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A-30-79
DeVilbiss (Canada) Limited, Phelan and Smith Limited et Waffle's Electric Limited (requéran- tes)
c.
Le Tribunal antidumping (intimé)
Cour d'appel, juges Urie et Ryan, juge suppléant
Kelly Toronto, 3 et 4 juin; Ottawa, 20 juillet 1982.
Antidumping Demande en vertu de l'art. 28 visant à
l'examen et à l'annulation d'une décision du Tribunal anti- dumping qui conclut au dumping de certains «moteurs à
induction intégrale d'un horse-power+ Détermination préli- minaire faite par le sous-ministre, en application de l'art. 14 de la Loi antidumping, de dumping de «moteurs à induction intégrale d'un horse-power» qui a donné lieu à une enquête du Tribunal antidumping Importance du sens de l'expression «integral horsepower induction motors. dans la détermination des biens qui appartiennent à la classe de marchandises objet du dumping Le Tribunal a entendu des témoignages des deux parties sur la question au début de l'enquête, mais a réservé sa décision sur le sens de l'expression jusqu'à la fin des procédures Le Tribunal a-t-il outrepassé sa compétence en prétendant définir la classe de marchandises auxquelles la détermination de dumping s'appliquait? Le Tribunal a-t-il violé les règles de justice naturelle en réservant sa décision sur la portée de l'enquête? Loi antidumping, S.R.C. 1970, chap. A-15, art. 13(1), 14, 16(1),(3), 19, 20 Règles de procédure du Tribunal antidumping, C.R.C., chap. 300, règle 9 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Cette demande présentée en vertu de l'article 28 vise à l'examen et à l'annulation de la décision du Tribunal antidum- ping par laquelle il a conclu qu'il y avait eu dumping de certains moteurs à induction intégrale d'un horse-power, qui avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises sembla- bles. En avril 1978, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a ordonné une enquête en application du paragraphe 13(1) de la Loi antidumping à l'égard du dumping de moteurs à induction intégrale d'un horse-power provenant des États-Unis. En octobre 1978, le sous-ministre a fait une détermination préliminaire de dumping en application de l'arti- cle 14 de la Loi, qui a donné lieu à une enquête devant le Tribunal antidumping. Le sens de l'expression «integral horse power induction motors», qui était capital pour déterminer les marchandises qui appartenaient à la classe de biens objet du dumping, a été soulevé au début de l'enquête et le Tribunal a reçu des témoignages de toutes les parties, mais n'a pas rendu de décision avant d'avoir terminé l'enquête. Les questions exa minées par la Cour sont: quand il a attribué un sens à l'expres- sion, le Tribunal a-t-il outrepassé sa compétence en prétendant définir la classe de marchandises auxquelles la détermination de dumping s'appliquait et, en réservant sa décision sur la portée de l'enquête, le Tribunal a-t-il violé les règles de justice naturelle?
Arrêt: la demande est accueillie. La jurisprudence révèle que la désignation de la classe de marchandises faite en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi pour les fins de la détermination préliminaire relève du sous-ministre. Quand le Tribunal conclut que certaines marchandises faisant l'objet de dumping et appar- tenant à la classe désignée par le sous-ministre dans sa détermi- nation préliminaire sont des «marchandises semblables» à des marchandises manufacturées au Canada, il procède à une constatation de fait que cette Cour ne devrait pas modifier à moins qu'il n'y ait absence d'éléments de preuve pour la justifier ou erreur dans le principe qui l'a motivée. Le paragra- phe 16(1) limite manifestement l'enquête du Tribunal aux marchandises auxquelles s'applique la détermination prélimi- naire. Toutefois, lorsque le Tribunal éprouve des difficultés à délimiter les marchandises auxquelles la détermination prélimi- naire s'applique, il doit s'employer à vérifier le sens des mots et peut le faire en recevant des éléments de preuve de la part d'experts de l'industrie. Il n'en résulte pas nécessairement une redéfinition de la classe de marchandises définie par le sous- minisre. En conséquence, le Tribunal n'a pas commis d'erreur, ni outrepassé sa compétence en essayant de déterminer, dans les circonstances, par des éléments de preuve, le sens des mots «integral horsepower induction motors». Il avait une fonction à remplir qui comportait nécessairement l'interprétation de la désignation de la classe de marchandises mentionnée dans la détermination préliminaire. Il lui appartenait de décider com ment arriver à cette interprétation pour autant qu'il agissait selon les règles pertinentes à un organisme judiciaire ou quasi judiciaire. Parce que le Tribunal a voulu recevoir des témoigna- ges de toutes les parties à propos de la définition et avoir le temps d'examiner ces témoignages avant de rendre sa décision sur le sens de cette définition, les parties pouvaient raisonnable- ment s'attendre à avoir l'occasion de présenter des témoignages si le Tribunal décidait que la définition plus restrictive était celle qui devait s'appliquer. Le Tribunal a cependant poursuivi l'audition sans déterminer quelle classe de marchandises était l'objet de l'enquête et son omission de rendre sa décision sur l'objet de l'enquête peut avoir privé une ou plusieurs des parties de la possibilité de soumettre des témoignages visant directe- ment la classe de marchandises que le Tribunal a estimée plus tard être l'objet de l'enquête et de contredire, de corriger ou de commenter des témoignages ou des renseignements relatifs à la conclusion du Tribunal. L'omission d'accorder cette possibilité aux parties a constitué un déni de justice naturelle.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Trane Company of Canada, Limited, [1982] 2 C.F. 194 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Magnasonic Canada Limited c. Le Tribunal antidum- ping, [1972] C.F. 1239 (C.A.); Mitsui and Co. Limited et autre c. Buchanan, et autres, [1972] C.F. 944 (C.A.); In re la Loi antidumping et in re Y.K.K. Zipper Co. of Canada Ltd., [1975] C.F. 68 (C.A.); Remington Arms of Canada Limited c. Les Industries Valcartier Inc. et autre, [1982] 1 C.F..586 (C.A.); Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping, et autres, [1979] 1 C.F. 247 (C.A.); Dryden House Sales Limited, faisant affaires
sous la dénomination sociale Ambassador -Dryden House c. Le Tribunal antidumping, [1980] 1 C.F. 639 (C.A.).
AVOCATS:
J. M. Coyne, c.r., et P. S. Bonner pour les
requérantes.
J. L. Shields pour l'intimé.
R. P. Hynes pour le procureur général du
Canada.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour les requéran- tes.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé. Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Tory, Tory, DesLauriers & Binnington, Toronto, pour Leeson Electric (Canada) Ltd. Stitt, Baker & McKenzie, Toronto, pour Reliance Electric Ltd. et Reliance Electric Co.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande, soumise en application de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, vise à faire infirmer la décision du Tribunal antidumping («le Tribunal») rendue le 9 janvier 1979, par laquelle le Tribunal a conclu que le dumping au Canada de certains moteurs à induction intégrale d'un horse-power «a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables».
L'affaire qui a débuté par une détermination préliminaire faite par le sous-ministre a déjà été entendue en cette Cour dans la cause intitulée Le sous-ministre du Revenu national pour les doua- nes et l'accise c. Trane Company of Canada, Limited', sous forme d'appel formé en application de l'article 20 de la Loi antidumping, S.R.C. 1970, chap. A-15 («la Loi»), à l'encontre d'une décision de la Commission du tarif. La Commission avait accueilli l'appel interjeté par Trane Company en
' [1982] 2 C.F. 194 (C.A.).
application de l'article 19 de la Loi à l'encontre d'une détermination définitive de dumping faite par le sous-ministre. Cette Cour a rejeté l'appel à l'encontre de la décision de la Commission du tarif.
Pour être exact et constant dans la relation des faits qui ont donné lieu à la présente demande, il est pertinent de citer ci-après les passages suivants des motifs du jugement du juge Le Dain, qui parle au nom de la Cour, dans l'appel Trane [aux pages 196 à 198]:
Le 6 avril 1978, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a ordonné, conformément au paragraphe 13(1) de la Loi, l'ouverture d'une enquête sur le dumping au Canada de «moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement ... originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique*. Le 10 octobre 1978, le sous-ministre a fait une détermination prélimi- naire du dumping, conformément à l'article 14 de la Loi, à l'égard de marchandises décrites comme des «moteurs à induc tion intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse power (200 HP) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique». A la suite de cette décision, le Tribunal antidumping a procédé à une enquête conformément au paragraphe 16(1) de la Loi, et le 9 janvier 1979, il a rendu les «Conclusions„ suivantes:
Le Tribunal antidumping, après avoir procédé à une enquête en vertu des dispositions du paragraphe (1) de l'article 16 de la Loi antidumping, à la suite d'une détermi- nation préliminaire de dumping faite par le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise, datée du 10 octobre 1978 concernant le dumping au Canada des moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verti- caux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Améri- que, conclut, conformément au paragraphe (3) de l'article 16 de la Loi, que le dumping des articles mentionnés plus haut, à l'exception:
1) des moteurs à phase unique;
2) des moteurs à pompe submersibles utilisés dans les puits de pétrole et d'eau;
3) des moteurs à arbre de scies mécaniques; et
4) des moteurs à induction intégrale utilisés comme pièces de remplacement dans
i) les pompes à absorption pour générateurs de froid fabriquées par The Trane Company,
ii) des refroidisseurs centravac fabriqués par The Trane Company, et
iii) des compresseurs semi -hermétiques et hermétiques fabriqués par The Trane Company,
a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.
Aux pages 5 et 6 de l'«Exposé des motifs» qui accompagne les «Conclusions» du Tribunal, figure l'analyse suivante de la signi fication des mots «integral horsepower», analyse à la suite de laquelle le Tribunal a conclu que la détermination préliminaire du dumping ne s'appliquait pas aux moteurs avec châssis à deux chiffres:
Dès le début de la procédure, des preuves ont été mises de l'avant au sujet de l'importance de l'expression «integral horsepower» utilisée dans le texte anglais de la détermination préliminaire du sous-ministre. Une des interprétations, fondée sur le sens habituel du mot «intégral» et appuyée par l'EEMAC, voulait que la détermination préliminaire s'appli- que aux moteurs d'un horse-power et plus. L'addition de ces mots pour communiquer ce sens serait inutile, toutefois, puisque, dans la suite du texte, il est précisé que les moteurs en question sont «d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement».
C'est pourquoi le Tribunal a cherché une interprétation qui, en évitant une telle répétition, représenterait un apport positif et pertinent à la définition de la catégorie des mar- chandises en question. Il n'a pas eu besoin de faire de grandes recherches, puisqu'il existe de nombreuses preuves montrant que les expressions «intégral» et «fractionnaire» sont très répandues au sein de l'industrie pour établir des distinc tions entre diverses catégories de moteurs à induction en fonction d'autres facteurs que le nombre exact de horse-power.
Les normes techniques de l'industrie, en Amérique du Nord, sont établies principalement par la NEMA (National Electrical Manufacturers Association) association améri- caine dont les normes, à quelques exceptions près, sont adoptées par l'EEMAC. NEMA a publié des définitions officielles des moteurs à induction qui ont été acceptées par l'EEMAC et qui se traduisent dans les listes de prix et les textes publicitaires de certains membres de l'EEMAC, l'on utilise les expressions «intégral» et «fractionnaire» pour identifier la taille des châssis. En vertu de ces définitions, les moteurs dits «integral horsepower» ont des châssis qui sont identifiés par des numéros à trois chiffres alors que les moteurs dits «fractional horsepower» sont dotés de numéros à deux chiffres. Il se peut que, à un moment donné, les châssis à trois chiffres aient servi uniquement dans le cas des moteurs à un horse-power et plus alors que les cadres com- portant des numéros à deux chiffres servaient uniquement aux moteurs de moins d'un horse-power; cela expliquerait l'origine de l'usage actuel. Mais, s'il en a été le cas dans le passé, ce n'est certainement plus le cas aujourd'hui; effective- ment, les moteurs «fractional horsepower» (logés dans des châssis à deux chiffres) peuvent posséder une puissance théorique atteignant cinq horse-power alors que les moteurs «integral horsepower» (dont les châssis ont des numéros à trois chiffres) peuvent avoir une puissance théorique de moins d'un horse-power.
Cela étant, le Tribunal est convaincu que la détermination préliminaire de dumping s'applique aux moteurs à induction d'une puissance théorique s'étendant d'un à deux cents horse power et logés dans des châssis à trois chiffres. Elle ne s'applique pas aux moteurs dont les châssis sont à deux chiffres (moteurs «fractional horsepower»), même si la puis- sance théorique de ceux-ci est d'un à deux cents horsepower, ni aux moteurs logés dans des châssis à trois chiffres
(moteurs «integral horsepower») dont la puissance théorique est inférieure à un horse-power. En outre, il va de soi que sont exclus nommément les «moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P ou moteurs à plateaux verticaux en N.
C'est cette décision du Tribunal que les requé- rantes cherchent à faire infirmer.
Il y a lieu d'abord de signaler que devant le Tribunal, les plaignantes étaient l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électro- nique du Canada («AMEEEC») et six de ses mem- bres agissant de leur propre chef. Les requérantes en l'espèce étaient intervenantes aux auditions devant le Tribunal. Elles ont soumis un exposé des arguments dans lequel on peut lire ceci:
[TRADUCTION] Pour le moment cependant, les requérantes ne cherchent pas à modifier les conclusions du Tribunal antidum- ping et, en réalité, elles ont demandé le rejet de cette procédure en produisant des consentements à son rejet de la part de la majorité des parties qui avait produit un avis d'intention de comparaître. D'autre part, les requérantes s'opposent à toutes tentatives de quelque autre partie de modifier l'ordonnance présente du Tribunal antidumping.
Au début des procédures, l'avocat des requéran- tes a demandé l'autorisation, qu'il a reçue, de se retirer des procédures sans plaider. L'avocat de l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada et celui du procureur général du Canada, qui comparaissait pour le compte du sous-ministre du Revenu natio nal pour les douanes et l'accise, se sont tous deux opposés au retrait de la demande faite en vertu de l'article 28 et ont plaidé en faveur de l'octroi de cette demande. L'avocat du Tribunal s'y est opposé. Le droit d'aucune des parties de comparaî- tre et celui d'être entendue n'a été contesté ni ne pouvait l'être.
On a soulevé deux moyens lors de la demande. Quand il a exclu les moteurs à induction dont le châssis est identifié par des nombres à deux chif- fres de la portée de sa conclusion, le Tribunal:
a) a excédé sa compétence en prétendant définir la classe de biens auxquels la détermination préliminaire de dumping s'applique et
b) a commis une erreur de droit en arrivant à une conclusion en l'absence de tout élément de preuve pour la justifier.
Cette Cour a examiné l'objet général de la Loi à plusieurs reprises 2 de sorte qu'il n'est pas néces- saire de le refaire ici. Il suffit de signaler que la jurisprudence révèle que la désignation de la classe des marchandises faite en vertu du paragraphe 13(1) de la Loi, pour les fins de la détermination préliminaire, relève du sous-ministre. Quand le Tribunal conclut que certaines marchandises fai- sant l'objet de dumping et appartenant à la classe désignée par le sous-ministre dans sa détermina- tion préliminaire sont, à son avis, des «marchandi- ses semblables» à des marchandises manufacturées au Canada, il procède à une constatation de fait que cette Cour ne devrait pas modifier à moins qu'il n'y ait absence d'éléments de preuve pour la justifier ou erreur dans le principe qui l'a motivée. En vertu du paragraphe 16(3), le Tribunal peut rendre l'ordonnance applicable à une partie ou à l'ensemble des «marchandises auxquelles la déter- mination préliminaire s'applique» et sa décision de faire des exceptions ou non est une question de fait ou l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qui ne sont ni l'un ni l'autre une question de droit au sens de l'alinéa 28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale (voir Dryden House Sales Limited précité, pages 642 et 643).
En l'espèce, le sous-ministre a fait une détermi- nation préliminaire de dumping à l'égard des mar- chandises désignées comme suit:
... moteurs à induction intégrale d'un horse-power (1 HP) à deux cents horse-power (200 HP) inclusivement, à l'exception des moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P, ou moteurs à plateaux verticaux en P, originaires ou exportés des Etats-Unis d'Amérique. [C'est moi qui souligne.]
Conformément au paragraphe 16(3) de la Loi, le Tribunal a jugé que le dumping des marchandi- ses ci-dessus mentionnées, à l'exception de certains autres moteurs, «a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables». Toutefois, comme on peut le constater dans l'extrait de l'«Ex-
2 Magnasonic Canada Limited c. Le Tribunal antidumping, [1972] C.F. 1239 (C.A.); Mitsui and Co. Limited et autre c. Buchanan, et autres, [1972] C.F. 944 (C.A.); In re la Loi antidumping et in re Y.K.K. Zipper Co. of Canada Ltd., [1975] C.F. 68 (C.A.); Remington Arms of Canada Limited c. Les Industries Valcartier Inc. et autre, [ 1982] 1 C.F. 586 (C.A.); Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping, et autres, [1979] 1 C.F. 247 (C.A.); Dryden House Sales Limited, faisant affaires sous la dénomination sociale Ambassador - Dryden House c. Le Tribunal antidumping, [1980] 1 C.F. 639 (C.A.).
posé des motifs» de jugement du Tribunal déjà cité, celui-ci n'étant pas sûr du sens des mots «integral horsepower» employés dans la détermina- tion préliminaire du sous-ministre, a reçu des témoignages au début des procédures sur le sens à donner à ces termes. Il est utile de répéter sa conclusion ici:
Cela étant, le Tribunal est convaincu que la détermination préliminaire de dumping s'applique aux moteurs à induction d'une puissance théorique s'étendant d'un à deux cents horse power et logés dans des châssis à trois chiffres. Elle ne s'appli- que pas aux moteurs dont les châssis sont à deux chiffres (moteurs «fractional horsepower»), même si la puissance théori- que de ceux-ci est d'un à deux cents horsepower, ni aux moteurs logés dans des châssis à trois chiffres (moteurs «integral horse power») dont la puissance théorique est inférieure à un horse power. En outre, il va de soi que sont exclus nommément les «moteurs de pompe à arbre vertical habituellement appelés moteurs à base verticale en P ou moteurs à plateaux verticaux en P».
Dans l'affaire Trane, précitée, cette Cour a conclu qu'il est possible de se référer aux motifs prononcés par le Tribunal pour déterminer ce que les mots «integral horsepower» signifient pour lui. La Cour a conclu que les motifs révèlent que le Tribunal n'entendait pas rendre une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs logés dans des châssis à deux chiffres et qu'il ne l'a pas fait. Cependant, la Cour a aussi dit ce qui suit la page 206]:
Que le Tribunal ait ou non compétence pour déterminer le champ d'application de son enquête en définissant la catégorie de marchandises décrites dans la détermination préliminaire de dumping, cette question n'est pas, à mon avis, celle qui nous intéresse dans cet appel. Le litige porte en fait sur la question de savoir si oui ou non, le Tribunal a pris une conclusion de préjudice sensible à l'égard des moteurs à châssis identifiés par des numéros à deux chiffres. Si le Tribunal avait commis une erreur en excluant ces moteurs de son enquête et de sa conclu sion, cette erreur pourrait affecter la validité de sa décision ....
La question laissée en suspens dans l'affaire Trane est l'un des points qui nous est soumis à l'occasion de la présente demande.
L'avocat de 1'AMEEEC soutient que le Tribu nal n'a pas compétence pour interpréter les termes employés dans la détermination préliminaire de dumping. Lui attribuer cette compétence lui per- mettrait de redéfinir la classe de marchandises visée par la détermination soit en la restreignant ou en l'étendant. Il ne lui est pas permis de le faire, selon l'avocat, à cause des termes du paragraphe 16(1) qui se lisent ainsi:
16. (1) Le Tribunal ... doit, relativement aux marchandises auxquelles s'applique la détermination préliminaire du dum ping, faire enquête ... .
Certes, les termes limitent manifestement l'en- quête du Tribunal aux marchandises «auxquelles s'applique la détermination préliminaire». Toute- fois, dans certains cas, comme en l'espèce, le Tri bunal peut éprouver des difficultés à délimiter les marchandises auxquelles la détermination s'appli- que. Dans un tel cas, il doit s'employer à vérifier le sens des termes. Une façon de le faire consiste à permettre la présentation d'éléments de preuve par les personnes qui connaissent bien l'industrie qui produit les marchandises en cause, si cela est possible, pour déterminer ce que les termes signi- fient pour ces personnes. C'est ce que le Tribunal a fait en l'espèce. Il n'en résulte pas nécessairement, à mon sens, une redéfinition de la classe des marchandises définie par le sous-ministre, comme l'avocat l'a soutenu. Procéder à une telle enquête sur les faits lors de l'audition ne signifie pas que le Tribunal a outrepassé sa compétence comme l'avo- cat le prétend.
Dans son argumentation initiale, l'avocat de l'AMEEEC a soutenu que le Tribunal est tenu, en droit, d'obtenir du sous-ministre des éclaircisse- ments quant à la classe des marchandises objet du dumping s'il a des doutes sur sa nature. Il a reconnu qu'il n'avait pas d'obligation explicite de le faire, mais il a soutenu qu'il y avait une obliga tion implicite, à cause de la rédaction de la règle 9 des Règles de procédure du Tribunal antidum- ping, C.R.C., chap. 300. 3 Toutefois, dans sa
3 9. Conformément à l'alinéa 14(2)c) de la Loi, le sous-minis- tre doit produire auprès du secrétaire pour dépôt
a) la plainte, s'il y en a une, et tous les renseignements pertinents que lui a fournis le plaignant;
b) s'il n'y a pas de plaignant, les éléments de preuve sur lesquelles le sous-ministre s'est fondé pour se déclarer d'avis que le dumping de marchandises cause un préjudice à la production canadienne de marchandises semblables;
c) la désignation des marchandises sous-évaluées;
d) la quantité et la valeur de
(i) la production canadienne de marchandises semblables, et
(ii) l'importation de marchandises semblables;
e) la proportion des importations de marchandises sous-éva- luées ou de marchandises semblables qu'il trouve sous-éva- luées;
f) les marges de dumping; et
g) toute autre information relative à l'enquête, dont il dispose.
réponse, l'avocat a admis qu'il n'y avait pas d'obli- gation stricte d'ajourner l'enquête et de renvoyer la détermination préliminaire ambiguë au sous- ministre pour avoir des éclaircissements. Il a sou- tenu qu'on aurait été prudent et avisé de le faire pour s'assurer que le Tribunal n'outrepasse sa compétence en étendant ou en limitant la portée de son enquête. D'autre part, le substitut du procu- reur général n'a pas modifié sa prétention, selon laquelle il y avait une obligation en droit de ren- voyer l'affaire au sous-ministre, mais il n'a pu indiquer la source de cette obligation.
À mon avis, le Tribunal n'a ni outrepassé sa compétence, ni commis d'erreur dans les circons- tances de l'espèce, en essayant de déterminer par des éléments de preuve ce que les mots «integral horsepower induction motors» signifiaient. Il avait une fonction à remplir, dont un des éléments essen- tiels consistait à interpréter la désignation de la classe des marchandises mentionnée dans la déter- mination préliminaire. Il lui appartenait de décider comment arriver à cette interprétation pour autant qu'il agissait selon les règles pertinentes à un organisme judiciaire ou quasi judiciaire.
Cela ne règle cependant pas l'affaire. Le substi- tut du procureur général du Canada soutient, avec l'appui de l'avocat de l'AMEEEC, que si le Tribu nal permettait la production d'éléments de preuve qui lui permettraient de déterminer le sens à donner aux mots de la détermination, et que sa compétence à cet égard ait été contestée, il devait rendre sa décision sur ce point avant de continuer l'enquête. En ne rendant pas la décision sur ce point, il laissait les parties dans l'incertitude quant à la portée de l'enquête et aux marchandises à l'égard desquelles il fallait produire des éléments de preuve et présenter des plaidoiries. On a sou- tenu que l'omission de rendre sa décision sur la question préliminaire avant de poursuivre l'audi- tion sur le fond constitue une erreur de droit et, au dire des avocats, a vicié toutes les procédures.
La lecture des témoignages auxquels les avocats font allusion nous indique manifestement que la question du sens des mots «integral horsepower induction motors» a été soulevée à une rencontre préliminaire des parties et de la Commission de même qu'au tout début de l'audition devant le Tribunal. A la rencontre on a demandé une [TRA- DUCTION] «directive préliminaire» sur le sens des
mots [TRADUCTION] «parce qu'ils ont une influence directe sur les éléments de preuve que je devrai présenter», a dit l'un des avocats. Il est aussi manifeste que le président du Tribunal a refusé de donner une directive à la rencontre préliminaire, parce qu'il estimait nécessaire d'entendre des témoignages et des plaidoiries avant de pouvoir donner une interprétation. Il est intéressant de signaler que, ni à cette étape des procédures, ni plus tard, aucune des parties ne paraît avoir tenté d'obtenir des clarifications du sous-ministre sur le sens des mots employés dans la détermination préliminaire.
Le président a de nouveau exprimé l'avis du Tribunal à l'ouverture de l'audience et on a demandé à certains témoins de déposer pour déter- miner le sens des mots. De plus, il est manifeste que le Tribunal n'a pas fait connaître aux parties sa conclusion sur le sens de ces mots pendant le cours de l'audition. Ce n'est qu'au moment de rendre sa décision et de faire connaître son «Exposé des motifs» que le Tribunal a indiqué que la détermination préliminaire de dumping s'appli- quait aux moteurs à induction ayant une puissance d'un à deux cents horse-power montés sur des châssis à trois chiffres, mais ne s'appliquait pas aux moteurs montés sur des châssis à deux chiffres.
Les avocats ont soutenu que la question est la suivante: l'omission du Tribunal de rendre une décision sur le sens à donner aux termes «integral horsepower» relativement aux moteurs à induction avant de procéder à son enquête, qui a eu pour effet d'empêcher les parties de soumettre des élé- ments de preuve et des plaidoiries relativement aux marchandises spécifiques qui faisaient l'objet de l'enquête, (même si ces marchandises apparte- naient à une classe de marchandises plus générale qui, elle, a fait l'objet de la preuve), constitue- t-elle une erreur de droit ou de compétence?
À mon avis, il ne s'agit pas d'une question de compétence au sens ordinaire de ce terme. Je ne pense pas qu'il s'agisse strictement non plus d'une erreur de droit. Il s'agirait plutôt, à mon sens, d'un manquement à un principe de justice naturelle parce que le Tribunal n'a pas fait connaître sa décision sur l'objet de l'enquête.
L'avocat de l'AMEEEC a signalé plusieurs pas sages de la transcription des témoignages rendus au cours de la rencontre préliminaire et lors des audiences à l'enquête elle-même. La lecture de ces passages ne laisse aucun doute que, non seulement le Tribunal a refusé de rendre la décision deman- dée sur le sens des termes, mais qu'il l'a fait parce que les membres du Tribunal étaient alors très perplexes sur le sens à donner à ces termes. Ils voulaient entendre des témoignages sur la ques tion, non seulement de la part des plaignantes, mais aussi de la part des parties adverses et avoir le temps d'examiner ces témoignages avant de rendre leur décision sur le sens de ces termes. Il me semble alors que chacune des parties, sachant ce qui s'était passé à la rencontre préliminaire et au début de l'audition, à propos du sens à donner à l'expression «integral horsepower induction mo tors», pouvait raisonnablement s'attendre à avoir l'occasion de présenter des témoignages, si le Tri bunal décidait que la définition plus restrictive des termes contestés était celle qui devait s'appliquer. Toutefois, le Tribunal a continué l'audition sans déterminer quelle classe de marchandises était l'objet de l'enquête. Son omission de rendre sa décision sur l'objet de l'enquête peut avoir privé une ou plusieurs des parties de la possibilité non seulement de soumettre des témoignages visant directement la classe de marchandises que le Tri bunal a estimée plus tard être l'objet de l'enquête, mais aussi celle de contredire, corriger ou com- menter des témoignages ou des renseignements relatifs à la conclusion que le Tribunal est requis de rendre en application de l'article 16 de la Loi, soit dire si l'importation de moteurs montés sur châssis à trois chiffres a causé, cause ou est suscep tible de causer un préjudice sensible à la produc tion de moteurs semblables au Canada. L'omission d'accorder cette possibilité aux parties constitue, à mon avis, un déni de justice naturelle.
Pour ce motif, je suis d'avis d'accueillir la demande fondée sur l'article 28, d'infirmer la déci- sion du Tribunal dont on demande la révision et de renvoyer l'affaire au Tribunal pour qu'il procède à une nouvelle audition d'une manière conforme aux présents motifs.
Étant donné cette conclusion, il ne serait pas à-propos que je commente le second moyen sou- levé, c'est-à-dire l'absence de preuve sur laquelle le
Tribunal a pu justifier sa conclusion quant aux moteurs montés sur châssis à trois chiffres seulement.
LE JUGE RYAN: Je souscris.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux motifs de jugement du juge Urie en l'espèce.
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