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A-871-83
La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor, Transports Canada, J. P. Little et R. G. Bell (requérants)
c.
Association canadienne du contrôle du trafic aérien (intimée)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Ryan— Ottawa, 12 janvier et 24 février 1984.
Fonction publique Contrôle judiciaire Demande d'examen et d'annulation d'une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique Le refus de l'employeur de permettre au syndicat de retenir les services d'un avocat pour représenter des contrôleurs aériens au cours d'une enquête de caractère administratif sur des irrégularités d'exploitation qui mettent en cause lesdits employés constitue- t-il une immixtion dans la représentation des employés par le syndicat en violation de l'art. 8(1) de la Loi? Les employés qui font face à des accusations graves ont-ils le droit de se faire représenter par avocat au cours d'une telle enquête? Dans la convention collective, le droit à un »représentant des employés» inclut-il le droit aux services d'un avocat? Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 8(1), 20(1)a) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Fin de non-recevoir Disposition de la convention collec tive permettant aux employés d'»être accompagnés d'un repré- sentant des employés» au cours d'enquêtes de caractère admi- nistratif Pendant 15 ans, le ministère des Transports a laissé les employés retenir les services d'avocats pour les représenter au cours d'enquêtes de ce genre L'employeur était-il irrecevable à invoquer le sens véritable de cette dispo sition pour refuser de permettre aux employés de retenir les services d'avocats? Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 8(1), 20(1)a) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
À une audition tenue devant un comité composé de trois personnes et établi par le ministère des Transports pour faire enquête sur certaines irrégularités d'exploitation à l'aéroport international d'Ottawa, les deux membres de l'Association inti- mée qui étaient en cause dans cette enquête et devaient y comparaître et y témoigner se sont vu refuser le droit d'être représentés par avocat. L'intimée a dès lors déposé une plainte devant la Commission des relations de travail dans la Fonction publique dans laquelle elle a allégué qu'il y avait eu immixtion dans le droit de ses deux membres d'être représentés par elle, en violation du paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, compte tenu en particulier de l'article 6.01 de la convention collective qui permettait aux employés d'être accompagnés d'un »représentant des employés» lors de »toute enquête ... de caractère administratif». La C.R.T.F.P. a conclu que l'expression «représentant des employés» ne visait pas un avocat. Cependant, elle a aussi
conclu que le comportement du ministère des Transports qui, pendant une période de 15 ans, avait permis la représentation par avocat au cours de telles enquêtes, avait créé les conditions nécessaires à l'irrecevabilité. La Commission a en outre conclu que les requérants avaient violé le paragraphe 8(1) parce qu'ils s'étaient immiscés dans la représentation des employés par l'intimée.
La présente demande fondée sur l'article 28 vise l'examen et l'annulation de cette décision.
Arrêt (le juge Heald dissident): la demande devrait être accueillie.
Le juge Pratte: Il ne peut exister une irrecevabilité fondée sur la force obligatoire d'une promesse en l'absence de promesse, expresse ou implicite, dont les effets sont clairs et précis et qui a amené celui qui a reçu cette promesse à agir autrement qu'il l'aurait fait en d'autres circonstances. D'abord, on ne peut considérer que le comportement du Ministère constituait une promesse par laquelle il s'engageait à ne pas recourir au sens véritable de l'article 6.01; ensuite, c'est en raison seulement de sa propre interprétation dudit article et non du comportement du Ministère que le syndicat n'a jamais essayé de le faire modifier.
Enfin, étant donné que l'enquête n'a aucune valeur juridique, les principes de l'équité procédurale invoqués par l'intimée ne s'appliquent pas en l'espèce et, même s'ils s'appliquaient, ils n'exigeraient pas que le droit d'être représenté par avocat soit conféré aux contrôleurs aériens en cause.
Le juge Ryan: La demande devrait être accueillie pour les motifs donnés par le juge Pratte, sous réserve toutefois qu'il n'est pas nécessaire de déterminer la question de l'équité dans les procédures vu qu'on ne peut considérer que le comité composé de trois personnes a agi de manière inéquitable en exigeant le respect d'une condition de la convention collective alors que rien dans les circonstances de l'affaire ne l'empêchait de le faire. Le refus de permettre le recours aux services d'un avocat ne peut constituer une violation du paragraphe 8(1).
Le juge Heald (dissident): Étant donné que la preuve versée au dossier ne permet pas de déterminer l'attitude adoptée par le ministère des Transports quant à l'interprétation de l'article 6.01, et que c'est l'interprétation qu'elle a faite de cet article qui a amené l'intimée à s'y fier à son propre détriment, l'existence d'une irrecevabilité fondée sur une conduite particu- lière n'est pas démontrée. Même si l'article 6.01 n'accordait pas aux employés le droit d'être représentés par avocat, le refus d'un tel droit constituait néanmoins une immixtion dans la représentation des employés par le syndicat au sens du paragra- phe 8(1). De plus, la common law imposait une obligation d'agir équitablement qui n'a pas été respectée: les modifications apportées aux lignes directrices en 1982, qui ont rendu plus graves les conséquences des enquêtes, exigeaient que le droit à un avocat soit appliqué avec plus de souplesse plutôt qu'il soit restreint.
Les contrôleurs aériens en cause faisaient face à des accusa tions graves pouvant avoir des conséquences sérieuses pour leur réputation ou leurs moyens d'existence, et on aurait leur permettre de recourir aux services d'un avocat.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Combe v. Combe, [1951] 1 All E.R. 767 (C.A.); Pett v. Greyhound Racing Association, Ltd., [1968] 2 All E.R. 545 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Marti- neau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602.
AVOCATS:
Harvey A. Newman pour les requérants. Denis J. Power pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
les requérants.
Nelligan/Power, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La présente demande fondée sur l'article 28 vise une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique portant que le requérant J. P. Little a violé le paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-35]. Mon collègue le juge Heald a résumé avec précision les circonstances qui ont entraîné cette décision ainsi que les motifs donnés par le président de la Commission.
L'avocat de la requérante soutient tout d'abord que le dossier ne révélait aucune violation du paragraphe 8(1), même si l'on présumait que l'in- timée avait droit à ce qu'un avocat représente à l'enquête les deux contrôleurs aériens en cause.
J'avoue que j'ai eu beaucoup de difficultés à saisir l'argument avancé par l'avocat à l'appui de cette proposition. D'après ce que j'en ai compris, il se résumait à ceci: le paragraphe 8(1) interdit à un employeur de s'immiscer dans les affaires d'un syndicat; il n'y a pas immixtion lorsque, comme c'était le cas en l'espèce, un employeur cherche simplement à obliger le syndicat à se conformer à son interprétation de la convention collective que le syndicat a signée.
Cet argument ne me convainc pas. J'admets volontiers que, si un syndicat n'a pas le droit de représenter un employé de la manière dont il cher- che à le faire, on ne peut blâmer l'employeur de refuser de laisser ce syndicat faire une chose que la loi ne l'autorise pas à faire. À mon avis, cette action de l'employeur serait alors tout à fait justi- fiée et ne violerait pas le paragraphe 8(1). Toute- fois, si l'on présume, aux fins de cet argument, qu'un syndicat cherche simplement à représenter ses membres d'une manière permise par la loi, il en résulte alors selon moi que tout ce que l'employeur fait pour empêcher le syndicat d'exercer ce droit constitue une immixtion interdite par le paragra- phe 8(1). Il importe peu que l'employeur puisse avoir des motifs raisonnables de croire que le syndicat n'a pas le droit d'agir comme il le fait étant donné que la «mens rea» n'est pas un élé- ment du comportement interdit par le paragraphe 8(1).
Il est donc nécessaire, afin de statuer sur la présente demande, de déterminer si l'intimée avait droit à ce qu'un avocat représente les deux contrô- leurs aériens en cause pendant l'enquête de carac- tère administratif instituée par le ministère des Transports.
Le président de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique a répondu par l'affirmative à cette question. Il est vrai que, dans un premier temps, il a conclu que l'article 6.01 de la convention collective conférait aux contrôleurs aériens visés par une enquête de caractère adminis- tratif le droit d'être représentés par un autre employé plutôt que par un avocat; il a toutefois conclu, dans un deuxième temps, que la requérante n'était pas recevable à invoquer les termes de l'article 6.01 de la convention collective, étant donné que la direction du ministère des Transports avait, par sa conduite antérieure, laissé entendre au syndicat qu'elle partageait son interprétation dudit article ou que, de toute façon, elle n'exigerait pas qu'il soit satisfait aux dispositions de cet article.
Comme mon collègue le juge Heald, je souscris à l'interprétation de l'article 6.01 de la convention collective faite par le président de la Commission. En vertu de cette disposition, les contrôleurs aériens visés par une enquête de caractère adminis-
tratif n'avaient pas le droit d'être représentés par avocat; ils n'avaient que celui d'être accompagnés par un collègue de travail.
Je suis également d'accord avec le juge Heald pour dire que le président a eu tort de conclure que la requérante n'était pas recevable à invoquer l'ar- ticle 6.01. Bien que la théorie de la force obliga- toire d'une promesse soit loin d'être claire, il semble établi qu'il ne peut exister une telle irrece- vabilité en l'absence de promesse, expresse ou implicite, dont les effets sont clairs et précis. En l'espèce, le comportement qui donnerait naissance à l'irrecevabilité est celui de la direction du minis- tère des Transports qui, pendant plusieurs années à ce qu'il semble, a laissé les employés en cause dans des enquêtes de caractère administratif retenir les services d'avocats pour les représenter au cours desdites enquêtes. A mon avis, un tel comporte- ment ne constituait pas une promesse claire et précise par laquelle le Ministère manifestait qu'il était d'accord avec l'interprétation de l'article 6.01 faite par le syndicat, ou par laquelle il s'engageait à ne pas invoquer dans l'avenir le sens véritable de l'article 6.01. En outre, il semble également établi que la théorie de la force obligatoire d'une pro- messe exige non seulement que la promesse soit claire et précise, mais aussi qu'elle ait amené celui qui a reçu cette promesse à agir autrement qu'il l'aurait fait en d'autres circonstances. On affirme en l'espèce que le comportement du ministère des Transports a amené le syndicat à s'abstenir de demander une modification de l'article 6.01 de la convention collective. Tout comme mon collègue Heald, je suis d'avis que c'est inexact. C'est en raison de sa propre interprétation dudit article et non du comportement du Ministère que le syndicat n'a jamais essayé de le faire modifier. Si aucune enquête ou instruction n'avait été tenue et si le Ministère, par conséquent, n'avait fait aucune pro- messe à ce sujet, le syndicat aurait continué à invoquer son interprétation de l'article et se serait abstenu de demander qu'il soit modifié.
La dernière question à trancher consiste à déter- miner si, malgré l'article 6.01 de la convention collective, les contrôleurs aériens en cause dans une enquête de caractère administratif pourraient avoir le droit d'être représentés par avocat, en application des principes d'équité mentionnés par
la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nichol- son' et dans le second arrêt Martineau 2 .
Avant de répondre à cette question, il y a lieu d'apporter certaines précisions sur les enquêtes de caractère administratif. Ces enquêtes de caractère essentiellement privé sont effectuées à la demande du ministère des Transports lorsqu'il existe des motifs de croire qu'un contrôleur aérien a commis une erreur. Leur seul but est d'établir les faits; elles n'ont aucune valeur juridique puisqu'elles ne sont ni prescrites ni autorisées par la loi ou les règlements; elles n'ont lieu que parce que le minis- tère des Transports ordonne qu'elles soient effec- tuées. Elles sont de la même nature que les enquê- tes privées effectuées par un employeur pour déterminer si ses employés ont fait leur travail de manière satisfaisante. Il est vrai que ces enquêtes peuvent mener à certaines conclusions qui pour- ront servir plus tard de fondement à une mesure disciplinaire de la part de l'employeur. Toutefois, l'employeur peut refuser de tenir compte de ces conclusions puisqu'elles n'ont aucune valeur juridi- que et décider d'imposer ou non des sanctions, peu importe le résultat de l'enquête, ou même sans tenir d'enquête.
À mon avis, les principes de l'équité procédurale invoqués par l'intimée ne s'appliquent pas aux enquêtes de cette nature. J'estime également que, même si ces principes s'appliquaient, ils n'exige- raient pas que le droit d'être représenté par avocat soit conféré aux contrôleurs aériens en cause. Je ne crois pas qu'il soit inéquitable d'exclure les avocats de ce genre d'enquêtes, surtout lorsque l'agent négociateur des employés en cause a expressément accepté dans la convention collective qu'ils en soient exclus.
Par ces motifs, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision contestée et je renverrais l'affaire à la Commission afin qu'une décision soit rendue en tenant compte du fait
a) qu'il n'existe pas de fin de non-recevoir empê- chant la requérante d'invoquer le sens véritable de l'article 6.01 de la convention collective; et
' Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Com missioners of Police, [ 1979] 1 R.C.S. 311.
2 Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Mats- qui, [1980] 1 R.C.S. 602.
b) que les principes de justice naturelle et d'équité procédurale n'exigent pas que les con- trôleurs aériens en cause en l'espèce soient représentés par avocat au cours d'une enquête ou instruction de caractère administratif.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 visant l'examen et l'annulation d'une décision rendue par J. Harold Brown, c.r., président de la Commission des rela tions de travail dans la Fonction publique, le 10 juin 1983.
Le 18 mai 1983, l'intimée a saisi la Commission des relations de travail dans la Fonction publique d'une plainte, en vertu de l'article 20 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique' portant notamment que le Conseil du Trésor, le ministère des Transports, J. P. Little et R. G. Bell ont violé le paragraphe 8(1) de ladite Loi et l'arti- cle 6.01 de la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l'intimée parce qu'ils ont porté atteinte au droit de deux membres de l'Asso- ciation intimée (J. Lycan et R. Scott) d'être repré- sentés par l'intimée au cours d'une enquête menée par un comité composé de trois personnes (présidé par le requérant Little) et établi pour faire enquête sur certaines irrégularités d'exploitation à l'aéro- port international d'Ottawa. Ces irrégularités met- taient en cause MM. Lycan et Scott qui sont tous deux contrôleurs aériens et membres de l'Associa- tion intimée. Le comité d'enquête a fixé au 16 mai 1983 la tenue d'une audition à Ottawa à laquelle MM. Lycan et Scott devaient comparaître et témoigner. L'intimée a retenu les services d'un avocat d'Ottawa, Me David Jewett, pour les y représenter. Le requérant Little, en sa qualité de président de l'enquête, a refusé de permettre à Me Jewett d'assister à l'audition à quelque titre que ce
' Les dispositions pertinentes de l'article 20 sont libellées comme suit:
20. (1) La Commission doit se renseigner et enquêter sur toute plainte à elle faite portant que l'employeur ou une personne agissant pour son compte, ou une association d'em- ployés ou une personne agissant pour son compte a omis
a) d'observer les interdictions prévues par les articles 8, 9
ou 10;
soit. Il a cependant autorisé un membre de l'inti- mée, M. Marchand, à représenter MM. Lycan et Scott à l'enquête. Il n'est pas contesté que, pendant toute la période en cause, M. Little était «préposé à la gestion ou à des fonctions confidentielles» au sens du paragraphe 8(1), puisqu'il était employé par Transports Canada comme chef de section, Ottawa, organe ATC, aéroport international d'Ottawa.
L'intimée a déposé une plainte en vertu de l'arti- cle 20 parce que, à son avis, le refus du requérant Little de permettre aux contrôleurs Lycan et Scott d'être représentés par l'avocat dont elle avait retenu les services violait le paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique 4 , compte tenu en particulier des disposi tions de l'article 6.01 de la convention collective en vigueur entre l'intimée et le Conseil du Trésor. L'article 6.01 porte:
6.01 Lors de toute enquête, séance d'audition ou instruction de caractère administratif concernant une irrégularité d'exploita- tion les actes d'un contrôleur de la circulation aérienne peuvent avoir eu des rapports avec les événements ou les circonstances y conduisant et lorsque le contrôleur est tenu de se présenter à l'enquête, séance d'audition ou instruction de caractère administratif concernant une telle irrégularité, il peut être accompagné d'un représentant des employés de son choix.
Les 7 et 8 juin 1983, la Commission des relations de travail dans la Fonction publique, sous la prési- dence de M. J. Harold Brown, c.r., a entendu la plainte portée en vertu de l'article 20, et a rendu sa décision le 10 juin 1983. Dans ses motifs, le prési- dent de la Commission a conclu que «l'enquête exhaustive» commencée par l'employeur en 1982 et qui avait mené à l'audition du 16 mai 1983 devant le comité d'enquête constituait une «enquête, séance d'audition ou instruction de caractère administratif concernant une irrégularité d'exploi- tation» au sens de l'article 6.01 précité. On a également fourni la preuve non contestée qu'au cours de toutes les enquêtes de caractère adminis- tratif tenues depuis septembre 1977, il était permis aux contrôleurs, lorsqu'ils le souhaitaient, d'être représentés par l'avocat choisi par l'intimée.
^ Le paragraphe 8(1) est libellé comme suit:
8. (1) Il est interdit à toute personne préposée à la gestion ou à des fonctions confidentielles, agissant ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou l'administration d'une association d'employés ou à la repré- sentation des employés par une telle association, ou de s'y immiscer.
M. Brown a en outre fait remarquer qu'il n'y avait pas de preuve laissant supposer que, pendant les quinze années pendant lesquelles l'article 6.01 a constitué un élément des diverses conventions col lectives passées entre les parties, l'intimée s'était vu refuser le droit de représenter ses employés par un avocat lorsqu'elle avait choisi ce mode de repré- sentation. M. Brown a ensuite jugé que les termes «représentant des employés», à l'article 6.01 pré- cité, visaient uniquement un employé de Trans ports Canada de l'unité de négociation du groupe du contrôle de la circulation aérienne et que le sens de ces termes «... ne peut être élargi pour inclure un avocat». Il a ensuite conclu que la preuve mentionnée ci-dessus démontrait un comportement qui, interprété de manière raisonnable, pourrait avoir amené l'intimée à croire que Transports Canada ne ferait pas valoir strictement ses droits selon l'article 6.01, et qu'il serait inéquitable de permettre à Transports Canada et au Conseil du Trésor de revendiquer l'application des dispositions de l'article 6.01, c'est-à-dire d'exiger que seul un membre de l'unité de négociation du groupe du contrôle de la circulation aérienne puisse agir comme représentant d'un employé à une enquête de caractère administratif concernant des irrégula- rités d'exploitation. Il a conclu en outre que l'inti- mée avait fait confiance, à son détriment, à l'atti- tude adoptée par le Ministère, étant donné que Transports Canada n'avait à aucun moment jus- qu'à mai 1983 proposé ni exigé le changement de cette pratique, et qu'il était alors impossible pour l'intimée d'exiger que le Conseil du Trésor négocie un changement de sa nouvelle façon de procéder pendant la durée de la présente convention collec tive. Par conséquent, M. Brown était d'avis que tous les éléments de l'application de la doctrine de l'irrecevabilité étaient présents. Par la suite, il a jugé que le Conseil du Trésor, Transports Canada et M. John P. Little avaient violé le paragraphe 8(1) de la Loi parce qu'ils s'étaient immiscés dans la représentation des employés par l'intimée.
J'examinerai d'abord l'opinion de M. Brown selon laquelle les termes «représentant des employés» à l'article 6.01 de la convention collec tive doivent être interprétés dans un sens strict de manière à n'y inclure que des représentants qui soient eux-mêmes des employés. Je partage cette opinion lorsqu'on interprète ces termes dans le contexte de l'ensemble de la convention collective.
Lorsque les parties désiraient préciser que les employés ou les comités d'employés avaient droit d'être assistés par d'autres représentants que des collègues, le texte de la convention était clair et précis. (Voir par exemple, les articles 2.04, 5.04, 5.12 et 5.14.) En outre, comme M. Brown l'a souligné, l'article 6.05 prévoit notamment que le représentant d'un contrôleur à une enquête concer- nant des irrégularités d'exploitation ne doit rien perdre de sa rémunération normale lorsqu'il com- paraît à l'enquête. À mon avis, cela indique ample- ment que le «représentant» visé à l'article 6.01 est un collègue du contrôleur. Je conclus donc que le président Brown n'a pas interprété de façon erro- née l'article 6.01.
Je passe maintenant à la conclusion du président Brown selon laquelle, eu égard aux faits de l'es- pèce, on a démontré en ce qui concerne l'article 6.01 de la convention l'existence des éléments essentiels à une irrecevabilité fondée sur la con- duite. Le président de la Commission s'inspirant des principes dégagés par le lord juge Denning dans l'arrêt Combe v. Combe 5 et les appliquant aux faits de l'espèce, a déclaré que les questions à trancher étaient les suivantes:
(1) Transports Canada, par sa conduite, a-t-il amené l'intimée à croire qu'il n'appliquerait pas strictement les droits prévus à l'article 6.01? et
(2) compte tenu des négociations qui ont eu lieu entre les parties, serait-il injuste de permettre à l'employeur de revendiquer l'application stricte des dispositions de l'article 6.01 étant donné que l'intimée s'était fiée, à son détriment, au com- portement de Transports Canada?
M. Brown a conclu, eu égard à la preuve, qu'il fallait répondre par l'affirmative à la question (1). Il a également répondu par l'affirmative à la ques tion (2) et il a déclaré (dossier conjoint, p. 139):
43. En l'espèce, la plaignante a présumé que se perpétuerait la pratique de Transports Canada qui est établie depuis 1977 et remonte peut-être à beaucoup plus loin encore, selon laquelle les contrôleurs concernés pouvaient, s'ils le désiraient, être représentés par un avocat choisi par l'ACCTA au cours d'en- quêtes de caractère administratif. En outre, ce n'est qu'en mai de cette année que Transports Canada a suggéré ou demandé que cette pratique soit changée. Dans ces circonstances, il est naturel que la plaignante n'ait pas cru nécessaire de présenter des propositions au cours de négociations antérieures afin de
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faire garantir par écrit son droit de faire représenter ses membres par un avocat de son choix. On peut donc dire à bon droit que cette conduite a été préjudiciable à la plaignante. Par conséquent, je suis convaincu que la dernière condition pour qu'il y ait irrecevabilité fondée sur la conduite a été remplie.
Je ne crois pas qu'on puisse appliquer la doctrine de l'irrecevabilité aux faits de l'espèce car, à mon avis, la preuve versée au dossier ne permet pas de déterminer l'attitude adoptée par Transports Canada quant à l'interprétation de l'article 6.01 de la convention collective. Selon le témoignage non contesté de William Robertson, le dernier prési- dent de l'intimée, les contrôleurs étaient rarement représentés par un avocat avant 1983, alors que l'intimée avait droit à ce qu'ils soient ainsi repré- sentés (voir dossier conjoint, p. 127) parce que les commissions d'enquête sur les faits ne pouvaient attaquer leur conduite et parce qu'aucun élément de preuve démontrant un rendement insuffisant pouvait être utilisé contre un contrôleur dans des poursuites disciplinaires ultérieures. Il ressort de ce témoignage que l'intimée a considéré, au fil des ans, que l'article 6.01 lui accordait le droit de faire représenter ses employés par un avocat. Ainsi, le problème n'a pas résulté d'un comportement ni d'actions de Transports Canada eu égard à l'arti- cle 6.01 auxquels l'intimée se serait fiée à son propre détriment, mais plutôt de l'interprétation erronée de cet article par l'intimée (si je com- prends bien l'affaire). Je ne saurais donc me rallier à l'opinion de M. Brown selon laquelle les faits de l'espèce prouvent l'existence d'une irrecevabilité fondée sur une conduite particulière.
M. Brown a ensuite tranché dans un très court paragraphe ce qui, à mon avis, constitue la ques tion la plus importante soulevée par la présente demande, savoir s'il y a eu violation du paragraphe 8(1) de la Loi. Il a dit à la p. 139 du dossier conjoint:
44. La seule question qui reste à trancher est de savoir s'il y a eu violation du paragraphe 8(1) de la Loi. Me fondant sur son libellé, je suis obligé de conclure que les défendeurs, le Conseil du Trésor, Transports Canada et M. John P. Little, se sont immiscés dans la représentation des employés par le plaignant, en violation du paragraphe 8(1) de la Loi. La preuve ne permet pas de tirer la même conclusion pour ce qui est du défendeur M. R.G. Bell.
Je dois d'abord dire que, comme M. Brown, je conclus qu'il y a eu en l'espèce violation du para- graphe 8(1) de la Loi. Toutefois, étant donné les allégations de la requérante, j'estime qu'il est
essentiel d'examiner cette conclusion avec soin et en détail. L'avocat de la requérante soutient que le paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique était simplement destiné à empêcher un employeur de se mêler des relations existant entre un employé et son agent négociateur et [TRADUCTION] «... n'est pas des- tiné à donner accès à l'agent négociateur auprès de l'employeur, même quand il s'agit apparemment de faire des observations au nom d'un employé». Je rejette sommairement cette conception étroite et limitée de la représentation. Il est depuis long- temps accepté dans le domaine des relations de travail que l'obligation pour un agent négociateur accrédité de représenter les membres de l'Associa- tion est continuelle et concerne absolument tous les aspects des conditions d'emploi des employés. Je n'hésite donc pas à conclure que l'intimée s'occu- pait de la représentation des employés Lycan et Scott lorsqu'elle a retenu les services d'un avocat pour les représenter à l'enquête. La question sui- vante consiste à déterminer si le requérant Little en refusant de permettre que les employés soient représentés par un avocat à l'enquête s'est immiscé dans ce devoir de représentation. Le Shorter Oxford English Dictionary donne la définition suivante de «interfere» (s'immiscer):
[TRADUCTION] Choses, actions, etc.: Entrer en collision ou en opposition de manière à faire obstacle ... Personnes: Se mêler de quelque chose; s'interposer dans quelque chose, en particu- lier sans en avoir le droit ... influer sur un acte; intervenir.
Le Living Webster Encyclopedic Dictionary définit «interfere» (s'immiscer) notamment comme suit:
[TRADUCTION] s'opposer, faire obstacle à ou entraver; interve- nir ou s'interposer dans les affaires d'une autre personne, en particulier de façon importune ou sans autorisation; s'ingérer
Je suis convaincu, en me fondant sur ces défini- tions du dictionnaire et sur ma propre évaluation du sens ordinaire du terme «interfere» (s'immiscer) dans la langue courante, que le requérant Little en refusant de permettre la représentation par avocat à l'enquête intervenait et s'interposait dans les affaires des employés Lycan et Scott et dans celles du syndicat intimé, et, par conséquent, s'immisçait dans la représentation par l'intimée de ses mem- bres qui étaient employés par le requérant, le Conseil du Trésor. Cependant, cela ne tranche pas nécessairement de manière définitive les questions soulevées par la présente demande. Peut-on affir- mer que l'administration s'immisce dans la repré-
sentation des employés par l'agent négociateur au sens du paragraphe 8(1) dans un cas où, comme en l'espèce, la convention collective signée par les parties n'accorde pas à ces deux contrôleurs le droit, stipulé par contrat, d'être représentés par avocat 6 ? À mon avis, il s'agirait encore d'une intervention ou d'une ingérence dans les affaires d'autrui qui entre dans la définition de «immix- tion». C'est également, selon moi, une immixtion dans le droit et l'obligation de l'Association inti- mée d'essayer de représenter ses membres de la manière la plus efficace possible. Cependant, compte tenu des faits particuliers de l'espèce, je crois que, indépendamment de la convention col lective, la common law imposait une obligation d'agir équitablement que le requérant Little n'a pas respectée. J'affirme ce qui précède en raison des faits non contredits suivants: depuis 1977, sinon depuis beaucoup plus longtemps, Transports Canada avait pour pratique de permettre que les contrôleurs en cause dans les enquêtes de caractère administratif soient représentés, lorsqu'ils le dési- raient, par les avocats dont les services étaient retenus par l'intimée. Avant décembre 1982, les contrôleurs étaient rarement représentés par avocat étant donné que les commissions d'enquête sur les faits ne pouvaient attaquer leur conduite et qu'aucun élément de preuve démontrant un rende- ment insuffisant ne pouvait être utilisé contre eux dans des poursuites disciplinaires ultérieures. Cependant, en décembre 1982, les lignes directri- ces concernant les irrégularités d'exploitation de l'ATS ont été modifiées de manière à ce qu'à la suite [traduction] «d'enquêtes exhaustives» effec- tuées par des [traduction] «comités formés de trois personnes», ces comités, contrairement aux com missions d'enquête sur les faits, soient habilitées à attribuer la responsabilité d'un incident à un employé et à prendre des mesures disciplinaires. La preuve indique que l'intimée offrait les services d'un avocat à ces contrôleurs parce que l'«enquête exhaustive» pouvait nuire à la carrière d'un contrô- leur. Ce n'est qu'en mai 1983 que Transports Canada a proposé ou demandé que la pratique solidement établie qui consistait à permettre la représentation par avocat soit modifiée. On aurait pu penser qu'avec les modifications (mentionnées
6 À supposer que mon interprétation de l'article 6.01 de la convention collective soit correcte.
plus haut) apportées aux lignes directrices en 1982 et rendant les conséquences éventuelles des enquê- tes exhaustives beaucoup plus graves pour les con- trôleurs touchés, la simple équité aurait poussé Transports Canada à appliquer avec plus de sou- plesse le droit d'être représenté par avocat plutôt que de le restreindre. Il faut se rappeler qu'il s'agissait d'une enquête exhaustive sur certaines irrégularités d'exploitation. La convention collec tive définit les irrégularités d'exploitation comme des situations dans lesquelles la sécurité des vols aurait pu être compromise ou l'espace minimum n'aurait pas été respecté, ou les deux. La plainte de l'intimée porte (dossier conjoint, p. 001):
[TRADUCTION] L'enquête de M. Little avait une portée géné- rale et la gamme des décisions qu'il pouvait prendre contre les employés allait de la mesure disciplinaire au renvoi.
Étant donné ces circonstances, je pense que la décision de lord Denning, maître des rôles, dans Pen v. Greyhound Racing Associàtion, Ltd. 7 est pertinente en l'espèce. Dans cet arrêt, les délégués d'une association de course vérifiaient le permis d'un entraîneur de lévriers. À une audition, l'en- traîneur a demandé à être représenté par avocat. Sa demande a été rejetée. Lord Denning a déclaré à la page 549:
[TRADUCTION] La question est la suivante: l'entraîneur a-t-il le droit de se faire représenter par avocat? Le club s'est opposé à la présence d'un conseiller juridique. Le secrétaire du club a déclaré dans son affidavit:
«Si le droit à la présence d'un conseiller juridique était accordé, cela causerait du retard et des difficultés qui feraient obstacle à l'intention des délégués de voir leurs réunions se dérouler rapidement et équitablement.»
L'avocat des défendeurs affirme qu'il incombe aux délégués de décider de la procédure à suivre. Ils peuvent décider de ne pas entendre d'avocats et cette décision ne peut donner lieu à l'intervention des tribunaux.
Je ne peux accepter cette prétention. Le demandeur fait face à une accusation grave. Il est accusé soit d'avoir dopé un lévrier soit d'avoir manqué à ses devoirs de sorte que le lévrier a été dopé par quelqu'un d'autre. S'il est déclaré coupable, il peut être suspendu ou son permis peut ne pas être renouvelé. L'accu- sation compromet sa réputation et ses moyens d'existence. Dans cette enquête, j'estime qu'il a non seulement le droit de compa- raître en personne, mais aussi de se faire représenter. Même un détenu peut se faire assister d'un ami. La règle générale applicable a été formulée par le juge STIRLING dans Jackson & Co. v. Napper, Re Schmidt's Trade Marks (1886), 35 Ch.D. 162,à la p. 172:
u... que, sous réserve de certaines exceptions bien connues, toute personne qui jouit d'une pleine capacité juridique a le
7 [1968] 2 All E.R. 545 (C.A.).
droit de se donner un mandataire pour quelque but que ce soit, et qu'elle peut le faire tout aussi bien pour l'exercice d'un droit prévu par la loi que pour celui d'un droit quelconque.»
Cette règle a été appliquée à une audition devant un comité d'évaluation dans l'affaire R. v. St. Mary Abbotts, Kensington Assessment Committee, (1891) 1 Q.B. 378. On y a jugé qu'un contribuable avait le droit de se faire représenter par un arpenteur. Du moment qu'on admet qu'une personne a le droit de comparaître par représentant, je ne vois pas pourquoi ce représentant ne pourrait pas être un avocat. Il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir se défendre soi-même, de soulever les points en sa faveur ou faire ressortir les faiblesses des argu ments de la partie adverse. On peut être incapable de parler ou, nerveux, paraître confus ou dépourvu d'intelligence. On peut ne pas savoir interroger ou contre-interroger les témoins. Nous voyons ce genre de cas tous les jours. Un magistrat dit à quelqu'un de poser des questions et la personne se met aussitôt à faire un discours. Si justice doit être faite, on doit pouvoir charger quelqu'un de parler pour soi, et qui est mieux préparé pour cela qu'un avocat, dont c'est le métier? J'estime donc que lorsque la réputation d'une personne ou ses moyens d'existence sont en jeu, elle a non seulement le droit de se défendre elle-même, mais aussi le droit de se faire représenter par avocat.
Je sais que le juge MAUGHAM a déjà exprimé une opinion contraire dans l'arrêt Maclean v. Workers Union, (1929) All E.R. Rep. 468, à la p. 471; (1929) 1 Ch. 602, à la p. 621, parlant des tribunaux internes, il a déclaré:
«Un avocat n'a pas le droit de plaider devant un tel tribunal et il n'existe aucun moyen efficace de vérifier par un contre-interrogatoire la véracité des déclarations qui peuvent y être faites.»
Je me contenterai de dire qu'il est passé beaucoup d'eau sous les ponts depuis 1929. L'opinion incidente considérée peut se justifier lorsqu'il s'agit seulement de cas les tribunaux statuent sur des questions de moindre importance et la présence d'un conseiller juridique peut à bon droit être exclue par les règles. (Il semble que l'arrêt Re Macqueen and Nottingham Caledonian Society (1861), 9 C.B.N.S. 793 fut l'un de ces cas particuliers.) Toutefois, cette opinion ne s'appli- que pas aux cas les tribunaux sont saisis de questions qui concernent la réputation d'une personne ou ses moyens d'exis- tence, ou de toutes questions de grande importance. La justice naturelle exige alors que l'intéressé puisse, si tel est son désir, se faire défendre par un avocat.
À mon avis, ce raisonnement s'applique en l'es- pèce. Les contrôleurs Lycan et Scott faisaient face à des accusations graves pouvant avoir des consé- quences sérieuses et concernant leur réputation ou leurs moyens d'existence. On aurait leur donner la possibilité de se faire défendre par un avocat préparé à ce faire. Si on ajoute cela au fait que pendant des années on a permis la représentation par avocat dans des situations dont les conséquen- ces étaient moins graves et qu'on a mis fin à cette pratique sans avertissement d'aucune sorte, j'en
conclus que la requérante a violé son obligation d'agir équitablement envers les contrôleurs concer nés; de plus, compte tenu des circonstances parti- culières de l'espèce, les contrôleurs Lycan et Scott avaient droit de bénéficier des services d'un avocat et la requérante, en leur refusant l'exercice de ce droit, s'est «immiscée» dans la représentation de ces derniers par l'intimée et ce, en violation du paragraphe 8(1) de la Loi.
Je voudrais souligner qu'il ne faut absolument pas croire que cette conclusion signifie que l'obli- gation d'agir équitablement dans des procédures de caractère administratif exige dans tous les cas qu'on accorde aux parties en cause la possibilité de se faire représenter par avocat. Comme le juge Dickson l'a déclaré dans l'arrêt Martineau 8 : «En conclusion, la simple question à laquelle il faut répondre est celle-ci: compte tenu des faits de ce cas particulier, le tribunal a-t-il agi équitablement à l'égard de la personne qui se prétend lésée?» Étant donné les faits de l'espèce, je réponds par la négative à cette question pour les motifs exposés plus haut.
Par conséquent, je rejetterais la demande fondée sur l'article 28.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: J'ai eu le privilège de lire les motifs de jugement rédigés par le juge Pratte et le juge Heald. Comme le juge Pratte, j'estime que la demande fondée sur l'article 28 devrait être accueillie. Je souscris également aux motifs de sa décision, mais avec une réserve cependant en ce qui concerne l'application à l'enquête en l'espèce des principes d'équité élaborés dans les causes relatives à des procédures administratives.
J'estime qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si le caractère de l'enquête administrative exigeait qu'elle soit menée conformément aux normes d'équité de sorte que les conclusions en résultant seraient sujettes à révision par voie de certiorari ou par un autre moyen. Si on laisse de côté pour le moment l'article 6.01 de la convention collective, on constate qu'il aurait pu être inéquitable de
8 Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Mats- qui, [1980] 1 R.C.S. 602, la p. 631.
refuser à MM. Lycan et Scott le droit d'être représentés par un avocat choisi par leur agent négociateur, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien. La question de savoir si les actes faits par un tribunal au cours de procédures admi- nistratives sont inéquitables dépend des faits parti- culiers de chaque cas. En l'espèce, la présence de l'article 6.01 de la convention collective constitue un élément important pour déterminer si M. Little a agi inéquitablement en refusant à MM. Lycan et Scott le droit d'être représentés par un avocat choisi par leur agent négociateur. Je souscris à l'interprétation de l'article 6.01 faite par le prési- dent de la Commission et à celle des juges Pratte et Heald. En vertu de cet article, MM. Lycan et Scott avaient le droit d'être accompagnés par un collègue mais non par un avocat. En réalité, ils ont été représentés par un membre de l'Association. L'Association a souscrit à l'article 6.01 en sa qualité d'agent négociateur. Je suis en outre d'ac- cord avec les juges Pratte et Heald pour dire que l'employeur était recevable à invoquer cet article.
À mon avis, on ne peut considérer que M. Little a agi de manière inéquitable en exigeant le respect d'une condition de la convention collective alors que, comme nous l'avons conclu, rien dans les circonstances de l'affaire ne l'empêchait de le faire. Ainsi, le refus en l'espèce de permettre le recours aux services d'un avocat ne pouvait être considéré comme une violation d'un principe d'équité administrative, même si on présumait que les principes d'équité étaient applicables. J'estime également qu'il ne peut constituer une interven tion, aux termes du paragraphe 8(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, dans le droit de MM. Lycan et Scott d'être repré- sentés par leur association d'employés.
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