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A-699-82
William H. Gibson (appelant) (demandeur)
c.
La Reine (intimée) (défenderesse)
Cour d'appel, juges Heald et Le Dain, juge sup pléant Clement—Toronto, 2 et 7 mars 1983.
Expropriation Indemnisation Intérêt de pénalité Aux fins de déterminer le droit à l'intérêt de pénalité prévu à l'art. 33(3) de la Loi, le terme «indemnité» désigne le montant final adjugé par le juge de première instance, les coûts de réinstallation n'étant pas exclus Appel accueilli Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (1e' Supp.), chap. 16, art. 14, 23(1)a), 24, 25, 26, 27 et 33.
Appel est interjeté de la partie d'un jugement non publié de la Division de première instance déclarant que l'appelant n'avait pas droit à l'intérêt de pénalité prévu au paragraphe 33(3) de la Loi sur l'expropriation. Le juge de première instance avait suivi sa propre décision rendue dans l'affaire Leach et autre c. La Reine, [1982] 2 C.F. 258 (lfa inst.), et il avait décidé que l'indemnité dont il est fait mention à l'alinéa 33(3)b) ne comprend que la valeur du droit exproprié sous le régime des paragraphes 24(2) et (3) et n'a rien à voir avec les coûts de réinstallation dont il est question au paragraphe 24(6).
Arrêt: l'appel est accueilli. L'indemnité prévue à l'article 33 désigne clairement la valeur totale du droit exproprié, y com-
pris les coûts de réinstallation. Les paragraphes 24(2) (9) établissent un corps de règles d'une grande portée qui, consi- déré comme un tout, donne, dans le calcul final, la valeur totale du droit exproprié. La valeur marchande et la valeur d'équiva- lence ne sont que des éléments de l'indemnité prévue à l'article 33.
JURISPRUDENCE
DÉCISION INFIRMÉE:
Leach et autre c. La Reine, [1982] 2 C.F. 258; 24 L.R.C. 1 (l' inst).
AVOCATS:
R. L. K. Smith, c.r., pour l'appelant
(demandeur).
T. Dunne pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Blaney, Pasternak, Smela & Watson, Toronto, pour l'appelant (demandeur). McTaggart, Stone, Winters & Herridge, Toronto, pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Appel est formé contre un jugement de la Division de première instance [non
publié, T-1830-74, jugement en date du 15 juin 1982], mais il porte uniquement sur l'alinéa c) du jugement portant que l'appelant demandeur n'avait pas droit à l'intérêt de pénalité prévu au paragraphe 33(3) de la Loi sur l'expropriation (S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 16).
L'instruction de cette action repose sur un exposé conjoint des faits établissant que l'intimée avait exproprié l'appelant de quelque 10 acres dans la région ontarienne de Pickering étaient situées la résidence de l'appelant et d'autres dépendances. La date d'expropriation est le 30 janvier 1973. Par offre en date du 24 avril 1973, invoquant l'article 14 de la Loi, l'intimée a offert une indemnité de 55 060 $ pour les droits qu'avait l'appelant sur ces biens-fonds. Cette offre a été acceptée le 29 mai 1973, et le versement de cette somme a été effec- tué le 14 juin 1973. Par offre en date du 16 août 1973, également, semble-t-il, sous l'empire de l'ar- ticle 14, l'intimée a fait une offre supplémentaire de 8 280 $, laquelle offre a été acceptée le 22 août 1973 et le paiement fait le 31 août 1973. Par offre en date du 10 mai 1974, toujours, paraît-il, en vertu de l'article 14, l'intimée a fait une autre offre supplémentaire de 1 669 $; l'acceptation de cette offre a eu lieu le 4 juin 1974, et le versement le 20 juin 1974. Ainsi, au 20 juin 1974, l'appelant avait reçu de l'intimée une somme totale de 65 009 $. C'est la somme totale versée à l'appelant antérieu- rement à l'introduction de cette action.
Il est constant que le 30 mai 1975 est la date à laquelle la Couronne a eu le droit de prendre matériellement possession du bien-fonds en ques tion, au sens du paragraphe 24(6) de la Loi sur l'expropriation. Il est en outre reconnu que l'inti- mée n'a fait, en vertu de l'article 14, aucune autre offre, à l'exception des offres susmentionnées faites le 24 avril 1973, le 16 août 1973 et le 10 mai 1974.
Dans le jugement de première instance, il est décidé, entre autres:
a) que la valeur totale, au 30 janvier 1973, du droit exproprié de l'appelant sur le bien-fonds en ques tion, déterminée sous le régime de l'alinéa 24(3)b) de la Loi, était de 58 000 $;
b) qu'au 31 mai 1975, les frais 'que devrait engager l'appelant pour se réinstaller dans des lieux raison-
nablement équivalant aux lieux en question, selon la détermination prévue au paragraphe 24(6) de la Loi, étaient de 90 000 $;
c) que l'appelant n'avait pas droit à l'intérêt de pénalité prévu au paragraphe 33(3) de la Loi;
d) que l'appelant avait droit à la somme de 90 000 $ plus l'intérêt au taux de base prévu à l'alinéa 33(3)a) de la Loi, après déduction des sommes déjà versées.
Les motifs invoqués par le juge de première instance pour refuser d'accorder l'intérêt prévu à l'alinéa 33(3)b) de la Loi sont ainsi rédigés:
[TRADUCTION] Je rejette cette réclamation parce que le montant total offert et versé au demandeur, qui s'élève à 65 009 $, dépasse la valeur marchande au 30 janvier 1973 déterminée par l'expert du demandeur ou celui de la défende- resse. Même si l'on ne prend en considération que la première offre de 55 000 $, elle est encore supérieure à 90 % de la valeur marchande. Cet article n'a rien à voir avec le paiement visé au paragraphe 24(6) de la Loi.
Les parties applicables de l'article 33 sont ainsi conçues:
33. (1) Au présent article
«date de la possession» désigne le jour la Couronne a obtenu le droit de prendre matériellement possession ou de faire usage de l'immeuble visé par l'avis de confirmation;
«date de l'offre» désigne le jour une offre a été acceptée; «indemnité» désigne le montant de l'indemnité allouée par le
tribunal, en vertu de la présente Partie, pour un droit
exproprié;
«offre» désigne une offre faite en vertu de l'article 14;
«taux de base» désigne un taux, déterminé de la manière prescrite par un décret rendu, à l'occasion, par le gouverneur en conseil aux fins du présent article; il n'est pas inférieur au rendement moyen des bons du Trésor du gouvernement du Canada, déterminé de la manière prescrite par ce décret.
(2) Un intérêt est payable par la Couronne, au taux de base, sur l'indemnité, depuis la date de la possession jusqu'à la date du prononcé du jugement, sauf lorsqu'une offre a été acceptée.
(3) Lorsqu'une offre a été acceptée, un intérêt est payable par la Couronne depuis la date de l'offre jusqu'à la date du prononcé du jugement,
a) au taux de base, sur le montant par lequel l'indemnité dépasse le montant de l'offre, et, par surcroît,
b) au taux de cinq pour cent l'an sur l'indemnité, si le montant de l'offre est inférieur à quatre-vingt-dix pour cent de l'indemnité;
et, lorsqu'une offre a été acceptée après la date de la possession, l'intérêt est payable sur l'indemnité, au taux de base, depuis la date de la possession jusqu'à la date de l'offre.
L'article 24 est également pertinent pour le règle- ment du point litigieux. Il porte ce qui suit:
24. (1) Les règles qu'énonce le présent article doivent s'appli- quer à la détermination de la valeur d'un droit exproprié.
(2) Sous réserve du présent article, la valeur d'un droit exproprié est la valeur marchande de ce droit, c'est-à-dire le montant qui aurait été payé pour ce droit si, à la date de la prise de possession, il avait été vendu sur le marché libre par un vendeur consentant à un acheteur consentant.
(3) Lorsque le titulaire d'un droit exproprié occupait l'im- meuble à la date d'enregistrement de l'avis de confirmation et, qu'à la suite de l'expropriation, il lui a fallu renoncer à l'occu- pation de l'immeuble, la valeur du droit exproprié est le plus élevé des deux montants suivants:
a) la valeur marchande de ce droit, déterminée de la manière indiquée au paragraphe (2), ou
b) l'ensemble
(i) de la valeur marchande de ce droit déterminée d'après l'usage qu'on en faisait à la date de la prise de possession, considéré comme s'il était le plus rémunérateur et le plus rationnel, et
(ii) des frais, dépenses et pertes attribuables ou connexes au trouble de jouissance éprouvé par le titulaire, y compris son déménagement dans d'autres lieux, mais s'il n'est pas possible de les évaluer ou de les déterminer en pratique, on peut les remplacer par un pourcentage n'excédant pas quinze pour cent de la valeur marchande déterminée comme l'indique le sous-alinéa (i),
plus la valeur, pour le titulaire, de tout facteur représentant
pour lui un avantage économique particulier attribuable ou
connexe à son occupation de l'immeuble, dans la mesure
le présent alinéa ne prévoit pas par ailleurs l'inclusion de ce
facteur dans la détermination de la valeur du droit exproprié; et dans tout cas la Couronne a matériellement pris posses sion ou fait usage de l'immeuble à l'expiration d'un délai de préavis au titulaire qui est plus court que le préavis de quatre- vingt-dix jours mentionné à l'alinéa 17(1)c), il doit être ajouté à la valeur du droit exproprié par ailleurs déterminée en vertu du présent article, un supplément égal à dix pour cent de cette valeur.
(4) Nonobstant le paragraphe (3), lorsque, sur un terrain visé par un avis de confirmation, était construit un bâtiment ou une autre structure spécialement conçus pour servir aux fins d'un établissement scolaire, hospitalier ou municipal ou d'une insti tution religieuse ou charitable ou à des fins analogues, dont l'utilisation à ces fins par le titulaire est devenue pratiquement impossible à la suite de l'expropriation, la valeur du droit exproprié est, si ce droit exproprié était utilisé à ces fins et— n'eût été l'expropriation—aurait continué de l'être et si, à la date de la prise de possession, il n'y avait pas, en général, de demande ou de marché à ces fins pour ce droit exproprié, le plus élevé des deux montants suivants:
a) la valeur marchande du droit exproprié, déterminée comme l'indique le paragraphe (2), ou
b) l'ensemble
(i) du coût d'un droit réel immobilier susceptible de rem- placer raisonnablement à ces fins le droit exproprié, et
(ii) des frais, des dépenses et des pertes attribuables ou connexes au déménagement et à l'installation dans d'autres lieux, mais s'il n'est pas possible de les évaluer ou de les déterminer en pratique, on peut les remplacer par un pourcentage n'excédant pas quinze pour cent des frais déterminés comme l'indique le sous-alinéa (i),
moins le montant de l'amélioration de la situation du titulaire qui a été obtenue ou qu'on peut raisonnablement prévoir du fait de sa réinstallation dans d'autres lieux;
et, en tout cas lorsque la Couronne a pris matériellement possession du terrain ou en a fait usage, à l'expiration d'un délai de préavis au titulaire qui est plus court que le préavis de quatre-vingt-dix jours mentionné à l'alinéa 17(1)c), il doit être ajouté à la valeur du droit exproprié par ailleurs déterminée en vertu du présent article, un supplément égal à dix pour cent de cette valeur.
(5) Aux fins des sous-alinéas (3)b)(ii) et (4)b)(ii), on doit tenir compte du moment auquel et des circonstances dans lesquelles un titulaire a été autorisé à conserver l'occupation de l'immeuble après que la Couronne a acquis le droit d'en prendre matériellement possession ou d'en faire usage ainsi que de toute assistance fournie par le Ministre pour permettre à ce titulaire de chercher et d'obtenir des lieux de remplacement.
(6) Lorsqu'un droit exproprié était, immédiatement avant l'enregistrement d'un avis de confirmation, utilisé par son titulaire aux fins de sa résidence et que la valeur de ce droit par ailleurs déterminée en vertu du présent article est inférieure au montant minimum suffisant pour permettre au titulaire de se réinstaller,
a) soit au moment lui est fait le paiement d'une indemnité relative au droit autrement qu'en conformité d'une offre à lui faite en vertu de l'article 14,
b) soit au moment la Couronne a eu le droit de prendre matériellement possession ou de faire usage de l'immeuble dans les limites du droit exproprié,
en prenant de ces deux dates celle qui est antérieure à l'autre, dans ou sur des lieux raisonnablement équivalant aux lieux expropriés, on doit ajouter à la valeur du droit par ailleurs déterminé en vertu du présent article le montant par lequel ce montant minimum dépasse cette valeur.
(7) Lorsqu'un droit exproprié était, immédiatement avant l'enregistrement d'un avis de confirmation, celui d'un locataire, on doit substituer au montant déterminé en vertu des sous-ali- néas (3)b)(ii) ou (4)b)(ii), ou au montant par lequel le montant minimum mentionné au paragraphe (6) dépasse la valeur du droit y mentionné par ailleurs déterminée en vertu du présent article, selon le cas, la partie de ce montant qui convient compte tenu
a) de la durée du bail et de la période restant à courir au moment auquel se rapporte la détermination,
b) de tout droit ou de toute perspective raisonnable de renouvellement du bail qu'avait le locataire, et
c) de tout investissement dans l'immeuble par le locataire et de la nature de toute entreprise exercée par lui sur les lieux.
(8) Lorsqu'un droit exproprié était, immédiatement avant l'enregistrement d'un avis de confirmation, assujetti à un droit réel immobilier qui n'était détenu par son titulaire qu'à titre de garantie (ci-après appelé au présent paragraphe une «sûreté»),
a) la valeur du droit exproprié est l'ensemble
(i) de la valeur du droit exproprié, par ailleurs déterminée en vertu du présent article comme s'il n'avait été assujetti à aucune sûreté, et
(ii) du montant de toute perte ou de toute perte prévue, pour le titulaire du droit exproprié, par suite d'une diffé- rence de taux d'intérêt durant le reste de la période pour laquelle un montant en principal payable en vertu des conditions de la garantie a été avancé (cette différence devant être calculée à partir d'un- taux d'intérêt hypothéti- que ne dépassant pas le taux d'intérêt courant pour une garantie équivalente), dans la mesure aucune autre disposition du présent article ne prévoit l'inclusion, dans la détermination de la valeur du droit exproprié, d'un mon- tant à l'égard de cette perte ou de cette perte prévue,
moins la valeur de chaque sûreté à laquelle le droit exproprié était assujetti, déterminée comme le prévoit l'alinéa b) mais comme si aucun montant n'y était inclus en vertu du sous-ali- néa (ii) de cet alinéa;
b) la valeur de la sûreté est l'ensemble
(i) du principal impayé suivant les conditions de la garan- tie et de tout intérêt exigible ou couru en vertu de celle-ci, à l'époque de l'enregistrement de l'avis de confirmation, et
(ii) d'un montant égal à trois fois l'élément d'intérêt, calculé comme montant mensuel, de tout paiement d'inté- rêt, ou de principal et d'intérêt payable aux termes de la garantie, au taux en vigueur aux termes de celle-ci immé- diatement avant l'enregistrement de l'avis de confirmation,
et lorsque le droit exproprié était assujetti à plus d'une sûreté, la valeur de chaque sûreté doit être déterminée selon son rang mais en aucun cas la valeur d'une sûreté à laquelle était assujetti un droit exproprié ne doit dépasser la valeur obtenue en soustrayant de la valeur du droit exproprié, par ailleurs déterminée en vertu du présent article comme si ce droit n'avait été assujetti à aucune sûreté, la valeur de toutes les autres sûretés de rang antérieur dont le présent paragra- phe requiert la détermination en priorité; et
c) lorsque l'expropriation ne porte que sur une partie du droit assujetti à une sûreté, la valeur de la sûreté est la fraction de sa valeur totale, par ailleurs déterminée en vertu du présent paragraphe comme si tout le droit assujetti à la sûreté avait été exproprié, que
(i) la valeur de ladite partie du droit, par ailleurs détermi- née en vertu du présent paragraphe comme si le droit n'avait été assujetti à aucune sûreté,
représente par rapport à
(ii) la valeur de tout le droit, par ailleurs déterminée en vertu du présent paragraphe comme si le droit n'avait été assujetti à aucune sûreté,
moins la même fraction de l'élément d'intérêt de tout paie- ment, effectué aux termes de la garantie, entre le moment de l'enregistrement de l'avis de confirmation et le moment du paiement de toute indemnité pour la sûreté autrement qu'en conformité d'une offre faite à son titulaire en vertu de l'article 14.
(9) En déterminant la valeur d'un droit exproprié, il ne sera tenu aucun compte
a) de tout usage que la Couronne envisage de faire ou fait réellement de l'immeuble à tout moment après l'expropria- tion;
b) de toute valeur établie ou prétendue établie par une opération ou un contrat comportant la vente, le louage ou toute autre aliénation du droit ou de partie de ce droit, ou par référence à ceux-ci, lorsque cette opération ou ce contrat a été passé après l'enregistrement de l'avis de l'intention d'exproprier;
c) de toute augmentation ou diminution de la valeur du droit résultant de la prévision d'une expropriation par la Couronne ou d'une connaissance ou prévision, avant l'expropriation, de l'ouvrage public ou autre besoin d'intérêt public pour lequel le droit a été exproprié; ni
d) de toute augmentation de la valeur du droit résultant de son usage en contravention de la loi.
En décidant en l'espèce que l'appelant n'avait pas droit à l'intérêt de pénalité prévu à l'alinéa 33(3)b), le juge de première instance semble avoir suivi sa décision antérieure dans l'affaire Leach et al. c. La Reine' la situation était semblable. Dans l'affaire Leach, le juge de première instance, après avoir examiné les dispositions de l'article 14 de la Loi', a fait remarquer que le Ministre doit,
' [[1982] 2 C.F. 258]; 24 L.C.R. [1" inst.].
2 La partie de l'article 14 qui est pertinente aux fins de cette
discussion est le paragraphe 14(1) qui est ainsi rédigé:
14. (1) Lorsqu'un avis de confirmation a été enregistré, le
Ministre doit,
a) immédiatement après l'enregistrement de l'avis, faire envoyer une copie de celui-ci à chacune des personnes qui paraissent avoir un droit sur l'immeuble, dans la mesure il a été possible au procureur général du Canada d'en connaître l'existence, et à toute autre personne qui a signifié une opposition au Ministre en vertu de l'article 7; et
b) dans les quatre-vingt-dix jours après l'enregistrement de l'avis ou si, à tout moment avant l'expiration de ces quatre-vingt-dix jours une demande a été faite en vertu de l'article 16, dans celui des deux délais suivants qui se termine le dernier:
(i) soit les quatre-vingt-dix jours qui suivent l'enregistre- ment de l'avis,
(ii) soit les trente jours qui suivent celui de la décision finale statuant sur la demande,
faire, par écrit, à toute personne qui a droit à une indem- nité en vertu de la présente Partie pour un droit exproprié visé par l'avis de confirmation, une offre d'indemnité d'un montant que le Ministre estime égal à l'indemnité à laquelle cette personne peut alors prétendre en vertu de la présente Partie pour ce droit, sans nécessité pour elle de donner une décharge et sans préjudice du droit de cette personne, si elle accepte l'offre, de réclamer une indemnité supplémentaire à ce sujet.
en vertu de cet article, faire au propriétaire expro- prié une offre d'un montant qu'il estime égal à l'indemnité à laquelle «cette personne peut alors prétendre en vertu de la présente Partie pour ce droit ...» (C'est moi qui souligne.) Puisque le paragraphe 24(6) traite du coût de réinstallation dans des lieux raisonnablement équivalents et à une date qui, dans l'affaire Leach (comme dans l'espèce présente) est reconnue comme étant le 30 mai 1975, le juge de première instance a estimé qu'on ne pouvait s'attendre à ce que le Ministre estimât ce coût dans la première offre faite confor- mément à l'article 14 qui, selon la loi, devait être faite en 1973. À son avis donc, lorsqu'il est fait mention d'«indemnité» à l'alinéa 33(3)b), il s'agit uniquement de celle qui est établie en déterminant la valeur du droit exproprié conformément aux paragraphes 24(2) et (3) de la Loi, et qui n'a rien à voir avec le montant requis pour permettre aux demandeurs de se réinstaller dans une résidence équivalente, dont il est question au paragraphe 24(6).
Il ne me parait pas possible de souscrire à cette vue de l'affaire. Les articles 23 à 27 inclusivement de la Loi parlent de l'indemnité à payer au titu- laire d'un droit immobilier sur l'immeuble qui a été exproprié par Sa Majesté du chef du Canada, jusqu'à concurrence du droit exproprié.
L'alinéa 23(1)a) prévoit que le montant de cette indemnité doit être égal à l'ensemble «de la valeur du droit exproprié à la date de sa prise de posses sion ...» Il est prévu au paragraphe 24(1) susmen- tionné que: «Les règles qu'énonce le présent article doivent s'appliquer à la détermination de la valeur d'un droit exproprié.» Les paragraphes (2) à (9) donnent alors en détail les règles à appliquer pour la détermination de la valeur d'un droit exproprié.
Pour ce qui est de l'article 33, l'article qui prévoit l'autorisation de paiement d'intérêt, il est à noter qu'il y est prévu qu'«indemnité» désigne le montant de l'indemnité allouée par le tribunal, en vertu de la présente Partie, pour un droit expro- prié. En l'espèce, il s'agit clairement, à mon avis, de la somme de 90 000 $, qui a été adjugée par le juge de première instance. L'autre montant qui est requis pour déterminer s'il faut invoquer l'alinéa
33(3)b) est «le montant de l'offre». Le paragraphe 33(1) définit «offre», aux fins de l'article, comme «une offre faite en vertu de l'article 14». Par conséquent, puisqu'il est reconnu que l'offre en l'espèce faite en vertu de l'article 14 et modifiée s'élève à 65 009 $, il semble évident que le montant de l'offre est inférieur à 90 % de l'indemnité, ce qui fait que l'appelant a droit à l'intérêt de péna- lité de 5 % prévu à l'alinéa 33(3)b).
L'intimée soutient toutefois que le juge de pre- mière instance a eu raison de décider que l'évalua- tion faite sous le régime du paragraphe 24(6) doit être exclue de la définition d'«indemnité», terme employé à l'alinéa 33(3)b), et pour étayer cet argument, il s'appuie sur l'expression «la valeur de ce droit par ailleurs déterminée» qui figure au paragraphe 24(6). À son avis, cette expression a, d'une façon ou d'une autre, pour effet d'exclure la détermination faite en vertu du paragraphe 24(6) de l'indemnité totale à accorder. Selon moi, il est clair que les paragraphes 2 à 9 de l'article 24 établissent un corps de règles à appliquer pour déterminer la valeur d'un droit exproprié. Il s'agit d'un code d'une grande portée, et il faut lire ces règles comme un tout, en vue de leur application aux situations de fait envisagées par les différents paragraphes. Le paragraphe 6 n'est pas le seul à employer cette expression «par ailleurs détermi- née». La même expression se trouve dans d'autres paragraphes de l'article 24. À mon avis, il ressort clairement du rapprochement des différents para- graphes que les divers articles qu'ils visent doivent être ajoutés ou soustraits selon le cas, pour obtenir, dans le calcul final, la valeur totale du droit exproprié.
En l'espèce, le chiffre auquel le juge de première instance est arrivé, après application de toutes les règles d'évaluation énoncées à l'article 24, était de 90 000 $. Il s'agit du montant de l'«indemnité» visée à l'article 33. C'est donc le chiffre qui doit être retenu pour répondre à la question soulevée par l'alinéa 33(3)b). A mon sens, le premier juge a commis une erreur en considérant l'applicabilité de l'alinéa 33(3)b) dans le contexte de la valeur mar- chande et en examinant uniquement celle-ci. L'ali- néa ne parle pas de valeur marchande, mais d'in- demnité. La valeur marchande n'est qu'un des éléments de l'indemnité prévue à l'article 33. De
même, la valeur d'équivalence établie en vertu du paragraphe 24(6) est un élément de cette indemnité.
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu d'accueillir l'appel. Les offres faites ultérieurement au 24 avril 1973 étant désignées comme des modifications de l'offre originaire faite en vertu de l'article 14, il est manifeste que l'intérêt prévu à l'alinéa 33(3)b) devrait courir à partir de la date de l'acceptation de cette offre originaire, soit le 29 mai 1973. J'estime donc qu'il y a lieu d'accueillir l'appel avec dépens et de modifier le jugement de la Division de première instance de manière à prévoir que le demandeur appelant a droit à un intérêt sur la somme de 90 000 $ au taux de cinq pour cent, du 29 mai 1973 au 15 juin 1982, la date du jugement de la Division de première instance.
LE JUGE LE DAIN: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT CLEMENT: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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