvoir que le gouverneur en conseil tient dudit paragraphe 64(1) est susceptible d'examen par les tribunaux s'il ne respecte pas une condition préalable à l'exercice de ce pouvoir. On dénote toutefois, entre les avocats des parties opposantes, des divergences importan- tes quant à la nature de cette condition préalable pour ce qui concerne la présente espèce. L'avocat du procureur général du Canada fait valoir, tant dans son mémoire que dans ses plaidoiries, que cette condition préalable se résume à ceci: il suffit simplement qu'il y ait pour qu'on puisse la modi fier, une ordonnance valide et non périmée de la C.C.T. L'avocat des appelantes soutient d'autre part que la condition préalable à l'exercice du pouvoir prévu au paragraphe 64(1) est la suivante: il doit non seulement y avoir, au moment de l'adoption du décret, une ordonnance valide et non périmée de la C.C.T., mais il faut aussi qu'il y ait concordance entre celle-ci et le décret. Selon l'avo- cat, cette condition de concordance signifie que la modification faite par le gouverneur en conseil doit porter sur le même objet que celui de l'ordonnance que le gouverneur se propose de modifier. Toujours selon l'avocat, une ordonnance de suppression de services de trains de voyageurs ne saurait être validement rendue dans le cadre de la modification d'une ordonnance qui porte, non pas sur une demande de suppression, mais sur une déclaration que certains trains comprennent un service de trains de voyageurs aux fins des articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de fer. Ces articles sont ainsi rédigés:
260. (I) Dans le présent article et l'article 261,
.perte réelle,,, relativement à un service de trains de voyageurs, désigne
a) l'excédent, s'il en est, des frais subis par la compagnie dans le transport des voyageurs par le service de trains de voyageurs
sur
b) les revenus de la compagnie provenant du transport des voyageurs par le service de trains de voyageurs;
3 [1980] 2 R.C.S. 735.
«service de trains de voyageurs. désigne le train ou les trains d'une compagnie qui sont capables de transporter des voya- geurs et qui sont déclarés par une ordonnance de la Commis sion, aux fins du présent article et de l'article 261, compren- dre un service de trains de voyageurs.
(2) Si une compagnie désire supprimer un service de trains de voyageurs, la compagnie doit, en conformité des règles et règlements de la Commission à ce sujet, déposer à la Commis sion une demande de suppression de ce service.
(3) En même temps qu'elle dépose une demande de suppres sion du service de trains de voyageurs, la compagnie doit également soumettre à la Commission un état des frais et revenus de la compagnie attribuables au transport des voya- geurs par le service en question pour chacune d'un certain nombre d'années financières consécutives de la compagnie que prescrit la Commission (ci-après appelées au présent article les «années de comptabilité prescrites.), et la Commission doit faire donner, au sujet de la demande dans la région desservie par le service de trains de voyageurs, l'avis public que la Commission estime raisonnable.
(4) Si la Commission est convaincue que la demande de suppression du service de trains de voyageurs a été déposée en conformité des règles et règlements de la Commission, cette dernière doit, après enquête, et qu'elle ait ou non donné à la compagnie la possibilité de faire d'autres soumissions, examiner l'état des frais et revenus mentionné au paragraphe (3) avec tous les autres documents, faits et chiffres qu'elle estime perti- nents, et elle doit déterminer, le cas échéant, la perte réelle attribuable au service de trains de voyageurs pour chacune des années de comptabilité prescrites.
(5) Si la Commission conclut qu'à son avis la compagnie a subi, du fait de l'exploitation du service de trains de voyageurs relativement auquel elle a fait une demande de suppression, une perte réelle dans une ou plusieurs des années de comptabilité prescrites et notamment, la dernière de ces années, la Commis sion doit, après avoir tenu les auditions publiques qui, le cas échéant, sont requises, à son avis, pour permettre à toutes les personnes qui le désirent de présenter leur point de vue sur la suppression du service de trains de voyageurs et, en tenant compte de tous les facteurs qui lui semblent pertinents, déter- miner si le service de trains de voyageurs est non rentable et si vraisemblablement il continuera à le demeurer et si le service de trains de voyageurs doit être supprimé; mais si la Commis sion conclut qu'à son avis, la compagnie n'a pas subi de perte réelle dans l'exploitation de ce service de trains de voyageurs au cours de la dernière des années de comptabilité prescrites, elle doit rejeter la demande de suppression sans préjudice de toute demande qui peut subséquemment être faite pour la suppres sion de ce service.
(6) Lorsqu'elle décide si un service non rentable de trains de voyageurs ou des parties de celui-ci doivent ou non être suppri- més, la Commission doit examiner toutes les questions qui, à son avis, concernent l'intérêt public et notamment, sans limiter la portée générale de ce qui précède,
a) les pertes réelles subies du fait de l'exploitation du service de trains de voyageurs;
b) les autres moyens de transport, notamment toute route ou système routier desservant les principaux points desservis par le service de trains de voyageurs, dont dispose ou dont disposera vraisemblablement la région desservie par le service;
c) l'effet probable qu'aurait, pour d'autres services de trains de voyageurs ou d'autres transporteurs de voyageurs, la suppression totale ou partielle du service; et
d) les futurs besoins qui se manifesteront probablement en matière de transport des voyageurs dans la région desservie par le service.
(7) Si la Commission décide que l'exploitation d'un service non rentable de trains de voyageurs doit cesser, elle doit fixer par ordonnance la ou les dates qui lui semblent être d'intérêt public pour l'arrêt de l'exploitation du service ou de parties de celui-ci; mais une date de cessation ne doit tomber
a) ni avant le trentième jour qui suit la date de l'ordonnance;
b) ni après qu'un an s'est écoulé à compter de la date de l'ordonnance.
(8) Si la Commission décide que l'exploitation d'un service non rentable de trains de voyageurs ne doit pas cesser, elle doit rendre une ordonnance à cet effet, puis réexaminer par la suite la demande de suppression de service à des intervalles ne dépassant pas cinq ans à compter de la date de la première demande ou de la date à laquelle cette demande a été examinée pour la dernière fois, selon le cas, aux fins de décider si l'exploitation du service de trains de voyageurs devrait cesser, et
a) si la Commission conclut que le service de trains de voyageurs est devenu, depuis le dernier examen, un service rentable de trains de voyageurs, elle doit rejeter la demande de suppression du service de trains de voyageurs sans préju- dice de toute demande de suppression de ce service qui peut subséquemment être faite; mais
b) si la Commission conclut que le service de trains de voyageurs continue d'être un service non rentable, elle doit décider si le service devrait être supprimé comme le prévoit le paragraphe (7) ou maintenu comme le prévoit le présent paragraphe.
(9) La Commission doit faire donner avis public de toute audition, constatation, détermination, ordonnance, de tout nouvel examen ou rejet qui concerne le service de trains de voyageurs en conformité du paragraphe (4), (5), (7) ou (8), dans la région desservie par le service de trains de voyageurs comme la Commission l'estime raisonnable.
261. (1) Au présent article
«exercice financier» désigne la période commençant le 1e" avril d'une année et se terminant le 31 mars de l'année suivante;
«période de réclamation» désigne, par rapport à un service non rentable de trains de voyageurs, la période
a) qui commence quatre-vingt-dix jours après la date à laquelle la demande de suppression du service a été déposée à la Commission en conformité des règles et règlements de celle-ci, et
b) qui se termine à la date fixée par la Commission, ou modifiée en conformité de l'article 64 de la Loi nationale sur les transports, pour la suppression totale ou partielle du service;
«service non rentable» désigne un service de trains de voyageurs que la Commission a jugé non rentable en vertu de l'article 260.
(2) Lorsqu'un service non rentable est exploité au cours d'une période de réclamation, la compagnie qui l'exploite peut déposer à la Commission une demande de dédommagememt du montant de toute perte réelle de la compagnie attribuable au service pour toute année financière de la compagnie comprise dans la période de réclamation, ou, lorsqu'il n'y a qu'une partie d'une année financière comprise dans la période de réclama- tion, pour la partie de cette année comprise dans la période de réclamation.
(3) Une réclamation en vertu du présent article doit être déposée à la Commission au plus tard trois mois après le commencement de l'exercice financier qui suit immédiatement l'année financière de la compagnie au cours de laquelle la perte réelle a été subie.
(4) La Commission doit examiner la réclamation et doit, le cas échéant, certifier le montant de la perte réelle qui, à son avis, était attribuable au service et le ministre des Finances, sur la recommandation de la Commission, peut, relativement à la perte, faire verser sur le Fonds du revenu consolidé un montant n'excédant pas quatre-vingt pour cent de la perte certifiée par la Commission.
(5) La Commission peut, relativement à tout semblable paiement, ou au total desdits paiements relatifs aux pertes réelles de la compagnie attribuables au service de trains de voyageurs au cours d'années antérieures, faire donner, à l'égard de ce ou de ces paiements dans la région desservie par le service de trains de voyageurs, l'avis public que la Commission estime raisonnable.
(6) La Commission peut autoriser ou ordonner qu'un paie- ment à une compagnie de chemin de fer pour un certain exercice financier soit rectifié en raison ou au titre d'un paie- ment insuffisant ou d'un paiement excédentaire effectué en vertu du présent article à cette compagnie dans un exercice financier antérieur.
(7) Dans le calcul du montant de toute perte réelle aux fins de l'article 260 ou du présent article, la Commission peut inclure ou exclure les articles et facteurs relatifs aux frais et aux revenus qu'elle estime normal d'inclure ou d'exclure.
(8) Les paragraphes (2) à (7) ne s'appliquent pas en ce qui concerne un service de trains de voyageurs qui transporte principalement des abonnés ou autres personnes voyageant régulièrement entre des points situés sur le chemin de fer de la compagnie assurant le service.
(9) Lorsque, en vertu du paragraphe (8), une réclamation ne peut être faite aux termes du présent article relativement à un service non rentable, la Commission doit, après enquête, attes- ter la perte réelle, s'il en est, qui, à son avis est attribuable au service et faire à ce sujet rapport au gouverneur en conseil en indiquant l'action qu'il estime nécessaire ou désirable d'entre- prendre pour fournir une aide à l'égard de cette perte.
(10) Lorsque, en conformité de toute action prise par le gouverneur en conseil en vertu du présent article, uné aide financière est acordée à une compagnie de chemin de fer pour chacune des années sur des crédits votés par le Parlement à cette fin, le paiement à cette compagnie d'une telle aide est réputé, aux fins de l'article 413, être un paiement en vertu du présent article.
En appliquant cette condition de concordance à l'annexe XV du décret, il convient de souligner que l'article 2 de ce dernier a pour but de modifier l'ordonnance R-22346 en prévoyant notamment la suppression du service de trains de voyageurs du CN entre Winnipeg et Saskatoon et entre Jasper et Vancouver à compter du 15 novembre 1981. Toutefois, l'ordonnance R-22346 a simplement ordonné le maintien du service de trains de voya- geurs Super-Continental assuré par les trains nos 1, 2, 3 et 4 du CN et qui avait été déclaré, par l'ordonnance R-6751, service de trains de voya- geurs aux fins de ce que sont actuellement les articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de fer. Aussi soutient-on que l'article 2 de l'annexe XV est invalide, parce que les services de trains de voyageurs dont la suppression y a été ordonnée étaient différents et ne faisaient pas partie du service de trains de voyageurs qui faisait l'objet de l'ordonnance de maintien de service (R-22346).
Je trouve fondé cet argument avancé par l'avo- cat des appelantes. Il ressort du dossier que le service de trains de voyageurs, «Super-Continen tal», qui a été déclaré service de trains de voya- geurs par l'ordonnance R-6751 et dont on a ordonné le maintien (ou la non-suppression) par l'ordonnance R-22346 a été modifié par le «Plan définitif» qui introduisait un service entre Winni- peg et Vancouver sur la ligne du CN via Saska- toon, Edmonton, Jasper et Kamloops, lequel ser vice assurait la correspondance à Winnipeg avec le service transcontinental existant du CP partant de Montréal et de Toronto et connu sous le nom du «Canadien» (voir D.A., vol. 1, p. 120). Il convient de souligner à ce stade-ci que cette modification apportée par le «Plan définitif» ne figure pas dans les modifications apportées à l'ordonnance R-6751 par l'ordonnance R-26520 qui avait pour but d'ap- pliquer le «Plan définitif». Toutefois, ladite modifi cation semble être effectuée par la déclaration relative aux services de trains de voyageurs dans l'ordonnance R-31300. Par conséquent, que l'or- donnance R-31300 ne soit qu'une «refonte» ou une consolidation des modifications apportées aux ser vices de trains de voyageurs depuis la date de l'ordonnance R-6751, ainsi que l'a qualifiée le juge de première instance et comme l'a reconnu l'avocat de la ville de Melville dans cet appel, ou, comme l'a soutenu l'avocat des appelantes à l'instance, que l'ordonnance R-31300 ait créé un nouveau service
de trains de voyageurs, la question importante, pour ce qui est de la validité de l'article 2 de l'annexe XV, réside dans le fait qu'étant donné la modification effectuée par le Plan définitif, les services de trains de voyageurs dont la suppression a été ordonnée étaient différents du service de trains de voyageurs que l'ordonnance R-22346 a enjoint au CN de ne pas supprimer. Je suis d'ac- cord avec l'avocat des appelantes que le gouver- neur en conseil, en vertu du pouvoir qu'il tient du paragraphe 64(1), n'est pas autorisé, sous l'appa- rence de «modifications», à faire quelque chose de nature entièrement différente. Je conviens que sous le régime du paragraphe 64(1), lorsque le Cabinet modifie une ordonnance de la Commission, il est obligé de s'en tenir au même type ou genre d'or- donnance que celui qu'examinait la Commission. Je ne suis pas d'accord que le paragraphe 64(1) autorise le gouverneur en conseil à modifier n'im- porte quelle ordonnance et toutes les ordonnances de la Commission, quelle que soit la date elles ont été rendues et sans distinction de leur objet. A mon avis, l'ordonnance R-22346 n'est pas une ordonnance concordante aux fins de l'ordre de suppression contenu à l'article 2 de l'annexe XV parce que, comme il a été exposé en détail ci-des- sus, le service de trains de voyageurs qui faisait l'objet de l'ordonnance R-22346 n'est pas le même service de trains de voyageurs que celui dont la suppression a été ordonnée à l'article 2 de l'annexe XV.
Abordons maintenant la question de la validité de l'article 3 de l'annexe XV, lequel article vise à modifier l'ordonnance R-26520. Toutefois, l'or- donnance R-26520 avait pour but de modifier l'ordonnance R-6751 et, en tant que telle, dépend, pour sa validité, de celle-ci. J'estime donc que l'ordonnance R-26520 ne saurait être considérée comme une ordonnance valide et motivée après la révocation de l'ordonnance R-6751 (par l'ordon- nance R-31300). Il s'ensuit nécessairement qu'à l'époque de l'adoption de l'article 3 de l'annexe XV, l'ordonnance R-26520 n'était pas une ordon- nance valide et non périmée, et que si telle était la situation, la condition préalable à l'exercice du pouvoir prévu au paragraphe 64(1) n'avait pas été remplie, ce qui suffirait en soi à vicier ledit article 3 de l'annexe XV.
En outre, il me semble que le motif d'absence de concordance invoqué pour contester la validité de l'article 2 de l'annexe XV, comme il a été exposé ci-dessus, s'applique avec la même force à l'article 3. L'ordonnance R-26520 a pour objet de déclarer ou de définir quels trains comprennent un service de trains de voyageurs et non sa suppression (ni son maintien), alors qu'il est ordonné au dernier alinéa de l'article 3 de l'annexe XV, sous le couvert de la modification, la suppression des tronçons Winnipeg-Saskatoon et Jasper-Vancouver de ce service de trains de voyageurs. Aussi l'ordonnance R-26520 ne saurait-elle être considérée comme une ordonnance concordante aux fins de l'ordre de suppression contenu à l'article 3 de l'annexe XV.
J'aborde maintenant l'annexe XVI du décret contesté. L'annexe XVI vise à apporter d'impor- tantes modifications à l'ordonnance R-31300. Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'ordonnance R-31300 a révoqué l'ordonnance R-6751 et déclaré, en vertu de l'article 260 de la Loi sur les chemins de fer, que certains trains comprenaient un service de trains de voyageurs reliant Winni- peg - Saskatoon - Edmonton - Jasper - Kamloops- Vancouver une fréquence minimale de sept fois par semaine). Comme je l'ai dit plus haut, l'annexe XVI du décret a pour but de modifier ce service de trains de voyageurs en y supprimant les tronçons allant de Jasper à Vancouver et de Winnipeg à Saskatoon et en réduisant la fréquence minimale à trois fois par semaine entre Edmonton et Jasper. Dans sa contestation de l'annexe XVI, l'avocat des appelantes fait valoir que la condition préalable à la promulgation de l'annexe XVI était l'existence d'une ordonnance de suppression valide et motivée de la part de la Commission relativement à ces tronçons du service Winnipeg-Vancouver du CN que l'annexe XVI visait à supprimer. A propos de l'ordonnance R-31300, l'avocat soutient, ainsi qu'il est allégué au paragraphe 10 de la déclaration, que cette ordonnance a créé, «au sens de l'article 260 de la Loi sur les chemins de fer», un service de trains de voyageurs «nouveau et différent» de celui déclaré service de trains de voyageurs en vertu de l'ordonnance R-6751. L'avocat des appelantes pré- tend que le service de trains créé par l'ordonnance R-31300 n'existait pas avant 1978. Ce qui a existé à partir de 1969 (année l'ordonnance R-6751 a déclaré les trains n°' 1, 2, 3 et 4 du CN, le Super-Continental, service de trains de voyageurs)
jusqu'en 1978 était un service de trains du CN reliant Montréal/Toronto à Vancouver. L'argu- ment que l'avocat fait valoir relativement à l'or- donnance R-31300 est que rien n'y supprime effec- tivement et valablement le service Super- Continental antérieur du CN. Toujours selon l'avocat des appelantes, le paragraphe 260(1) de la Loi sur les chemins de fer autorise la Commission à déclarer que certains trains comprennent un «service de trains de voyageurs», et les paragraphes (2) à (9) dudit article 260 prévoient le code par lequel la Commission peut ordonner la suppression d'un tel service. Il estime donc que les dispositions de l'article 260 sur la suppression n'ayant pas été observées antérieurement à l'adoption de l'ordon- nance R-31300, on ne saurait dire que cette ordon- nance est une ordonnance de suppression valide et motivée. Il soutient que le gouverneur en conseil n'a pas le droit de décréter une suppression dans des circonstances telles que celles de l'espèce, la Commission n'a jamais rendu d'ordonnance de suppression conformément à la procédure de sup pression prévue aux paragraphes (2) à (9) de l'article 260 de la Loi sur les chemins de fer.
Il m'est difficile d'accepter le point de vue selon lequel le non-respect des dispositions des paragra- phes 260(2) (9) de la Loi sur les chemins de fer a pour effet de vicier l'ordonnance R-31300 dans sa totalité. Il est probable que l'ordonnance R-31300 a eu pour effet pratique, entre autres, de supprimer le service Super-Continental du CN, comme il a été discuté plus haut. Toutefois, cette ordonnance a aussi «déclaré», au sens du paragra- phe 260(1) de la Loi sur les chemins de fer, service de trains de voyageurs, le service du CN allant de Winnipeg à Vancouver via Saskatoon, Edmonton, Jasper et Kamloops. C'est cette partie de l'ordon- nance R-31300 que l'annexe XVI se propose de modifier. La Commission ayant clairement le pou- voir de faire cette déclaration sous le régime du paragraphe 260(1), il s'agissait, à mon avis, d'une «ordonnance de la Commission» valablement moti vée que le gouverneur en conseil pouvait «modifier ou rescinder» en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les transports. Il s'agissait égale- ment d'une ordonnance concordante aux fins de l'annexe XVI parce qu'elle déclarait et définissait quels trains comprenaient un service de trains de voyageurs, et qu'elle n'ordonnait pas de suppres sion. Puisqu'une ordonnance valide, non périmée et
concordante existait à l'époque de l'adoption du décret, j'estime que la condition préalable relative- ment à l'annexe XVI a été remplie.
Après examen attentif de la décision Inuit Tapi- risat susmentionnée telle qu'elle s'applique aux faits de l'espèce, je conclus que la seule condition préalable à l'exercice par le gouverneur en conseil du pouvoir prévu au paragraphe 64(1) était l'exis- tence d'une ordonnance valide, non périmée et concordante rendue par le C.T.C.F., et puisqu'à mon avis, par les motifs précédemment invoqués, une telle ordonnance existait effectivement lors de l'adoption du décret, la contestation de la validité de l'annexe XVI du décret attaqué doit être rejetée.
Pour résumer mes conclusions à l'égard des prétentions des appelantes selon lesquelles le gou- verneur en conseil n'avait pas compétence, en vertu du paragraphe 64(1) de la Loi nationale sur les transports, pour prendre le décret en question, j'estime que le gouverneur en conseil a agi dans la limite de sa compétence en édictant l'annexe XVI du décret, mais a agi sans compétence en promul- gant les articles 2 et 3 de l'annexe XV de ce décret.
Je propose d'aborder maintenant le second moyen d'appel des appelantes, savoir que le juge de première instance a eu tort de conclure que le décret contesté était entré en vigueur malgré le défaut par le gouverneur en conseil de se confor- mer aux dispositions de la Loi sur les textes réglementaires, et, en particulier, à son article 5 qui est ainsi rédigé:
5. (I) Dans un délai de sept jours après qu'elle a établi un règlement ou, dans le cas d'un règlement établi en premier lieu dans l'une seulement des langues officielles, dans un délai de sept jours après l'avoir établi dans cette version, l'autorité réglementante doit en transmettre des copies dans les deux langues officielles au greffier du Conseil privé pour enregistre- ment en application de l'article 6.
Le juge de première instance a décidé que les dispositions de l'article 5 exigeant la transmission, pour enregistrement, d'un règlement dans un délai de sept jours sont supplétives plutôt qu'impérati- ves. On peut trouver les motifs qu'il a invoqués pour ainsi conclure aux pages 657 à 659 du volume V du Dossier d'appel dans l'affaire Melville, les- quels motifs ont, dans ses motifs de jugement en l'espèce, été rendus applicables à celle-ci.
À mon avis, sa conclusion à l'égard de cette question est fondée, et je me contenterai également de faire miens les motifs qu'il a invoqués pour ainsi conclure.
Lorsqu'est présentée une requête en radiation d'une déclaration parce que celle-ci ne révèle pas de cause raisonnable d'action, tous les faits y allégués doivent être tenus pour avérés. La décla- ration doit être radiée, ou l'action rejetée, seule- ment dans les cas évidents et lorsque la Cour est convaincue qu'il s'agit d'un cas au-delà de tout doute 4 . Dans leur déclaration, les appelantes solli- citent le redressement suivant (D.A., vol. 1, p. 5):
[TRADUCTION] PAR CONSÉQUENT, LES DEMANDERESSES SOLLICITENT:
a) Un jugement déclarant que le décret C.P. 1981-2171 est invalide et nul;
b) Un jugement déclarant que le décret C.P. 1981-2171 n'est pas entré en vigueur;
c) Un jugement déclarant que les demanderesses ont le droit de recevoir de Via et du CN le service de trains de voyageurs prévu dans l'ordonnance R-31300 du CTCF;
d) Des injonctions provisoires et permanentes interdisant aux défendeurs VIA et CN de supprimer les services de trains de voyageurs touchant Jasper prévus dans l'ordonnance R-31300 du CTCF;
e) Les dépens.
Compte tenu des conclusions que j'ai tirées ci-des- sus et du critère appliqué par le juge Estey dans l'affaire Inuit Tapirisat susmentionnée, il semble clair que le paragraphe 14 et les alinéas b), c), et d) de la demande de redressement ne révèlent aucune cause raisonnable d'action. Toutefois, à l'égard de l'alinéa a), j'estime que le cas n'est pas au-delà de tout doute, du moins en ce qui concerne certaines parties du décret C.P. 1981-2171. De même, bien que les paragraphes 12 et 13 de la déclaration n'invoquent pas l'invalidité du décret pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exami- nés dans les présents motifs, pris ensemble, ils allèguent tout de même cette nullité. Au moment de l'audition de l'appel, les intimés n'avaient pas répondu à la déclaration. En vertu de la Règle 421, les appelantes peuvent, sans permission, modifier la déclaration à tout moment avant le dépôt d'une défense. Ce choix s'offrant toujours aux appelan- tes, je ne saurais conclure à ce stade que l'action, dans la mesure elle demande un jugement
4 Le procureur général du Canada c. !nuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, la p. 740, le juge Estey.
déclarant la nullité de la totalité ou de parties du décret contesté, n'a aucune chance de réussir.
Un autre argument qu'on peut invoquer pour la radiation de la déclaration est que, compte tenu des conclusions que j'ai tirées des autres alinéas de la demande de redressement, maintenir l'alinéa a) constituerait une erreur puisque le redressement, s'il est accordé à la suite d'une instruction, n'aurait aucun effet pratique. Dans l'affaire Kelso c. Sa Majesté La Reines, on a avancé un argument semblable devant la Cour suprême du Canada. Le juge Dickson, qui a rédigé le jugement de la Cour, a statué sur cet argument en ces termes:
Enfin, l'intimée allègue qu'il n'y a pas lieu de rendre un jugement déclaratoire puisqu'il ne peut avoir aucun effet prati- que. On fait valoir que la Commission de la Fonction publique possède de façon exclusive le droit et l'autorité de nommer à des postes de la Fonction publique. Un jugement déclaratoire de la Cour ne peut pas avoir pour effet d'empêcher la Commis sion d'exercer cette autorité, ce qui priverait le jugement de tout effet pratique.
Certes, il est tout à fait juste de dire que la Cour ne peut nommer M. Kelso à un poste de la Fonction publique. L'acte administratif de nomination est du ressort de la Commission. Mais la Cour a le droit de «déclarer» quels sont juridiquement les droits respectifs de l'appelant et de l'intimée.
La Commission de la Fonction publique n'est pas au-dessus des lois du pays. Si elle rompt un contrat ou contrevient à la loi, les tribunaux ont le droit de le déclarer.
À mon avis, cette vue de la question s'applique également à l'espèce présente. Si le gouverneur en conseil a pris un décret qui est complètement ou partiellement nul, il me semble clair que les tribu- naux ont le droit de déclarer cette nullité.
Toutefois, à propos de la question de l'effet pratique possible d'un jugement déclarant la nul- lité, je ferais tout d'abord remarquer à propos de l'annexe XV, que cette annexe a pour effet juridi- que d'ordonner la suppression des services de trains de voyageurs entre Winnipeg et Saskatoon et entre Jasper et Vancouver. D'autre part, l'an- nexe XVI a pour conséquence juridique de sous- traire ces tronçons de la déclaration faite dans l'ordonnance R-31300 et selon laquelle certains trains comprennent des services de trains de voya- geurs et, en conséquence, de soustraire ces tron- çons à l'application de l'article 260 qui prévoit que
5 [1981] 1 R.C.S. 199, la p. 210.
ces derniers ne peuvent être supprimés sans l'ap- probation de la Commission. Ainsi, le CN serait libre de supprimer ces tronçons sans en faire la demande à la Commission, mais on ne lui a pas ordonné de le faire. Il en résulte toutefois que la compagnie ne peut réclamer de dédommagement pour la perte subie dans l'exploitation de ces servi ces. Par conséquent, bien qu'il existe une diffé- rence dans les effets juridiques des annexes XV et XVI en ce que l'annexe XVI n'ordonne pas de suppression, il se peut que cette distinction importe peu en pratique puisque l'annexe XVI produit un effet, savoir l'inadmissibilité à faire des réclama- tions sous le régime de l'article 260—qui fait de la suppression une ligne de conduite faisable et prati- que. Je conclus donc qu'une déclaration de nullité à l'égard de l'annexe XV, bien qu'ayant un effet juridique, peut très bien avoir peu ou pas d'effet pratique en ce qui concerne les intimés. Toutefois, je suis loin d'être persuadé que le jugement décla- ratif de nullité demandé par les appelantes ne pourrait avoir aucun effet pratique en ce qui les concerne. A mon avis, il s'agit d'un cas on peut certainement soutenir que si le jugement déclara- toire sollicité est rendu, il pourrait probablement produire un effet pratique. La question n'est pas au-delà de tout doute et devrait donc être autorisée à suivre son cours.
Il reste à trancher la question de savoir si, étant donné que j'ai conclu à la nullité partielle du décret contesté et à la validité partielle de ce dernier, les parties de la déclaration et de la demande de redressement qui se rapportent à l'an- nexe XVI du décret doivent être radiées en vertu de la Règle 419(1)a) pour ne laisser intactes dans la déclaration que les allégations qui se rapportent à la cause d'action soulevant une question suscepti ble d'être examinée par les tribunaux.
Puisque ni les présents motifs ni le jugement y proposé n'empêchent les intimés de solliciter de la Division de première instance une ordonnance por- tant radiation de certaines parties de la déclara- tion, et puisque, comme j'ai fait remarquer plus haut, il est loisible aux appelantes de modifier leur déclaration, il me semble que, pratiquement, rien ne sert de radier, à ce stade-ci, des parties de la déclaration. Il serait, à mon avis, prématuré pour la Cour de prendre une telle mesure à ce stade-ci.
Par ces motifs, j'estime que l'appel doit être accueilli, et l'ordonnance de la Division de pre- mière instance portant radiation de la déclaration, annulée. Les appelantes ont droit aux dépens tant en appel qu'en première instance.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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